Démonstration du théorème de Fermat

Démonstration du théorème de Fermat

Démonstrations du dernier théorème de Fermat

En mathématiques, plus précisément en arithmétique modulaire, le grand théorème de Fermat traite des racines de l'équation diophantienne suivante, d'inconnues x, y et z :

n \in \mathbb{N}\quad x^n + y^n = z^n\;

Il stipule qu'il n'existe aucune solution non triviale si le paramètre n est strictement supérieur à deux.

Une équation diophantienne est une équation à coefficients entiers dont les solutions recherchées sont entières. Si, à l'exemple de la question de l'article, l'expression est souvent simple, la résolution s'avère en général ardue.

En 1637 Pierre de Fermat (1601 - 1665) propose cette équation et indique dans la marge de son exemplaire du livre Arithmetica de Diophante qu'il a trouvé une merveilleuse démonstration.

Il est peu probable qu'une démonstration accessible à Fermat existe. En effet, il faut de nombreuses tentatives ainsi que près de 350 ans d'efforts pour qu'une preuve en soit donnée en 1994 par Andrew Wiles.

Sommaire

Généralités et cas élémentaires

Remarques

L'équation est homogène, c’est-à-dire que pour une valeur n donnée, si le triplet (x, y, z) est solution, alors (a.x, a.y, a.z) est aussi solution. En conséquence, les seules racines recherchées sont les triplets d'entiers premiers entre eux dans leur ensemble.

Si l'un des trois membres du triplet (x, y, z) est égal à zéro, alors l'équation devient évidente, de telles solutions sont dites triviales. L'objectif est donc la recherche de triplet solution tel que le produit x.y.z soit différent de zéro.

Si l'équation n'admet pas de solution pour une valeur p du paramètre, alors il n'existe pas de solution pour toute valeur n multiple de p. En effet, si l'on note n = p.q alors l'équation s'écrit:

\left( x^q \right)^p + \left( y^q \right)^p = \left( z^q \right)^p\;

En conséquence, les valeurs à traiter sont celles où n est un nombre premier. Il est toutefois à noter l'unique exception, correspondant au cas où n est égal à deux. En effet, des solutions existent, il est donc nécessaire d'étudier aussi le cas où n est égal à quatre.

Résultats sans appel à la théorie des nombres

Quelques résultats se démontrent sans structure complexe. Le cas où n est égal à deux, traité à la suite, est simple et date de l'antiquité. Celui où n est égal à quatre se démontre de manière un tout petit peu moins élémentaire. Les cas restant sont ceux où n est premier différent de deux. Il existe une démonstration qui n'utilise pas les entiers d'Eisenstein pour le cas où n est égal à trois, elle est néanmoins suffisamment astucieuse et difficile pour que le mathématicien Leonhard Euler ne propose qu'une démonstration inexacte.

Les autres cas sont techniques, l'utilisation d'entiers algébriques est indispensable. Le premier terme est bien une identité remarquable : xn + yn est en effet un multiple de x + y si n n'est pas une puissance de deux, cependant cette remarque est largement insuffisante pour conclure ne serait-ce que dans un cas.

Cas où n est égal à deux

Article détaillé : Triplet pythagoricien.
Le théorème de Pythagore: a2 + b2 = c2

Le cas où n est égal à deux possède une interprétation géométrique. Il correspond aux longueurs entières des différents cotés d'un triangle rectangle.

Ce cas est connu depuis la haute antiquité. Ainsi, les sumériens connaissaient[1] quelques exemples de solutions. La solution complète apparaît pour la première fois dans le livre X des Eléments[2] d'Euclide vers 300 av. J.-C.

Ce cas est l'unique exception du théorème (si l'on omet le cas où n est égal à un). En effet, il existe des solutions non triviales si n est égal à deux : 3, 4 et 5 forment un triplet de solutions, appelé triplet pythagoricien. En conséquence, il devient important de considérer le cas n égal à quatre, pour démontrer qu'il n'existe pas d'autre puissance de deux admettant des solutions non triviales.

Une démonstration est donnée dans l'article Triplet pythagoricien.

Cas où n est égal à quatre

Ce cas est probablement l'unique traité par Fermat. Si aucune preuve écrite n'est trouvée dans sa correspondance, en revanche il démontre qu'il n'existe aucun triplet pythagoricien tel que x.y/2 soit un carré d'entier, ce qui s'exprime, dans le vocabulaire de l'auteur par l'aire d'un triangle rectangle ne peut être celle d'un carré. À partir de ce résultat, la démonstration est aisée. Pour cette raison, Fermat est très généralement considéré comme l'auteur de cette démonstration[3],[4].

La méthode utilisée est celle de la descente infinie. La méthode consiste à trouver un autre triplet de solutions tel que le troisième entier est positif et strictement plus petit que celui de la solution initiale. Il est ainsi possible descendre indéfiniment dans l'ensemble des entiers positifs, ce qui est contradictoire avec les propriétés de N.

Une preuve complète et nouvelle provient de Leonhard Euler (1707 - 1783), elle est aussi fondée sur la méthode de la descente infinie. Il en existe d'autres, par exemple utilisant la notion d'entiers de Gauss.


Entier quadratique

Article détaillé : Entier quadratique.

Une fois analysé le cas des puissances de deux, le théorème devient singulièrement plus complexe à établir. Il existe encore trois démonstrations, pour les cas n = 3, 5 et 7 fondées sur le même canevas et usant de la méthode de descente infinie.

Pour pouvoir l'appliquer, une idée fructueuse consiste à modifier l'ensemble sur lequel s'applique l'équation. Il est possible de généraliser le théorème de Fermat sur tout ensemble E muni de deux opérations l'addition et la multiplication. Les opérations sur E doivent disposer d'un minimum de propriétés, lui conférant une structure appelée anneau. Cette idée est un peu contre intuitive, si la résolution se révèle déjà ardue dans Z, l'anneau des entiers relatifs, la question ne devient-elle pas encore plus délicate sur un anneau quelconque ? En fait, l'objectif est de choisir E disposant des bonnes propriétés pour que la résolution soit plus aisée.

Cet anneau est choisi :

  • commutatif ;
  • unitaire, c'est-à-dire que la multiplication dispose d'un élément neutre 1 ;
  • intègre, c'est-à-dire que si un produit a.b est égal à 0 alors soit a soit b est nul ;
  • factoriel, ce qui signifie que tout élément se décompose de manière unique en un élément inversible pour la multiplication et un produit de nombres premiers, comme -6 est le produit de -1, 2 et 3 ;
  • et tel que tout élément inversible possède une racine nième.

Sur un tel anneau, correspondant par exemple à celui des polynômes à coefficients dans C, l'ensemble des nombres complexes, Augustin Louis Cauchy met au point une méthode générale de résolution.

La difficulté réside dans le fait que Z ne contient pas de racine nième de l'unité à l'exception de 1 et -1. L'usage d'autres anneaux contenant Z devient intéressant. Les plus simples correspondent à des ensembles Z[ω] d'entiers quadratiques c'est-à-dire des nombres de la forme a + bω où a et b sont des entiers relatifs et ω un nombre complexe tel que ω2 soit combinaison linéaire de ω et de 1 à coefficients dans Z, ce qui assure la stabilité de l'ensemble. Certains de ces ensembles contiennent des racines nième de l'unité. Tel est le cas si ω est la racine cubique de l'unité j = 1/2(1 + i√3) ou le nombre d'or 1/2(1 + √5). De plus, ces anneaux sont dit euclidiens, c'est-à-dire qu'il existe une division euclidienne. Et tout anneau euclidien est factoriel. Ils permettent de résoudre les cas n = 3 ou 5. Une approche un peu analogue permet encore de résoudre le cas n = 7.

L'efficacité des anneaux quadratiques s'arrête là. Dans le cas général, ils ne sont ni euclidiens ni factoriels, ce qui impose la mise au point d'autres idées.

Cas de l'anneau des polynômes à coefficients complexes

Augustin Louis Cauchy.

On recherche ici à résoudre l'équation :

 x^n + y^n = z^n\;

Ici x, y et z représentent trois polynômes à coefficients complexes. Pour les raisons indiquées au paragraphe précédent, cette question est finalement beaucoup plus facile que celle de Fermat. Elle est résolue en 1847 Par Cauchy[5] après la résolution des cas n = 3,5 et 7 et avant la percée majeur de Ernst Kummer. Le résultat s'énonce de la manière suivante :

  • Soit p, q, r trois polynômes à coefficients complexes et n un entier strictement plus grand que 2, si pn + qn = rn et si p, q et r sont premiers entre eux, alors p, q et r sont trois polynômes constants.

Deux polynômes sont dit premiers entre eux si, et seulement si, les seuls polynômes qui divisent les deux sont les constantes. Cette résolution est plus simple que les trois cas précédents car la complexité calculatoire est moindre. La démarche est néanmoins très similaire. L'ensemble des polynômes à coefficients dans C forment un anneau commutatif unitaire et intègre équipé d'une division euclidienne. Une démarche de nature arithmétique est ainsi possible. Il existe un équivalent de la notion de nombre premier, celle de polynôme irréductible (c'est-à-dire divisible uniquement par lui-même et par 1, à la multiplication par un nombre complexe près) et unitaire (c'est-à-dire de coefficient du terme de plus haut degré égal à 1). Le théorème fondamental de l'arithmétique s'applique, c'est-à-dire qu'il existe une unique décomposition en facteurs premiers, ainsi que l'identité de Bézout ou le lemme d'Euclide. Les démonstrations présentées dans cet article pour les cas n égal à 3 ou 5 sont choisies dans le cadre d'un anneau euclidien.

Cette anneau possède une force qui simplifie largement la démonstration, tout élément du groupe des unités, c'est-à-dire le groupe des éléments inversibles pour la multiplication admet une racine nième. Le fait que les éléments du groupe des unités ne soient pas inversibles présente encore la difficulté à contourner pour les cas n égal 3 et 5.

Cas où n est égal à trois

Article détaillé : Entier d'Eisenstein.

Le cas est plus complexe, Euler écrit à Goldbach en 1753, lui indiquant qu'il a résolu ce cas. Il publie[7] sa preuve, qui se révèle fausse[8]. Pour sa démonstration, il étudie des nombres dont le cube est de la forme p2 + 3.q2, pour cela il utilise une méthode originale pour l'époque, il considère l'ensemble Z[√3.i], et traite cet ensemble comme un anneau factoriel, c’est-à-dire qu'il suppose l'unicité d'une écriture d'un élément en éléments irréductibles. Ce résultat n'est pas exact, par exemple 4 est à la fois égal à 2 x 2 et aussi à (1 + √3.i)(1 - √3.i). Euler se penche à nouveau sur la question et finit par apporter une preuve satisfaisante[9].

Trente ans plus tard, Carl Friedrich Gauss (1777 1855) publie un traité[10] où, pour la première fois, un anneau d'entiers algébriques est étudié rigoureusement, l'anneau des entiers qui porte maintenant son nom. La logique de l'arithmétique modulaire devient applicable et une démonstration analogue à la première d'Euler est maintenant rigoureuse.

L'anneau d'entier algébrique permettant d'analyser simplement le cas où le paramètre est égal à trois est étudié précisément par Ferdinand Eisenstein (1823 1852). Cet ensemble est égal à Z[j] où j désigne la racine cubique de l'unité ayant une partie imaginaire pure strictement positive. Cet anneau est euclidien donc factoriel, en conséquence, la décomposition en éléments irréductibles aussi appelés nombres premiers d'Eisenstein est bien unique.

L'utilisation d'anneau d'entiers bien choisi est une des techniques majeures du XIXe siècle. Pour la résolution du théorème avec certains paramètres. En revanche, rares sont les anneaux d'entiers euclidiens. D'autres techniques doivent alors être adjointes pour arriver à une certaine généralité.

Dans cet anneau d'entiers appelés entiers d'Eisenstein, une descente infinie est relativement simple à trouver, c'est la méthode utilisée dans la preuve proposée ici.


Théorème de Sophie Germain

La démarche permettant de résoudre le cas où n est égal à trois ne se généralise pas. En effet, l'anneau des entiers algébriques associé aux racines de l'unités n'est plus factoriel. Le raisonnement arithmétique du cas précédent n'est donc plus opérationnel.

Durant la première décennie du XIXe siècle, Sophie Germain (1776 - 1831) apporte une nouvelle idée appelée

Théorème de Sophie Germain : Si n > 2 et 2n + 1 sont des nombres premiers et si x.y.z n'est pas multiple de n, alors le triplet (x, y, z) n'est pas solution de l'équation de Fermat.

La démonstration du cas où le paramètre est égal à trois utilise une démarche de cette nature.

L'étude de la démonstration du théorème est alors divisée en deux cas:

  • Il existe une valeur du triplet multiple de n.
  • Aucun des membres n'est multiple de n.

Sophie Germain résout le premier cas pour toutes les valeurs du paramètre inférieures à cent. Adrien-Marie Legendre (1752 - 1833) pousse la démonstration à toutes les valeurs plus petites que cent-quatre-vingt-dix-sept.


Cas où n est égal à cinq

Article détaillé : Entier de Dirichlet.
Dirichlet

Le théorème de Fermat est alors célèbre. Tous les efforts se concentrent sur le cas où le paramètre est égal à cinq. Sophie Germain a résolu le cas où aucune des inconnues n'est multiple de cinq. Cependant, malgré l'implication de nombreux membres de la communauté mathématique, plus de quinze ans s'écoulent sans progrès notable. En 1825 Dirichlet (1805 - 1859) devient immédiatement célèbre, pour un apport significatif. En général, un triplet solution, dans le cas où n est égal à cinq, contient un multiple de cinq et un multiple de deux. Dirichlet résolut le cas où les deux multiples sont associés à la même inconnue.

La démonstration est soumise à l'académie des sciences et Legendre est nommé référé. Il utilise les techniques de Dirichlet, et résout l'autre cas en quelques mois, c’est-à-dire celui où le multiple de deux et celui de cinq sont associés à des inconnues différentes[11].

Les deux démonstrations utilisent des techniques semblables à celle du cas où le paramètre est égal à trois. Elles se fondent sur l'arithmétique modulaire de l'anneau des entiers relatifs et d'un anneau d'entiers bien choisi. Cependant, cette fois-ci et à la différence du cas où n est égal à trois, l'extension cyclotomique associée, c’est-à-dire correspondant au corps de décomposition du polynôme cyclotomique n'est ni euclidien ni factoriel. Il devient nécessaire de considérer l'anneau des entiers du corps Q[√5] et non Q[i√5]. La structure, particulièrement le groupe des unités devient plus complexe. Sa compréhension revient à l'analyse d'une autre équation diophantienne dite de Pell-Fermat, étudiée par Euler. Les travaux de Lagrange sur les fractions continues fournissent les outils nécessaires à l'élucidation de cette structure. Cet anneau prend le nom d'anneau des entiers de Dirichlet, il permet d'établir le lemme clé de la démonstration.

À la différence des travaux de Gauss et d'Eisenstein sur le cas où n est égal à trois, aucune percée théorique majeure n'est réalisée pour la résolution de ce cas. L'anneau associé est toujours euclidien et donc factoriel, les arithmétiques utilisées sont de même nature que les précédentes.


Voir aussi

Notes

  1. Tablette Plimpton 322 Université de Columbia -1900 - -1600
  2. Euclide Les quinze livres des éléments géométriques d'Euclide : plus le livre des donnez du mesme Euclide aussi traduict en françois par ledit Henrion, et imprimé de son vivant traduction de 1632, site Gallica
  3. R. Nogues Théorème de Fermat. Son histoire Paris, Librairie Vuibert 1932
  4. Cette information est corroborée par, par exemple le blog Site en anglais sur les démonstrations du Théorème de Fermat
  5. A. L. Cauchy Mémoire sur de nouvelles formules relatives à la théorie des polynômes radicaux, et sur le dernier théorème de Fermat Compte rendu de l'Académie t. XXIV, p. 516 1847]
  6. La démonstration proposée ici s'inspire du site : B. Edixhoven Cours de maîtrise de mathématiques : Théorie algébrique des nombres Université de Rennes 1 2002
  7. H. M. Edwards Fermat's Last Theorem: A Genetic Introduction to Algebraic Number Theory Springer 3ème Ed 2000 (ISBN 0387950028)
  8. Leonhard Euler Algèbre 1770
  9. Tous les éléments amenant à une preuve sont réunis par Euler, même si la preuve n'est pas clairement rédigée, voir à ce sujet par exemple Le dernier théorème de Fermat par le site de l'Université de St Andrew
  10. Carl Friedrich Gauss Disquisitiones Arithmeticae 1801
  11. Dirichlet Démonstration du théorème de Fermat et de Wilson (compte-rendu par Cournot de quelques mémoires d'Abel, Jacobi et Lejeune-Dirichlet, au Journ. der Mathemat., de M. Crelle, t. 3, cah. 4). 1829, t. 11, p. 153-157

Liens externes

Références

  • Simon Singh, Le Dernier Théorème de Fermat, Poche, 2001.
  • P. Samuel, Théorie algébrique des nombres, Hermann, Paris, 1971.
  • A. Weil, Number theory, an approach through history, from Hammurapi to Legendre, Birkhäuser, 1983.
  • P. Ribenboim, 13 lectures on Fermat’s theorem, Springer Verlag, 1980.
  • P. Ribenboim, Fermat's Last Theorem for Amateurs Springer 2000 (ISBN 0387985085)
  • H.M. Edwards, Fermat's Last Theorem: A Genetic Introduction to Algebraic Number Theory Springer 3ième éd 2000 (ISBN 0387950028)
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