- Les Temps difficiles
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Hard Times - For These Times
Temps difficiles Première page de Household Words du 1er avril 1854 avec les premiers chapitres du roman.Auteur Charles Dickens Genre Roman (« engagé » : critique sociale) Version originale Titre original Hard Times for These Times Éditeur original Bradbury & Evans Langue originale Anglais Pays d'origine Angleterre Lieu de parution original Londres Date de parution originale 1854 Version française Traducteur Andhrée Vaillant (1956) (avec une préface de Pierre Gascar) Lieu de parution Paris Éditeur Gallimard (Folio classique) Date de parution 1985 (réédition 2008) Dessinateur non illustré Nombre de pages 435 ISBN 978-2-07-037647-6 Chronologie Bleak House Little Dorrit (Les) Temps difficiles est le dixième roman de Charles Dickens, un court roman paru, non en publications mensuelles comme ses romans précédents, mais en feuilleton hebdomadaire dans sa revue Household Words, du 1er avril au 12 août 1854. Ce roman social, situé dans la ville fictive de Coketown (image de Manchester, le grand centre textile, et de Preston où Dickens a séjourné durant la grève de janvier 1854), montre les difficultés d'adaptation des deux classes sociales (la bourgeoisie d'affaire et les ouvriers) à la nouvelle économie issue de la révolution industrielle. Il y dépeint avec un réalisme dénonciateur une classe ouvrière asservie, misérable et moutonnière, abrutie par le travail répétitif, livrée aux démagogues professionnels, que domine une bourgeoisie pragmatique et utilitariste, avide de profits et de pouvoir, persuadée de la nature quasi divine de ses droits et forte de la bonne conscience qu'elle puise dans les lois de l'économie de marché, mais dont il analyse les alibis et dépeint les travers avec une ironie mordante.
Comme dans Dombey and Son paru six ans plus tôt, il fait un portrait acide de la bourgeoisie dont la fortune s'est bâtie sur l'industrie. Thomas Gradgrind, le principal personnage masculin, est le représentant de cette bourgeoisie rationaliste qui se croit investie de la mission de promouvoir le progrès matériel, le productivisme, le culte de l'efficacité, la prévalence du « fait » sur l'imagination, et veut réduire le monde à une série d'équations. Il se rend compte trop tard, en découvrant la souffrance de sa fille Louisa et la déchéance morale de son fils Tom, de l'échec de son système éducatif et de la faillite de son existence.
Malgré des personnages que leurs outrances rendent comiques, comme Mr Bounderby et Mrs Sparsit, l'atmosphère du roman est plutôt sombre et Dickens refuse à ses personnages un dénouement heureux. Il ne partage pas l'optimisme délibéré d'Elizabeth Gaskell dont le roman North and South , qui se déroule à la même époque et, en grande partie, dans le même espace géographique, suit de peu celui de Dickens dans Household Words, puisqu'il y paraît de septembre 1854 à janvier 1855. Traitant aussi des relations patrons-ouvriers, mais d'un point de vue féminin, elle imagine qu'ils finiront par apprendre à se comprendre, alors que Dickens laisse son lecteur dans l'incertitude et le doute quant à l'avenir de ses personnages et à la solution des antagonismes entre capitalistes et prolétaires.
Sommaire
Genèse et publication
Parce que les ventes de Household Words marquent le pas à la fin de 1853, Dickens accepte de fournir un feuilleton pour sa revue, alors qu'il n'a plus écrit de feuilletons hebdomadaires, dont il estimait la technique d'écriture et le rythme d'écriture trop contraignants[1], depuis Barnaby Rudge publié en 1841. Le roman paraît du 1er avril au 12 août 1854, en première page, place habituelle des articles de réflexion, lui conférant un sérieux particulier : les questions sociales évoquées dans la fiction font écho aux articles documentaires sur les conditions sanitaires, la nécessité d'éduquer les classes populaires, ou les accidents du travail que contient la revue[2]. Il n'est pas illustré, puisqu'il n'y a pas d'illustrations dans Household Words, et l'action se déroule non à Londres ou dans la campagne anglaise mais dans une ville manufacturière fictive du nord industriel. Cependant le succès est au rendez-vous puisque les ventes de la revue doublent. Le roman est publié chez Bradbury & Evans et sort en librairie fin août, avec une dédicace à Thomas Carlyle, dont Dickens partageait les idées, et à qui il avait écrit pour lui en demander la permission[3]. Ami de Dickens depuis 13 ans, Carlyle avait déjà dénoncé le caractère abstrait des statistiques utilisées en économie qui oubliaient les besoins humains fondamentaux[3].
Dickens s'en prend en effet à la forme la plus radicale de l'utilitarisme, celle qui, comme il l'écrit à Charles Knight, ne « considère que les chiffres et les moyennes » (« see figures and averages, and nothing else »). Ayant visité des usines à Manchester en 1839, il y a vu les dures conditions de travail et d'existence des ouvriers, la misère des Workhouses accentuées en 1834 par la New Poor Law, la Nouvelle loi sur les indigents votée par une élite persuadée de la propension à la paresse des classes laborieuses[N 1]. Il est décidé à frapper le coup le plus fort possible (« strike the heaviest blow in [his] power ») et en janvier 1854 se déplace à Preston où une grève dure[4], qui va durer sept mois en tout, paralyse les manufactures de coton depuis l'automne 1853, y visite une usine et y rencontre les délégués syndicaux, dont les plus connus sont George Cowell et Mortimer Grimshaw[5].
En tant qu'éditeur de Household Words, Dickens, attentif au succès de sa revue et à la notoriété des écrivains qu'il sollicite, cherche à maximiser ses profits. Aussi, l'ouvrage programmé pour paraître immédiatement après le sien, dès septembre 1854, le roman industriel d'Elizabeth Gaskell, écrit par une femme et d'un point de vue féminin, ne bénéficie-t-il pas de la première page, comme Hard Times, mais se trouve à la place habituellement occupée par les feuilletons. En outre, Dickens, peut-être inquiet de lasser ses lecteurs ou jaloux d'un ouvrage qui traite du même sujet et se déroule dans le même espace géographique que son propre roman, tente de faire condenser et compresser North and South (dont il a aussi imposé le titre), car « si nous mettons plus, chaque semaine de North and South que nous avons mis de Hard Times, nous allons ruiner Household Words »[6]. Il est vrai que l'ambition affichée de Mrs Gaskell est de corriger voire de ridiculiser la représentation très négative et satirique que Dickens fait de Manchester, où elle vit, et de ses patrons d'industrie[7].
Réception
Les contemporains
La critique est divisée au départ. Si John Ruskin apprécie Hard Times parce qu'il met l'accent sur d'importantes questions sociales, le XIXe siècle en général critique le roman : Harriet Martineau est particulièrement sévère, l'accusant de trop caricaturer et même d'être ignorant des sujets qu'il traite[8]. Macaulay lui reproche son « socialisme maussade » (« sullen socialism »)[9] et sa méconnaissance des réalités politiques. Une critique de Hard Times publiée en octobre 1854 dans la Wesminster Review s'en prend à sa description du système éducatif de Coketown, car « un tel système n'est appliqué nulle part en Angleterre »[10]. En 1877, un article paru dans The Atlantic Monthly, titré « On the Economic Fallacies of Hard Times » et signé E. P. Whipple, considère que ses opinions sur l'utilitarisme « sont issues d'impressions vives intensifiées par des émotions philanthropiques, mais ne procèdent pas d'un minutieux processus de raisonnement »[10].
Certains, comme Margaret Oliphant, soulignent les ressemblances avec le roman d'Elizabeth Gaskell, car tous les deux soulèvent une importante question sociale et « dans tous les deux, le récit quitte peu à peu le thème public pour suivre son propre chemin »[11].
Depuis le XXe siècle
George Bernard Shaw, dans son introduction au roman en 1912, tout en admirant sa « révolte passionnée contre l'organisation industrielle du monde moderne » lui reproche « de ne connaître des populations qui travaillent dans ces villes exclusivement industrielles que ce qu'un observateur professionnel peut en attraper au cours d'une visite éclair à Manchester », et, à cause du personnage très caricatural de Slackbridge, d'épouser les vues de la classe dominante sur les délégués des organisations d'ouvriers[10].
F. R. Leavis est le premier à faire une présentation positive de Hard Times en 1948 dans The Great Tradition, considérant ce « grand livre » comme une « fable morale », qui, certes, n'a rien d'un « conte de fée, et absolument rien de plaisant » (The heightened reality of that great book has in it nothing of the fairy-tale, and is such as to preclude pleasantness altogether[12]), mais possède une grande importance morale. C'est, à son avis, un ouvrage essentiel et même son seul ouvrage artistique sérieux (his only serious work of art). Des écrivains comme D. H. Lawrence et George Orwell soulignent sa critique de la société industrielle et sa colère généreuse, et G. K. Chesterton dans Appreciations and Criticisms le considère comme l'expression la plus dure, la plus inflexible, la plus rude d'une « vertueuse indignation qui ne peut consentir ni à l'humour ni même au pathétique »[N 2]. Toutefois on reproche à Dickens une connaissance trop superficielle de ses dossiers et sa propension à sacrifier le réel à la fiction et de faire un compte-rendu « de la réalité au mieux lacunaire, au pire complètement fantaisiste »[13].
Rosemarie Bodenheimer, qui s'intéresse à la façon dont l'émergence du syndicalisme, à travers grandes grèves et répression gouvernementale, est retranscrite dans les œuvres de fiction, constate que Dickens, dans Hard Times, comme Disraeli dans Sybil (1845) ou Charles Kingsley dans Alton Locke (1849), fait une présentation assez détestable des premières unions syndicales et de leurs leaders ; ce n'est que dans North and South d'Elizabeth Gaskell que le syndicalisme « s'épanouit en organisation légitime »[14], et qu'un responsable syndical est présenté sous un jour sympathique.
Résumé
La version imprimée par Bradbury & Evans se présente en trois parties, respectivement de 16, 12 et 9 chapitres : Les Semailles (Sowing), La Moisson (Reaping), L'Engrangement (Garnering), qui font écho à un verset de l’Épître aux Galates (6,7) : « Ce que l'homme sèmera, cela aussi il le moissonnera ». Les titres des chapitres de Hard Times dans l'édition de 1867-1868 des œuvres de Dickens sont de la main de l'auteur lui-même. Les éditions suivantes les ont parfois repris, adaptés puis ont privilégié des titres beaucoup plus courts[15].
Livre 1 : Les Semailles
L'action commence dans l'école de Mr Gradgrind à Coketown, où le nouveau maître, Mr M'Choakumchild, est chargé d'enseigner aux enfants les Faits (Facts), et à éradiquer tout symptôme d'imagination (Fancy) : Sissy Jupe, qui vient d'un cirque, fait mauvaise impression, tandis que le jeune Bitzer donne les définitions qu'on attend de lui. En retournant chez lui, Mr Gradgrind surprend ses propres enfants à épier le cirque itinérant, malgré leur éducation utilitariste et rationnelle. Il les ramène à Stone Lodge, où son ami, Mr Bounderby, en l'attendant, assomme la pauvre Mrs Gradgrind avec le récit détaillé des malheurs de son enfance. Persuadé que la non-rationnelle Sissy Jupe a une influence pernicieuse, Mr Bounderby, propose d'aller prévenir son père que l'école ne peut plus l'accueillir[16]. En chemin, ils rencontrent Sissy qui les amène à l'auberge Aux Armes de Pégase où loge la troupe. Son directeur, Mr Sleary, les informe que le père de Sissy, incapable d'assurer ses numéros, est parti, abandonnant sa fille. Mr Gradgrind propose de la recueillir (et de lui enseigner les Faits) : toute la troupe lui fait ses adieux. Le lendemain Bounderby parle de Louisa à son intendante, Mrs Sparsit. Louisa et son frère Tom évoquent le vide de leur vie[17]. Malgré sa bonne volonté, Sissy ne fait aucun progrès dans l'apprentissage des Faits, mais émeut Louisa.
L'ouvrier Stephen Blackpool découvre avec consternation que sa femme, une alcoolique qui avait disparu depuis un certain temps, est revenue le tourmenter et il profite de la pose de midi pour se renseigner auprès de Bounderby, son patron, sur une possibilité de divorce. En sortant de chez lui, il rencontre une étrange vieille femme qui a l'air d'admirer Bounderby en cachette[18]. Le soir, lorsqu'il rentre finalement chez lui, il découvre que Rachel, l'ouvrière dont il est amoureux, est venue avec abnégation soigner sa femme.
Mr Gradgrind est élu au Parlement et Sissy reste chez lui pour s'occuper de sa femme. Tom est entré dans la banque de Bounderby et encourage sa sœur à l'épouser. Seule Mrs Sparsit désapprouve ce mariage dont elle prédit l'échec[19].
Livre 2 : La Moisson
Arrive James Harthouse, un dandy amoral venu de Londres se frotter à la politique locale. Invité chez les Bounderby, il est intrigué par Louisa et circonvient Tom pour en apprendre un peu plus sur sa sœur qu'il projette de séduire pour se désennuyer. Pendant ce temps un orateur, Slackbridge, tente de réveiller une conscience de classe chez les ouvriers et de les entraîner à s'unir. Seul Stephen refuse de se laisser convaincre, affirmant que cela empirera la situation. Il est mis en quarantaine, mais refuse de dénoncer ses anciens camarades lorsqu'il est convoqué chez son patron. Furieux, celui-ci le chasse. Stephen doit quitter Coketown s'il veut trouver du travail[20].
Il passe la soirée avec Rachel et la vieille inconnue. Louisa vient lui proposer une aide financière et Tom l'incite à venir nuitamment roder près de la banque, lui promettant un appui. Mais il le fait en vain. Harthouse, de son côté, mène de front ses avancées politiques et la séduction de Louisa. Un matin, Bounderby découvre qu'on a dérobé 150 livres à la banque. Les soupçons se concentrent sur Stephen, bien que Louisa soupçonne fortement son frère[21].
Tandis que Mrs Sparsit se rend indispensable à Bounderby, et que Mr Gradgrind siège au Parlement, Louisa retourne à Stone Lodge où sa mère se meurt. Lorsqu'elle retourne chez son mari, Mrs Sparsit l'espionne, persuadée qu'elle va céder à Harthouse. Elle surprend la déclaration de ce dernier et la promesse de Louisa de le retrouver en ville le soir même. Mais elle perd la trace de Louisa, qui s'est réfugiée à Stone Lodge. Son père découvre avec consternation combien l'éducation de sa fille l'a rendue malheureuse[22].
Livre 3 : L'Engrangement
Louisa se remet lentement, veillée par Sissy, qui prend l'initiative d'inciter Harthouse à partir. Bounderby vient réclamer sa femme, mais, devant le refus de Gradgrind de la laisser partir dans l'état où elle est, il la répudie.
Pour oublier ses déboires conjugaux, il s'acharne à découvrir son voleur. Slakbridge excite les ouvriers contre Stephen. Rachel dévoile la venue de Louisa et le don d'argent et écrit à Stephen pour qu'il revienne défendre son honneur, mais il ne revient pas et les soupçons grandissent. On découvre un soir que la vieille inconnue, que Mrs Sparsit présente comme une complice de Stephen, n'est autre que la mère de Bounderby qui a bâti sa réputation sur une imposture. De dépit, il chasse Mrs Sparsit.
Sissy et Rachel découvrent que Stephen a bien pris le chemin du retour mais qu'il est tombé dans un vieux puits de mine désaffecté. Les secours s'organisent, mais il survit juste le temps de faire ses adieux à Rachel. Les soupçons se concentrent alors sur Tom à qui Sissy conseille de se réfugier parmi les gens du cirque de Sleary. Malgré les efforts de Bitzer qui veut ramener Tom à Coketown, il parvient à s'embarquer pour l'Amérique.
Le dernier chapitre dévoile l'avenir ambigu des personnages : si les méchants sont punis (Mrs Sparsit est chassée, Bounderby meurt d'apoplexie, Tom ne rentrera pas d'exil), si les bons sont récompensés (Sissy sera heureuse), l'avenir des autres est plus nuancé : Rachel continuera à travailler, vêtue de noir, paisible et sereine, parce que c'est son lot ici-bas, Mr Gradgrind deviendra compatissant, mais méprisé par ses anciens collègues, Louisa ne se remariera pas et n'aura jamais d'enfant mais, devenue experte en folklore enfantin, se consacrera à « embellir la routine et la trivialité de la vie de ses frères les plus humbles ».
Personnages
La famille Gradgrind
Mr et Mrs Gradgrind vivent à Stone Lodge. Il y a cinq « petits Gradgrind », Louisa, Tom, Jane, Adam Smith et Malthus, ces deux derniers nommés d'après Adam Smith, fondateur du libéralisme économique et auteur des Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, et Malthus, auteur de l’Essai sur le principe de population[23].
- Thomas Gradgrind
Premier personnage à apparaître, il est l'un des personnages majeurs. Enrichi par un commerce de quincaillerie en gros, il se présente comme « un homme de réalités. Un homme de faits et de calcul. Un homme qui agit selon le principe que deux et deux font quatre ». Porte parole de la bourgeoisie, il devient MP. Physiquement, c'est un homme « carré », la répétition du terme dans le premier chapitre (square coat, square legs, square shoulders) soulignant l'assurance et la rigidité intellectuelle du personnage[24].
Il est toutefois amené à évoluer, parce qu'il n'a pas le cœur complètement desséché. Par exemple, « il éprouve trop de sympathie envers Sissy pour pouvoir la mépriser » (I, xiv). En voyant ce que sont devenus ses deux aînés il réalise la faillite de son système, se repend, devient plus humain, « subordonnant ses faits et ses chiffres à la Foi, à l'Espérance et à la Charité » (making his facts and figures subservient to Faith, Hope and Charity).
- Louisa (Loo)
La fille aînée, dont « les pensées sont tellement indociles qu'elles [la] force à [se] poser des questions » (I have such unmanageable thoughts […] that they will wonder[25]), ce que proscrit absolument le système éducatif paternel, a appris à étouffer en elle tout ce qui pouvait ressembler à une émotion et est devenue en grandissant « réservée et peu communicative ». Elle passe sa vie à « regarder les flammèches rouge qui tombent du feu pour blanchir et mourir » (looking at the red sparks dropping out of the fire, and whitening and dying)[25]), image de son mal de vivre : « un feu qui n'avait rien à brûler, une imagination affamée qui tant bien que mal se maintenait en vie » (a fire with nothing to burn, a starved imagination keeping life in itself somehow[26]). À dix-neuf ans, elle se laisse marier à Josiah Bounderby, qui en a cinquante, pour obéir à son père et faire plaisir à son frère, la seule personne pour qui elle éprouve un véritable et profond sentiment d'affection.
Son éducation scientiste l'a empêchée de développer les qualités domestiques considérées comme idéalement féminines par la société victorienne, mais elle apprend à manifester et à exprimer ses émotions avec l'aide de Sissy[24].
- Tom
Thomas Gradgrind, Junior Tom, qualifié de jeune monstre, de misérable (wretched boy (II, viii), et le plus souvent de whelp (titre du chapitre II, iii)[N 3] par le narrateur, développe un égoïsme monstrueux. Décidé à prendre sa revanche contre l'éducation donnée par son père, dès qu'il acquiert un peu d'indépendance, il devient sournois et se met à mener une vie de dissipation, n'hésitant pas à voler son patron, Bounderby et à faire accuser Stephen Blackpool[23]. Finalement découvert, il est envoyé en Amérique par son père avec la complicité de Mr Sleary.
- Mrs Gradgrind
Effacée, hypocondriaque, pleurnicheuse, elle mène une demi-vie. Sans imagination, une des raisons pour laquelle Mr Gradgrind l'a épousée, elle est complètement assotée par la personnalité de son mari et assommée par tous les « faits » et toutes les choses en « -ologie » qu'étudient ses enfants. Sa phrase favorite : [si je dis quelque chose sur n'importe quel sujet], « je n'ai pas fini d'en entendre parler » (« I should never hear the last of it »). Aussi, n'ayant ni la force ni le pouvoir d'argumenter avec son mari, préfère-t-elle se taire.
- Jane
La petite sœur de Louisa et Tom a la chance de vivre au contact de Sissy, ce qui fait qu'elle sera beaucoup plus heureuse que Louisa.
Personnages importants
- Mr Bounderby
Meilleur ami de Mr Gradgrind, il est plus intéressé par le pouvoir (il possède une manufacture) et l'argent (il possède une banque) que par les faits[24]. Josiah Bounderby of Coketown, se présente avec ostentation comme le vivant exemple du passage vertueux de la misère à la fortune (« from rags to riches ») : élevé par une grand-mère ivrogne, il a mangé de la vache enragée dans sa jeunesse et s'est élevé dans la société à force de privations et de volonté. Il cultive son côté fruste et mal dégrossi en « fanfaron d'humilité » (Bully of humility) et éprouve un plaisir sournois à voir dans une position subalterne l'aristocratique Mrs Sparsit. Lorsque « cet homme remarquable, cet imposteur enfant de ses œuvres » (remarkable man and self-made Humbug) est démasqué (livre III, chapitre V) à cause de « l'excès de zèle » de Mrs Sparsit, il se trouve publiquement et durablement ridiculisé.
- Cecilia Jupe
Affectueusement surnommée Sissy par son père, elle est un personnage lumineux, sensible, compatissant, à l'imagination vive, l'opposée de Louisa. Lorsque son père, qu'elle aime d'un amour fusionnel, disparaît, elle est recueillie par les Gradgrind, pour lesquels elle éprouve respect et gratitude. Elle possède toutes les qualités de l'Ange de la maison cher à l'imaginaire victorien : présence aimante et attentive, elle a la « sagesse du cœur ». Elle veille Mrs Gradgrind, Louisa, et prend des initiatives : elle oblige, avec douceur et fermeté, Mr Harthouse à quitter Coketown, elle court chercher du secours pour sortir Stephen tombé dans le Puits de l'Enfer.
- Stephen Blackpool
Ouvrier dans la manufacture de Mr Bounderby, c'est un homme d'une quarantaine d'années, honnête, intègre et droit, prématurément vieilli. Malgré son air intelligent, et le respect qu'on lui manifeste, il n'a aucun rôle dans le monde ouvrier, ce n'est pas un meneur. Au contraire, c'est un timide, un solitaire. S'il est conscient des injustices, ce n'est pour lui qu'un « brouillamini ». Il est considéré comme un « jaune » et mis en quarantaine par ses camarades parce qu'il refuse de souscrire à la caisse du Tribunal mutuel (à cause d'une promesse faite à Rachel), et chassé par son patron parce qu'il refuse de les trahir[N 4]. Il attire la sympathie du lecteur non parce qu'il est un ouvrier exploité, mais parce qu'il est une victime : il aime Rachel, mais il est marié, et mal marié : sa femme, qui ne revient que pour lui extorquer de l'argent et dont il n'a pas les moyens de divorcer, est alcoolique et adultère. Les relations et les liens personnels passent avant la solidarité de classe[27].
- Rachel
Simple, honnête, réservée, elle aime Stephen, mais ce n'est pas elle qu'il a épousée lorsqu'ils étaient jeunes, c'est son amie, qui est devenue maintenant cette « creature » alcoolique et violente qu'elle soigne avec dévouement, lorsqu'elle revient de ses errances, par fidélité à leur amitié ancienne et par compassion. Stephen voit en elle une sorte d'ange tutélaire à qui « il s'en remet de le défendre contre lui-même » (« he trusted to her to defend him from himself »[28]). Pour cet homme fruste, elle est une présence lumineuse, « comme le sont les brillantes étoiles face à une grossière bougie », qu'il traite avec une dévotion respectueuse (« As the shining stars were to the heavy candle in the window, so was Rachael, in the rugged fancy of this man, to the common experiences of his life »[29]).
- Mrs Sparsit
Intendante de Mr Bouderby avant son mariage, elle est présentée au chapitre VII. D'origine aristocratique, petite nièce de Lady Scadgers, elle a été mariée à 36 ans à un jeune aristocrate de 21 ans criblé de dettes, mort à 24 d'une overdose de brandy. Elle s'est placée comme gouvernante, autant pour faire enrager sa grand-tante que par nécessité. Nantie d'un nez busqué « à la Coriolan »[N 5] et d'épais sourcils noirs (Coriolanian style of nose and [the] dense black eyebrows), elle cultive un air digne et distingué. Égoïste, manipulatrice, hypocrite, elle tisse sa toile autour de Bounderby qu'elle aimerait bien épouser. Aussi fait-elle tout pour ruiner son mariage avec Louisa. Mais ses manigances ne réussissent qu'à révéler à tous l'existence de la discrète Mrs Pegler et les mensonges de son patron.
- James Harthouse
Ce dandy libertin, familièrement appelé Jem, qui apparaît au chapitre II de La Moisson est un charmant jeune homme qui a trainé son ennui un peu partout et que son frère envoie à Coketown pour qu'il se lance en politique dans le parti Gradgrind. Indifférent à tout, il n'est intéressé ni par le pouvoir ni par l'argent ; sans opinions personnelles, il se dit « tout aussi attaché à ce parti que si je croyais en lui ». Il a fait sienne la devise des Russell Che sara sara[N 6]. La froide Louisa l'intrigue et, vite ennuyé par la politique, il cherche à la comprendre et s'occupe à la séduire. Il utilise les fréquentes conversations qu'il a avec elle pour manipuler les émotions qu'elle n'a pas conscience d'éprouver[21].
- Mr Sleary
Le directeur du cirque, qui souffre d'emphysème, a une prononciation chuintante et se soutient grâce au brandy à l'eau. Il est l'antithèse de Mr Gradgring : il considère que le rire, la poésie, la fantaisie sont indispensables pour rendre la vie supportable. Accusé par ce dernier au début du roman de corrompre ses enfants, il aidera généreusement Tom à échapper à la prison, d'abord en le cachant parmi son personnel, puis en organisant son embarquement pour l'Amérique.
Autres personnages
- Mrs Pegler
La vieille mère aimante de Josiah Bounderby, qui a accepté de s'effacer, mais vient, une fois par an à Coketown pour le voir de loin.
- Bitzer
Élève de l'école de Mr Gradgrind, pur produit du système d'éducation utilitariste qui y est dispensé, il est embauché à la banque Boudberby où il espionne Tom pour le compte de Mrs Sparsit. Arriviste sans état d'âme, il a l'ambition de prendre sa place et réussit presque à l'arrêter dans sa fuite lorsque sa culpabilité est avérée.
- Slackbridge
Ce personnage conventionnel et caricatural de meneur est inspiré par Mortimer Grimshaw, un des meneurs de la grève de Preston, un ouvrier tisserand originaire de Great Harwood. Grand, le visage marqué de petite vérole, tribun plein de fougue surnommé the Thunderer of Lancashire (le Porte-Foudre du Lancashire), il est présenté comme un agitateur professionnel, un démagogue[30]. Entre septembre 1853 et mai 1854, il a prononcé plus de soixante discours.
- M'Choakumchild
Le maitre d'école, à travers lequel Dickens se moque du « Programme B » (les matières que doivent connaître les maitres d'école) et du Conseil Privé de Sa Majesté (puisqu'il n'y a pas un véritable ministère de l'éducation en 1853) qui l'a établi[31].
- La troupe de saltimbanques
Sleary le directeur asthmatique et sa fille Joséphine, E. W. B. Childers et Kinderminster, les écuyers, le clown Jupe et son chien Patte-Raide.
Les lieux
Cokeville (la ville du charbon) , décrite au chapitre v, est une ville de « briques rouges, ou plutôt de briques qui eussent été rouges si la fumée et les cendres l'eussent permis ». Les eaux du canal sont noires, la rivière est « empourprée de puantes teintures », les grands bâtiments des usines vibrent du bruit incessant des machines à vapeur. La monotonie et l'utilitarisme sont ses caractéristiques les plus évidentes : toutes les constructions se ressemblent, l'hôpital, la prison, l'hôtel de ville, la banque, les dix-huit églises des dix-huit sectes religieuses, les immeubles ouvriers. Seules leurs tailles et leur niveau de vétusté les différencient. Cependant, si le jour, on ne voit que les monstrueux serpents de fumée qui se traînent au-dessus de la ville (I, xi), lorsqu'il fait nuit, les usines ont l'air de « palais féériques ».
Thèmes
Hard Times est une critique virulente de l'utilitarisme, ou plutôt de ses dérives en matière d'économie et d'éducation. Cette doctrine théorisée par Jeremy Bentham (1748-1832) évalue une action uniquement en fonction de ses conséquences : est « utile » ce qui contribue à maximiser le bien-être d'une population, selon la formule « le plus grand bonheur du plus grand nombre ». En vertu de ce principe, il est donc envisageable de sacrifier une minorité dont le bien-être sera diminué, si cela permet d'augmenter le bien-être général.
L'homme machine
La robotisation (robot signifie esclave dans les langues slaves) des ouvriers « tranquilles serviteurs aux visages impassibles et aux gestes bien réglés » (I, xi), asservis à la machine « bruyante, étourdissante, fracassante » est accentuée par leur absence d'individualisation. Louisa n'arrive pas à les considérer comme des individus, ils se ressemblent tous, sortent et rentrent aux mêmes heures, accomplissent tous les jours le même travail abrutissant. Le narrateur souligne l'analogie entre la population de Coketown, abrutie par un travail monotone et les petits Gradgrind soumis à une éducation sans fantaisie[32].
À ce monde mécanisé où le temps est régi par les horloges, comme la deadly statistical clock qui trône dans le bureau de Mr Gradgrind, s'oppose le rythme naturel. Le titre des trois livres ramène aux travaux agricoles soumis au cycle des saisons, et la vie suit son cours linéaire : la diégèse couvre plusieurs années.
Opposition entre « faits » et imagination
Tout est fait pour brider l'imagination, tant dans Coketown que dans l'esprit des petits Gradgrind. L'éducation fournie aux enfants Gradgrind ressemble à celle reçue par le disciple et filleul de Jeremy Bentham, John Stuart Mill (1806-1873), une éducation extrêmement rigoureuse et technique, à l'abri des contacts avec les enfants de leur âge. Les contes de fée, les nursery rimes sont bannis, seuls comptent les faits bruts, les chiffres, les statistiques, les pourcentages.
Mais l'esprit humain ne se réduit pas à des statistiques[N 7], et Dickens montre le danger d'une éducation d'où est bannie toute fantaisie. Louisa accepte d'épouser Bounderby puisque cette union est « utile » à son père, à son frère, à Bounderby lui-même, et doit leur apporter bien-être et avantages, mais elle est malheureuse. Tom rejette l'éducation utilitariste reçue et recherche un bonheur immédiat, égoïste et égocentrique[32]. Bitzer, qui l'a intégré, devient un arriviste au cœur sec. Le bon sens et l'humanité de Sissy en revanche sont imperméables aux chiffres et à une vision abstraite du monde, car pour elle, lorsque 25 personnes meurent de faim sur un million, « c'était tout aussi dur pour ceux qui meurent de faim s'il y avait un million d'habitants ou un million de millions ». Mais Dickens suggère que, si les Gradgrind ne l'avaient pas recueillie, Sissy aurait vécu misérablement. Sa présence permet un juste équilibre entre la fantaisie et la rigueur dans l'éducation de Jane Gradgrind[32].
Le cirque, un monde « naturel »
Le monde du cirque contraste totalement avec celui de la classe bourgeoise, mais aussi avec celui des prolétaires. C'est une famille peu conventionnelle, unie par l'affection et le travail, c'est une communauté voyageuse qui crée un monde d'illusion. Dickens oppose l'image qu'ils donnent à cause de leur mise négligée (they were not very tidy in their private dresses), leur moralité élastique (they were not at all orderly in their domestic arrangements), leur manque de culture (the combined literature of the whole company would have produced but a poor letter on any subject), et leurs qualités foncières : leur gentillesse et leur caractère puéril, leur honnêteté absolue, leur tendance à s'entraider et à se montrer compatissants (there was a remarkable gentleness and childishness about these people, a special inaptitude for any kind of sharp practice, and an untiring readiness to help and pity one another)[33]).
Il est remarquable que tous les projets des personnages tournent mal[34], que ce soit l'éducation des enfants Gradgrind, le mariage de Bounderby, la tentative de Hardhouse pour séduire Louisa ou celle de Mrs Sparsit pour l'évincer, sauf ceux initiés par les personnes liées au cirque, parce que ce sont les seuls qui ne sont pas motivés par l'intérêt personnel mais par l'altruisme : la troupe intercède en faveur de Sissy lorsque son père a disparu, Sissy prend l'initiative d'éloigner Hardhouse de Louisa, Sleary réussit à arracher Tom aux mains de Bitzer. Mais ils réussissent aussi parce que, en plus du cœur, ils ont de l'expérience ou de l'intuition et savent s'adapter aux circonstances[34].
À travers le personnage de Sleary, qui affirme : « people mutht be amuthed », Dickens défend le droit des petites gens à se détendre et se distraire honnêtement le dimanche, leur seul jour de repos, s'opposant aux associations religieuses de tendance adventiste ou sabbatienne qui réclament de « sanctifier » strictement le Jour du Seigneur[35]. Déjà en 1836, il avait publié un pamphlet Sunday under Three Heads (Dimanche sous trois têtes), illustré par Hablot Knight Browne, qui s'en prenait à un projet de loi en débat au parlement Sabbath Observances Bill.
Home et personnages féminins positifs
La famille est au centre des préoccupations victoriennes et le foyer, le Sweet Home, le lieu de toutes les vertus, comme le rappelle John Ruskin en 1865 dans Sesame and Lilies: « un jardin clos, un refuge [...], une place sacrée, un temple de vestales » dans lequel l'homme pouvait retrouver le sens du sacré menacé, dans le monde extérieur, par le profit et la rentabilité[36]. Plus que les relations conflictuelles entre patrons et ouvriers, Dickens s'attache aux relations des individus entre eux, plus particulièrement dans la sphère privée, la famille. Au début du roman il pose la question : est-il possible qu'il y ait une analogie entre le cas des petit Gradgrind et la population de Coketown ? La vie à Stone Lodge est d'une monotonie désespérante de mécanique. Louisa a conscience que l'éducation purement rationnelle qu'elle a reçue a étouffé en elle toute féminité et ne lui permet pas de tenir le rôle dévolu à la femme, à l'époque : faire de son foyer un lieu d'élégance, de paix, un refuge.
Les valeurs de compassion, d'intérêt pour autrui se trouvent dans la famille non conventionnelle mais épanouie des gens du cirque. C'est là que Sissy a grandi. Recueillie chez les Grandgrind elle y apporte de la douceur et de la tendresse, ce « quelque chose, pas du tout un Ologie », dont Mrs Gradgrind ne trouve pas le nom, sur son lit de mort (« something, not an Ology at all, that your father had missed, or forgotten, Louisa ») transformant progressivement par l'amour et la gratitude, l'atmosphère de la maison, comme le reconnaît Mr Gradgrind à la fin : « ce que la tête n'a pas fait, et ne pouvait pas faire, le cœur a pu l'accomplir silencieusement ».
Rachel, qui porte symboliquement le nom d'un personnage de la Genèse[N 8], par sa douceur et sa compassion, joue le même rôle auprès de Stephen. Personnage stéréotypé, figure protectrice et sacrificielle, guide spirituel, elle est cette créature idéale, l'Ange de la maison, qu'il nous faudra bien tuer, si nous voulons être libérées, affirme Virginia Woolf[36]. Mais, comme le remarque Jean Fergusson Carr, Dickens, qui soutient la cause des femmes opprimées, renforce paradoxalement les stéréotypes et les contraintes qui les limitent[37].
Hard Times suggère ainsi que, par leurs qualités éminemment féminines, les femmes ont le pouvoir de contrecarrer les effets négatifs de l'industrialisation, mais aussi que la compassion est nécessaire pour restaurer l'harmonie sociale[32].
Mariages
Mariages ratés et divorce[38]. À l'époque de l'écriture de Hard Times, les relations de Dickens et de sa femme se détériorent (ils se sépareront, mais ne divorceront pas, en 1858). Dans le roman, c'est Stephen qui est confronté au problème d'un mariage indissoluble devenu insupportable. Mr Bounderby, à qui il vient demander son avis pour se « débarrasser de cette femme » lui reproche ses opinions impies et lui fait, sans ménagement, une description précise des modalités du divorce : son coût le réserve aux classes aisées. Lui et Mrs Sparsit ne voit dans son désir que l'immoralité du peuple.
Les mariages bourgeois ne sont pas plus satisfaisants, celui de Louisa est même la caricature du mariage de convenance.
Techniques littéraires
Construction temporelle
Il n'est pas certain que la diffusion en épisode soit seule responsable de la présentation hachée de l'intrigue. Dickens utilise les ruptures de son récit comme une métaphore du comportement de la société industrielle et utilitariste de Coketown qui fractionne tout en tableaux et en statistiques[39]. Les petites histoires des habitants de Coketown se juxtaposent et s'empilent, apparemment sans liens entre elles au début, jusqu'à ce que le narrateur omniscient les tresse entre elles, tandis que le Temps, « le grand manufacturier » fabriquant du « matériau humain », poursuit inexorablement sa course linéaire et « en apportant la diversité de ses saisons jusque dans ce désert de fumée et de brique [fait] le seul échec qui fût jamais fait à la cruelle uniformité de ce lieu » (it brought its varying seasons even into that wilderness of smoke and brick, and made the only stand that ever was made in the place against its direful uniformity.[29]).
Technique narrative
Narrateur omniscient et démiurge, Dickens donne volontiers, pour mieux dénoncer leurs prétentions, la parole à des personnages que leur langage même rend ridicule, parce qu'il fonctionne sur le mode de la répétition et illustre la définition du comique que donne Bergson : « du mécanique plaqué sur du vivant »[40], mais ne les laisse jamais s'imposer complètement. Est ainsi développé le raisonnement des personnes « éminemment pratiques », qui, soit interprètent le passé à leur façon[41], créant ce que Dickens appelle les fictions de Coketown, comme celles que véhicule Bounderby (son enfance inventée, son obsession de l'échelle sociale et son leitmotiv sur la classe ouvrière qui rêve de soupe à la tortue, de venaison et de cuillère d'or), soit le gomment, comme Gradgrind (« je ne veux pas entendre un mot de plus », dit-il à sa fille qui se dit fatiguée de tout ; « nous ne voulons pas entendre parler de ça ici » dit le même à Sissy en renommant la profession de son père en vétérinaire-dresseur de chevaux, plus honorable qu'artiste de cirque), et qui n'admettent que les faits bruts, intemporels, sans interprétation (« vous ne devez jamais rien imaginer » dit le monsieur qui assiste à la leçon).
Face à ce mode de pensée complètement figée, le narrateur dresse les personnages qui ont une histoire porteuse d'émotion, comme Sissy ou surtout Stephen et qui la racontent[42].
Les Symboles
Images liées à la nature
Si la nature est absente, chassée par l'industrialisation, Dickens utilise des symboles et des images liées à la nature pour évoquer le monde mécanique. Le feu est une image récurrente : flammes, feu qui couve sous la cendre (Louisa), serpents de fumées de Coketown, Mr Gradgrind « occupé à tamiser et retamiser son tas de cendres parlementaires à Londres » (II, ix) ; les machines comparées à des éléphants fous de mélancolie ronronnant leur ronron ensommeillé (II, i), la gare, saisie d'un tremblement qui devient une véritable maladie de cœur à l'approche du train (II, xi) les ouvriers qui se penchent sur une forêt de métiers à tisser. En été, la ville semble frire dans la graisse.
Pégase
La misérable auberge où loge Sissy et son père s'appelle « Aux armes de Pégase »[N 9]. Le cheval ailé Pégase représente le désir d'évasion, de s'élever au dessus du monde matériel, la quête spirituelle. Or l'enseigne est sombre et le petit Pégase de théâtre, derrière le comptoir, est sous verre. L'évasion proposée aux ouvriers consiste seulement en bière, vin et brandy. En revanche les chevaux du cirque, qui dansent la polka, sont capables d'apporter l'indispensable part de rêve.
Les noms propres
Les noms des personnages sont fréquemment évocateurs. Le nom du maître d'école, M'Choakumchild, fait à partir de to choke (= étouffer en obstruant) et de child (enfant), évoque, par sa sonorité initiale (M'Ch) le gavage éducatif auquel il les soumet. Bounderby pourrait être traduit par Plastronneur[43]. Le nom de Gradgrind, outre qu'il est comporte une allitération très dure en [-g] est construit sur grad (notion d'études, de diplôme) et to grind (moudre) ; le nom fait écho à l'aspect physique de Thomas Gradgrind, avec sa grande bouche mince et dure, sa voix sèche et inflexible et ses épaules carrées. Le nom de Mrs Sparsit est proche de sparsity, qui signifie rareté et évoque la ladrerie et la lésinerie. Dans le nom de Bitzer, on entend bitter (amer) et et le Bzz de la mouche du coche. Slackbridge fait mentir son nom, lui qui n'est ni mou ni calme (slack) ni créateur de rapprochement (bridge). Si le nom de Stephen, Blackpool, est un nom anglais réel (il existe une ville de ce nom), cela évoque aussi une mare, une nappe d'eau (pool) noire (black).
Les noms de lieux sont aussi évocateurs, à commencer par Coketown, qui résume à lui seul l'aspect de la ville noyée dans les fumées noires des machines fonctionnant au charbon. Même le nom de la demeure des Gradgrind, Stone Lodge (Pavillon de pierre), fait écho à l'adamante rigidité de son propriétaire.
Bounderby
Pour Chesterton, les personnages de Bounderby et Gradgrind sont décrits avec « une dureté et une sombre aversion bien différente de la dérision à moitié affectueuse » avec laquelle il traite ses autres bouffons, le pompeux Sir Leicester Dedlock de Bleak House, le grotesque Bumble d'Oliver Twist ou l'inepte Tigg Montague de Martin Chuzzlewit[N 10].
Par le récit récurrent de son enfance misérable et sa réussite sociale, Bounderby s'affiche comme un symbole de réussite exemplaire, preuve que la possibilité de mobilité sociale est donnée à tous, et suggérant que si les ouvriers sont misérables, c'est par manque d'ambition et de discipline[32]. Mais Bounderby est un hypocrite et un mystificateur, qui s'est créé un personnage de toute pièce, ce qu'on découvre lorsque Mrs Pegler, sa vieille mère, dévoile la vérité : loin d'avoir été abandonné, il a eu des parents aimants qui se sont privés pour qu'il ait une bonne éducation et sa mère éprouve pour lui une affection inaltérable[24].
Bounderby est l'image, à peine exagérée[44], des capitaines d'industrie qui ont supplanté les maîtres de l'ordre ancien. Alors que dans l'Angleterre rurale, la terre, la naissance et l'appartenance à une lignée déterminaient la hiérarchie sociale, dans une période d'industrialisation et de capitalisme triomphant, c'est l'argent qui donne le pouvoir[N 11]. En créant ce personnage particulièrement odieux, vain, vulgaire et finalement ridiculisé, Dickens laisse entendre que ces nouveaux riches font une mauvaise utilisation de leur argent et de leur pouvoir, contribuant à augmenter l'injustice et le malentendu (muddle) entre riches et pauvres[24] (Stephen parle de « gâchis » ou de « brouillamini », selon les traductions). Il suggère aussi que la mobilité sociale est peut-être un mythe et qu'il n'est pas possible aux ouvriers de s'en sortir par leurs propre moyens et sans appui extérieur[32].
Les références bibliques
Elles sont nombreuses, parfois masquées, parfois explicites pour un public anglo-saxon victorien familier des Saintes Écritures[45]. Elles apparaissent dès le titre du livre I, Les Semailles (Sowing), qui, avec celui du livre II, évoque un verset de l’Épitre de Paul aux Galates (6,7) : « Ce que l'homme sèmera, cela aussi il le moissonnera ». Ce choix montre que, dès le début du roman, Dickens étaie son message par des références au texte (et au message) de la Bible, plus particulièrement celui du Nouveau Testament[46].
Les titres des deux premiers chapitres évoquent aussi des réminiscences évangéliques : le premier The One Thing Needful (La seule chose nécessaire) l’Évangile selon Luc[47], et le deuxième Murdering the Innocents (Le meurtre des innocents) l’Évangile selon Matthieu[48]. Le second est explicite, l'éducation sans fantaisie donnée à Coketown cherche à tuer l'imagination enfantine, ceux-ci sont chosifiés, réduits à des numéros, des bouteilles à remplir de faits[49]. Le premier est ironique : il est censé établir le statut des faits, or les faits relèvent de la foi, puisque, comme le titre le suggère, Grandgrind croit en eux et a la « religion des faits »[50].
Elles sont particulièrement nombreuses dans le chapitre intitulé Rachel (I, xiii)[45]. La jeune femme, qui porte le nom d'un personnage biblique de la Genèse, fait allusion à la femme adultère à laquelle Stephen « ne jettera pas la dernière pierre », à l'abîme qui sépare les anges d'une « pauvre ouvrière pleine de défauts »[N 12]. Rachel se conduit comme le bon Samaritain, Stephen, soumis à la tentation de se suicider et de laisser sa femme boire du poison, est persuadé que sa compassion angélique a « sauvé [son] âme vivante »[N 13].
Il y a, au chapitre xv, une allusion à la « trompette suprême », celle du Jugement dernier, qui réduira en miette l'algèbre même[51]. Slackbridge, dans La Moisson (II, iv) a l'attitude d'un Moïse « tenant la main droite à la hauteur de son bras tendu […] pour apaiser la mer en courroux » et rappelle que « celui qui vendit son droit d'aînesse pour un plat de lentille a existé et Judas Iscariote a existé ». Harthouse, « lui, et la légion de ceux à laquelle il appartenait », est assimilé au Diable (II, viii), indifférent au souffre infernal comme à la félicité céleste (used up as to brimstone, and used up as to bliss), prêt à allumer une fournaise (take to the kindling of red fire). Lorsque Louisa retourne chez ses parents, sa mère étant mourante, toute sa réflexion sur son enfance volée est remplie d'allusions bibliques : la Charité laissant venir à soi les petits enfants, le chemin pierreux de ce monde, les enfants d'Adam. Souvenirs d'une enfance où « l'on a tari toute source dans son jeune cœur » (Her remembrances of home and childhood were remembrances of the drying up of every spring and fountain in her young heart), conclues par une allusion à un verset de Matthieu : « on ne cueille pas de raisins sur les épines ni de figues sur les chardons ».
Dans le dernier chapitre, qui évoque l'avenir possible des personnages, Dickens se demande si Mr Gradgrind se verra, « vieillard décrépit à cheveux blancs », soumettre ses faits et ses chiffres aux trois vertus que sont la Foi, l'Espérance et la Charité, et « ne plus essayer de moudre cette céleste trinité dans ses petites fabriques poussiéreuses » (making his facts and figures subservient to Faith, Hope, and Charity; and no longer trying to grind that Heavenly trio in his dusty little mills[52]). À la fin, en faisant allusion aux prophéties menaçantes (the Writing on the Wall) que Balthazar (Belshazzar) voit en songe s'écrire sur le mur, et qui annoncent sa chute[53] : Mane, mane, teqel, phares[N 14], Dickens affirme que, sans les grâces de l'imagination, « les preuves de la prospérité nationale les mieux établies par les chiffres ne sont que des Mots écrits sur le mur »[54].
Adaptations
- Un film muet en noir et blanc est tourné en 1915 au Royaume-Uni. Un film de 90 min, en noir et blanc, sort au Portugal en 1988, sous le titre Tempos Difíceis ; il est présenté au Festival de Venise puis à celui de Toronto cette année-là, et sort en France en juin 1989[55].
- En 1977 une adaptation NB en quatre épisodes de 60 min est tournée par Granada Television, avec Patrick Allen dans le rôle de Thomas Gradgrind, Timothy West dans celui de Josiah Bounderby et Rosalie Crutchley dans celui de Mrs Sparsit[56]. En 1994, la BBC propose une nouvelle adaptation en quatre épisodes de 100 min, avec Alan Bates (Josiah Bounderby), Bill Paterson (Stephen), Bob Peck (Thomas Gradgrind), Harriet Walter (Rachel)[57].
- En 2007, Enrico Minaglia compose Hard Times - trois tableaux pour baryton et orchestre de chambre. L'œuvre est enregistrée dans le conservatoire de L'Aquila par l'ensemble Città Aperta dirigé par Lucio Del Vescovo, avec Isik Belen, baryton[58].
Notes et références
Notes
- leitmotiv de Josuah Bournderby : « Ils aspirent à emprunter des voitures à six chevaux, être nourris de soupe à la tortue et de gibier avec une cuillère en or » (« [They] expect to be set up in a coach and six, and to be fed on turtle soup and venison, with a gold spoon ») C'est le
- « righteous indignation which cannot condescend to humour and which cannot even condescend to pathos. »
- Whelp signifie littéralement : chiot. Il est traduit par « roquet » par William Hugues et par « garnement » par Andhrée Vaillant.
- North and South, en revanche, Mrs Gaskell présente en Nicholas Higgins un ouvrier lui aussi honnête, intègre et droit, mais combatif et à la fin estimé par son patron. Dans
- personnage semi-légendaire décrit par Plutarque que du portrait qu'en fait Shakespeare dans son drame Coriolan, un personnage courageux, adepte de la virtus romana, mais susceptible, orgueilleux et méprisant la plèbe. Il s'agit moins du
- « Ce qui sera sera », repris à la fin sous l'expression « Cela devait arriver ». Dickens estimait beaucoup Lord Russell, le chef du parti libéral.
- John Stuart Mill lui-même, après une grave dépression, s'est rendu compte que l'éducation utilitariste qu'il avait reçue avait fait de lui une véritable « machine à penser », mais avait manqué tarir en lui toute forme de sensibilité.
- Jacob a travaillé 7 ans chez son oncle Laban pour mériter Rachel, mais Laban, par ruse, le marie à Léa, l'ainée.
- arms signifiant « armoiries » et « bras » en anglais, Dickens joue sur le mot, suggérant que legs (jambes) aurait été mieux que arms (bras)
- He describes Bounderby and Gradgrind with a degree of grimness and sombre hatred very different from the half affectionate derision which he directed against the old tyrants or humbugs of the earlier nineteenth century -- the pompous Dedlock, the fatuous Nupkins, the grotesque Bumble or the inane Tigg. In those old books his very abuse was benignant; in Hard Times even his sympathy is hard (Dernier § de Appreciations and Criticisms). Citation originale :
- Charles Dickens 2008, p. 13) l'injonction attribuée à Guizot : « Enrichissez-vous ! » Pierre Gascar rappelle dans sa préface (
- Parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, fréquemment utilisée par les écrivains de romans sociaux de l'époque, en particulier Elizabeth Gaskell dans Mary Barton et North and South, comme le signale Kate Flint dans Charles Dickens 2003, p. 312 Cette allusion à l'abîme séparant la vie ici-bas de la vie éternelle se réfère à la
- saved my soul alive est une citation d'Ézéchiel (18, 27) qui se retrouve au début des prières du matin et du soir dans la liturgie de l'Église d'Angleterre.
- Le prophète Daniel donne l'explication suivante (5,26-28) : Mené, mené : Dieu a mesuré ton royaume ; Teqel : tu as été pesé ; Upharsin : ton royaume sera divisé. Cette nuit-là, la ville est prise par Darius le Mède et Balthasar est assassiné. Les mots 'Mené, Ménel' (qui peuvent se traduire par « compté, le comptable »), avaient déjà une dimension ironique : c'était une façon de se moquer de Babylone dont la puissance était fondée depuis Hammourabi sur la comptabilité, une science nouvelle à l'époque, qui lui avait permis de spolier les peuples alentours. Ou Mene, Menel, Tekel, Upharsin.
Références
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- Charles Dickens 2003, p. xv
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- Emile Ollivier 1867, p. 175
- H. I. Dutton, John Edward King 1981, p. 45
- Alison Chapman 1999, p. 125-127
- Alison Chapman 1999, p. 89
- Nathalie Jaëck 2008, p. 22-23
- Présentation de Hard Times
- Nathalie Jaëck 2008, p. 23
- Cité par Alison Chapman, p. 29
- Frank Raymond Leavis, The Great Tradition, New York University Press, 1963 p. 47
- Nathalie Jaëck 2008, p. 22
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- Résumé 1 sur SparkNote
- Résumé 2 sur Sparknote
- Résumé 3 sur Sparknote
- Résumé 4 sur Sparknote
- Résumé 5 sur SparkNotes
- Résumé 6 sur SparkNotes
- Résumé 7 sur SparkNotes
- Liste des personnages sur SparkNotes
- Analyse des personnages principaux sur SparkNotes
- Charles Dickens 1858, p. 252
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- Tempos Difíceis sur IMdB
- Hard Times (TV Series 1977) sur IMdB
- Hard Times (TV Series 1994) sur IMdB
- Hard Times - three pictures for baritone and chamber orchestra sur Tiscali
Bibliographie
Bibliographie primaire
- Textes original
- (en) Charles Dickens, Hard Times, Chapman and Hall, 1858 [lire en ligne]. Texte utilisé pour les référence des citations. Hard Times commence à la page 205
- (en) Charles Dickens, Hard Times, Penguin Classics, 2003, 321 p. (ISBN 978-0-141-43967-9), Introduction et notes de Kate Flint
- (en) Hard Times sur Dickens-literature.com. (texte chapitré en ligne)
- Traductions françaises
- Charles Dickens (trad. William Hugues), Les Temps difficiles, Librairie Hachette, 1859 [lire en ligne]
- Charles Dickens (trad. Andhrée Vaillant, préf. Pierre Gascar), Temps difficiles, Folio Classique, 2008, 435 p. (ISBN 978-2-07-037647-6)
Bibliographie secondaire
- (en) Rosemarie Bodenheimer, The Politics of Story in Victorian Social Fiction, Cornell University Press, 1991, 247 p. (ISBN 9780801499203) [lire en ligne]
- (en) Alison Chapman, Elizabeth Gaskell: Mary Barton-North and South, Palgrave Macmillan, 1999, 192 p. (ISBN 9781840460377) [lire en ligne]
- (en) H. I. Dutton, John Edward King, 'Ten per cent and no surrender': the Preston strike, 1853-1854, Cambridge University Press, 1981 (ISBN 9780521236201) [lire en ligne]
- Natalie Jaëk, Charles Dickens:l'écriture comme pouvoir, l'écriture comme résistance, OPHRYS, 2008, 150 p. (ISBN 9782708011960) [lire en ligne]
- Emile Ollivier, Démocratie et liberté (1861-1867), Librairie internationale, 1867, 484 p. [lire en ligne] (p. 175-180, sur les grèves de Preston et Colne)
Annexes
Liens internes
Liens externes
- Hard Times, disponible dans le Projet Gutenberg.
- (en) Hard Times Study Guide & Essays sur Grade Saver
- (en) Appreciations and Criticisms by G.K Chesterton sur Dickens-literature.com
- (en) Hard Times sur David Perdue's CHARLES DICKENS Page
- (en) Hard Times sur SparkNotes
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