Histoire de la tanzanie

Histoire de la tanzanie

Histoire de la Tanzanie

Photo prise au début du XXème siècle à Mikindani (« Tanganyika ») : femme Makonki

La Tanzanie telle quelle existe aujourdhui est le fruit de la fusion en 1964 de lÉtat de Zanzibar et du Tanganyika.

Contrairement à larchipel de Zanzibar dont lhistoire nous est relativement bien connue, ayant été dès lantiquité un important centre marchand, on sait moins de choses sur lhistoire de lintérieur des terres, en tout cas jusquau début du XIXe siècle, époque commencèrent les explorations européennes.

Sommaire

Préhistoire

Les célèbres gorges dOlduvai, situées dans le Nord de la Tanzanie actuelle, fournissent dinestimables traces de ce qua été la Préhistoire de la région. On y a en effet trouvé des restes fossiles de certains des plus anciens ancêtres de lespèce humaine.

Lintérieur des terres (des premiers temps jusquau XVIIIe siècle)

Carte des migrations bantoues en Afrique

La région est supposée avoir été habitée à lorigine par des tribus utilisant une langue à cliquetis de la bouche de la famille linguistique khoïsane, similaire à celle des Bushmen et des Hottentots dAfrique du Sud. Bien quil reste des traces de ces tribus originelles, la plupart ont été déplacées par des populations Bantous migrant depuis louest et le sud et par des Nilotes et dautres peuples en provenance du nord. Les Bantous sont supposés être arrivés dans la région dès le Ve ou IVe siècle avant JC.

Les nilotiques et para-nilotiques sont eux arrivés par vagues successives, les premières au début du premier millénaire avant JC et les dernières vers le XVIIIe siècle, notamment les Masaïs qui ont migré jusquau nord de la Tanzanie à partir du XVe siècle, se heurtant à un certain nombre dethnies déjà installées, comme les Gogos ou les Hehes.

Certaines de ces populations africaines avaient atteint un haut niveau dorganisation et contrôlaient de larges territoires quand les explorateurs et les missionnaires européens ont pénétré lintérieur du pays à partir du début du XIXe siècle.

La région côtière et les îles (Zanzibar, Pemba..) jusqu'au XVIIIe

Article détaillé : Histoire de Zanzibar.

Antiquité : les premiers marchands

La région côtière, au contraire, a subi ses premières influences étrangères dès lAntiquité.

Rhapta, ancienne ville marchande que lon situe quelque part entre la région de Tanga et le delta du fleuve Rufiji, tout au sud de lantique territoire de lAzanie, était un centre marchand familier des commerçants de lépoque romaine en provenance notamment de Grèce, dÉgypte, de Phénicie...

Mais ce sont avec les marchands en provenance de la péninsule arabique, du Golfe Persique et dInde que les relations ont été les plus fortes. Les navires, les fameux boutres, poussés par les vents de la mousson, parvenaient à Zanzibar vers décembre en provenance des Indes et de la péninsule arabique. En mars-avril, ils repartaient grâce aux alizés soufflant du sud-est.

Les commerçants ont très tôt compris lintérêt que pouvait présenter cette côte africaine pour sapprovisionner en or, en ivoire, en bois précieux, en peaux, en cire et aussi en esclaves noirs.
La région côtière et les îles sont à lépoque habitées par des tribus bantoues africaines, et les interactions entre ces populations indigènes et les marchands perses et arabes ne semblent pas très hostiles. Un manuel grec pour les navigateurs datant du début de notre ère, Le Périple de la mer Érythrée, évoque déjà ces marchands parlant la langue locale et mariés à des femmes africaines.

Les cités-États commerçantes (VIIe-XVe siècle)

À partir du VIIe siècle, certains marchands deviennent si familiers de la région quils choisissent de sy installer définitivement, et fondent des comptoirs de commerce. Il faut dire aussi que les tensions qui surgissent dans le monde musulman naissant pour savoir qui doit succéder à Mahomet poussent certains à partir trouver refuge dans dautres contrées.

Cest ainsi quon pense que, vers 950, Ali ibn Hasan, sultan de Shiraz, une petite ville de Perse du sud, fuit son pays accompagné de sa famille et de suivants, pour rejoindre la bande côtière dAfrique de lest et ses îles.

L'Afrique au XIIIe siècle, carte simplifiée des principaux États, royaumes et empires africains :
Mamelouk; Perse; Arabes; Yémen.
califat hafcide; Kanem; Touareg; 1-Mérinides; 2 - Abdelouadides; Empire du Mali. Éthiopie; Aloa (*); Toundjour.
comptoirs arabes ; Zanzibar; Kitara (*); Grand Zimbabwe; Feti; Khoï; San (*).

Dautres vagues de migrants arrivent au XIe siècle, principalement en provenance de la péninsule arabique.

Pour ces différents immigrants parlant larabe, la terre ils débarquent est « Zenji-bar », littéralement la terre des noirs en persan, d lorigine possible du nom Zanzibar.

Sur la côte et les îles, ces nouvelles populations se mélangent culturellement et sociologiquement avec les autochtones africains. Cest la naissance de la culture swahilie, métissage des traditions africaines et des croyances arabo-musulmane. Les langues swahilies, issues de ce métissage et basées sur une structure linguistique bantoue enrichies de nombreux apports darabe, sont à limage de ce mélange culturel.

Des cités-États commerçantes sont fondées par les migrants arabes : Lamu, Pate, Pemba, Zanzibar, Malindi, Mombasa, Sofala. Les Shirazis perses sinstallent à Kilwa qui devient le centre de commerce le plus florissant de la région au XIe et surtout au XIVe siècle, en partie grâce au commerce divoire déléphants et dhippopotames, et principalement grâce à lor en provenance des mines de Sofala, dans lactuel Mozambique, et à destination de lEurope et du monde islamique. Kilwa est à cette époque décrite comme étant une des villes les plus élégamment bâties du monde. Lîle de Zanzibar prospère également. Des caravanes commerciales senfoncent de plus en plus profondément dans les terres jusquaux grands lacs pour récupérer les précieuses marchandises qui sont réexpédiées vers le Moyen-Orient.

Mais ces villes se font concurrence et se querellent. Elles nopposent pas un front uni lorsque les premiers européens arrivent sur la côte à la fin du XVe siècle.

Lintermède portugais (14981729)

En 1498, le portugais Vasco de Gama, sur son périple qui le conduit en Inde après avoir passé le Cap de Bonne espérance, longe la côte est-africaine et rencontre une importante hostilité dans ces rapports avec les notables et marchands arabes. Lexplorateur et ceux qui laccompagnent se rendent aussi compte que certaines cités-États swahilies (Kilwa, Mombasa, Lamu, etc.) se livrent à un important et apparemment fructueux commerce de l'or.

En 1502, Vasco de Gama revient dans la région, cette fois-ci à la tête dune flotte dune vingtaine de navires bien équipés. Lui et Ruy Lourenco Ravasco menacent les cheiks de Kilwa, Zanzibar et Brava de destructions si un tribut annuel en or nest pas versé au Roi du Portugal. Les Arabes ne cèdent pas et cest par la force que les Portugais vont imposer leur domination. Les Portugais nhésitent pas à faire preuve dune grande brutalité pour effrayer et mettre au pas les populations locales. Kilwa, la cité la plus au sud, tombe la première en 1502 et est complètement détruite, suivie de Zanzibar en 1503, puis dautres cités plus au nord (Mombasa, Lamu..). Seule Mogadiscio au nord de la côte échappe au Portugais. Après une dizaine dannées daffrontements, qui prennent parfois des accents de guerre sainte entre Chrétienté et Islam, les Portugais peuvent se satisfaire davoir pris le contrôle de la plus grand partie de la bande côtière et des îles, mettant la main sur les routes maritimes avec lInde et lorient et sur le commerce de lor qui les intéresse tant. Zanzibar est alors le principal entrepôt commercial de lAfrique orientale.

Cependant, surtout à partir du XVIIe siècle, les Portugais eurent du mal à assumer militairement et politiquement leur conquête. Peu nombreux et détestés des populations locales, ils doivent faire face à lopposition grandissante des swahilis, eux-mêmes de plus en plus fortement soutenus par les Arabes du sultanat dOman, situé au nord de la côté swahilie. En 1587, le massacre des Portugais de lîle de Pemba a été une première alerte pour les occupants européens.

En 1698, limam de Mascate en Oman, Seif Bin Sultan, encourage les Arabes à se révolter, monte une armée de 3000 hommes, et parvient à reprendre Mombasa aux Portugais, puis Kilwa et Pemba lannée suivante. Les Portugais tentent différentes contre-offensives, reprennent même brièvement Mombasa, mais sont définitivement expulsés de la côte swahilie en 1729, et se réfugient plus au sud au Mozambique.

De 1729 jusquau milieu du XIXe siècle

La domination des sultans omanais

Ce sont donc les Arabes du sultanat dOman qui contrôlent désormais la région. Pour les cités de la côte, après avoir subi la domination des Portugais, il nest pas facile de devenir les vassaux dun sultan situé à plus de 3000 km au nord, au bout du Golfe Persique. Certaines, comme par exemple Mombasa règne la puissante famille Mazrui, ont même la tentation de faire appel aux anciens occupants, les Portugais, pour se débarrasser de lenvahisseur arabe. Surtout que, en Oman, le régime est affaibli par des luttes de succession entre dynasties pour la récupération du trône.


Sur le plan économique, le XVIIIe siècle signe plutôt un déclin pour la région, même si le lucratif commerce desclaves noirs, qui existe depuis environ un millénaire en Afrique de lest, prend de plus en plus dampleur (voir larticle sur la traite musulmane). Il sagit notamment de répondre aux besoins croissants en domestiques à destination de lArabie et du golfe Persique et de fournir de la main-dœuvre aux notables de Zanzibar et de Pemba pour travailler dans les plantations. Il sagit aussi dalimenter les Européens pour leurs nouvelles colonies insulaires de locéan indien. La France est un client régulier pour ses plantations de cannes à sucre sur lîle Bourbon (aujourdhui île de la Réunion) ou lîle de France (île Maurice). Les caravanes vont chercher les esclaves noirs dans lintérieur du pays, en évitant les régions dominées par la tribu masaï qui a la réputation dêtre un peuple féroce. Deux routes principales sont empruntées. La première, au sud, passe à proximité du lac Malawi pour rejoindre Kilwa. Lautre, plus au nord, part du lac Victoria, pour amener ivoire et esclaves à Bagamoyo. Ce commerce devient si important quun vaste marché aux esclaves est construit en 1811 à Zanzibar.

Au début du XIXe siècle, un homme rude mais avisé passe à la tête du Sultanat dOman, Sayyid Saïd. Après avoir consolidé son autorité et remis de lordre dans les affaires du sultanat dans la capitale Mascate, il sattaque aux problèmes des territoires extérieurs la domination omanaise est menacée, notamment par les gouverneurs Mazrui. En effet, en 1814, en plus de Mombasa, le gouverneur Mazrui contrôle Pate et Lamu.

En 1822, Saïd envoie des troupes sur la côte dAfrique orientale et met au pas une partie des cités rebelles. La famille Mazrui ne tombe pas immédiatement et, pour se rapprocher du théâtre des opérations, Sayyid Said bin Sultan Al-Busaid déplace sa capitale de Mascate à Zanzibar. Ce changement de capitale est aussi un souhait personnel pour le sultan, qui est tombé sous le charme de cette île quil vient de découvrir et pour laquelle il a de grands projets. Il lance de nouvelles activités : Zanzibar va ainsi bientôt fournir les ¾ de la production mondiale de clous de girofle, culture qui a été importée de lîle Bourbon en 1812. Le sultan intensifie également la traite des noirs, on estime que 15 000 esclaves transitent chaque année par son port, ce qui en fait lun des plus importants dAfrique.
Zanzibar tire de grands profits de ces activités.

En 1840, la famille Mazrui est définitivement matée et Sayyid Saïd devient le leader incontesté de toute la côte est de lAfrique, de lactuelle Somalie jusquau Mozambique.

La puissance dOman est à son apogée, mais le sultan subit de plus en plus les pressions des puissances européennes coloniales qui sont durant la première moitié du XVIIIe siècle en pleine lutte dinfluence pour le contrôle de locéan indien et des routes maritimes vers lAsie.

Les Britanniques prennent pied en Afrique de lest

Les Britanniques cherchent notamment à éviter que la France ne prenne pied en Afrique de lest. Pour les Britanniques, lexistence dune puissance régionale forte, avec laquelle ils sont en bons termes, nest pas pour leur déplaire, et le Royaume-uni apporte plutôt son soutien au sultan Sayyid Saïd.

Esclaves enchaînés en Afrique orientale (XIXe siècle)

Dans le même temps, les sociétés européennes désapprouvent de plus en plus largement le commerce des esclaves et le Royaume-Uni fait pression sur le sultanat pour réduire la traite des noirs. En 1822, un premier traité, dit de Moresby, est signé par le sultan. Par ce traité, le sultan accepte de rendre illégal la vente desclaves à des pays se déclarant chrétiens. Le traité impose également de circonscrire le commerce desclave aux ports dOman et dAfrique de lest. En 1833, lempire britannique montre lexemple en abolissant lesclavage dans ses colonies et en 1845, Sayyid Saïd signe le traité de Hamerton qui limite la traite des noirs à ses seules colonies dAfrique de lest. Mais sur le terrain, ces différents traités diplomatiques mettront des décennies avant dêtre totalement appliqués.

Le sultanat multiplie les accords commerciaux et les échanges diplomatiques avec les puissances occidentales (en 1836 avec les États-Unis, 1840 avec la Grande-Bretagne et 1844 avec la France). Ces traités prévoient également létablissement de consulats étrangers à Zanzibar, une première pour un pays africain sub-saharien.

La colonisation européenne 1850-1964

Milieu du XIXe siècle : Lexploration européenne de lintérieur des terres

A cette époque débutent pour les Européens la découverte et lexploration de lintérieur du pays, encore largement « terra incognita ».

Cest dès la fin du XVIIIe siècle que des esprits du vieux continent commencent à se passionner pour le vaste et mystérieux continent africain. Les intérêts sont divers : passion anti-esclavagiste naissante, recherche daventure et dexotisme, quête scientifique de la source du Nil

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La plupart des explorateurs qui veulent découvrir les terres situées au-delà de la bande côtière sous contrôle du sultanat dOman débarquent sur lîle de Zanzibar, porte dentrée sur le monde de lAfrique de lest. Ils y recrutent de nombreux aides, achètent le matériel et les vivres nécessaires pour lexpédition, et choisissent les présents quils devront offrir aux chefs de tribus locaux. monde occidental.

Explorations de Burton, Speke et Grant en Tanzanie

Deux pasteurs allemands, Krapf et Rebmann, sont parmi les premiers à parcourir lintérieur des terres. Krapf traduit la Bible en Swahili et commence les premières évangélisations. Rebmann est le premier Européen à signaler le Kilimandjaro en 1848.

Un peu plus tard, en 1856, deux explorateurs anglais (Richard Burton et John Speke) cherchent à trouver la source du Nil. Ils remontent la piste des caravanes commerciales arabes, et parviennent au lac Tanganyika en 1857-1858, puis Speke atteint une véritable mer intérieure quil nomme lac Victoria en lhonneur de sa majesté la reine. Un second séjour en 1861 le conforte dans lidée quil avait bien trouvé par ce lac la source du Nil.

Le célèbre David Livingstone, de son côté, lors de ses expéditions dexploration du fleuve Zambèze, atteint par le sud le lac Nyassa (aujourdhui lac Malawi) le 19 septembre 1859, puis en explore les environs. En fait, ce lac avait certainement déjà été repéré des Portugais au XVIIe siècle, mais leurs observations ne furent pas communiquées au reste du monde.

Statue de David Livingstone au bord des Chutes Victoria, Zimbabwe

En 1866, Livingstone repart de Zanzibar pour achever lexploration du lac Tanganyika et des régions environnantes. Il souhaite aussi prendre part à la quête des sources du Nil, qui nest encore pas terminée car John Speke na toujours pas réussi à faire accepter de tous, et notamment de Richard Burton son ancien compagnon de voyage, la véracité de sa théorie. Livingstone est supposé mort pendant plusieurs années, car on est sans nouvelle de lui à Zanzibar jusquen 1871. Un journaliste américain, Henry Stanley, part à sa recherche et le découvre en 1872 à Ujiji près de Kigoma. Livingstone poursuit ses voyages mais meurt de dysenterie lannée suivante près des rives du lac Tanganyika.

A côté de ces célèbres explorateurs, de nombreux missionnaires parcourent lintérieur des terres de la côte est-africaine à partir du milieu du XIXe siècle : les spiritains qui sinstallent à Morogoro et Kondoa, les anglicans, les pères blancs qui se rendent à Tabora, à Ujiji et Karema, les bénédictins

La visite de tous ces explorateurs-missionnaires européens et les témoignages qui en reviennent de la vie des populations locales vont accélérer la prise de conscience par les opinions publiques européennes des horreurs liées à la traite des noirs. Livingstone notamment, lors de ses retours dexpéditions en Angleterre, multiplie les conférences et publications pour décrire ce quest la réalité du commerce des esclaves en Afrique.

Le déclin du sultanat et les conditions dune colonisation 1856-1886

En 1856, Sayyid Saïd décède et des luttes fratricides opposent les différents fils du sultan pour sa succession. Finalement, avec laide des Britanniques qui interviennent largement dans les affaires du sultanat, cest le fils ainé Thuwaini qui récupère le trône à Oman tandis que Majid, son frère cadet, prend la tête des possessions de Zanzibar, qui est déclaré indépendant du sultanat omanais. Le territoire sous contrôle du sultanat de Zanzibar comprend alors, outre lîle principale, lîle de Pemba, lîle de Mafia, et la bande côtière qui leur fait face, du Mozambique portugais jusquà lactuelle Somalie (la Côte de Zanguebar). Du côté ouest en direction des grands lacs, la limite de la zone zanzibarite nest pas vraiment fixée.

A la mort de Majid en 1870, son frère cadet Bargash devient le nouveau sultan de Zanzibar. Les pouvoirs du sultan sont de plus en plus tributaires du bon vouloir du Royaume-Uni, et en 1873, sous la pression, Bargash signe enfin le traité mettant fin à la traite des noirs sur ses terres, même si la possession dun esclave est toujours autorisée.

Tandis que les Britanniques affirment leur autorité sur leur dominion du sultanat de Zanzibar, les Allemands investissent lintérieur du continent et, au début des années 1880, signent des traités de bonne entente avec des chefs tribaux africains, ces derniers ne comprenant dailleurs pas la plupart du temps les intentions des occidentaux. La compagnie de lAfrique orientale allemande, fondée par laventurier Carl Peters, qui excelle dans cet exercice dextension de linfluence allemande, enchaîne les signatures de traités « damitiés éternelles ».

La rivalité entre Allemands et Britanniques en Afrique de lest sexacerbe et de 1886 à 1890, différents accords et traités organisent le partage des zones dinfluences entre les deux puissances coloniales, au grand désespoir du sultan Bargash qui fait les frais de ces luttes de pouvoir.

Au cours dune première conférence, à Berlin en 1886, le Royaume-Uni et lAllemagne reconnaissent la souveraineté du sultan sur Zanzibar, mais dans le même temps réduisent fortement létendue des zones sexerce cette souveraineté. Le sultan, outre les îles de Zanzibar, Pemba, Mafia et Lamu, ne possèdent plus quune bande côtière de 16 km de large qui va du Cap Delgado (dans lactuel Mozambique) jusquà Kipini (dans lactuel Kenya). À lAllemagne revient lintérieur du continent jusquau grands lacs, région qui sera bientôt appelé le Tanganyika, plus le Burundi et le Rwanda ; lensemble de ces possessions forme la nouvelle Afrique orientale allemande (Ostafrika).

Le Kilimanjaro (5895 m)

La frontière entre les territoires allemands et britanniques est une simple ligne droite tracée vers louest depuis la rivière Tana jusqu'au lac Victoria. Avec cette frontière, le Kilimandjaro est dans le territoire allemand.

En 1888, les Allemands, qui ne se satisfont pas de ce partage des terres qui les gène puisquils doivent traverser la bande côtière zanzibarite pour accéder à lintérieur des terres, négocient avec le sultan un bail pour pouvoir exploiter la côte. Des tensions apparaissent et le chancelier Bismarck dépêche des troupes sur place.

La situation se décante avec le Traité dHéligoland, signé en 1890. LAllemagne récupère lîle de Heligoland située au large de ses côtes européennes et en contrepartie renonce à dautres prétentions sur la côte orientale de lAfrique et reconnaît la suprématie du Royaume-Uni sur Zanzibar. Cette même année, le Sultan perd officiellement tout contrôle sur la petite bande côtière qui était censé être sous sa mainmise, et il lui est donné un statut équivalent à un fonctionnaire payé par la Couronne Britannique.

En 1891, les Britanniques imposent la constitution dun gouvernement à Zanzibar, et nomment à sa tête Lloyd Mathews (en). À la mort du sultan régnant, en 1896, un fils de lancien sultan Bargash, Khalid, se proclame sultan et sempare du palais royal de Zanzibar. Les Britanniques interviennent militairement, ils bombardent le palais, et chassent Khalid qui est remplacé par un nouveau sultan, Hamud Ben Mohammed le 27 août 1896. En 1897, le statut desclave est définitivement aboli sur lîle, malgré lopposition des notables locaux, principalement arabes et indiens, qui craignent la disparition de cette main dœuvre bon marché si pratique pour les plantations de clous de girofles.

La colonisation allemande du Tanganyika : 1886-1919

Article détaillé : Afrique orientale allemande.
Carte historique (1888)

Les Allemands, de leur côté, ont de grandes ambitions pour leurs nouvelles « possessions » africaines, mais la prise en main du pays ne se fait pas sans heurts.

Dès 1888-89, des soulèvements éclatent dans plusieurs villes côtières (Bagamoyo, Pangani, Tanga). Ils sont durement réprimés par les Allemands.

En 1891, le gouvernement allemand, constatant lincapacité de la Compagnie de lAfrique orientale allemande à tenir le pays, prend le contrôle direct des opérations et déclare lintérieur du pays protectorat allemand. Un gouverneur est nommé, et Dar es-Salaam, alors simple petit port de commerce de 5000 habitants, est choisie comme capitale du fait de sa baie portuaire en eaux profondes, plus pratiques pour les bateaux à vapeur allemands.

Les Allemands, pour investir le continent, remontent les anciennes routes caravanières arabes jusquaux grands lacs et aux points de passage importants. Région après région, après avoir pris le contrôle par la force, ils installent des poste militaires et sassurent de la docilité des chefs tribaux locaux, ou remplacent ces derniers par dautres plus soumis.

Avant larrivée de ces colons à la fin du XIXe siècle, certaines des ethnies et tribus qui habitent lintérieur du continent ont atteint un niveau dorganisation et de développement tout à fait remarquables. On peut citer les Masaï, dont tout le système de société est basé sur lâge des individus, le peuple Nyamwezi, à lépoque dirigé par le chef Mirambo, les Hehe, et dautres royaumes comme les Chagga et les Haya.

A larrivée des Allemands, les Hehe, emmenés par le chef Mkwawa Mwamyinga, craignant pour leur indépendance et contestant les concessions de terres décidées par les colons pour la nouvelle culture du coton, se rebellent et attaquent avec succès les positions allemandes à partir de 1891 (bataille de Lugalo). Sur un autre front, les Allemands ont également fort à faire avec les Nyamwezi, plus à louest, qui commencent les hostilités en avril 1892. Les rebelles sont matés avec brutalité, le chef Nyamwezi, Isike, attrapé et pendu au début 1893. En 1894, un imposant corps expéditionnaire de plusieurs milliers de soldats est constitué pour mettre définitivement au pas les Hehe. Il parvient à prendre dassaut la place forte de Kalenga, mais le chef Mkwawa réussit à séchapper et continue la lutte pendant 4 années en organisant une guérilla dharcèlement des allemands. Cependant ces derniers arrivent peu à peu à leurs fins, et, en 1898, Mkwawa, traqué, épuisé et désespéré par la victoire inéluctable des occupants européens, se suicide. Sa tête, tranchée par un Allemand, est rapatriée dans un musée à Brême elle restera jusque dans les années 1950.

Avec la fin de la rébellion Hehe, les Allemands disposent de quelques années de répit, contrôlant assez facilement quelques soulèvements disparates et jamais unis contre lennemi commun.

Jusquà ce quéclate en 1905 une importante révolte, quon appela rapidement la révolte Maji Maji, du nom dun esprit censé habiter les montagnes Uluguru au sud de Dar-es-Salaam et dont on prétend quil procure à leau qui coule du massif le pouvoir de protéger des balles. Les habitants de cette région, auxquels se joignent dautres tribus plus au sud, attaquent les Allemands simplement armés darcs et de lances. Les Allemands matent la rébellion de manière impitoyable, en menant une politique de terre brulée, qui, outre les victimes aux combats, fait de nombreux morts par famine du côté des populations indigènes. Les estimations vont de 75 000 à 120 000 morts au total du côté africain, jusquà la fin de la rébellion en 1907. Certains ont vus dans la révolte Maji-Maji la première manifestation dun nationalisme tanzanien.

Le gouvernement allemand tire un certain nombre denseignements de cet important soulèvement qui a touché tout le sud-est du pays. Les budgets de financement des colonies sont augmentés et une administration plus libérale est mise en place en remplacement du régime semi-militaire qui prévalait auparavant.

Durant cette période, jusquau début de la première guerre mondiale, les Allemands vont impulser dans le pays un certain nombre de projets pour développer les infrastructures et amorcer le démarrage de léconomie. En 1911, est achevée la première ligne de chemin de fer, entre Tanga au nord de la côte, et Moshi au pied du Kilimandjaro. En 1914, cest la ligne centrale qui est inaugurée, de Dar-es-Salaam à Tabora, près du lac Tanganyika.

Lagriculture est encouragée, notamment dans les régions fertiles au pied des grands volcans (Mont Méru, Kilimandjaro). De nouvelles plantations et cultures sont introduites, comme le café et le thé dans le nord et le coton dans le sud. Le sisal, fibre végétale servant à faire des cordages ou des tapis, est importée de sa région dorigine, le Mexique, par lagronome allemand Richard Hindorff.

Les Allemands ont également besoin de personnes instruites pour occuper les postes de fonctionnaires dans ladministration naissante. La construction décoles est encouragée, ce qui complète les initiatives pour la scolarisation déjà menées par de multiples missionnaires chrétiens avant larrivée des colons.

Une autre conséquence de la présence allemande est la généralisation de la langue swahilie. Ayant rapidement compris quil était illusoire de vouloir faire apprendre lallemand, les colons sappuyèrent sur la langue pratiquée par les populations locales les plus instruites, à savoir les minorités arabes et swahilies parmi lesquelles étaient recrutés les fonctionnaires. De plus, le swahili avait lavantage de commencer à être écrit en caractères latins, et les Allemands encouragèrent son apprentissage dans les écoles religieuses et gouvernementales. La pratique du swahili devint un critère dembauche dans ladministration.

La première guerre mondiale et ses conséquences

Le conflit mondial qui oppose les grandes puissances européennes à partir de 1914 touche logiquement lAfrique de lest puisque deux des principaux protagonistes de la guerre sont présents dans la région.

Les Anglais ont lavantage de contrôler laccès maritime. Ils massent leurs troupes sur les îles de Zanzibar et Pemba, et, au sud du Kenya, à Mombasa et Nairobi. Mais les Allemands vont opposer jusquà 1916 une résistance farouche et efficace. En septembre 1914, le croiseur léger Königsberg coule près de Zanzibar un important navire anglais, le Pegasus. Le navire allemand, pourchassé par la Royal Navy, se fait oublier en se cachant un peu plus au sud dans un delta de la rivière Ujiji. Il faudra 10 mois aux Britanniques pour le retrouver et en venir à bout.

Plus au nord et à lintérieur du continent, des combats ont lieu sur les grands lacs. Le général aux commandes de larmée allemande dans la région, Paul Von Lettow Vorbeck, mène la vie dure aux alliés. Les Anglais sont sévèrement battus à Tanga et Jassin, attaqué à Mombasa, et de manière générale harcelés par les Allemands qui adoptent une véritable stratégie de guérilla.

A partir de 1916, la situation saméliore pour les alliés. Il faut dire que les soldats allemands sont isolés de la mère patrie et que le haut commandement allemand a dautres priorités que de soutenir de manière importante ses troupes dAfrique de lest.

Le 8 mai 1916, Kigali, dans lactuel Rwanda, est pris aux Allemands, puis quelques mois plus tard Kigoma et Ujiji sur les bords est du lac Tanganyika. Enfin le 19 septembre, les alliés semparent de Tabora, jusqualors capitale militaire des Allemands.

La Force publique du Congo belge en campagne en Tanzanie en 1916-1917

Après la réussite de quelques contre-offensives, les Allemands sont définitivement battus à la fin de lannée 1917.

La guerre a complètement stoppé les projets de développement et daménagement que les Allemands avaient entrepris en Afrique de lest. A la fin des hostilités, le pays se retrouve avec une administration totalement démantelée et une économie au point mort. Pour subsister, les populations africaines retrouvent un temps leurs anciens modes de vie.

En 1919, à la suite du Traité de Versailles, les alliés se répartissent le contrôle des territoires de lancienne « OstAfrika » allemande. Le Royaume-Uni se voit confier le mandat de ce qui est désormais officiellement appelé le Tanganyika. Les Belges récupèrent eux le « Ruanda-Urundi » (aujourdhui le Rwanda et le Burundi). On estime alors à 3500000 personnes la population du Tanganyika.

Le Tanganyika britannique : 1919-1964

Article détaillé : Tanganyika (protectorat).

Le premier gouverneur britannique de la Tanganyika est Sir Horace Byatt, de 1920 à 1924. Le pays quil doit administrer est économiquement exsangue et totalement désorganisé, et le Royaume-Uni ne fournit quun faible soutien financier. La première préoccupation du gouverneur est de sécuriser la situation des populations africaines. En 1923, il prépare une ordonnance qui vise à sassurer que les droits fonciers des populations africaines sont respectés. Il sattire les foudres dune partie des colons britanniques qui souhaiteraient une politique qui leur soit plus favorable, comme au Kenya par exemple.

Sir Donald Cameron, gouverneur de 1925 à 1931, cherche à imprimer un nouveau dynamisme au pays. Le principe clé de sa politique part du concept de « gouvernement indirect » (indirect rule en anglais), déjà expérimentée par les Britanniques au Nigéria. Cette politique consiste, pour administrer et diriger le pays, à sappuyer sur les structures politiques traditionnelles existantes et à agir presque en conseiller auprès des autorités indigènes, plutôt que de traiter ces dernières comme de simples agents administratifs subordonnés aux ordres centralisés venant des européens. Sir Donald Cameron, qui conçoit le rôle des Britanniques comme étant de créer les conditions dun transfert progressif de la responsabilité du pays aux Africains, met aussi laccent sur léducation, qui voit son budget augmenté.

Le 18 juin 1926 est créé un conseil législatif, composé de 20 membres nommés par le gouverneur.

Sur le plan économique, le gouverneur sactive pour faire avancer des projets de développement. En 1928, il obtient du gouvernement britannique lapprobation et le soutien financier pour un projet de prolongement de la ligne centrale de chemin de fer de Tabora à Mwanza. La politique du gouverneur vis-à-vis des colons propriétaires terriens est plus accommodante, car Cameron a besoin de leur soutien politique et ils sont une importante contribution à léconomie de la Tanganyika.
Mais la Tanganyika bute tout de même sur un désintérêt global du Royaume-Uni pour cette colonie, handicap auquel sajoute la crise financière de 1929 qui a pour conséquence de freiner brutalement les projets de développement économique dans le pays.

A partir des années 1920, il est à noter que les Britanniques font venir de nombreux indo-pakistanais au Tanganyika. Pour occuper des postes dans ladministration et participer aux constructions dinfrastructures, cette population immigrée présente en effet lavantage dêtre généralement plus instruite que la moyenne des Africains et est parfaitement anglophone.

Beaucoup restèrent définitivement en Afrique de lest, et, au départ des Britanniques, se convertirent dans le commerce. Encore aujourdhui, la plupart des commerces de certaines grandes villes tanzaniennes sont tenus par des indo-pakistanais.

Dans le même temps, les conditions dune future autonomie politique émergent progressivement dans la société. Des coopératives de producteurs agricoles indépendants se forment et en 1929 est créé lassociation africaine de Tanganyika (TAA) par lélite africaine du pays dont le niveau dinstruction monte.

Les années 1930 sont difficiles pour le Tanganyika. Le pays doit faire face à une importante crise économique et le Royaume-Uni ne fait pas de gros efforts financiers pour compenser le manque de ressources locales. Le financement du système éducatif est notoirement insuffisant et, régulièrement, le gouverneur fait appel aux missionnaires religieux pour assurer lexistence et le fonctionnement des écoles, le salaire dun enseignant religieux étant beaucoup plus faible que celui dun enseignant fonctionnaire britannique.
De plus, durant cette période, des rumeurs circulent qui prétendent que le Tanganyika va être rétrocédé à lAllemagne hitlérienne. Lincertitude qui en découle freine les projets et les prises dinitiatives.

Après la Seconde Guerre mondiale, pendant laquelle le Tanganyika est utilisé par les Britanniques comme centre de production de certaines matières premières et cultures utiles aux approvisionnement de leffort de guerre (cafécaoutchouc), lOrganisation des Nations unies nouvellement créée met en place un système de mise sous tutelle pour les populations qui ne sadministrent pas encore elle-mêmes. Ainsi en décembre 1946, lONU confie-t-il la tutelle du Tanganyika au Royaume-Uni, avec comme perspective de parvenir à lautodétermination et à lindépendance. Il faudra une quinzaine dannée pour que cela soit le cas.

Les îles de Zanzibar et Pemba de 1886 à 1964

Articles détaillés : Zanzibar (sultanat) et Zanzibar (protectorat).

De leur côté, les îles de Zanzibar et de Pemba connaissent une certaine stabilité politique du début du XXe siècle jusquau début des années 1960. Le territoire est toujours protectorat du Royaume-Uni, qui maintient en place le système politique du sultanat, tout en officialisant son exercice du pouvoir en constituant en 1925-26 des conseils exécutifs et législatifs à la place du conseil consultatif.

Sur le plan économique, les premières décennies du XXe siècle sont marquées par une grande crise du marché du clou de girofle, qui créent des tensions entre les communautés indiennes et arabes.

Un Masaï

À partir du milieu des années 1950 se forment différents partis politiques plutôt indépendantistes, et chacun avec une dimension ethnique assez marquée. Le ZNP (Zanzibar National Party) est essentiellement composé dArabes. Beaucoup ouvriers agricoles africains, souvent issues des anciennes populations esclaves, se retrouvent pour leur part dans le parti ASP (Afro-Shirazi Party), aux tendances assez radicales.

Pendant la présence des colons européens, allemands puis britanniques, les sociétés africaines furent bouleversées dans leur fonctionnement et leurs traditions. Lexpansion des religions chrétiennes et des systèmes économiques occidentaux, cest-à-dire notamment la monétarisation des échanges, modifia totalement les relations et les rapports de force inter-tribales. Ces changements identitaires et culturels furent cependant plus ou moins prononcés dune tribu à lautre. Certains, comme les Masaïs, restèrent résolument à lécart de cette « modernisation » de la société.

De 1964 jusquà aujourdhui : la Tanzanie indépendante

Lindépendance et la création de la Tanzanie

Articles détaillés : Tanganyika (pays) et Zanzibar (pays).
Julius Nyerere, le 4 août 1977.

En 1953, Julius Nyerere, brillant et ambitieux enseignant en 1922, passé par Edimbourg pour terminer ses études, prend à 31 ans la tête de la TAA, quil transforme rapidement en un véritable parti politiquele Tanganyika African National Union (TANU) – qui prône lindépendance. Celle-ci est accordée par la Grande-Bretagne le 9 décembre 1961, sans aucune violence. Julius Nyerere est un court temps premier ministre, puis à la suite des élections de décembre 1962, devient le premier président de la République du Tanganyika.

Lindépendance de Zanzibar et Pemba est obtenue le 10 décembre 1963. Le nouvel État commence par être contrôlé par les partis initiés par les Britanniques (une coalition du ZNP et de petits partis de Pemba). Mais, à peine un mois le plus tard, en janvier 1964, les tensions communautaires qui couvent depuis des années se libèrent, et le parti ASP, étant écarté depuis longtemps du pouvoir alors quil est majoritaire dans les urnes, déclenche une révolution. Celle-ci fait de nombreuses victimes dans les rangs des communautés arabes et indiennes. On estime à environ 10 000 le nombre de personnes qui furent massacrées dans la nuit du 11 au 12 janvier à Zanzibar. A la suite de ce renversement, Karume, leader de lASP, devient président de la République de Zanzibar.

Le 26 avril 1964, Le Tanganyika et Zanzibar fusionnent pour former la République Unie de Tanzanie. Nyerere devient le président de lÉtat nouvellement créé, tandis que Karume, restant président de Zanzibar, devient le vice-président de la Tanzanie. Dans les faits, même si lunion est bien célébrée avec le reste du pays, Zanzibar a conservé jusqu'à aujourdhui une large autonomie. En pratique, cest le gouvernement central tanzanien qui soccupe des domaines « nationaux » de la politique à Zanzibar : Défense, Intérieur, affaires étrangères, tandis que le gouvernement local zanzibarite traite des sujets comme léducation, léconomie

Le règne de Nyerere : 1964-1985

Soucieux daccélérer lémancipation des Africains par rapport au monde occidental, inspiré des expériences communistes en Chine, Nyerere sengage résolument dans une politique socialiste. En février 1967, lors de la déclaration d'Arusha, il définit les principes et doctrines quils souhaitent voir suivre par le pays. Selon lidéal de Nyerere, tout cela doit conduire à la création dune société égalitaire, juste, solidaire, qui trouve dans ses propres ressources les moyens de son autosuffisance. Léducation est la priorité numéro un. Il faut dire quil y a urgence dans ce domaine : la Tanzanie ne produit à cette époque que 120 diplômés par an.

Les premières mesures concrètes dapplication de cette politique ne tardent pas à arriver. Les principales industries et sociétés de services sont nationalisées, les impôts augmentés pour une plus grande répartition des richesses. Cest sur le plan de lagriculture, principal secteur économique du pays, que les changements sont les plus forts. Appelé Ujamaas, cest-à-dire cofraternité, des communautés villageoises sont organisées sur des principes collectivistes. Des incitations financières encouragent la formation de coopératives. Les premiers résultats sont décevants, et le premier choc pétrolier de 1973 assombrit fortement les perspectives économiques du pays. A Zanzibar, lAfro-Shirazi Party mène une politique implacable et totalitaire, à tendance ouvertement révolutionnaire. Les propriétés arabes et indiennes sont nationalisées. Quelques désaccords apparaissent même entre Nyerere et Karume, ce dernier voulant se rapprocher davantage du monde communiste que le président tanzanien qui cherche lui à ménager au maximum les relations avec les Occidentaux.

En 1972, Karume est assassiné, pour des motifs qui restent assez obscurs.

Pendant ces années, très faiblement soutenue par les occidentaux, la Tanzanie reçoit laide de la Chine, qui souhaite pour sa part augmenter son influence en Afrique de lest. Cest avec un soutien chinois que la ligne de chemin de fer TAZARA de Dar-es-Salaam à la Zambie est construite en 1975. Cest aussi sur le modèle des communes chinoises que sont créées 800 villages collectifs, regroupant des populations dorigine ethniques et tribales différentes, et déplacées de force en camion. On estime quen 4 ans, de 1973 à 1976, 9 millions de personnes sont ainsi déplacés. Cette politique, dont on ne peut nier quelle permet un certain brassage entre les différentes ethnies qui composent la population tanzanienne, casse brutalement les repères humains et communautaires des individus.

Ces politiques dirigistes et utopiques apportent de moins en moins les résultats escomptés. La production manufacturière et agricole régressent, la planification de léconomie par ladministration est inefficace.

Sur le plan politique, les partis TANU de Nyerere et lASP se rapprochent et fusionnent en 1977 pour former le Chama Cha Mapinduzi (CCM), cest-à-dire le parti de la Révolution.

Les relations de la Tanzanie avec ses voisins africains, en particulier ceux du nord, Ouganda et Kenya, se détériorent au fil des années. Les intentions étaient pourtant bonnes puisque ces trois pays ont formé en 1967 la East Africain Community (Communauté est-africaine) dans le but de constituer à terme un marché économique commun. Les premières coopérations visent notamment à uniformiser la politique des changes et de contrôle des devises.

Mais le Kenya, plutôt proche des pays occidentaux, séloigne de plus en plus de la Tanzanie soutenue par les communistes chinois, et la frontière entre ces deux pays est même fermée de 1977 à 1983. En Ouganda, le dirigeant Idi Amin Dada, qui nourrit des ambitions dexpansions territoriales, reproche à son voisin tanzanien dhéberger des opposants à son régime. LOuganda attaque la Tanzanie à la fin de lannée 1978, et envahit les environs du lac Victoria. Les Tanzaniens, avec laide du matériel militaire chinois, parviennent, au bout de plusieurs mois defforts, et au prix de lourdes pertes humaines, à reprendre les territoires perdus et occupent même lOuganda pendant presque deux ans.

La guerre a coûté cher, environ 500 millions de dollars, et au début des années 1980, sans réelle industrie, avec un secteur agricole improductif, la Tanzanie est lun des pays les plus pauvres de la planète.

Le pays senfonçant dans léchec, Nyerere commence à modifier progressivement sa politique dirigiste menée depuis le milieu des années 60. Avec lintervention de plus en plus grande de la Banque mondiale et du FMI, les incitations financières à la production collectivistes sont en partie réorientées vers un investissement pour les grandes fermes de lÉtat et pour les infrastructures routières. En 1984, la possibilité dune propriété privée des moyens de productions apparaît et la société est, très progressivement, libéralisée.

De 1985 à aujourdhui

En 1985, Nyerere, le « mwalimu » (linstituteur), choisit, contrairement à lhabitude prise par la plupart des autres chefs dÉtat africains, de se retirer de la politique, après avoir tout de même conservé le pouvoir pendant 24 années. Cest Ali Hassan Mwinyi, alors président depuis 1980 de larchipel de Zanzibar, qui prend sa succession. Malgré les résultats très largement négatifs de sa politique de développement économique, Nyerere conserva jusquà sa mort en 1999 lestime de beaucoup de Tanzaniens et dune partie de la communauté internationale. On lui reconnaît en effet le mérite davoir posé les bases dun État démocratique pluriethnique.

Ali Hassan Mwinyi accélère louverture et la libéralisation progressive du pays. En 1992, il autorise le multipartisme. En 1995, les premières élections multipartistes ont lieu, même si entachées de sérieux doutes sur leur régularité. Elles voient la victoire de Benjamin William Mkapa, un des disciples de Nyerere, qui est réélu en 2000. Mkapa doit faire face à de nombreuses difficultés qui grèvent le décollage tant espéré du pays : crise économique, épidémie de sida, afflux de réfugiés qui fuient les guerres du Burundi. A Zanzibar, des velléités indépendantistes émergent parfois, mais jusquà présent, lUnion tanzanienne est préservée. En 1998, des attentats visent les ambassades américaines de Dar es-Salaam et de Nairobi au Kenya : on compte plus de 250 victimes et 5 000 blessés.

Après les élections de décembre 2005, Jakaya Kikwete devient le nouveau président de la république, le quatrième depuis la création de la Tanzanie.

Notes

Voir aussi

Bibliographie

  • (de) Ulrich van der Heyden, Tanzania : Koloniale Vergangenheit und neuer Aufbruch, Lit, Münster, 1996, 148 p.
  • (en) Gregory H. Maddox et James L. Giblin (dir.), In search of a nation : histories of authority and dissidence in Tanzania, James Currey, Oxford ; Kapsel Educational Publications, Dar es Salaam ; Ohio University Press, Athens, 2005, 337 p.
  • (en) Thomas P. Ofcansky et Rodger Yeager, Historical dictionary of Tanzania, Scarecrow press, Lanham (Md.), Londres, 1997, XXXI-291 p. (ISBN 0-8108-3244-5)
  • (en) Randal Sadleir, Tanzania, journey to republic, Radcliffe Press, Londres, New York, 1999, 342 p. (ISBN 1-86064-437-6)

Liens externes

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