Débrayage (mouvement social)

Débrayage (mouvement social)

Grève

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Grève (homonymie).

La grève est depuis le XIXe siècle[1] une action collective consistant en une cessation concertée du travail par les salariés d'une entreprise, d'un secteur économique, d'une catégorie professionnelle ou par extension de tout autre personne productive, souvent à l'initiative de syndicats. Cette action vise à appuyer les revendications des salariés en faisant pression sur les supérieurs hiérarchiques ou l'employeur (chef d'entreprise ou patron), par la perte de production que la cessation de travail entraîne. Il s'agit d'une épreuve de force : le gréviste n'est pas rémunéré[2] alors que l'entreprise ne produit plus et perd de l'argent.

Le statut juridique des actions de grève est variable selon les pays, de l'interdiction pure et simple (en particulier dans les dictatures), à l'encadrement réglementaire ou législatif. Dans les pays où la grève est légale, elle est en général interdite à certaines professions comme les militaires, les pompiers professionnels ou encore les policiers.

Sommaire

Histoire

Le plus ancien conflit entre employeur et travailleurs dont l'histoire ait gardé la trace a eu lieu en Égypte en l'an 29 du règne de Ramsès III (soit au milieu du XIIe siècle av. J.-C.), à Deir el-Médineh. Les ouvriers chargés de la décoration des monuments de la Vallée des Rois protestaient contre le retard de ravitaillement[3].

Grève des transports à Paris en 1891, un omnibus est pris d'assaut

France

Article détaillé : Grève en France.

Le mot français « grève » tire son nom de la place de Grève à Paris. Cette place, située en bord de Seine devant l'hôtel de ville, était un des principaux points d'accostage des bateaux, car bordée d'une plage de sable. Les hommes sans emploi y trouvaient une embauche facile pour les chargements et déchargements.

La grève implique en premier lieu l'arrêt du travail. Elle peut par ailleurs se concrétiser par le blocage de l'outil de production, par des mesures destinées à gagner l'opinion publique (salariés d'EDF qui reconnectent les déconnectés ou basculent les compteurs en tarif de nuit, salariés de France Télécom qui permettent des appels gratuits...), par des manifestations, et dans certains cas par des actions illégales voire pénalement répréhensibles, comme le chantage environnemental ou la séquestration de membres de la direction. La grève ne prend pas nécessairement une tournure aussi spectaculaire ; il peut s'agir tout simplement d'un arrêt de travail de quelques heures, par exemple pour faire remonter à la direction un conflit avec l'encadrement.

La grève a longtemps été interdite, conséquence de l'abolition des corporations et de la contractualisation du droit du travail. Au cours de la première moitié du XIXe siècle, l'État monarchique réprimait les grèves et emprisonnait souvent les grévistes[4]. A partir de 1864, sous l'Empire libéral, la grève est progressivement légalisée. Les grèves ont été encore plus longtemps interdites aux fonctionnaires. Cependant, à la suite de la Libération en 1944, et en réaction contre tous les interdits imposés par l'occupation nazie et le régime de Vichy[5], la Constitution de 1946 autorisa la grève des fonctionnaires, à l'exception de certains agents d'autorité, « dans le cadre des lois qui la réglementent », d'où l'obligation du préavis de grève.

En France, les grandes grèves « ont généré la production de droits nouveaux »[6] qualifiés de « conquêtes »[7] ou d'« avancées »[8] sociales : la grève générale de juin 1936 permit l’obtention des congés payés, ainsi que la reconnaissance des conventions collectives et des délégués du personnel. La réduction du temps de travail a été une lutte importante du mouvement ouvrier depuis le XIXe siècle - la création en 1889 du 1er mai comme journée annuelle de grève ayant pour but la réduction de la journée de travail à 8 heures (voir loi des 8 heures).

La grève peut aussi être un outil pour défendre la démocratie : grève du 12 février 1934 contre le fascisme, grèves pendant l’occupation, grèves en 1961 contre les militaires putschistes, etc. La grève n’est alors « plus simplement l’un des produits de la démocratie moderne ; elle est aussi garante de la démocratie politique »[9].

Les grèves sont, avec les manifestations et les pétitions, un des moyens privilégiés par les syndicats français et les salariés pour défendre les acquis sociaux tels que les conditions de retraite, la sécurité sociale ou le système éducatif public, ainsi que pour obtenir des hausses des salaires et des améliorations des conditions de travail.

Les grèves de non salariés se développent : médecins, routiers, buralistes, chauffeurs de taxis… Ces actions diffèrent des grèves classiques dans la mesure où ces professions libérales ou ces artisans sont leurs propres employeurs. Le conflit les oppose dans ce cas au législateur. Il existe également le phénomène des grèves étudiantes, mobilisations collectives au cours desquelles les étudiants votent la grève en Assemblées générales, et cessent donc d'aller en cours (comme les autres grèves, ces mouvements s’accompagnent parfois de la mise en place de piquets de grève). Il ne s'agit pas de grève au sens traditionnel ni au sens juridique du terme puisqu'étudier n'est pas une activité salariée ni productrice. Cependant, les syndicats étudiants considèrent les étudiants comme des travailleurs en formation, donc que leur grève serait un moyen de pression sur leurs futurs employeurs.

Avec l’installation d’un chômage de masse, les grèves ont diminué dans le secteur privé[10]. Par ailleurs, plus l’entreprise est petite, plus les grèves sont rares[11]. La grève en France est majoritairement le fait de la fonction publique. En 1989 près de 70 % des jours de grève recensés l'étaient dans la fonction publique[12][13].

Amérique du Nord

Canada

États-Unis

L'apogée du mouvement ouvrier aux États-Unis se situe à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle : entre 1881 et 1905, on dénombre 37 000 grèves dans le pays[14]. En 1919, 2 665 grèves réunissent quatre millions de salariés[15]. En 1946, cinq millions de salariés sont en grève[16]. Noam Chomsky souligne de son côté combien « l'histoire américaine des relations de travail est inhabituellement violente, beaucoup plus que dans d'autres société industrialisées » et cite les estimations de Patricia Sexton dans son livre The War On Labor And The Left (1992) qui parle de 700 grévistes tués et des milliers de blessés de 1877 à 1968 alors qu'on ne compte qu'un seul gréviste tué en Grande-Bretagne depuis 1911[17].

Quelques grèves majeures aux États-Unis :

Eurogrève et grève mondiale

En 1997, la direction de Renault décide de la fermeture d'un des sites historiques de la marque au losange en Belgique : Renault Vilvoorde. 3 100 emplois sont directement supprimés, 4 000 chez les fournisseurs et les sous-traitants. Renault venait d'être élue par les français marque du siècle en décembre 1996, à la veille de son centième anniversaire et avait une image de laboratoire social. L'entreprise a vu son action grimper de 13 % à Paris la première séance faisant suite à l'annonce de fermeture du site. L’image de l'entreprise se ternit et en mars 1997, des dizaines de milliers de personnes dans plusieurs pays de l’Europe des Quinze s'unissent pour la première Eurogrève.

Économie

Monde

Le nombre de journées non travaillées du fait des grèves est très variable selon le pays. Le tableau suivant donne le nombre annuel moyen de jours de travail non travaillés pour 1000 travailleurs dans plusieurs pays de l'Union européenne entre 1995 et 2004 (données Eurostat[25]) :

Pays ou zone Nombre de journées non travaillées
(par an de 1995 à 2004, pour 1000 travailleurs)
Union européenne (à 12 puis à 15) 53,14
Allemagne 2,85
Espagne 142,79
France 91,37
Italie 84,05
Pays-Bas 18,19
Royaume-Uni 23,09

France

La question du coût économique des grèves est parfois posée.

  • Les sociétés dont les salariés font grève voient leur production et leur revenu diminuer ; en même temps, les salaires des grévistes ne sont pas payés. Le résultat net est le plus souvent négatif, donc représente un coût pour l'entreprise en question, car la valeur marchande nette perdue est généralement supérieure à la réduction du coût de la main d'œuvre durant le conflit.
  • Les salariés grévistes subissent le même double effet : pas de salaire durant les grèves mais aussi réduction de certaines dépenses liées au travail (par exemple pas ou moins de déplacement). Il est probable que l'effet net total est sans doute là aussi négatif.
  • Il est extrêmement plus délicat de tirer des conclusions pour les autres acteurs de la vie économique indirectement touchés par les grèves. Ainsi, lors d'une grève des transports, certains secteurs voient leur chiffre d'affaires augmenter (les moyens de transport alternatifs comme Vélib ; les sociétés de vente à distance), et corrélativement les salariés de ces secteurs en bénéficient. En revanche, beaucoup d'usagers ne peuvent se rendre sur leur lieu de travail.

Malgré ces complexités de chiffrage inhérentes à l'économie de marché, certains hommes politiques, économistes et instituts chiffrent l'impact des grèves sur l'économie. Ainsi, la grève des transports d'octobre-novembre 2007 a eu les coûts suivants :

  • selon Christine Lagarde, ministre de l'économie: de 300 à 400 millions d'euros par jour, soit entre 2,7 et 3,6 milliards pour les neuf jours du mouvement[26] ;
  • selon l'économiste Marc Touati : 5 milliards d'euros[27] ;
  • selon l'INSEE : 0,1 point de PIB au 4ème trimestre 2007[28].

Le chiffrage est beaucoup plus facile pour certaines entreprises individuelles :

  • Les 10 jours de grève chez Air France en 1997 ont représenté une perte nette de 1,3 milliard de francs.
  • Le coût des grèves de fin 1995, uniquement pour le service public, s'élève à 533 millions d'euros rien que pour SNCF, la RATP et la Poste.
  • La grève d'octobre-novembre 2007 aurait coûté 300 millions d'euros à la SNCF, soit 30 % à 40 % du résultat annuel. En réaction, la direction a lancé un plan d'économies de 100 millions d'euros[29] .
  • À cela s'ajoutent les pertes conséquentes pour les entreprises privées qui certaines ont vu leur chiffre d'affaire baisser de 25 % sur la même période (Les trois suisses estime la perte à 185 millions de francs de marge brute.) [12]

Cependant certaines de ces grèves, lorsqu'elles sont répétées[12], notamment celles des moyens de Transport (SNCF, Compagnies aériennes ou maritimes, métro, etc.) et des Postes représenteraient une menace économique préjudiciable à la survie des entreprises commerciales ou industrielles tributaires de leur moyens de transport[réf. nécessaire], pourraient décourager le tourisme et l'implantation des entreprises étrangères en France[12]. Certains citent le cas du département de la Guadeloupe, où les grèves répétées dans les hôtels en période touristique, auraient découragé les voyages de vacanciers[12].

Les différents types de grève

Différents modes de grèves ont été inventés au cours de l'histoire :

  • grève tournante : grève concertée entre tous ou une partie des salariés qui se relaient pour faire la grève de façon à ce que les effectifs de travail ne soient jamais au complet sans trop de pertes de salaire.
  • grève perlée : se traduit par un ralentissement volontaire de l'activité. Ce n'est pas une grève au sens juridique du terme, mais une inexécution de ses obligations contractuelles de la part du salarié. Ce type d'action est illégal en France.
  • grève du zèle : consiste à appliquer les règlements dans leurs moindres détails. Avantage pour le gréviste : il réalise son travail, donc cette action est licite (cas des douaniers ou des professionnels pour lesquels la grève est interdite) et il perçoit son salaire, mais il fait tendre sa productivité vers zéro. En France la grève du zèle est illicite[30].
  • grève sauvage : cessation collective, volontaire et concertée du travail, en dehors de toute consigne syndicale, par des salariés refusant d'astreindre leurs revendications au seul cadre de leurs préoccupations professionnelles.
    Une grève sauvage d'enseignants, dans un état du Mexique, déboucha sur une révolte générale en 2006.
  • grève générale : grève regroupant l'ensemble ou la grande majorité des travailleurs d'un pays autour des mêmes revendications principales.
  • grève de la faim : méthode parfois utilisée dans des cas particulièrement tragiques, par exemple par des sans papiers ou des prisonniers désespérés ; elle a généralement un caractère politique. Il existe aussi des grèves de la soif.
  • « grève à la japonaise » : cessation collective du travail où les grévistes mécontents portent un brassard durant leurs heures de travail ; ils affichent parfois leurs revendications.
  • grève solidaire : cessation collective du travail d'une partie des salariés visant à soutenir, par solidarité, les revendications d'une autre catégorie de travailleurs en grève.
  • grève avec piquets de grève : les grévistes se réunissent devant le lieu de travail. Dans le cas où le piquet de grève empêche physiquement les non grévistes d’aller travailler, ce type de grève est illicite en France.
  • grève avec occupation : conflit collectif du travail au cours duquel les salariés grévistes occupent les locaux ; les premiers cas en France ont eu lieu durant les grèves de 1936, qui ont abouti à l’obtention des congés payés.
  • La grève politique : ce type de grève se donne pour objet, non d’infléchir la position prise par l’employeur sur des revendications professionnelles mais d’affirmer une position politique. En France, la grève politique est rattachée d’un point de vue légal à un « usage abusif » du droit de grève (même si en pratique elle est en fait parfois autorisée[31]).
  • La grève de 59 minutes.

Le droit de grève dans le monde

En France

Le droit de grève a commencé à être reconnu depuis la loi Ollivier du 25 mai 1864 (avec des restrictions).

La première grève nationale de revendication a lieu en 1906 pour obtenir la journée de 8 heures (c’est-à-dire la réduction du temps de travail). Le 8 mars 1907, la grève des électriciens parisiens plonge la capitale dans le noir.

En 1946, la grève est un droit reconnu par la Constitution. Le préambule de la Constitution de 1946 énonçait : « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. », en faisant un « principe particulièrement nécessaire à notre temps ». La constitution de la Cinquième République ne prévoit pas le droit de grève mais le Conseil constitutionnel a décidé dans une décision du 16 juillet 1971 de donner valeur constitutionnelle au préambule de la Constitution de 1946 et donc au droit de grève qui y est inscrit. Pour ce qui concerne les fonctionnaires, ce droit fut affirmé et précisé en 1950 par un arrêt du Conseil d'État, l’arrêt Dehaene du 7 juillet 1950.

Mais par ailleurs, la notion de grève est quasiment absente des lois et règlements. L'article L.521-1 du Code du travail indique juste que le salarié ne peut pas être pénalisé pour avoir fait grève. Le point principal réside en fait dans l'intitulé du titre du code : « Conflits collectifs » ; cela indique qu'il faut être au moins deux pour faire grève même si le droit de grève n'en reste pas moins un droit individuel et non collectif. Contrairement à des idées reçues, il n'y a aucune nécessité de faire une assemblée de salariés ou de déposer un préavis à l'avance. A noter toutefois que depuis le 1° mars 2008 en application de l'article 14 de l'ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, la cessation concertée du travail doit être précédée d'un préavis de grève déposé par une organisation syndicale représentant au niveau national ou de l'entreprise le service cessant le travail. Cette disposition ne concerne que les fonctionnaire et les salariés d'un établissement public administratif, industriel et commercial ou d'une entreprise privé chargée d'un service public comme le dispose les article L2512-1 et L2512-2 du Code du travail[32]. Par contre, il est interdit à l'employeur de « casser une grève » en ayant recours à l'intérim (art. L.124-2-3 du Code du travail) ou à des contrats à durée déterminée (art. L.122-3 CT), et il ne peut embaucher des personnes sous contrat à durée indéterminée que si ces personnes peuvent être gardées après la fin de la grève ; par contre, il peut avoir recours à des bénévoles ou à des entreprises extérieures.

Grève en France pour les 8 heures maximum de travail par jour

Le droit de grève connait des limites que la jurisprudence fixe à travers deux méthodes[33]. D'une part, n'est grève que ce qui entre dans la définition juridique de la grève. D'autre part sont illicites les grèves commises abusivement. L'abus de droit n'est pas à comprendre ici dans le sens de mise en œuvre d'un droit dans le but exclusif de nuire mais comme emploi du droit hors de sa fonction sociale : le droit de grève « ne peut être mis qu'au service d'intérêts professionnels qui en constituent le motif légitime »[34]. Sont illicites notamment les grèves politiques (les grèves doivent émettre des revendications sociales et non politiques), certaines formes particulières de grèves (grèves perlées, grèves tournantes dans la fonction publique...) en tant qu'abus du droit de grève. La loi fixe des modalités plus restrictives pour les services publics, dans ses articles L.521-2 à L.521-6 (voir ci-dessous).

La grève consiste à cesser le travail de manière concertée et collective, et elle s'accompagne parfois de piquets de grève, visant à convaincre les salariés non-grévistes de rejoindre la grève. Ceux-ci sont légaux dans la mesure où ils ne sont pas accompagnés d'occupation ou d'un blocage total de la production en empêchant les salariés non grévistes de disposer de leur outil de travail, le plus souvent. En effet, ces dernières formes d'action heurtent un autre principe constitutionnel, celui de la liberté du travail, et sont passibles de sanctions pénales (Cass. soc., 8 déc. 1993, n° 81-14238).

Dans les services publics, une loi a instauré en outre une obligation de préavis de cinq jours et interdit les grèves tournantes (loi du 31 juillet 1963). La controverse sur les grèves dans les services publics vient du fait qu'il y a conflit entre le droit de grève et le principe de continuité du service public, qui sont deux principes à valeur constitutionnelle que les tribunaux doivent concilier (Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979).

Les syndicats de salariés justifient les grèves de fonctionnaire en expliquant qu'elles ont pour but de défendre les missions et la qualité du service public ce qui passe aussi par la défense des conditions de travail et la lutte contre la baisse du nombre de postes (ce qui est en particulier le cas à la SNCF, et récemment dans l'enseignement). En effet, des salariés travaillant dans des conditions qu'ils jugent mauvaises exercent moins bien leur travail. De ce point de vue, les grèves dans les transports en commun, les grèves postales défendraient aussi les intérêts des usagers en tendant à améliorer la qualité du service public. Mais les usagers restent divisés, entre d'une part ceux qui soutiennent les revendications des grévistes parce qu'ils les trouvent justes ou ont le sentiment de revendiquer à travers eux par procuration (ainsi de nombreux salariés du secteur privé se sentent représentés par des grèves et manifestations de salariés du secteur public pour qui de telles actions sont plus aisées à entreprendre) et d'autre part ceux qui les condamnent soit tout simplement parce que ces grèves les gênent soit qu'ils estiment que les gains obtenus par les salariés du secteur public sont gagnés contre les salariés du secteur privé ou la collectivité tout entière étant donné que c'est cette dernière qui à travers le financement de l'État par l'impôt devra financer les revendications sociales accordées par l'État à ses agents.

L'instauration d'un service minimum effectif dans les transports en commun, et plus généralement dans les services publics, est souvent proposée par les partis de droite. Le service minimum est déjà prévu légalement, avec des effets divers selon les secteurs. Il entrerait en contradiction avec le droit de grève qui est considéré comme un droit fondamental des salariés. Jusqu'ici, le législateur n'a pas su trouver une formule conciliant ce droit et celui de continuité du service public. Certains pays européens, notamment l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie ont adopté des lois assez contraignantes en la matière[réf. souhaitée].

Indépendamment du principe de service minimum, se développent dans les transports publics (en premier la RATP puis la SNCF) des dispositifs de prévention des conflits qui ont pour objectif via la discussion de résoudre les conflits sans passer par la grève. Un tel dispositif ne remet pas en cause le droit de grève et a pour objectif de résoudre les conflits par la discussion et le compromis. Des critiques du service minimum pointent la non applicabilité de ces mesures : les grèves auraient lieu qu'elles soient légales ou non[35].

Certaines professions n'ont pas le droit de grève, ou un droit restreint : gardiens de prison, gendarmes, militaires, pompiers… Dans d'autres professions (santé, éducation nationale...), les personnels grévistes peuvent être réquisitionnés.

Les étudiants et lycéens, bien que ne pouvant faire grève au sens strict ou juridique du terme, votent parfois des grèves étudiantes, c'est-à-dire des mouvements collectifs de protestation qui en 2006 ont par exemple fait reculer le gouvernement sur le projet de CPE, un des volets de la loi pour l'égalité des chances. Les lycéens se sont aussi mis en grève pour protester contre la réforme Fillon. Le droit français ignore la notion de grève étudiante[36].

Au Royaume-Uni

Depuis l'ère Thatcher, le droit de grève est « strictement encadré » notamment au travers des Employment Act de 1980 et 1982[37]. La grève peut être considérée comme une faute et les grévistes licenciés.

Selon un rapport parlementaire français[37], « les syndicats doivent envoyer au domicile des salariés un bulletin de vote financé par eux ; la décision de faire grève doit être adoptée à la majorité par un vote par correspondance et à bulletin secret ; le conflit ne peut concerner que des matières limitativement énumérées, telles que les conditions d’emploi, l’embauche, le licenciement, la répartition du travail, l’affiliation syndicale, les règles de discipline ou les procédures de consultation des salariés ».

Lors de la grève sans préavis de 2 heures du 9 août 2005 observée à Londres par les salariés du groupe de restauration aérienne Gate Gourmet, la plupart des 670 grévistes ont été licenciés sur le champ. La direction avait selon les employés sciemment encouragé à la grève pour mieux réduire ses emplois[38] et selon Brittish Airways, qui subit un lourd impact financier à la suite de la grève de ce sous-traitant, la grève pourrait avoir servi les intérêts du patron de la maison-mère de Gate Gourmet qui se trouve être un des dirigeants du concurrent Ryanair[39].

La grève de solidarité est aussi en principe interdite par l'Employment Act de 1982[37]. Une enquête a donc été entreprise[réf. souhaitée] contre les salariés de British Airways qui ont fait grève contre le licenciement des grévistes de Gate Gourmet sans vote préalable et par solidarité.

Les piquets de grève sont limités à six personnes pour qu'ils n'empêchent pas les non-grévistes de travailler[37].

Cette législation a divisé par dix le nombre de grève entre les années 70 et les années 80.[37] Elle est « régulièrement dénoncée par l’Organisation internationale du travail (OIT) comme une atteinte aux droits fondamentaux des travailleurs »[40].

Le 11 juin 2009, Total a pu procéder au licenciement de près de 900 salariés qui menaient une grève jugée illégale[41],[42].

Bibliographie

  • Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, Presses de Sciences Po, 2008, ISBN 978-2-7246-1029-1.

La grève dans la littérature

Filmographie

  • La Reprise du travail aux usines Wonder, réalisé par des élèves de l'IDHEC, France 1968 – Un court métrage de reportage sur la reprise aux usines Wonder à la fin de mai 68. Réalisation : Jacques Willemont.
  • Coup pour coup, réalisé par Marin Karmitz en 1971. Ce film décrit une grève d'ouvrières dans un atelier de couture qui s'est réellement déroulée à Troyes.
  • Tout va bien, réalisé en 1972 par Jean-Luc Godard.
  • Dockers, documentaire de Ken Loach, 1997, 35 mm, couleur, Angleterre
  • Les Lip, l'imagination au pouvoir, documentaire de Christian Rouaud sur l'affaire Lip, 2007

Notes et références

  1. « Le passage au sens moderne de "cessation volontaire et collective du travail se produit vers 1845-1848" » in Alain Rey (dir), Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, 1998, p. 1643.
  2. Sauf si les négociations aboutissent à un paiement, partiel ou non, des jours de grève.
  3. deir el-medineh
  4. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, p. 22.
  5. Le régime vichyste avait interdit les grèves (le 4 octobre 1941) et les syndicats (ces derniers furent représentés en tant que tels au sein du Conseil national de la Résistance). En août 1944, la grève générale – associant les fonctionnaires – a été un élément important de la Libération de Paris.
  6. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, Presses de Sciences Po, 2008, « L’âge de la conquête », pages 34 à 36. Ces grèves « ont généré la production de droits nouveaux » (p. 34).
  7. Stéphane Sirot, « Les congés payés en France avant le Front Populaire : l'exemple des ouvriers parisiens de 1919 à 1935 », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 1996, n° 1, pp. 89-100. [lire en ligne]
  8. Édouard Lynch, « Toury : une grève à la campagne sous le front populaire », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2000, n° 1, pp. 79-94. [lire en ligne]
  9. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, Presses de Sciences Po, 2008, p. 10.
  10. « La pratique gréviste… s’exerce à un niveau moins élevé que pendant l’ère du plein emploi. » (Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, p. 89.)
  11. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, p. 100.
  12. a , b , c , d  et e Le droit de grève dans les services essentiels: conséquences économiques
  13. « Deux facteurs expliquent la forte mobilisation des fonctionnaires d’Etat : d’une part, l’intensité gréviste est corrélée aux politiques budgétaires qui visent à réduire le poids de la fonction publique dans la dépense globale de l’Etat ; d’autre part, l’exercice du conflit par les fonctionnaires est enserré dans des règles juridiques qui n’autorisent pas la diversification des pratiques conflictuelles et contractuelles qui existent dans le secteur concurrentiel. » (Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, p. 94.)
  14. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Presses Universitaires de France, Paris, 2007 (2°éd.) (ISBN 978-2-13-056074 6) , p.309
  15. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Presses Universitaires de France, Paris, 2007 (2°éd.) (ISBN 978-2-13-056074 6) , p.348
  16. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Presses Universitaires de France, Paris, 2007 (2°éd.) (ISBN 978-2-13-056074 6) , p.395
  17. Noam Chomsky, L'an 501. La conquête continue, Écosociété/EPO, 1995, p. 321.
  18. (en) Railroad Strike of 1877. The Electronic Encyclopedia of Chicago, Chicago Historical Society. Consulté le 06-07-2009
  19. Pap Ndiaye, Caroline Rolland, « La saga d'une forteresse démocrate », dans L'Histoire (ISSN 0184-2339), n°339, février 2009, p.41
  20. Pap Ndiaye, Caroline Rolland, « La saga d'une forteresse démocrate », dans L'Histoire (ISSN 0184-2339), n°339, février 2009, p.42
  21. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Presses Universitaires de France, Paris, 2007 (2°éd.) (ISBN 978-2-13-056074 6) , p.307
  22. Jean-Michel Lacroix, Histoire des États-Unis, Presses Universitaires de France, Paris, 2007 (2°éd.) (ISBN 978-2-13-056074 6) , p.274
  23. « An old lesson still holds for unions », The Boston Globe, 31 juillet 2006.
  24. « Unhappy Again », Time Magazine, 6 octobre 1986.
  25. Calcul de moyenne effectué à partir des données fournies par Eurostat, thème « Population et conditions sociales ».
  26. 20 Minutes.fr, 19/11/07, Lagarde évalue le coût de la grève entre 300 et 400 millions d'euros par jour
  27. La Tribune, 23/11/07, Le coût de la grève pourrait grimper jusqu'à 5 milliards d'euros
  28. L'Expansion, 23/11/07, Divergences sur le coût de la grève sur l’économie et les entreprises
  29. Article La Tribune, 04/12/07, Le coût des grèves s'élève à 300 millions d'euros pour la SNCF
  30. Cf. portail de l'administration française
  31. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, p. 110.
  32. http://legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006902378&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20090126&fastPos=6&fastReqId=162281097&oldAction=rechCodeArticle
  33. Le droit du travail, Alain Supiot, 1e édition, 2004, p.98-100
  34. Droit civil, les obligations, Terré, Simler, Lequette, 9e édition, 2005, §741 et 742
  35. Les grèves de salariés sont antérieures au droit de grève et il existe des exemples contemporains de grèves dans des secteurs où cela est illégal comme la Grève des transports en commun de New York 2005
  36. En particulier, il n’existe pas de texte réglementant un droit de grève étudiant ou lycéen.
  37. a , b , c , d  et e Rapport n° 385 (2006-2007), Catherine Procaccia, Sénat, Projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs
  38. A-C POIRIER, Libération, 16/08/05
  39. Le Monde, édition du 16 août 2005. La grève à British Airways et Gate Gourmet illustre la précarité de certains emplois de services.
  40. Guy Groux et Jean-Marie Pernot, La Grève, p. 111.
  41. « Total licencie 900 salariés britanniques en grève », Le Monde, 19 juin 2009.
  42. (en) « Almost 900 construction workers sacked over oil refinery strike », The Guardian, 19 juin 2009.

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