Mary Seacole

Mary Seacole
Mary Jane Seacole
Image illustrative de l'article Mary Seacole
Un portrait sur huile de Mary Seacole, réalisé par lobscur artiste londonien Albert Charles Challen (184781). Loriginal a été découvert en 2003 par lhistorienne Helen Rappaport, et acheté par le National Portrait Gallery de Londres en 2008[1],[2].
Naissance 1805
Kingston (Jamaïque)
Décès 14 mai 1881 (à 76 ans)
Paddington (Angleterre)
Champs plantes médicinales
Médecine tropicale
Traitement du choléra
Renommé pour Infirmière sur le champ de bataille pendant la guerre de Crimée
Traitement du choléra à Panama.
Distinctions Ordre du mérite de Jamaïque
Médaille de Crimée[3]

Mary Jane Seacole (née en 1805 et morte le 14 mai 1881), parfois connue sous le nom de Mère Seacole ou Mary Grant[4],[5] est une infirmière jamaïcaine connue pour son engagement personnel au cours de la guerre de Crimée[5]. Elle a fondé des maisons de soin à Panama et en Crimée. Mary Seacole a mis en œuvre les remèdes traditionnels que sa mère lui a enseignés, à base de plantes médicinales, celle-ci tenait une pension pour marins et soldats européens blessés.

Mary entend parler des mauvaises conditions médicales dont souffrent les soldats blessés pendant la guerre de Crimée. Persuadée que ses connaissances de la médecine tropicale pourraient être utiles, elle se rend à Londres et demande à rencontrer le ministre de la Guerre. Elle propose bénévolement ses services dinfirmière, sappuyant sur son expérience dans les Caraïbes, et demande un poste d« assistant de larmée en Crimée ». À lépoque, la participation des femmes en médecine fait lobjet de préjugés, et sa demande est rejetée.

Lorsque le gouvernement britannique décide dautoriser lenvoi de femmes dans la zone des conflits, elle ne fait pas partie du contingent de 38 infirmières choisies par Florence Nightingale. Mary décide alors de faire le trajet par ses propres moyens. Elle emprunte largent nécessaire au voyage et parcourt seule les 6 500 km. Sur le champ de bataille, elle se distingue en soignant de nombreux blessés, parfois sous le feu, soignant des soldats des deux parties. Lorsque le conflit se termine en 1856, elle se retrouve abandonnée et presque sans ressources, et ne doit sa survie quà des amis de la guerre de Crimée qui organisent une collecte de fonds lors dun concert. Quelques années plus tard, elle manifeste le désir daller travailler en Inde après la rébellion indienne de 1857, mais ne parvient pas à lever les fonds nécessaires.

Mary Seacole était célèbre et honorée de son vivant, au même titre que Florence Nightingale, mais a été oubliée après sa mort pendant près dun siècle. Aujourdhui, elle est reconnue pour sa bravoure et ses connaissances médicales, ainsi quen tant que « femme ayant réussi malgré les préjugés raciaux dune grande partie de la société victorienne »[6]. Son autobiographie, Les Aventures extraordinaires de Mrs Seacole dans de nombreux pays (1857), est un récit très vivant de ses expériences, et constitue lune des premières autobiographies dune femme métisse.

Sommaire

Début de sa vie, à partir de 1805

Mary Seacole, née Mary Grant à Kingston, Jamaïque[7], est la fille dun officier écossais blanc de larmée britannique et dune femme jamaïcaine créole. La mère de Mary est une Doctress (guérisseuse, en créole jamaïcain), qui utilise les remèdes traditionnels des Caraïbes et dAfrique. Elle gère le Blundell Hall, une pension de famille située au 7, East Street à Kingston, lun des meilleurs hôtels de la ville[8]. Beaucoup de pensionnaires sont des soldats ou des marins européens malades, dont beaucoup souffrent de la fièvre jaune endémique. En effet, à la fin du XVIIIe siècle, les Antilles sont un avant-poste de lEmpire britannique et en 1789, un cinquième du commerce extérieur britannique transite par l'archipel, part qui séleva jusquà un tiers au cours de la décennie suivante[9]. Ces intérêts économiques sont alors protégés par une présence militaire massive, avec 69 régiments dinfanterie servant de 1793 à 1801 et 24 autres de 1803 à 1815[10]. Mary apprend son métier dinfirmière en suivant sa mère. Dans son autobiographie, elle relate avoir dabord imité sa mère en soignant des poupées, puis des animaux, et enfin en aidant sa mère sur les patients[11].

Mary Seacole est fière de son ascendance écossaise, et se définit comme Créole[12], terme neutre dun point de vue racial à cette époque et en particulier beaucoup plus neutre que « enfant de colon blanc »[13]. Légalement, elle était classifiée mulâtre, cest-à-dire métisse avec des droits politiques limités[14]. Robinson suggère quelle puisse avoir été quarteronne, cest-à-dire fille de métisse et dun blanc (sa mère étant déjà métisse dans cette hypothèse). Mary Seacole raconte avec beaucoup de détails et demphase lénergie dont elle fait preuve étant enfant, afin de se distancier de limage stéréotypée du « Créole paresseux »[12],[15],[16]. Cela ne lempêche pas dêtre fière de son amitié avec quelques esclaves noirs américains, et de sa couleur de peau « avec quelques nuances plus brunes »[17].

Mary Seacole passe quelques années au service dune femme âgée, quelle appelle sa « gentille patronne »[12], avant de retourner chez sa mère. Elle est traitée comme un membre de la famille par sa patronne et reçoit une bonne éducation[18]. En tant que fille bien éduquée dun officier écossais et dune femme noire libre exerçant un métier respectable, elle aurait pu occuper une bonne position dans la société jamaïcaine[19].

Vers 1821, Mary Seacole se rend en visite à Londres pour une année. Elle visite sa famille, la famille du commerçant Henriques. Bien que Londres comporte une population noire significative[20], elle remarque quun de ses amis, un antillais à la peau plus foncée que la sienne, se fait railler par des enfants. La peau de Mary, avec « des nuances brunes »[12] selon lautobiographie, est en réalité presque blanche, daprès Ramdin[21]. Environ un an plus tard, elle retourne à Londres pour apporter « un gros stock de conserves de cornichons antillais à vendre »[12]. Ce voyage se fait sans chaperon ni protecteur, ce qui est plutôt inhabituel pour une jeune femme[22]. Elle rentre en Jamaïque en 1825[23].

Dans les Caraïbes, de 1826 à 1851

Aquarelle de Mary Seacole, 1850. Cette image est celle qui illustre lautobiographie

Après avoir regagné la Jamaïque, Mary Seacole retourne chez sa « gentille patronne » pour la soigner pendant une maladie[12], qui la mènera finalement à la mort quelques années plus tard. Mary rentre alors dans sa famille, à Blundell Hall, et travaille aux côtés de sa mère. De temps à autre, elle est appelée par lhôpital de larmée britannique, au camp Up-Park. Ces interventions la conduisent dans les différentes îles des Caraïbes pour visiter la colonie anglaise de New Providence aux Bahamas, la colonie espagnole de Cuba, et la nouvelle république dHaïti. Curieusement, alors que Mary rapporte ses voyages dans son autobiographie, elle passe sous silence des évènements significatifs de lépoque, comme la révolution de Noël en Jamaïque de 1831, la suppression partielle de lesclavage en 1834[24], ou la suppression complète de lesclavage en 1838[25].

Mary épouse Edwin Horatio Hamilton Seacole le 10 novembre 1836 à Kingston. Entre son mariage et son veuvage sécoulent douze années ; Mary Seacole ne les décrit quen neuf lignes dans son autobiographie, à la fin du premier chapitre[12]. Les deux prénoms centraux dEdwin Seacole sont intrigants : Robinson y voit « Horatio Nelson » et rapporte la légende qui fait dEdwin le fils illégitime du premier Vicomte Nelson avec sa maîtresse Emma, Lady Hamilton. Edwin aurait ensuite été adopté par Thomas, un « chirurgien, apothicaire et accoucheur »[26]. Selon la version de Mary Seacole, son mari était le filleul du vicomte Nelson. Elle offre une bague de diamants à son ami Lord Rokeby en la décrivant « donnée à mon mari par son parrain le vicomte Nelson », cependant aucun du testament et des codicilles de Nelson ne mentionne de filleul[27]. Edwin était un commerçant sans grand talent et de faible constitution, lépicerie que le jeune couple ouvre à Black River ne prospère pas, et ils rentrent à Blundell Hall au début des années 1840.

En 1843 et 1844, une série de drames personnels sabat sur Mary Seacole. Un incendie ravage Kingston le 19 août 1843[17], la pension de famille Blundell Hall est en grande partie détruite puis reconstruite « mieux quavant »[17]. Puis son mari meurt en octobre 1844, suivi par sa mère[17]. Après une période dabattement, Mary décide de se reprendre en main[12], elle se tourne vers le travail grâce à ce quelle appelle son « sang chaud créole »[17], différent du sang européen qui « se guérit dans le secret du cœur ». Mary fait donc tourner la pension de sa mère, qui deviendra sous son emprise le lieu le plus souvent occupé par les militaires européens en visite à la Jamaïque[12]. Elle décline plusieurs propositions de mariage[17]. Au cours de lépidémie de choléra de 1850, qui tue plus de 32 000 Jamaïcains[28], elle traite un grand nombre de patients et acquiert une expérience qui lui sera utile au cours des cinq années qui vont suivre. Mary Seacole attribue cette épidémie à un bateau à vapeur en provenance de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane[17], ce qui démontre sa connaissance de la théorie de la contagion[29].

Amérique centrale, de 1851 à 1854

En 1850, Edward, le demi-frère de Mary, déménage à Cruces (actuel Panama), qui fait alors partie de la République de Nouvelle-Grenade. , le long de Río Chagres à approximativement 70 km des côtes, il ouvre un hôtel, the Independent Hotel, suivant la tradition familiale, pour accueillir les nombreux voyageurs entre la côte Est et la côte Ouest des États-Unis. Le nombre de voyageurs avait augmenté en raison de la ruée vers lor californienne de 1849[30], et Cruces était à la limite de navigabilité de la rivière pendant la saison des pluies de juin à décembre[31]. Les voyageurs montaient le long de la rivière jusquà Cruces, puis terminaient leur voyage à dos dâne jusquà Panama City à environ 30 km sur la côte Ouest, ou en revenaient[32]. À la saison sèche, cest la ville de Gorgona quelques kilomètres plus en aval qui jouait le rôle de ville transitoire[31]. Ces villes sont maintenant au fond du lac Gatún, créé lors de la construction du canal de Panamá.

Lorsquen 1851 Mary Seacole rend visite à son frère, elle arrive par coïncidence juste avant que la ville ne soit frappée par le choléra, qui sévissait depuis 1849 à Panama[33],[34]. Mary est donc sur place pour soigner la première victime, qui survit, permettant à Mary Seacole de sétablir une réputation qui lui apportera une succession de patients pendant la propagation de la maladie. Les riches paient, mais elle soigne gratuitement les pauvres[35]. Riches comme pauvres ont succombé en grand nombre. Elle évitait lopium, lui préférant des cataplasmes et les sinapismes à la farine de moutarde, des laxatifs au calomel (chlorure mercureux), des sucres de plomb (Acétate de plomb(II)) et la réhydratation aux infusions de cannelle[33],[36]. Bien que ses remèdes naient quun succès modéré, elle na pas beaucoup de concurrence dans cette ville car les seuls autres soins sont administrés par un « petit dentiste timide »[33], médecin inexpérimenté envoyé par le gouvernement, et léglise catholique.

Croquis de lHôtel britannique de Mary Seacole en Crimée, par Lady Alicia Blackwood (18181913), une amie de Florence Nightingale qui résidait dans les environs à Zebra Vicarage.

L'épidémie fait des ravages dans la population ; Mary Seacole rapporte par la suite son exaspération devant la faiblesse de leur résistance en ces termes : « Ils se prosternaient devant la peste avec un désespoir servile »[33]. Elle procède à une autopsie sur un orphelin quelle avait eu à soigner, et acquiert à cette occasion une connaissance nouvelle « décidément utile » quelle utilisera à bon escient. Vers la fin de lépidémie, Mary Seacole contracte à son tour la maladie mais survit. Lépidémie reprend : la troupe dUlysse Grant en route vers Panama City en juillet 1852 traverse Cruces. Sur 120 soldats, un tiers mourront[34].

Malgré le climat et la maladie, Panama reste la route la plus fréquentée pour aller dune côte à lautre des États-Unis. Mary profite de lopportunité pour ouvrir un hôtel britannique, qui faisait plus restaurant qu'hôtel, mais il semble quelle ait eu des difficultés avec sa clientèle car elle écrit dans son autobiographie quil fallait lutter pour garder les voyageurs sous contrôle[37].

Après la saison des pluies, en 1852, Seacole se joint à un groupe de voyageurs pour aller de Cruces à Gorgona. Elle rapporte dans son autobiographie un épisode qui la rendue furieuse. En effet, lors dun dîner sur le trajet, un Américain a voulu lui rendre hommage, en ces termes : « Que Dieu bénisse la meilleure femme café au lait[38] que nous ayons jamais eu, heureusement quelle na que quelques nuances de brun, [...] si seulement elle pouvait être entièrement lavée avec de leau de javel ou quelque chose... pour lui donner toute sa place dans la société, comme elle le mérite. »[39] Selon ses dires, Mary rétorque vertement quelle préfèrerait être entièrement noire, « aussi noire quun nègre » et appelle de ses vœux « une réforme générale des manières américaines »[39]. Salih remarque que pour cette réponse, Seacole utilise le pidgin américain, en opposition à son anglais habituel sans faute, attaché pour cette occasion à une prétendue supériorité morale et intellectuelle blanche[40]. Elle ajoute que les esclaves américains évadés à Panama y ont pris des postes à responsabilité dans le sacerdoce, larmée ou les services publics[33], et feint de sétonner à voix haute que « la liberté et légalité soient capables délever les hommes »[37]. Elle rapporte une antipathie entre les Panaméens et les Américains, quelle attribue à lancienne forme desclavage de ces derniers[39].

À Gorgona, Mary Seacole ouvre un hôtel pour femmes, et continue à soigner les malades. À la fin de lannée 1852, elle fait un retour à son domicile, en Jamaïque, mais son voyage est retardé car elle se retrouve confrontée à des préjugés racistes quand elle essaye de réserver un billet sur un navire américain. Elle est obligée dattendre un bateau britannique[39]. Peu après son arrivée, les autorités médicales jamaïcaines la sollicitent pour soigner les victimes de la fièvre jaune de 1853[41]. Elle organise un service dinfirmières à lhôpital du camp Up-Park, à environ 1,5 km de Kingston, composé en grande majorité de doctresses afro-caribéennes, qui semblent mieux immunisées contre la maladie[42].

Seacole retourne à Panama début 1854, pour finaliser quelques affaires, et va trois mois plus tard fournir une assistance médicale à la mine de Fort Bowen, près dEscribanos. Elle est embauchée à la New Granada Mining Gold Company par le directeur Thomas Day, un parent de son défunt mari. Avant de partir de la Jamaïque, Mary Seacole avait appris par les journaux le déclenchement de la guerre contre la Russie, et quand les nouvelles de lescalade de la guerre en Crimée atteignent Panama, elle se décide à partir pour lAngleterre afin de proposer ses services bénévoles dinfirmière[41] pour expérimenter « le faste, lorgueil et les circonstances de la guerre glorieuse », comme elle le précise dans le chapitre 1 de son autobiographie.

Guerre de Crimée, de 1854 à 1856

Croquis de Mary Seacole par lartiste de guerre criméen William Simpson (18231899), c. 1855

La guerre de Crimée a duré de 1854 au 1er avril 1856, et a opposé lEmpire russe dun côté contre lalliance composée du Royaume-Uni, de la France, du royaume de Sardaigne et de lEmpire ottoman de lautre côté. Lessentiel du conflit sest déroulé dans la péninsule de Crimée, au nord de la mer Noire.

Plusieurs milliers de soldats de chaque pays ont été envoyés sur le terrain, et des maladies se sont très vite déclarées et propagées au sein des armées. Des centaines de soldats périssent, principalement du choléra[43]. Des centaines dautres meurent en attendant dêtre renvoyés dans leur pays pour y être soignés, ou sur le trajet. Leurs chances sont à peine plus grandes sils peuvent être admis dans un des rares hôpitaux à leur disposition, insalubres, pauvrement équipés, manquant de personnel et surpeuplés. En Grande-Bretagne, une lettre tranchante paraît dans the Times du 14 octobre, le secrétaire détat à la guerre, Sidney Herbert réagit immédiatement et contacte Florence Nightingale pour quelle constitue une équipe dinfirmières à envoyer dans lhôpital pour sauver des vies. En une semaine laffaire est engagée et Nightingale et les candidates sélectionnées partent le 21 octobre[44].

Mary Seacole fait le trajet depuis Navy Bay, de Panama à lAngleterre, munie de lettres de recommandation de docteurs de Jamaïque et de Panama[45]. À son arrivée elle se présente au War Office, pour être envoyée en Crimée comme infirmière de larmée, mais narrive pas à être reçue en entretien. On la renvoie vers le quartier-maître général, puis au département médical, etc. Elle commence à prendre conscience que sa couleur de peau ny est peut-être pas étrangère, comme elle le consignera. Dautres femmes noires sont victimes des mêmes préjugés raciaux. Mary Seacole retrouve en Grande-Bretagne ce quelle avait déjà rencontré auprès dAméricains[45]. Elle comprend alors que même si une place était disponible, elle ne serait pas engagée[45], à linstar des candidates trop vieilles, ivres, manquant de grâce... bref en dehors des critères établis par Florence Nightingale. En effet, Mary est métisse et a alors 49 ans. Persévérante, elle postule auprès de la fondation Crimée, à vocation dassistance aux blessés de Crimée, afin quils lui offrent un billet pour la Crimée, mais elle essuie un nouveau refus[46].

Mary Seacole se résout finalement à voyager jusquen Crimée sur ses propres ressources, pour y ouvrir un British Hotel. Elle imprime et expédie quelques cartes de visites pour annoncer son arrivée imminente, pour ouvrir « une table des officiers et de confortables quartiers pour les officiers malades ou convalescents »[45]. Quelque temps plus tard, Thomas Day, une connaissance des Caraïbes, arrive inopinément à Londres, et ils forment alors un partenariat. Ils regroupent un stock de fournitures, et Mary Seacole sembarque sur le bateau à vapeur néerlandais Hollander le 27 janvier 1855 pour son voyage inaugural vers Constantinople[45],[47]. Lors dune escale à Malte, Mary Seacole rencontre un docteur qui venait de quitter Scutari. Il lui écrit une lettre de recommandation à lattention de Florence Nightingale[48]. À son arrivée à Pera, le port de Constantinople, elle prend un caïque (bateau traînière turc), traverse le Bosphore et visite lhôpital de Florence Nightingale à Scutari. Elle y retrouve parmi les patients beaucoup de visages familiers rencontrés aux Antilles. Elle rencontre Florence Nightingale, et lui propose une fois de plus de travailler pour elle, sans succès[49]. Elle répartit alors ses affaires entre l'Albatross et le Nonpareil, et sembarque pour un voyage de quatre jours vers la tête de pont britannique, à Balaklava en Crimée[50].

À Balaklava, manquant de matériaux de construction, Mary Seacole réunit tout le métal et le bois abandonné quelle peut pendant son temps libre, dans le but dutiliser ces débris pour la construction de son hôtel. Elle trouve un emplacement quelle baptise Spring Hill, proche de Kadikoi, à 5,5 km de la route daccès principale entre Balaklava et le camp britannique à côté de Sébastopol, et à moins de deux kilomètres du quartier général britannique[51].

Lhôtel est construit à partir de bois de récupération, de caisses demballage, de tôles dacier, et déléments de constructions de récupération, telles les fenêtres, les portes, les châssis de fenêtres, du village de Kamara, en embauchant de la main dœuvre locale[51]. Le nouveau British Hotel ouvre en mars 1855. Un des premiers visiteurs est Alexis Soyer, cuisinier français envoyé en Crimée pour améliorer le régime alimentaire des soldats britanniques. Il relate leur rencontre[52] et décrit Mary Seacole comme « une vieille dame dapparence joviale, mais avec quelques nuances plus foncées que le lys blanc »[53]. Lhôtel est terminé en juillet pour un coût total de 800 £. Il comprend un bâtiment fait dacier, contenant une salle principale avec un comptoir et des étagères, ainsi que des stockages au-dessus, une cuisine attenante, deux cabanes-dortoir en bois, une dépendance, et une cour close[54],[55]. Le bâtiment est plein de provisions venant de Londres, de Constantinople, et des camps voisins français près de Kamiesch et anglais près de Kadokoi. Mary Seacole vend de tout « depuis laiguille jusquà lancre » aux officiers de larmée et aux visiteurs de passage[54]. Les repas sont servis à lhôtel, préparés par un cuisinier noir, et la maison assure aussi quelques livraisons. Beaucoup de clients achètent à crédit, ce qui posera des problèmes plus tard. Malgré les vols fréquents, en particulier de provisions, létablissement est prospère. Lhôtel est ouvert six jours par semaine et fermé le dimanche, et Mary Seacole a pu sinscrire dans une sorte de routine. Elle ouvre tôt pour servir les cafés du matin, puis dispenser les soins aux patients, avant de partir faire une tournée de soins[56].

Carte illustrant limplication de Mary Seacole durant la guerre de Crimée

Florence Nightingale sest montrée plutôt ambivalente, bien quelle nait que peu désapprouvé ouvertement les actions de Mary Seacole. Le British Hotel ne se gênait pas pour vendre de lalcool, et accueillait aussi bien les touristes que les soldats, ce qui a conduit Nightingale à accuser plus tard Seacole de faire tourner un établissement qui ne valait guère mieux quun bordel. Quelques années plus tard, dans un courrier adressé en 1870 à son beau-frère, Sir Harry Verney, elle écrit : « [Mary Seacole] gardait - je ne dirais pas une mauvaise maison - mais pas loin, pendant la guerre de Crimée. [...] elle était vraiment gentille avec les hommes, et en particulier avec les officiers, elle leur a fait du bien, et en a enivré beaucoup »[57]. Plus tard, dans un second courrier, elle va plus loin, déclarant que Mary Seacole « était une femme de mauvais caractère », qui gardait une « mauvaise maison »[57], cest-à-dire un lupanar. Robinson considère que cette charge nétait pas fondée, et découlait uniquement du sentiment de supériorité sociale de Nightingale[57]. En effet, des infirmières de cette dernière étaient envoyées à lhôpital Land Transport, à côté du British Hotel, avec ordre déviter tout contact avec l'établissement et Mary Seacole[58]. Cependant, une lettre datée du 30 juin 1856 de John Hall, inspecteur général des hôpitaux, souligne sa gratitude envers Mary Seacole pour son aide à lhôpital[59]. Plus récemment, le biographe Mark Bostridge a publié dans son livre Florence Nightingale, la femme et sa légende des preuves (issues de correspondances dAlexis Soyer) quelle reconnaissait que Mary Seacole a fait beaucoup de bien pour les pauvres soldats. De même, quand Seacole a fait banqueroute après la guerre, Florence Nightingale a été lun des donateurs anonymes de la Seacole's Testimonial Fund.

Mary allait souvent faire la cantinière[60], vendant ses provisions auprès du camp britannique à Kadikoi, et à loccasion allant jusquaux tranchées autour de Sébastopol ou de la vallée de la Tchernaïa. Larmée britannique la connaissait sous le nom de « Mère Seacole »[4].

Elle allait aussi sur les collines de Cathcart (Cathcart's Hill), à quelques kilomètres au nord, pour avoir une vue sur le champ de bataille. À lest, la vallée de Tchernaïa, et les tranchées menant à Sébastopol à 3 km plus au nord. Lors de lune de ses sorties sur le champ de bataille elle tentait de soigner les hommes de troupes sous le feu, elle sest disloqué le pouce droit, blessure qui ne guérira jamais complètement[61]. Dans une dépêche écrite le 14 septembre 1855, William Howard Russell, envoyé spécial du Times écrit qu« elle était un médecin chaleureux et talentueux, qui soignait toutes les blessures des hommes avec un succès extraordinaire. Elle était toujours proche du champ de bataille pour aider les blessés, et elle a gagné la gratitude de plus dun pauvre garçon ». Russel écrit aussi quelle « a redoré le nom de cantinier », et un autre quelle était « à la fois une Miss Nightingale et un chef cuistot ». Mary Seacole mettait un point dhonneur à toujours shabiller de couleurs vives, très visibles, souvent bleues et jaunes, garnies de rubans colorés[62]. Lorsque Lady Alicia Blackwood se rappelle par la suite de Mary Seacole, elle dit delle quelle « ne sépargnait aucune peine et aucun effort lors des visites dans les champs de douleur, et administrait de ses propres mains toutes les choses qui pouvaient alléger la souffrance ou améliorer le confort de ceux qui étaient autour delle, donnant gratuitement à ceux qui ne pouvaient pas payer »[63].

Le 7 septembre 1855, les Français mènent lassaut final de Sébastopol, mais les Britanniques sont battus. Mary Seacole est présente, sur la route de Cathcart's Hill. Le dimanche 9 septembre à laube, la ville est en flamme, il devient clair quelle est tombée : les Russes se retirent dans les fortifications au nord du port. Plus tard dans la journée, Mary Seacole tente sa chance et devient la première femme à entrer dans Sébastopol après sa chute[64]. Elle obtient un laissez-passer, et fait le tour de la ville détruite portant des rafraîchissements, avant de se rendre dans les hôpitaux encombrés le long des quais. Elle y trouve des milliers de Russes morts ou mourants. Des pillards français, trompés par son apparence étrangère, larrêtent, mais un officier de passage la sauve. Elle évacue de la ville quelques objets, dont une cloche déglise, un cierge, et un tableau de la Vierge à l'Enfant de trois mètres de long[64],[65].

Florence Nightingale nétait pas impressionnée par le travail de Mary Seacole en Crimée, et laccusait dintoxiquer les soldats et de tenir un bordel.

Après la chute de Sébastopol, les hostilités continuent de manière désordonnée[66]. Les soldats profitent de lopportunité pour soffrir un peu de plaisir, et le commerce de Mary Seacole est prospère durant cette période intermédiaire plutôt calme[67]. Par exemple, elle fournit la restauration lors des pièces de théâtre ou des courses de chevaux[68].

Mary Seacole est alors rejointe par une jeune parente, Sarah, une fille de 14 ans surnommée Sally. Soyer la décrit comme une « beauté égyptienne, la fille de Miss Seacole », avec des yeux bleus et des cheveux noirs. Florence Nightingale accuse le colonel Henry Bunbury dêtre le père illégitime de lenfant de Mary, mais il nexiste aucune preuve que Bunbury ait rencontré Mary Seacole, ni même été présent en Jamaïque 15 ans plus tôt, ce qui correspond à une date le mari de Mary Seacole était alité[69]. Ramdin spécule sur la relation particulière entre Thomas Day et Mary Seacole, notamment leur rencontre et leur partenariat en Angleterre, après Panama, pour en faire le père de Sally[70].

Pendant ce temps à Paris, les pourparlers de paix débutent en 1856. Le commerce est actif à travers la rivière Tchernaïa[71] et les Russes et les alliés trouvent des accords à lamiable qui se soldent par la signature du traité de Paris le 30 mars 1856 et le retrait des soldats de la Crimée. Mary Seacole est alors confrontée à une situation financière difficile, dun côté les soldats partent, laissant leurs dettes impayées, de lautre les commandes passées sont livrées quotidiennement, et les créanciers demandent à être payés[71]. Mary essaye de vendre le plus possible de ses provisions, mais est contrainte de vendre à perte aux soldats russes qui rentrent chez eux. Lévacuation des armées alliées est totalement terminée à Balaklava le 9 juillet 1856, et Mary Seacole est « aux premières loges, vêtue dun plaid de cavalière »[72]. Elle est lune des dernières à quitter la Crimée, et rentre en Angleterre plus pauvre quen partant[71].

Retour à Londres, de 1856 à 1860

Mary Seacole est en banqueroute lorsquelle arrive à Londres. Le neveu de la Reine Victoria, le Comte Gleichen, qui avait lié amitié avec elle en Crimée, décide de lancer une collecte de fonds.

À son retour en Angleterre, Mary Seacole est en banqueroute et en mauvaise santé. Dans la conclusion de son autobiographie, elle relate que sur la route du retour, elle « saisit lopportunité » de visiter « quelques autres pays », mais Robinson attribue plutôt à létat de ses finances la nécessité de faire des détours pour rentrer. Elle arrive en août 1856, et envisage un moment douvrir une boutique avec Thomas Day à Aldershot (Hampshire), mais rien ne se concrétise. Elle assiste avec 2 000 soldats à une célébration donnée le 25 août 1856 en lhonneur de Florence Nightingale à Kennington aux jardins Royaux de Surrey. Selon le Tiles du lendemain et News of the world du 31, Mary Seacole est chaleureusement fêtée par la foule immense, encadrée de deux sergents costauds qui la protègent de la pression de la foule. Cependant ses difficultés financières saggravent, elle est poursuivie par les créanciers qui la fournissaient en Crimée. Elle est contrainte de déménager au 1, Tavistock Street, Covent Garden. La chambre des banqueroutes la déclare en cessation de paiement le 7 novembre 1856[73]. Robinson suggère que les problèmes de Mary ont pu être aggravés par le commerce douteux de chevaux de son partenaire Thomas Day, qui aurait mis en place une banque non officielle, et accumulé des dettes[74].

À peu près à cette époque, Mary Seacole commence à porter des médailles militaires. Elles sont mentionnées dans un compte-rendu de sa tenue devant la chambre des banqueroutes en novembre 1856[75]. Un buste de Georges Kelly, fondu daprès un original du comte Gleichen de 1871, montre quelle portait quatre médailles, dont une médaille de Crimée britannique, la légion d'honneur française, et lordre du Medjidie turc. La quatrième est apparemment une récompense de Sardaigne (la Sardaigne sest en effet jointe à la France et à lAngleterre pour aider la Turquie dans la guerre contre lEmpire russe)[75]. Le Daily Gleaner jamaïcain a établi dans sa nécrologie du 9 juin 1881 quelle avait aussi reçu une médaille russe, mais non identifiée. Cependant, aucun avis officiel de ses récompenses nexiste dans le London Gazette, et il semble peu probable quelles lui aient été attribuées de façon formelle. Cest plutôt une sorte daffichage de son soutien et de son affection pour ses « fils » dans larmée qui lui a fait acheter ou porter ces médailles[75],[76].

Le triste sort de Mary Seacole paraît dans la presse britannique[5], à la suite de quoi elle reçoit des dons de personnalités de premier plan, ce qui lui permet le 30 janvier 1857 de lever la banqueroute à sa charge[77] et à celle de Thomas Day. Ce dernier part alors aux antipodes tenter une nouvelle fois sa chance[78]. Mary reste bien pauvre et déménage de Tavistock Street pour un logement moins cher au 14 Soho Square, ce qui conduit le Punch à lancer une souscription publique pour lui venir en aide le 2 mai[79].

Cette collecte de fonds permet également de maintenir une certaine notoriété publique à Mary Seacole. En mai 1857 elle envisage de partir en Inde pour administrer des soins aux blessés de la révolution indienne de 1857, mais ses difficultés financières len empêchent[80], de même que le nouveau secrétaire de la guerre, Lord Panmure qui le lui déconseille[81]. Le Major-général Lord Rokeby, qui commandait la première division en Crimée, Lord Georges Paget et de nombreux autres militaires organisent le « Grand festival militaire de la fondation Seacole », du lundi 27 au jeudi 30 juillet 1857 pour lui permettre daccomplir ce voyage. Plus de 1 000 artistes jouent, 11 fanfares militaires, un orchestre conduit par Louis-Antoine Jullien... Une foule de 40 000 personnes assiste au spectacle[82], pour un shilling lentrée. Cependant, les coûts de production sont élevés, et la compagnie des jardins royaux de Surrey a elle-même des problèmes financiers. Elle est insolvable immédiatement après le festival, et le temps que les difficultés financières de la compagnie ruinée soient réglées, il ne reste quun quart de la somme (soit 57 £) pour Mary Seacole et surtout la révolution indienne est terminée[83].

En juillet 1857, elle publie chez léditeur James Blackwood une autobiographie de 200 pages contant ses voyages : Les aventures extraordinaires de Mrs. Seacole dans de nombreux pays. Il sagit de la première autobiographie écrite par une femme noire en Grande-Bretagne[84]. Le livre coûte 1 shilling et 6 pences (1,6 £), la couverture est ornée dun portrait frappé de Mary Seacole, à lencre rouge, jaune et noire[85]. Selon Robinson, elle laurait dicté à un éditeur, uniquement identifié en tant que W.J.S dans le livre, qui a amélioré lorthographe et la grammaire[86]. Dans cet ouvrage, les 39 premières années de sa vie sont traitées en un court chapitre[87], elle ny mentionne ni les prénoms de ses parents, ni sa date de naissance, par exemple, puis détaille sur six chapitres les quelques années à Panama et termine dans les 12 chapitres suivants, par ses exploits en Crimée. La conclusion traite de son retour en Angleterre et sert surtout à remercier ses soutiens dans la collecte de fonds, dont Rokeby, le Prince Edward de Saxe-Weimar, le duc de Wellington, le duc de Newcastle, William Russel, et dautres militaires de haut rang. La dédicace est pour le Major Général Lord Rokeby, commandant de la première division, et la préface est de William Howard Russel qui écrit : « Jai été témoin de son dévouement et son courage ... et jespère que lAngleterre noubliera jamais celle qui a nourri ses malades, qui a cherché à apporter aide et secours à ses blessés, et qui a effectué les derniers offices pour certains de ses illustres morts »[88].

Fin de vie, de 1860 à 1881

La seule photo connue de Mary Seacole, reproduite à partir dune carte de visite par Maull & Co. à Londres (c. 1873)

Mary Seacole rejoint léglise catholique vers 1860 et retourne en Jamaïque[89], qui a bien changé pendant son absence à la suite dune récession économique[90]. Elle devient une figure importante dans le pays. Cependant, en 1867, elle fait de nouveau face à des difficultés financières, et la fondation Seacole à Londres ressuscite, le temps de récolter assez dargent pour que Mary Seacole sachète un terrain sur Duke Street, près de New Blundell Hall à Kingston. Des donateurs illustres participent, dont le prince de Galles, le duc d'Edimbourg, le duc de Cambridge, et dautres officiers supérieurs. Sur le terrain quelle achète, Mary Seacole construit une grande propriété à louer et un bungalow pour y habiter[91].

En 1870, Mary Seacole revient à Londres. Ses projets sont confus, on sait que sa venue a suscité des échanges de courrier entre Florence Nightingale et son beau-frère, Sir Harry Verney (époux de Parthénope, la sœur de F. Nightingale) ; on suppose donc quelle a approché ce dernier. Or il est à cette époque membre du parlement de Buckingham et très impliqué dans la British National Society chargée de lassistance aux malades et aux blessés, ce qui fait dire à Robinson quelle avait peut-être dans lidée de proposer ses services dans la guerre franco-prussienne[92]. Cest à cette occasion que Florence Nightingale écrit que Seacole tenait une « mauvaise maison » en Crimée, et la tient pour responsable de « nombreuses ivresses et conduites incorrectes »[93] de soldats en Crimée.

À Londres, Mary Seacole évolue en périphérie du cercle royal. Elle a accueilli comme client en Crimée le Prince Victor de Hohenlohe-Langenburg, neveu de la reine Victoria, alors jeune lieutenant[61]. Il la met en contact avec la princesse de Galles pour quelle devienne sa masseuse personnelle, pour ses rhumatismes et sa thrombose[94]. Il sculpte également un buste en marbre de Mary Seacole en 1871 qui sera exposé à lexposition dété de lAcadémie Royale.

Mary Seacole meurt en 1881 dans son domicile de Paddington, à Londres[95], dapoplexie selon les rapports de décès. Elle laisse un héritage de plus de 2 500 £, dont la majeure partie, hors quelques legs spécifiques, va à sa sœur, Louisa. Les legs spécifiques sont des dons de 50 £ à Lord Rokeby, au Colonel Hussey Fane Keane et au comte Gleichen, les trois fiduciaires de la fondation Seacole. Le comte Gleichen reçoit en outre la bague en diamant de son mari, quil tenait de Lord Nelson[96]. Une courte épitaphe paraît dans le Times, le 21 mai 1881. Elle est enterrée dans le cimetière catholique de Sainte Marie, Harrow Road, Kensal Green, à Londres.

Reconnaissance

    She gave her aid to all in need
    To hungry, sick and cold
    Open hand and heart, ready to give
    Kind words, and acts, and gold
    And now the good soul is "in a hole"
    What soldier in all the land
    To set her on her feet again
    Won't give a helping hand?
    

Bien qu'elle soit bien connue à la fin de sa vie, Mary Seacole disparaît rapidement des mémoires publiques. Son travail en Crimée est éclipsé par Florence Nightingale pendant de nombreuses années. Toutefois, ces dernières années il y a eu un regain dintérêt pour elle et des efforts pour mieux faire connaître ses actions. Seacole est devenue un symbole des attitudes raciales et des injustices sociales en Grande-Bretagne au cours de cette période. Elle est citée en exemple comme une « noire cachée de lhistoire » dans les versets sataniques de Salman Rushdie comme Olaudah Equiano : « Voyez, voici Mary Seacole, qui a fait en Crimée autant quune autre dame à la lampe magique, mais étant noire, pouvait à peine être prise pour la flamme de la chandelle de Florence »[98],[99].

Blue plaque de Mary Seacole à Londres

On se souvient mieux delle en Jamaïque, on lui a décerné à titre posthume lordre du mérite jamaïcain en 1991. Le siège social de la Jamaican General Trained Nurses' Association a été baptisé Mary Seacole House en 1954, suivi de près par une résidence de luniversité des Indes Occidentales à Mona, Jamaïque[100]. Lhôpital public de Kingston a donné son nom à un service[101]. Sa tombe est redécouverte en 1973, un service de reconsécration a lieu le 20 novembre 1973, et son impressionnante pierre tombale est restaurée à cette occasion par la fondation du Commonwealth britannique des infirmières de guerre et le Lignum Vitae Club. Une cérémonie commémorative célèbre le centenaire de sa mort le 14 mai 1981[100]. Les maisons de Londres dans lesquelles elle a vécu sont ornées de plaques commémoratives installées par le grand conseil de Londres. Une blue plaque au 157 Georges Street est apposée le 9 mars 1985[102]. Elle est retirée en 1998 quand la bâtisse est rénovée[102] et remplacée par une plaque verte au 147 Georges Street le 11 octobre 2005, tandis quune autre plaque bleue est apposée sur son autre résidence, au 14 Soho Square, elle habitait en 1857[102].

XXIe siècle

Depuis les années 2000, lhistoire de la vie de Mary Seacole est de nouveau associée à lhistoire du pays, et on lenseigne dans les écoles primaires du Royaume-Uni au côté de Florence Nightingale. Le Baron Clive Soley, député de Londres, a lancé une campagne le 24 novembre 2003 pour ériger une statue en lhonneur de Mary Seacole à Londres[103],[104], le design de la sculpture a été présenté le 18 juin 2009, et son installation est attendue dans les deux ans[105].

En 2004, elle termine à la première place dun sondage en ligne des 100 plus grands Noirs britanniques[106],[107].

Un prix annuel pour reconnaître et développer le leadership des infirmières, sages-femmes et visiteurs de santé au Service National de la santé sappelle Seacole pour « reconnaître ses actions »[108]. Début 2005, plusieurs bâtiments portent son nom en son honneur. Cest le cas des nouveaux quartiers généraux de Home Office au 2 Marcham Street[109], dun nouveau bâtiment de lUniversité de Salford, de luniversité de Birmingham City, dun centre dapprentissage pour infirmières à luniversité de Thames Valley[110], et du centre de recherche Mary Seacole de lUniversité De Montfort, à Leicester[111]. Citons encore une salle de TP de lUniversité Saint Georges, de Londres, qui porte son nom, une salle du centre Douglas Bader à Roehampton, et le récent bâtiment Mary Seacole de lUniversité Brunel qui abrite une école de sciences médicales et sociales. Le centre de recherche Mary Seacole vient de créer la bibliothèque NHS spécialisée dans la santé et lethnicité. Cette bibliothèque électronique en ligne collecte tous les ouvrages de recherche sur la santé des minorités ethniques ou des groupes multiculturels, les bonnes pratiques et leurs besoins. Ce centre se propose aussi dexplorer les controverses actuelles et limpact de la race ou du groupe ethnique sur la santé.

En mars 2005, pour célébrer le bicentenaire de sa naissance, une exposition Mary Seacole ouvre au musée Florence Nightingale de Londres. Prévue pour quelques mois, elle a en réalité duré deux ans, en raison de sa popularité[112].

Lors du 150e anniversaire du National Portrait Gallery en 2005, son portrait est choisi pour représenter lun des dix plus importants britanniques sur une planche de timbres[113].

Une statue est prévue dans la cour de lhôpital Saint Thomas, à Londres[114].

Notes et références

  1. Portrait de Mary Jane Seacole (née Grant), par Albert Charles Challen, c.1869, National Portrait Gallery ; un portrait perdu de Mary Seacole découvert, National Portrait Gallery paru dans la presse le 10 janvier 2005.
  2. NPG Collection
  3. En photo : Célébration en lhonneur de linfirmière héroïque, par la BBC le 24 mai 2005
  4. a et b Mixed Historical Figures, MixedFolks, vers 2003. Consulté le 30 mars 2008
  5. a, b et c About Mary Seacole (an independent view), Thames Valley University, vers 20062007 (commentaire sur la date voir : [1]). Consulté le 30 mars 2008
  6. Who's who in British History, p. 715.
  7. Robinson, p. 10.
  8. Robinson, p. 22.
  9. Ramdin, p. 4.
  10. Ramdin, p. 4, citant René Chartrand, British Forces in the West Indies 17931815, Osprey, 1996.
  11. Robinson, p. 24.
  12. a, b, c, d, e, f, g, h et i Seacole, Chapter I.
  13. Sara Salih, Wonderful Adventures of Mrs. Seacole in Many Lands, Penguin Books, 2005 (ISBN 0195066723), p. 256 
  14. Alexander & Dewjee, p. 10.
  15. Ramdin, p. 5.
  16. Salih, note 3 du chapitre 1, p. 183.
  17. a, b, c, d, e, f et g Seacole, chapitre 2.
  18. Robinson, p. 12.
  19. Robinson, p. 13.
  20. Ramdin, p. 8, lestime à environ dix mille en 1820, à comparer avec la population intra-muros londonienne de 1 263 975 selon le recensement de 1821.
  21. Ramdin, p. 8.
  22. Robinson, p. 18.
  23. Wonderful Adventures of Mrs. Seacole in Many Lands - p. 25.
  24. Robinson, p. 34.
  25. Salih, p. xx.
  26. Robinson, note 1 du chapitre 6.
  27. Robinson, note 1 du chapitre 6, p. 209.
  28. Robinson, p. 36.
  29. Salih, p.xviii ; note 9 du chapitre 2, p. 186.
  30. Robinson, p. 42.
  31. a et b Robinson, p. 61.
  32. Robinson, p. 48.
  33. a, b, c, d et e Seacole, chapitre 4.
  34. a et b Robinson, p. 54.
  35. Another Florence Nightingale? The Rediscovery of Mary Seacole, National University of Singapore, 30 avril 2002. Consulté le 6 avril 2008
  36. Robinson, p. 53.
  37. a et b Seacole, chapitre 5.
  38. Note du traducteur : mot argot américain yaller
  39. a, b, c et d Seacole, chapitre 6.
  40. Salih, p. xxvi.
  41. a et b Seacole, chapitre 7.
  42. Robinson, p. 71.
  43. Mary Seacole, A View, Spartacus, 2001. Consulté le 30 mars 2008
  44. Robinson, p. 8587.
  45. a, b, c, d et e Seacole, chapitre 8.
  46. Robinson, p. 90.
  47. Robinson, p. 91.
  48. Seacole, chapitre 9.
  49. Florence Nightingale, Spartacus Schoolnet, 2007. Consulté le 3 mai 2008
  50. Seacole, chapitre 10.
  51. a et b Seacole, chapitre 11.
  52. Il rapporte avoir rencontré Mary Seacole au cours de sa campagne culinaire de 1857.
  53. Cité par Ramdin, p. 85.
  54. a et b Seacole,chapitre 12.
  55. Robinson, p. 111.
  56. Seacole, chapitre 14.
  57. a, b et c Robinson, p. 122.
  58. Robinson, p. 126.
  59. Seacole, chapitre 13.
  60. Mary Seacole (18051881), British Broadcasting Corporation, 2005?. Consulté le 30 mars 2008
  61. a et b Seacole, chapitre 16.
  62. Robinson, p. 131.
  63. (en) Lady Alicia Blackwood, A Narrative of Personal Experiences and Impressions during a Residence on the Bosphorus throughout the Crimean War, 1881 ; Cité par Alexander & Dewjee, p. 28.
  64. a et b Seacole, chapitre 17.
  65. Robinson, p. 138.
  66. Seacole, chapitre 18.
  67. Robinson, p. 145.
  68. Robinson, pp. 146147.
  69. Robinson, p. 155.
  70. Ramdin, p. 12023.
  71. a, b et c Seacole, chapitre 19.
  72. Robinson, p. 153, citant le journal Illustrated London News du 30 août 1856.
  73. Robinson, p. 157, 160.
  74. Robinson, p. 159.
  75. a, b et c Robinson, p.167.
  76. Christodoulou, Glenn 'Honouring Seacole' History Today mars 2005
  77. Robinson, p. 166.
  78. Seacole, Conclusion
  79. Robinson, p. 168, 169.
  80. Robinson, p. 169.
  81. Robinson, p. 179.
  82. Voir ce décompte dans Robinson, p. 17578.
  83. Robinson, p. 180.
  84. Robinson, p. 172173 ; note 2 du chapiter 10, p. 213.
  85. Robinson, p.171.
  86. Robinson, p. 168.
  87. Seulement quatre pages dans lédition de Penguin.
  88. Blue plaque pour Mary Seacole, English Heritage, 2007-11-27. Consulté le 2008-05-03
  89. Robinson, p.182183.
  90. Jamaica, Genealogy, George Eliot: Inheriting the Empire After Morant Bay, North Carolina State University, 1997. Consulté le 2008-05-03
  91. Robinson, p. 187.
  92. Robinson, p. 188.
  93. Citée par Robinson, p. 191.
  94. Robinson, p. 193.
  95. Robinson, p. 197.
  96. Robinson, p. 196.
  97. « Mary Seacole », dans Punch, 6 December 1856 [texte intégral]  Note : La citation est présente sur la page web, mais il ny a pas de lien vers le magazine Punch.
  98. Salman Rushdie, Versets sataniques, Vintage, p. 292, Cité par Salih, page 15.
  99. Note : Florence Nightingale est surnommée « la femme à la lampe ».
  100. a et b Robinson, p.199.
  101. Alexander & Dewjee, p. 40.
  102. a, b et c Enfin une plaque bleue !, Thames Valley University, 2007-11-27. Consulté le 2008-04-06
  103. Appel pour une statue, Mary Seacole Memorial Statue Appeal, 2008. Consulté le 30 mars 2008
  104. Campagne pour une statue pour Mary Seacole, The Times, 22 mars 2006. Consulté le 30 mars 2008
  105. BBC NEWS - England - London - Seacole sculpture design revealed, news.bbc.co.uk. Consulté le 18 juin 2009
  106. 100 Great Black Britons, Every Generation, 21 octobre 2007. Consulté le 30 mars 2008
  107. Nurse named greatest black Briton, British Broadcasting Corporation, 10 February 2007. Consulté le 30 mars 2008
  108. Mary Seacole Leadership and Development Awards, Royal College of Nursing, 2007. Consulté le 3 mai 2008
  109. Home Office Moves Home, HM Government - Home Office, 26 January 2005. Consulté le 3 mai 2008
  110. The Mary Seacole Centre for Nursing Practice, Thames Valley University, 2008. Consulté le 30 mars 2008
  111. The Mary Seacole Research Centre, De Montfort University, 2007. Consulté le 30 mars 2008
  112. Nouvelle exposition: "The Wonderful Mrs Seacole", de mai 2005 à mars 2007 au Florence Nightingale Museum, 2 rue Lambeth Palace, Londres.
  113. National Portrait Gallery, National Portrait Gallery (United Kingdom), 2006. Consulté le 30 mars 2008
  114. « Seacole sculpture design revealed », dans BBC News, 18 juin 2009 [texte intégral (page consultée le 19 juin 2009)] 

Voir aussi

Bibliographie

La bibliographie est classée chronologiquement selon l'année de parution.

  • (en) Alexander Ziggi et Audrey Dewjee, Mary Seacole: Jamaican National Heroine and Doctress in the Crimean War, Brent Library Service 1982 ((ISBN 0-9503227-5-X) p/b)
  • (en) Alexander Ziggi et Audrey Dewjee, Wonderful Adventures of Mrs Seacole in Many Lands, Falling Wall Press, 1984 (ISBN 0905046234) 
  • (fr) Christel Mouchard, Aventurières en crinoline, chap. 2 : Mary Seacole. La revanche d'une épicière antillaise, Seuil, 1987, pp. 63-103
  • (en) Alexander Ziggi, Let it Lie Upon the Table: The Status of Black Women's Biography in the UK, Gender & History, Vol. 2 No. 1 Spring 1990, p. 2233 (ISSN 0953-5233)
  • (en) Jule Gardner, Who's Who in British History, Collins & Brown, 2000 (ISBN 1855857715), p. 864 
  • (en) Mark Bostridge, « Ministering on Distant Shores », The Guardian, 14 février 2004. [2]
  • (en) Jane Robinson, Mary Seacole : The Charismatic Black Nurse who became a heroine of the Crimea, 2004 (ISBN 1841196770) 
  • (en) Elizabeth N Anionwu, A short history of Mary Seacole. A resource for nurses and students, Royal College of Nursing 2005 (ISBN 1-904114-16-4)
  • (en) Ramdin Ron, Mary Seacole, Haus Publishing, 2005 (ISBN 1904950035) 
  • Mark Bostridge, Florence Nightingale. the Woman and Her Legend, Viking 2008.

Liens externes

Sur les autres projets Wikimedia :

Bon article
Cet article est reconnu comme « bon article » depuis sa version du 11 mars 2011 (comparer avec la version actuelle).
Pour toute information complémentaire, consulter sa page de discussion et le vote layant promu.


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Mary Seacole de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Mary Seacole — Mary Jane Seacole A portrait of Mary Seacole in oils, c. 1869, by the obscure London artist Albert Charles Challen (1847–81). The original was discovered in 2003 by historian Helen Rappaport, and acquired by the National Portrait Gallery in… …   Wikipedia

  • Seacole, Mary — ▪ Jamaican nurse née  Mary Jane Grant  born 1805, Kingston, Jamaica died May 14, 1881, London, Eng.  Jamaican nurse who cared for British soldiers at the battlefront during the Crimean War.       Her father was a Scottish soldier and her mother a …   Universalium

  • St. Mary's Roman Catholic Cemetery — is located at Kensal Green in London. Established in 1858, the 29 acre (120,000 m²) site was built just up the hill from the much larger Kensal Green Cemetery. It is the final resting place for more than 165,000 individuals of the Roman Catholic… …   Wikipedia

  • Heathfield St Mary's School — Infobox UK school name = Heathfield St Mary’s School size = 107px latitude = longitude = dms = motto = The Merit of One is the Honour of All established = 1899 approx = type = Public Boarding School religion = Church of England head label =… …   Wikipedia

  • Сикол, Мэри — Мэри Сикол Mary Seacole …   Википедия

  • Lead(II) acetate — chembox new ImageFile = Lead(II)Acetate.jpg ImageSize = 200px IUPACName = Lead(II) acetate SystematicName = Lead(II) ethanoate OtherNames = Plumbous acetate, Salt of Saturn, Sugar of Lead, lead diacetate Section1 = Chembox Identifiers… …   Wikipedia

  • Acétate de plomb(II) —     …   Wikipédia en Français

  • Florence Nightingale — Born 12 May 1820(1820 05 12) Florence, Grand Duchy of Tuscany Died …   Wikipedia

  • 100 Great Black Britons — The 100 Great Black Britons list was compiled as a response to the BBC s 100 Greatest Britons debate that took place the previous year (November 2002) in the United Kingdom. [cite press release publisher= date=… …   Wikipedia

  • Crimean War — For other uses, see Crimean War (disambiguation). Crimean War Part of Ottoman wars in Europe Detail of …   Wikipedia

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/2036665 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”