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Histoire des Juifs au Brésil
Lors des cinq cents dernières années, pour différentes raisons, le Brésil fut la destination de milliers de Juifs et de Nouveaux Chrétiens (Portugais d'origine juive convertis au christianisme, et pratiquant souvent le judaïsme en secret), qui abordèrent au Brésil arrivant du Portugal, d'Espagne, du Maroc, d'Angleterre, de France, de Turquie, d'Allemagne, d'Autriche, de Russie, de Roumanie, de Hollande, d'Égypte, de nombreux autres pays, et plus récemment du Liban.
Sommaire
Genèse
L'histoire des Juifs au Brésil commence avant l'arrivée des bateaux de Cabral, dont le bras droit, Gaspar de Gama (ou de Lemos), était un Juif polonais. Tout a débuté au début du XVe siècle, quand les Juifs espagnols et portugais furent obligés de se convertir au christianisme, sous peine d'être expulsés de leurs pays s'ils ne le faisaient pas.
L'Espagne vit apparaître le premier grand mouvement migratoire de populations juives en 1492, les Séfarades. Ils quittèrent l'Espagne après la conclusion du traité signé par les Rois catholiques qui expulsèrent ceux d'entre eux qui ne s'étaient pas convertis au christianisme. Ils se dirigèrent vers l'Empire ottoman via la Pologne et la Russie, le Maroc et passèrent aussi au Portugal. En 1496, l'aristocratie portugaise expulsa les Juifs non convertis. Du Portugal, les nouveau convertis, et tout particulièrement ceux qui avaient conservé des pratiques religieuses juives, ne ménagèrent pas leur peine, à partir de 1540, pour émigrer dans le Nouveau monde. À cette époque, le Portugal commençait tout juste la colonisation des terres découvertes. Un nouveau converti, João Ramalho, aurait même, selon l'historien Rocha Pombo, touché les terres de ce qui allait devenir le Brésil avant l'arrivée de Cabral, navigant dans leurs parages en 1497, peu après l'expulsion du Portugal.
L'installation dans le Nouveau monde
Au moins jusqu'au déclenchement de l'Inquisition dans le nouveau pays (1591-1595), les nouveaux convertis s'intégrèrent bien à la société locale. Ils vivaient en bonne entente avec les chrétiens de souche portugais et partageaient avec eux de nouvelles expériences, allaient à l'église, faisaient du négoce et se mariaient entre eux.
De la fin du XVIe à la moitié du XVIIe siècle, beaucoup de propriétaires de fabriques de sucre d'origine "nouveaux convertis" vivaient à Bahia et composaient, même de cette condition, une bonne partie de l'aristocratie sucrière du Pernambouc, formée avec des traficants d'esclaves et des gros commerçants. La crise économique liée à l'évolution du marché du sucre mit en péril la vie de ces gens, et, en 1684, un proriétaire juif, Manoel Beckman, initia un mouvement que l'historien Varnhagen considère comme "la plus sérieuse révolution menée" dans le pays.
Pendant toute cette période, en plus de la catégorie sociale déjà citée et que la possession des moulins à sucre plaçait au plus haut niveau de la société coloniale, il y avait aussi des convertis artisans, petits cultivateurs, commerçants, juristes, militaires et chirurgiens établis dans toutes les Capitaineries. Malgré l'interdiction formelle de participer à l'administration du territoire, ils étaient nombreux à occuper des postes importants . Ils acquirent des charges politiques municipales et de hauts postes bureaucratiques et cléricaux.
La vie dans la Colonie ne leur fut pas toujours facile. La présence de l'Inquisition incita à la dénonciation de l'hérésie et de délits contre la foi catholique. Les motifs pouvaient être tant religieux qu'économiques, mais, de toutes façons, les nouveaux convertis vivaient longtemps sous le signe de la défiance : étaient-ils de vrais chrétiens, ou avaient-ils maintenu, cachée, leur pratique du rite juif, envers et contre tous ? La plupart étaient dénoncés parce qu'ils maintenaient certaines habitudes familiales du judaïsme, comme faire le pain ou laver la maison le vendredi...
Les pratiques juives connurent une première libération lors de la conquête et de l'installation hollandaise au Pernambouc, de 1630 à 1654, opérée par Jean-Maurice de Nassau. Beaucoup de Juifs hollandais, d'origines portugaise et espagnole, s'installèrent dans la Capitainerie, se consacrant principalement au commerce du sucre et des esclaves, et pratiquant la collecte des impôts, dont le droit leur avait été accordé, et pratiquant le même type de tâches que celles qu'ils exerçaient en Europe depuis des siècles. Encouragés par l'arrivée de ces Juifs, beaucoup de nouveaux convertis vivant dans les alentours décidèrent de retourner à la foi de leurs Pères.
La liberté de culte des Juifs dans la Colonie ne fut seulement garantie dans la Constitution de l'Empire du Brésil que par le traité commercial de 1810, signé entre le Portugal et l'Angleterre. Celui-ci permettait la liberté de pratiquer leur religion aux Protestants sujets de la Couronne anglaise qui fréquentaient les marchés du Brésil. Dans les premières décennies du XIXe siècle, les effets de cette tolérance religieuse permirent à des commerçants juifs français et anglais de s'installer à Rio de Janeiro. Le plus connu d'entre eux, le Français Bernard Wallerstein, était le propriétaire d'une maison de mode féminine qui fut le principal fournisseur de la Maison impériale.
Intensification de la migration
Le flux migratoire augmenta avec la liberté de culte précisée ci-dessus.
Les Juifs marocains, descendants directs des communautés expulsées d'Espagne par les Rois Catholiques, arrivèrent au Pernambouc, à Bahia et surtout en Amazonie, où ils s'installèrent autour de 1810. Ils s'établirent tout d'abord à Belém do Pará et, de là, remontèrent le cours du rio Amazonas et de ses affluents, et colonisèrent de nombreuses localités des États du Pará et de l'Amazonas, passant par Manaus et remontant jusqu'à Iquitos, Pérou, où existe encore à ce jour une communauté juive organisée. La principale activité économique de ces pionniers était l'économie extractive locale. Ils s'enfonçaient dans les forêts, luttant contre les préjugés, les difficultés de langue et les maladies pour espérer voir leurs descendants poursuivre vers une vie meilleure et émigrer vers les villes, une fois la fortune accomplie. Leur vie fut bien différente de celle de leurs congénères -nouveaux chrétiens ou Juifs- arrivés trois siècles plus tôt, dont les descendants ne les accueillirent pas avec plaisir.
Une étude génétique réalisée par l'Université Fédérale du Minas Gerais révèle que 16% de la population d'Amazonie qui se déclare blanche descend de Juifs et reste très attachée aux principes du Judaisme. Cette proportion est plus importante qu'à São Paulo, où vivent 60% des 120.000 Juifs brésiliens.
Les Juifs pauvres de l'Est européen arrivèrent aussi, en 1881, fuyant les pogroms dus à l'assassinat du Tsar. Pour faciliter leur transfert vers les colonies agricoles d'Amérique, fut fondée, en 1881, la Yidishe Kolonizatsye Gezelshaft (Association pour la Colonisation Juive). cette organisation agissait dans le but d'éveiller l'intérêt des gouvernements locaux pour l'immigration juive.
Dans les décennies 1920 et 1930, les immigrants venaient non seulement d'Europe Orientale, mais de toutes les regions du défunt Empire ottoman, telles que la Turquie, la Grèce et Rhodes. Venus initialement seuls pour gagner suffisamment d'argent et retourner dans leurs foyers, avec le temps, les possibilités d'ascension économique du pays et l'exacerbation des sentiments antisémites en Europe, ils firent venir leurs familles. Beaucoup s'installèrent á la fin des années 1920 dans le quartier de Bom Fim, à Porto Alegre.
Les années 1930 voient le début d'un grand exode de juifs allemands, dû à l'arrivée des nazis au pouvoir et de la promulgation des Lois de Nuremberg.
La politique d'immigration de l'Estado Novo
À partir de 1930, la venue de Juifs au Brésil fut très discutée. Les nationalistes voulaient une immigration de gens qui participent au développement agricole et qui amènent des capitaux pour le développement du pays. Les Juifs, qui n'obéissaient pas à ces deux critères ne devaient pas immigrer. En 1935, le gouvernement brésilien commença à refuser les visas aux Juifs sous tout un nombre de prétextes, parmi lesquels la préoccupation de définir l'identité nationale et l'ascension des nazis en Allemagne. Pendant l'Estado Novo, une circulaire secrète interdit la délivrance de visas aux "personnes d'origine sémite", y compris pour les touristes et négociants, ce qui provoqua une chute de 75% de l'immigration juive pour cette année.
Cependant, même avec les interdictions de la loi, de nombreux Juifs continuaient à entrer dans le pays de manière illégale pendant la guerre, et les menaces de déportation de masse ne furent jamais réalisées, à l'exception de l'extradition de quelques militants politiques, comme, par exemple, Olga Benário, la compagne de Luís Carlos Prestes, important militant communiste, qui fut envoyée en Allemagne en 1936 et exécutée par les nazis en 1942.
L'interdiction de l'entrée des Juifs dans le pays ne fut pas constante durant la dictature de Vargas ; parfois totalement interrompue, parfois permise pour les uns et pas pour les autres, selon les rapports entre les parents installés au Brésil et les autorités. Souvent des diplomates traitaient le problèmes en fonction de leurs convictions personnelles comme, par exemple, l'ambassadeur Luís Martins de Souza Dantas, qui de Paris sauva de nombreuses vies.
Vie sociale, politique et culturelle
L'inexistence d'antisémitisme ou de pratiques discriminatoires significatives au Brésil a contribué à l'identification des Juifs comme Brésiliens de classes moyennes et au maintien des nombreux liens qui unissent encore la communauté juive.
Ils ont fondé journaux, bibliothèques, écoles, synagogues, associations féminines d'aide mutuelle et de soutien aux nouveaux venus. Ils se sont impliqués dans la vie politique des mouvements socialistes et progressistes et, d'une manière générale, dans la vie politique de tout le pays.
Cette implication leur causa des problèmes sérieux, lors du coup d'État de 1964 qui amena un Gouvernement militaire au Brésil. L'Acte Institutionnel n° 5 (AI-5), promulgué le 13 décembre 1968 et en vigueur jusqu'à octobre 1978, qui suspendait les garanties constitutionnelles, cassait les mandats, confisquait les biens en cas d'"enrichissement illicite" a, entre autres choses, contribué à faire émigrer vers Israël les Juifs brésiliens qui subissaient fortement cette répression, du fait de leur investissement dans la vie nationale. Les Juifs du Brésil sont pourtant moins attachés au sionisme que leurs voisins argentins. Mais la majorité a renforcé ses racines dans le pays, durant cette période.
Actuellement leur intégration à la société brésilienne est totale. À partir des années 1970, les mariages entre Juifs et non-juifs devenaient un phénomène banal dans toutes les grandes villes brésiliennes.
Bibliographie
- A História dos Judeus em São Paulo, Henrique Veltman, Expressão E Cultura, Rio de Janeiro (1996).
- A História dos Judeus no Rio de Janeiro, Henrique Veltman, Expressão E Cultura, Rio de Janeiro (1996).
- Os Hebraicos da Amazônia, Henrique Veltman (mars 2005), disponible en téléchargement (PDF/1,3 Mo, en portugais).
- O Levante do Maranhão - "Judeu cabeça do motim": Manoel Beckman (Mémoire de Maîtrise), Maria Liberman, USP, Faculdade de Filosofia, Centro de Estudos Judaicos, São Paulo (1983).
- Le Brésil du XVe à la fin du XVIIIe siècle, Frédéric Mauro & Manuel de Souza, SEDES (septembre 1997) ISBN 2718190280.
Voir aussi
- Révolte de Beckman
- Juifs
- Juifs marocains
- Diaspora juive
- Séfarades
- Judaïsme
- Marranes et Marranisme
- Brésil
Liens externes
- Immigration juive au Brésil sur le site de l'IBGE (en portugais)
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