Cinéma muet

Cinéma muet

Le cinéma muet est un cinéma sans paroles, dont la bande son est inexistante (on parle aussi de film silencieux[1]) ou bien constituée de musique enregistrée sur la pellicule ou jouée en direct.

Des premiers films de Le Prince (1888) et des frères Lumière (1895) au Chanteur de jazz (Jazz Singer), en 1927, le cinéma fut majoritairement muet.

Lors de dialogues, les textes des acteurs étaient écrits sur des « cartons », qui apparaissaient la plupart du temps sur toute l'image, pendant ou après les avoir vu parler.

Paradoxalement, la projection des films muets était souvent accompagnée de sons : bruitages réalisés en direct, bonimenteurs, systèmes expérimentaux de synchronisation sur un support séparé (rouleaux de cire, disque, ou seconde pellicule impressionnée par un procédé photoélectrique), musiciens d'accompagnement (lors des rééditions plus récentes de ces films, les sons autrefois produits par une source séparée font partie intégrante du film en tant que bande sonore) qui jouent une musique permettant de couvrir les salles bruyantes avec des spectateurs commentant les films. Le cinéma muet comme art était donc souvent sonore.

Bien que très tôt des essais de sonorisation sur un support séparé furent tentés, la difficulté majeure était la synchronisation avec l'image et l'amplification encore balbutiante. Le procédé qui mit fin à ces tâtonnements fut l'enregistrement optique du son directement sur le film lui-même, entraînant le développement du cinéma sonore.

Sommaire

L'histoire du cinéma muet

L'invention du cinématographe

Vers le milieu du XIXe siècle, certains chercheurs s'intéressent à la décomposition du mouvement. Ils s'inspireront de jouets qui donnent, par la succession de dessins immobiles, une illusion de mouvement.

Dès 1863, les progrès de la photographie permettent de faire des instantanés. Après les travaux de l'Américain Eadweard Muybridge sur la décomposition du mouvement, le Français Étienne-Jules Marey met au point en 1888 le chrono photographe, ancêtre de la caméra, qui capte plusieurs images par seconde.

En 1888, Thomas Edison invente le kinétoscope, armoire dans laquelle un spectateur peut suivre le spectacle enregistré, et en 1895, les frères Lumière réalisent le premier appareil de projection capable d'assurer de manière satisfaisante la prise de vue comme la projection, le cinématographe, qui fera d'eux, après Edison, les pères du cinéma.

Les débuts du cinéma muet

Le 28 décembre 1895, à Paris, dans le sous-sol du Salon indien, est effectuée la première projection publique du cinématographe. Le public assiste à la projection de dix films très courts (17 mètres de longueur), dont La Sortie de l'usine Lumière à Lyon (l'un des premiers films au monde), et Le Jardinier (plus tard renommé L'Arroseur arrosé).

Pendant une dizaine d'années, les vues Lumières sont couronnées de succès et imitées partout dans le monde. En France, en Amérique, en Angleterre, en Allemagne, en Italie et ailleurs, bricoleurs et esprits fantasques se mettent à tourner des milliers de courts-métrages, les projetant avec les moyens du bord dans les cafés ou les baraques foraines. Parmi eux se détache Alice Guy et Ferdinand Zecca, réalisateurs d'une longue liste de courts-métrages.

Edison filme des numéros de cirque pour son kinétoscope, mais ses mises en scène ne seront pas remarquées. Georges Méliès sera le premier à intégrer avec succès la scénographie du music-hall et du théâtre de variétés à la technique cinématographique. Son Voyage dans la Lune (1902) connaîtra un succès mondial.

L'expansion du cinéma

De 1905 à 1910, le cinéma cesse d'être un artisanat improvisé et devient une industrie. En France, les frères Pathé et Léon Gaumont produisent en série de petits films comiques, avec des acteurs comme Rigadin, Boireau et le déjà prometteur Léonce Perret et lancent des sociétés filiales de distribution et de production à l'étranger (notamment en RussieGaumont ouvre une filiale en 1904 pour concurrencer Pathé déjà présent).

Le premier grand acteur comique, Max Linder (Max et sa belle, 1910), qui sera le modèle de Charlie Chaplin, sort de leur école.

En Amérique, Thomas Edison, qui veut imposer son matériel et ses standards techniques, s'oppose aux tentatives de production indépendante, provoquant une véritable « guerre des brevets » qui entravera la production, mais favorisera également la création de compagnies indépendantes (par exemple : IMP de Carl Laemmle) d'où sortiront certaines des futures « majors » de Hollywood (la Universal de Laemmle).

Ainsi, dès 1908, se développent la Vitagraph, qui lance Florence Turner, et la Biograph, où débutent David Griffith (Les aventures de Dolly, 1908) et Mack Sennett.

Des firmes commencent à s'installer à Hollywood : elles se développeront très vite pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918) au détriment du cinéma européen.

Le septième art

Dès 1908, le cinéma cesse d'être une activité strictement commerciale pour se revendiquer comme un art. Grâce aux tentatives géniales de personnes telles que Georges Méliès pour imposer cette tendance, le passage du documentaire à la fiction est assez rapide.

L'Assassinat du duc de Guise, produit en 1908 en France, va donner à Griffith l'envie d'ennoblir le mélodrame (le Remords de l'alcoolique, 1909) et de faire du cinéma le témoin moral de l'histoire (Naissance d'une nation, 1914, dont le triomphe marque le début des films longue durée.). Le langage cinématographique se dessine. Les films policiers à épisodes se multiplient, comme Fantômas (1913) de Louis Feuillade, virtuose du feuilleton populaire, ou Le Docteur Mabuse (1922) de Fritz Lang.

Evgueny Bauer étant l'un des cinéastes russes les plus importants d'avant la révolution d'octobre. Ses plus belles réalisations sont des mélodrames morbides filmés dans des décors maniaques raffinés. Il utilisait déjà des plans-séquences relativement longs et des déplacements de caméra virtuoses. Il faut aussi noter Paul Timan, Piotr Tchardynine ou encore Vassili Gontcharov qui sort le premier long-métrage en 1911.

Le Danemark produira des films teintés d'un art dramatique local, comme ceux d'Urban Gad (l'Abîme, 1910).

Les Italiens s'inspirent de leur tradition spectaculaire pour mettre en scène des divas telles que Lyda Borelli ou Francesca Bertini, et réalisent des tableaux antiques (Les Derniers Jours de Pompéi, de Luigi Maggi (1908), et le prestigieux Cabiria de Giovanni Pastrone (1914) qui seront vite imités par les Américains.

Max Linder est alors considéré comme étant une des personnalités les plus rémunérées du cinématographe sur l'échelle mondiale. Ce n'est qu'en 1914 que Charlie Chaplin débutera chez Mack Sennett. Max a alors plus de dix années de carrière. On comprend ainsi l'influence que cet artiste français a eu sur les premiers pas de Charlie au cinéma. Il suffit pour cela de relire la célèbre dédicace de Chaplin à Max qui n'hésite pas à le considérer comme son maître[réf. nécessaire] . N'oublions pas qu'en 1914, le premier film de Chaplin, Making a living (Pour gagner sa vie en français), ne nous dévoile pas encore le personnage de Charlot, puisque ce dernier ne sera défini qu'au cours de l'année. Chaplin est dans ce film coiffé d'un haut-de-forme et vêtu d'une redingote. Cela nous rappelle bien sûr ce « dandy » à la française surnommé « l'homme au chapeau de soie » : Max Linder.

L'âge d'or du muet

Après une période faste due à la guerre, entre 1914 et 1918, pendant laquelle le cinéma découvre de nouveaux domaines et affirme ses moyens d'expression comme dans Intolérance de D.W. Griffith ou Lest we forget du Français Léonce Perret et les premiers longs métrages de Chaplin, on entre dès 1919 dans une période d'épanouissement.

En Allemagne, le courant expressionniste lancé par le Cabinet du docteur Caligari, de Robert Wiene (1920) ou par De l'aube à minuit, de K.H. Martin (1920), aura une grande influence à l'étranger, mais il s'oppose aux tendances réalistes de la production nationale.

En France, Abel Gance marque un tournant avec son Napoléon et les films s'intellectualisent, influencés par Louis Delluc, en privilégiant dans leur esthétique la plastique de l'image et le rythme, et en approfondissant la psychologie des personnages, surtout chez Germaine Dulac et Jean Epstein (l'Auberge rouge, 1923). Ce courant sera nommé impressionniste, pour l'opposer à l'expressionnisme allemand. Aussi Kœnigsmark réalisé par Léonce Perret en 1923 restera un film marquant de cette époque.

En Union soviétique, les réalisateurs, en majorité favorables à l'idéologie des bolcheviks, souhaitent promouvoir un cinéma révolutionnaire, qui, à travers leurs recherches sur le montage, place l'individu comme élément moteur d'une grande histoire collective, Le Cuirassé Potemkine, de S.M. Eisenstein (1925). Cette « révolution » du montage est précurseur de la « révolution » surréaliste qui gagnera l'Europe avec des films comme Un chien andalou de Luis Buñuel (1928) ou Zéro de conduite de Jean Vigo, (1932). Les surréalistes veulent abolir les limites de la narration.

Aux États-Unis, Hollywood devient la capitale du cinéma, et attire les acteurs et réalisateurs les plus grands, comme Stroheim et Sternberg d'Autriche, Lubitsch d'Allemagne, ou Mauritz Stiller de Suède. Les grands réalisateurs américains sont D.W. Griffith, Cecil B. DeMille, et King Vidor, qui réalisera la Grande Parade en 1925 et la Foule en 1928.

Le système hollywoodien, fondé sur les hiérarchies budgétaires, le cloisonnement en genre et surtout le culte de la star, le star-system, qui est tout puissant dès 1918, assurera son triomphe grâce à Mack Sennett, auteur du cinéma burlesque, avec des acteurs tels que Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Harold Lloyd.

L'arrivée du parlant

Même si certains réalisateurs comme Léonce Perret en France avaient déjà eu l'idée d'accompagner un film de musique, c'est la firme des frères Warner qui se lancera la première dans le film parlant, avec Don Juan (1926) où l'on a simplement ajouté une musique à l'image, puis avec le Chanteur de jazz (1927). Si l'histoire du cinéma établit ce film comme le premier parlant, ce n'est pas forcément vrai, en effet, certains courts Vitaphones étaient déjà parlants (une seule scène dialoguée dans Le Chanteur de jazz) ; quant au Chanteur de Jazz, outre les passages musicaux, il n'est véritablement parlant que pendant quelques petites répliques d'Al Jolson vers la fin du film.

Ces deux films d'Alan Crosland rapportent succès et bénéfice, assurant la suprématie du cinéma américain, et dévaluent radicalement les films muets jusqu'alors admirés.

L'arrivée du parlant s'avérera, malheureusement, fatale pour les acteurs muets, à l'exception de certains comme Chaplin, Laurel et Hardy et les Marx Brothers.

La révolution du cinéma parlant laisse Charlie Chaplin perplexe, non pas parce qu'il est devenu une icône du cinéma muet, cette considération ne vaut pas encore, mais parce que les fondements de son jeu humoristique du personnage de vagabond Charlot proviennent de gags visuels suivis de situations poétiques. Le son est introduit sous forme d'effets dans Les Lumières de la ville (1931) ; en 1936 dans Les Temps modernes, une scène de danse improvisée dans un show très étonnant fait apparaître des paroles inintelligibles prononcées sur l'air de musique, comme si son personnage apprenait à parler ; enfin, outre une frappante ressemblance physique, le discours vibrant du Dictateur à la fin du film, sorti en 1940, immortalise la voix de l'acteur dans un appel vibrant au pacifisme et à la réconciliation des peuples, espoir cinglant jeté à la face de la réalité de cette décennie.

Le cinéma muet après l'invention du parlant

Tous les pays ne connaissent pas la frénésie du cinéma parlant comme en Angleterre ou aux États-Unis. En Russie, Mikhail Romm réalise en 1934 le film muet Pyshka, au Japon plusieurs réalisateurs conservent le muet. En France en 1935, seulement la moitié des salles sont équipées en cinéma parlant. Les films d'amateur en 16 mm restent muets jusque dans les années 1950[2].

Monsieur Hulot est un personnage échappé du cinéma muet dans le monde du parlant, Les Vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati rendant hommage au premier par de rares dialogues et la prédominance de son ambiance sonore.

En 1976, Mel Brooks réalise La Dernière folie de Mel Brooks, un long-métrage en couleur, mais presque entièrement muet, la seule réplique « audible » étant « non », un « non » prononcé par le mime Marceau, lequel n'apparaît dans le film que pour cette réplique. En 1989 Charles Lane réalise et interprète Sidewalk Stories film muet en noir et blanc[3]. En 2011 Michel Hazanavicius réalise The Artist film muet racontant le passage du muet au parlant.

Les principaux comédiens du cinéma muet

Les principaux réalisateurs du cinéma muet

Les principaux films du cinéma muet

Architecture futuriste et effets visuels tirés du film Metropolis de Fritz Lang, production de l'Allemagne de Weimar en 1927 ; le film est anticipateur de l'avènement des mégapoles : au fond, dans la brume se dessinent les contours de la Tour de Babel.

Notes et références

  1. Calque de l'anglais « silent film », « Film silencieux » est avant tout une expression technique de montage pour décrire un film auquel aucune bande sonore n'est associée.
  2. Pierre Billard, L'Âge classique du cinéma français, Flammarion, 1995, 725 p.
  3. fiche Imdb

Bibliographie

  • Sadoul Georges, Histoire générale du cinéma, Paris, Denoël, 1973-1975 : tome 1, L’Invention du cinéma, 1832-1897 ; tome 2, Les Pionniers du cinéma, 1897-1909 ; tomes 3 et 4, Le Cinéma devient un art, 1909-1920 ; t. 5 et 6 : L’Art muet, 1919-1929.
  • Burch Noël, La Lucarne de l’infini. Naissance du langage cinématographique, Paris, Nathan Université, 1991. Réédition : L’Harmattan, 2007 (ISBN 978-2-2960-4326-8)
  • Gili J. A., Lagny M., Marie M., Pinel V. (dir.), Les vingt premières années du cinéma français, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 1995 (ISBN 978-2-8785-4095-6)
  • Albera François, Gili Jean A. (dir.), Dictionnaire du cinéma français des années vingt, Paris, AFRHC, 1895, n° 33, juin 2001 (ISBN 978-2-9137-5806-3)
  • Michel Marie, Le Cinéma muet, Paris, Cahiers du Cinéma - Éditions de l'Étoile, Les petits Cahiers, 2005 (ISBN 978-2-8664-2439-8)
  • Banda Daniel et Moure José, Le Cinéma : naissance d'un art. 1895-1920, Paris, Flammarion, Champs, 2008, 534 p. (ISBN 978-2-0812-1011-0)
  • Banda Daniel et Moure José, Le Cinéma : l'art d'une civilisation. 1920-1960, Paris, Flammarion, Champs, 2011, 487 p., (ISBN 978-2-08-123926-5)
  • Till R. Kuhnle, Le cinéma est devenu un monstre: la parole met fin à l'art. Une polémique contre le "parlant", in: Bénédicte Brémard / Julie Michot / Marc Rolland / Carl Vetters (Dir.): Quand le Cinéma prend la parole (Cahiers du littoral 8), in: Aachen / Boulogne-sur-Mer : Shaker 2010, 1-16 (ISBN 978-3-8322-9715-2)
  • Vincent Pinel, Le cinéma muet, éd. Larousse, 2010, 288 p.
  • Jacques Richard, Dictionnaire des acteurs du cinéma muet en France, éd. de Fallois, 2011, 909 p. (ISBN 978-2-87706-747-8)

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