- Le Pirate (roman)
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Le Pirate Première édition françaiseAuteur Walter Scott Genre roman Version originale Titre original The Pirate Éditeur original Archibald Constable and Co. Langue originale • anglais
• scots des LowlandsPays d'origine Écosse Lieu de parution original Édimbourg Date de parution originale décembre 1821 Version française Traducteur « le traducteur des romans historiques de sir Walter Scott » (Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret — selon Quérard) Lieu de parution Paris Éditeur Charles Gosselin Date de parution 1822 Type de média 4 vol. in-12 Nombre de pages 1 216 Série Waverley Novels Chronologie Kenilworth Les Aventures
de NigelLe Pirate (The Pirate) est un roman de Walter Scott paru en 1821, dans la série des Waverley Novels. Il se propose de faire découvrir au lecteur les mœurs, les coutumes et les superstitions qui étaient celles des Shetlandais à la fin du XVIIe siècle, c’est-à-dire avant que les Écossais n’imposent les leurs.
Sommaire
Argument
Le livre est librement inspiré du retour aux Orcades du pirate John Gow en janvier 1724, et de sa romance avec une jeune personne fortunée de ces îles. Celle-ci, dit-on, se rendit à Londres juste après l’exécution de Gow, et obtint de voir le cadavre. Elle lui toucha la main, reprenant ainsi la foi qu’elle lui avait donnée — pour s’épargner d’être visitée par le fantôme en engageant par la suite, auprès de quelque vivant, une foi promise au défunt[1].
En tentant de cerner les deux êtres, en explorant notamment à travers le personnage de Minna l’isolement, la crédulité, le romanesque, les superstitions d’une jeune femme d’îles éloignées, Scott essaie de comprendre comment une telle liaison a été possible.
Scott situe son histoire à la fin du XVIIe siècle, dans le sud de Mainland, la plus grande des îles Shetland, qu’il a visitée en 1814. Dans le dernier quart du livre, l’action se transporte aux Orcades.
Contexte historique
Conquises par les Vikings au IXe siècle, les îles Shetland restent norvégiennes durant cinq siècles. En 1472, pour une affaire de dot impayée (mariage de Jacques III d'Écosse et de la fille de Christian Ier de Danemark et de Norvège), l’Écosse annexe les Shetland.
Cependant, en cette fin de XVIIe siècle, des divisions affaiblissent l’oppresseur[2] écossais, dans son propre pays : les montagnards s’arment contre les habitants des basses-terres, les williamites contre les jacobites, les whigs contre les tories. Et l’Angleterre s’arme contre l’Écosse.
Comme souvent dans ses romans historiques, Walter Scott saisit le moment où l’ordre ancien (les vieilles coutumes norvégiennes, incarnées dans Magnus Troil) s’apprête à laisser la place à l’ordre nouveau (le féodalisme écossais, représenté par Yellowley). Dans les dernières pages, l’arrivée de la frégate anglaise Alcyon (l’oiseau d’heureux présage) annonce même la prise en main par le Parlement de Londres des intérêts des commerçants écossais (représentés ici par les marchands de Kirkwall) : les actes d’Union, une dizaine d’années plus tard, donneront naissance à la Grande-Bretagne.
Résumé
Aux Shetland
Sur le promontoire désolé de Sumburgh, près du hameau d'Iarlshof, le mystérieux Basile Mertoun et son fils Mordaunt vivent en location, depuis trois ou quatre ans, dans un « château » délabré appartenant au vieux Magnus Troil.
Durant les « heures sombres » de son père, Mordaunt fait de longues escapades sur la mer et dans l’île. Il profite notamment de l’hospitalité de leur propriétaire, qui vit une vingtaine de miles plus au nord, dans son château de Burgh-Westra. Magnus Troil a deux filles, la brune et grave Minna et l’enjouée Brenda, desquelles Mordaunt est très proche, mais entre lesquelles il n’a pas fait son choix.
Dédaignant les recommandations des Shetlandais (ne jamais porter secours aux naufragés, ils n’attirent que des ennuis), Mordaunt, un lendemain de tempête, sauve un marin de la noyade. Ce Clément Cleveland, individu déplaisant, est recueilli chez Magnus Troil. Et Mordaunt reste plusieurs semaines sans la moindre nouvelle de Burgh-Westra.
À la Saint-Jean, Magnus Troil offre une grande fête à toute la contrée. Mordaunt se décide à s’y rendre, bien qu’il se doute avoir été supplanté dans le cœur de ses amis par l’homme qu’il a sauvé.
En effet, il est reçu froidement, tant par le père que par les deux filles. Mais Brenda lui fait savoir qu’en secret elle lui garde son estime : elle ne veut rien croire de la calomnie répandue par un Cleveland dont on ignore tout. Minna, en revanche, a trouvé dans cet inquiétant personnage un amoureux à la mesure de son imagination.
Au matin, la fête se poursuit dans une chasse à la baleine. Cleveland sauve à son tour Mordaunt de la noyade. Estimant avoir ainsi payé sa dette, il fait comprendre au garçon qu’ils sont désormais rivaux, et que la chose risque de se régler à coups de fusil.
En pleine nuit, Norna, une lointaine et étrange parente de Magnus, apparaît dans la chambre des deux filles Troil pour leur raconter sa propre histoire et son pacte avec un nain maléfique. Elle aussi, jadis, aux Orcades, a préféré la passion pour un fatal étranger à l’amour sage du jeune Magnus, à qui sa famille la destinait.
Cleveland apprend à Minna qu’il est un pirate, ce qui ne la dérange nullement. Minna est une descendante des pirates vikings. Selon elle, ces hommes généreux ne franchirent les mers que pour venger les Occidentaux du joug qu’avait fait peser sur eux une Rome dégénérée. Les pirates contemporains (« les guerriers indépendants de l’océan Occidental ») font preuve de la même « grandeur d’âme », et n’attaquent les Espagnols que pour venger le massacre des Indiens. Aussi Minna ne voit-elle pas d’inconvénient à aimer Cleveland, qui prétend faire seulement semblant d’être cruel. Qu’il puisse être intéressé par sa fortune n’effleure pas un instant l’esprit de la jeune fille.
Elle est rongée néanmoins par un secret : elle croit que Cleveland a tué Mordaunt, dont sa sœur est éprise.
Aux Orcades
Mordaunt n’est que blessé. Il a été transporté et soigné par Norna dans l’île de Hoy, aux Orcades. Norna (sur la santé mentale de qui Mordaunt s’interroge) apprend au garçon qu’elle est sa mère. Mais une mère qui précise sans plus attendre qu’elle destine à son fils l’exaltée Minna (en qui elle se reconnaît), et surtout pas la réaliste Brenda (dont l’incrédulité la hérisse).
Pendant ce temps, à Kirkwall, Cleveland a retrouvé ses complices, et notamment son fidèle lieutenant Bunce, à qui il confie ses émois amoureux. Il est tenté d’abandonner le métier pour Minna.
Cleveland est retenu prisonnier par les autorités municipales, tandis que son équipage aborde le brick de Magnus Troil. Ayant reconnu en Minna l’amoureuse de Cleveland, Bunce protège les deux jeunes filles des débordements de l’équipage, et les relâche. Mais Minna, édifiée par la sauvage prestation des forbans, se fait maintenant une image plus exacte de ce qu’est un pirate. À Kirkwall, Norna fait évader Cleveland, qui rejoint son navire et libère Magnus Troil. Cependant il met en danger son équipage, en s’attardant sur les lieux pour revoir une dernière fois Minna. Bunce veut régler le problème en maîtrisant Cleveland et en capturant Minna et sa sœur. L’intervention armée de Mordaunt fait échouer la tentative.
On apprend que Basile Mertoun, le père de Mordaunt, s’appelait autrefois Vaughan. Il était un redoutable pirate. Il eut bien un enfant de Norna. Non pas Mordaunt, mais Cleveland. Mordaunt naquit d’une liaison ultérieure — la paternité de Vaughan étant du reste douteuse, et la mère ayant été assassinée par lui.
La majestueuse apparition de l’Alcyon, frégate anglaise, va mettre fin aux désordres et annoncer des temps nouveaux. Les commerçants de Kirkwall vont pouvoir reprendre plus sereinement leurs activités. Si Scott joue de la nostalgie, s’il met beaucoup de tendresse à détailler le pittoresque, les superstitions, les désordres, il n’oublie de signaler que tout cela est rattaché à des temps révolus. L’Histoire est en marche et la raison, le négoce et la loi du plus fort finissent toujours par triompher. Si la touchante Minna reste fidèle toute sa vie à son égarement de jeune fille naïve, elle ne fait pas moins allégeance à un étouffant conformisme en s’interdisant de revoir l’homme de ses rêves exaltés. Même l’intraitable aristocrate Magnus Troil intègre l’ordre bourgeois cher à Scott[3], en finissant par accepter que Brenda épouse le mal né Mordaunt.
Personnages
- Magnus Troil est un udaller, un propriétaire allodial en vertu des antiques lois norvégiennes — et non des lois féodales que veulent imposer les Écossais. Principal propriétaire du district, il en est en même temps le fowde (juge provincial). D’origine norvégienne, c’est un vieux seigneur simple et honnête, cordial, hospitalier, parfois emporté, aimant le genièvre et l’eau-de-vie. Il vit à Burgh-Westra, avec ses deux filles.
- Basile Mertoun a débarqué sur l’île trois ou quatre ans plus tôt, en compagnie de son fils. On ne sait d’où il vient. Il ne paraît ni riche, ni pauvre. Il a un caractère sombre, mélancolique, ne boit que de l’eau, et ne supporte pas « le caquetage des langues femelles ». Il est locataire, non loin du hameau d’Iarlshof, d’une vieille ferme fortifiée appartenant à Magnus Troil.
- Mordaunt Mertoun, franc, naturel, ouvert, gai, enthousiaste, impétueux, a dix-sept ans et demi. Il s’est parfaitement intégré dans la population de l’île.
- Minna Troil, brune et grave, a dix-neuf ans. Sa vive imagination la porte au romanesque et à la superstition. Coupée des réalités du monde, elle est d’une confondante crédulité.
- Brenda Troil, dix-sept ans, est moins grande et moins brune que sa sœur, mais bien faite, vive, enjouée. Elle danse très bien. Moins imaginative que sa sœur, elle est moins naïve.
- Swertha est la gouvernante des Mertoun. Elle chante à Mordaunt les vieilles ballades norvégiennes et lui conte de lugubres histoires de nains.
- Le vieux Neil Ronaldson est le rauzellaer d’Iarlshof. Il parle longuement, quand il faudrait agir vite.
- L’Écossais Triptolème Yellowley a fait quelques humanités, puis une calamiteuse expérience en tant qu’agriculteur dans les Mearns. Il est devenu le mandataire (le facteur) de l’intendant des Orcades et des Shetland. Ce dernier l’a chargé d’introduire de nouvelles techniques agraires et de nouvelles coutumes dans ces îles. Tout juste arrivé sur Mainland, Triptolème s’est établi avec sa sœur dans une ferme, à mi-chemin de Burgh-Westra et d’Iarlshof.
- Barbara (Baby) Yellowley, la sœur de Triptolème, est acariâtre, égoïste, et d’une sordide avarice qui tranche avec le désintéressement, la générosité et le sens de l’hospitalité des Shetlandais.
- Bryce Snailsfoot (Pied de limaçon) est un colporteur cupide et dévot, voleur, fripon et menteur.
- L’étrange Norna (Ulla Troil), parente éloignée de Magnus Troil, bat la campagne, au propre comme au figuré, s’attribuant la responsabilité de la mort de son père. La rumeur populaire lui attribue un pacte avec les puissances du mal. Elle a parfois ses crises de lucidité, se demandant si elle commande réellement aux éléments ou si elle n’aurait pas plutôt recours à mille petits artifices, asseyant son pouvoir « sur la sotte crédulité des ignorants ».
- Clément Cleveland est un capitaine naufragé, sauvé par Mordaunt. Ses façons déplaisantes ne sont perçues comme telles que par les mâles. Ce pirate sanguinaire prétend avoir « deux caractères » (sa « dureté sauvage » ne serait qu’un masque pour s’imposer parmi les flibustiers). Il minaude et roucoule éperdument, comme un jouvenceau, devant l’ingénue Minna Troil.
- Claude Halcro est un vieux barde. Il aime à raconter avoir puisé, un jour, à Londres, dans la tabatière de John Dryden.
- Érick Scambester est le chambellan et le faiseur de punch de Magnus Troil.
- Lady Glowrowrum est la plus mauvaise langue de l’île. Elle veille sur la vertu de ses nièces, Maddie et Clara Grooatsettars.
- Nick Strumpfer (Pacolet) est le serviteur muet de Norna. Bien des gens pensent qu’il est le diable.
- John Bunce, ancien comédien qui se fait appeler Frédéric Altamont, est le fidèle lieutenant de Cleveland.
- Goffe a pris le commandement des pirates, en l’absence de Cleveland. Robuste, féroce, taciturne, jurant continuellement, il a trop souvent « du grog dans ses agrès ». Il fait frire les oreilles, et les sert à sa victime pour dîner, avec du poivre rouge. Ou bien, durant le conseil d’équipage, il tire sous la table, pour plaisanter (le charpentier n’a plus qu’à amputer).
- Dick Fletcher est un pirate, fidèle de Bunce. Voulant se donner un pseudonyme comme Bunce, il choisit « Timothée Tugmutton ».
Lieux du roman, aux Shetland
Certains lieux du roman se trouvent sur toutes les cartes :
- Lerwick.
- Scalloway.
- Le Dunrossness, longue péninsule au sud de Mainland.
- L’église Saint-Ringan (ou Saint-Ninian) est celle de la presqu’île Saint-Ninian[4].
- Le hameau d’Iarlshof (Jarlshof) et le château (ou vieille maison de Sumburgh, ou maison d’Jarlshof[5]) existent toujours.
- Le cap de Sumburgh, pointe sud-est de l’île[6].
D’autres lieux sont incertains :
- Le nom, la position et la description donnés de Burgh-Westra évoquent l’île de Burra Ouest, reliée par une série de ponts à deux autres îles et à Mainland[7].
- L’île Paba peut être Papa, tout près de Burra Ouest (ou bien, plus au nord, Papa Stour — il y a également Papa Little).
- La ferme de Stour-Burgh (ou Harfra) pourrait désigner une ferme (peut-être imaginaire) sur Mainland, à hauteur de l’île de South Havra[8].
- Le lac Vert n’est pas désigné sur les cartes. Ce pourrait être un des deux petits lacs qui sont près de Skelberry[9].
- Fitful Head est un cap tout au sud de Mainland (pointe sud-ouest). Curieusement, Scott le situe au nord-ouest de l’île[10]. Sans doute s’inspire-t-il, dans la description vertigineuse qu’il en fait[11], du Fraw-Stack (ou Rocher de la Vierge) de l’île Papa[12].
- D’autre noms de lieux enfin semblent forgés par Scott, comme l’halier de Swaraster[13].
Analyse
- Barbey d’Aurevilly qualifie cette histoire de « sublime[14] ».
- Stevenson, qui compte « un ou deux romans de Scott » dans le petit cercle de ses « amis intimes[15] », n’a jamais réussi à finir Le Pirate, ni quand il était enfant, ni devenu adulte[16]. Scott n’est pas loin, selon lui, d’être « le plus grand des romanciers ». Il a en effet de superbes dons, « non seulement pour le romanesque, mais encore pour les accents tragiques », ce qui ne l’empêche pas « de si souvent nous berner avec des fadaises languissantes et incohérentes[17] ». Il résulte de tout cela qu’un « charme indéfinissable » se dégage de certains livres mal soignés, et persiste longtemps après qu’on les a refermés. Le Pirate, roman « mal écrit, dépenaillé », en fournit un bon exemple. L’auteur y fait bien preuve de ses exceptionnelles qualités. Mais aussi de ses faiblesses : le récit est construit sur un « emphatique contraste », résumé dans la doucereuse chanson Par les bosquets de palmiers que susurre le terrifiant pirate lorsqu’il pousse la sérénade sous les fenêtres de Minna[18].
Notes et références
- p. 6 et 7 de l’ebook Canadian Libraries,. « Avertissement », in Walter Scott, Le Pirate,
- Le mot est de Minna, p. 274.
- Taine, Scott écrit « en bourgeois et pour des bourgeois ». Hippolyte Taine, Histoire de la littérature anglaise, Hachette, 1866-1878, t. IV, livre IV, ch. I, section IV, p. 308. Pour Georg Lukács, « seuls des sociologues vulgaires » peuvent voir dans le patriotisme de Scott « une glorification des marchands exploiteurs ». Georg Lukács, Le Roman historique, Payot & Rivages, 2000, p. 56. Michel Crouzet dénonce le point de vue de Lukács. Michel Crouzet, « Préface », in Walter Scott, Waverley, Rob Roy, La Fiancée de Lammermoor, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1981, p. 37 sq. Selon
- À trois ou quatre miles du château de Basile Mertoun, dit Scott, p. 386.
- maisons circulaires de l’Âge du bronze) a été mis à jour à Jarlshof. Plus d’un siècle après le passage de Scott, un important site archéologique (
- Sud-ouest, dit Scott, p. 403.
- Scott situe le lieu à une vingtaine de miles d’Iarlshof.
- Scott la situe à une dizaine de miles d’Iarlshof.
- Scott, p. 148, en donne seulement la taille : pas plus d’un mile de circuit.
- p. 403 et 412.
- p. 413-417.
- Auquel il le compare, p. 412.
- p. 339.
- Les Diaboliques, Le Livre de Poche, 1966, p. 244. Jules Barbey d’Aurevilly, « Le Dessous de cartes d’une partie de whist »,
- Robert Louis Stevenson, « À propos d’un roman de Dumas », Essais sur l’art de la fiction, Payot & Rivages, 2007, p. 89. Le roman de Scott qu’il préfère semble être Rob Roy. Robert Louis Stevenson, « Rosa Quo Loquorum », op. cit., p. 84-86.
- id., p. 86.
- Robert Louis Stevenson, « À bâtons rompus sur le roman », op. cit., p. 227.
- id., p. 225-226.
Liens externes
- ebook Canadian Libraries, 645 p., d’après l'édition Furne, Paris, 1830,.
- ebook Feedbooks, 475 p., d’après la même édition,.
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