- Monobaze
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Monobaze (Monbaz dans le Talmud) est le nom d'une dynastie qui régna sur l'Adiabène au premier siècle. Elle débute vers l'an 15 et se termine peut-être en 71 mais des descendants d'un roi Izatès d'Adiabène sont donnés comme régnant à Édesse jusqu'en 167. Elle est surtout connue parce que ses souverains se sont convertis au judaïsme, se faisant construire des palais en Judée et en Galilée. A Jérusalem, ils possédaient au moins deux palais, ainsi qu'un tombeau qui semble avoir été très célèbre dans la littérature des premiers siècles.
Article détaillé : Tombeau des Rois.La dynastie des Monobaze s'est même engagée aux côtés des révoltés juifs allant même jusqu'à participer à la révolte juive en Judée contre l'Empire romain en 66 – 70. Il est possible que cet engagement contre les romains sur un territoire loin de leur royaume ait précipité la chute des Monobaze. La dynastie ne règne plus sur l'Adiabène soit juste après la défaite juive (à partir de 71) et en tout cas avant 90 où l'on voit Sanatruk, un arsacide qui régnait sur l'Arménie depuis 75 ou 80, obtenir simultanément la royauté sur l'Adiabène et l'Osroène.
Lorsque en 90, l'arsacide Sanatruk Ier prend le contrôle de l'Osroène et de l'Adiabène, le règne de la dynastie Monobaze sur l'Adiabène semble terminé. Toutefois, plusieurs rois d'Osroène, sont mentionnés par la suite comme descendants d'un roi Izatès d'Adiabène. C'est ainsi le cas de Abgar VII d'Édesse (109 - 116), de Ma'Nu VII (123 à 139) et de son fils Ma'Nu VIII Bar Ma'Nu (139 - 163).
Sommaire
Origine de la dynastie
Pour Moïse de Khorène et Léroubna d'Édesse, les Monobaze sont des Abgar. Comme eux, ils seraient donc d'origine nabatéenne. L'appartenance aux Abgar d'Édesse semble confirmée par le fait qu'à partir des années trente, les territoires de l'Osroène et de l'Adiabène se confondent peu à peu et qu'à partir de la mort d'Abgar V d'Édesse (50), les monarques d'Adiabène semblent aussi régner sur Édesse et ceci, au moins, jusqu'à la seconde partie du IIe siècle[1].
Le nom « Monobaze »
Monobaze, Monobazos ou Manubazos semble simplement signifier le « roi Ma'nu » (Ma'nu Bazeus). Ma'nu est un nom traditionnel des Abgar d'Osroène, neuf souverains de ce royaume portèrent ce nom. Moïse de Khorène indique que l'un de ceux qu'il appelle Abgar d'Arménie est appelé « Manova » par les Syriens[2]. Manova est probablement la forme arménienne de Ma'nu. De plus, Flavius Josèphe indique que Monobaze Ier était « surnommé Bazaios (βασιλέυς = roi)[3] ».
Histoire de la dynastie
Les Monobaze se convertissent au judaïsme
Avec Izatès Ier (v. 15 - ?) ou son successeur Monobaze Ier, l'Adiabène passe sous la domination d'une dynastie héréditaire appelée « Monobaze » tant dans le Talmud (Monbaz) et d'autres textes de la tradition juive, que par Flavius Josèphe. Sous Monobaze Ier (v. 20 - v. 30), la région de la rivière Khabour (Chaboras) qui dépendait de l'Osroène à l'époque de Tigrane II, tout comme la région de la ville de Carrhes, appartiennent ou sont vassales de l'Adiabène[4].
Après la mort de Monobaze Ier, sa femme Hélène d'Adiabène et le fils qu'il a choisi pour lui succéder, Izatès II, se convertissent au judaïsme[5]. Izatès se fait même circoncire[6]. Curieusement, tous ses autres frères se convertissent eux aussi presque simultanément, ainsi semble-t-il que leurs proches[7]. Vers 36, le roi parthe Artaban III fait cadeau de Nisibe (et du territoire de Mygdonie environnant) à Izatès II qui, par son autorité, lui a permis de retrouver son trône, alors que sa noblesse avait mis en place un autre roi pour le remplacer. À l'époque, le territoire de Nisibe est habité par un grand nombre de Juifs.
Le sarcophage d'Hélène d'Adiabène.Reconstitution du palais d'Hélène d'Adiabène à Jérusalem.Après sa conversion au judaïsme, la reine Hélène d'Adiabène s’installa à Jérusalem et fit construire un palais pour elle et ses sept fils (en particulier Izatès II et Monobaze II, appelé Monbaz dans le Talmud) dans la partie nord de la colline de l'Ophel (aussi appelée cité de David), au sud du Mont du Temple / esplanade des Mosquées. Son fils Monobaze II se fit lui aussi construire un palais non loin de celui de sa mère. Flavius Josèphe nous parle d'un autre palais appartenant aux Monobaze, celui de la princesse Grapte, sans que l'on puisse déterminer s'il s'agit d'un troisième palais ou si Grapte est un des autres noms donnés à Hélène d'Adiabène.
Hélène et ses fils se sont aussi fait construire un tombeau monumental à Jérusalem qui était célèbre dans les premiers siècles de notre ère, avant d'être oublié puis redécouvert au XIXe siècle.
L'Adiabène redevient vassale de l'Arménie
Des sources juives et Arméniennes ainsi que Plutarque racontent que vers 61, Monobaze Ier a envoyé un contingent de soldats en Arménie pour soutenir le candidat des Parthes, Tiridate, contre Tigrane VI, qui venait de faire une incursion dans le territoire de l'Adiabène. Les troupes de Monobaze, ont cependant été repoussées lors de la bataille de Tigranocerte[8]. Cette intervention malheureuse de Tigrane contre Monobaze II servit toutefois de prétexte au roi des Parthes, Vologèse Ier, pour intervenir et rétablir sur le trône son frère Tiridate.
Monobaze était aussi présent lorsque la paix a été conclue à Rhandeia entre les Parthes et l'Empire Romain en l'an 63[8],[9]. Ce traité accordait que l'Arsacide Tiridate resterait sur le trône arménien, mais comme client des romains. Par ce traité, l'Adiabène devenait aussi vassale du Royaume d'Arménie. En 66, Tiridate se rendit à Rome pour y être couronné par Néron, « amenant comme otages trois de ses neveux ainsi que les enfants de son vassal Monobaze d'Adiabène[10]. »
Les Monobaze aux côtés des révoltés juifs
Selon le Talmud, Hélène d'Adiabène et Monbaz donnèrent des fonds importants pour le Temple[11]. Cette référence à Monbaz est parfois considérée comme désignant non pas le monarque mais la dynastie[12] et donc les deux souverains et leurs enfants[13]. Il pourrait à la fois désigner la dynastie et le fils aîné d'Hélène appelé Monobaze (Monbaz en hébreu), celui qui a assuré la régence en attendant le retour de son frère Izatès II et qui lui succède ultérieurement. Lors d'une famine à Jérusalem, Heleni envoya des navires pour chercher du blé ou d'autres céréales à Alexandrie et chercher des figues sèches à Chypre, et les fit distribuer aux victimes de la famine[14].
Lors de la révolte juive contre Rome et la première Guerre judéo-romaine (66–70), seule l’Adiabène envoya des provisions, des troupes et des généraux pour soutenir les insurgés[15]. Il est probable que Monobaze II participa lui-même aux opérations militaires, ainsi que plusieurs autres membres de la famille. Il semble avoir trouvé la mort dans ce conflit vers l'année 68. Deux passages de Flavius Josèphe font penser qu'un roi appelé Izatès III lui a succédé jusqu'en 71. C'est ici peut-être que la dynastie des Monobaze d'Adiabène se termine, payant probablement le trop fort engagement aux côtés ou à la tête des Juifs de Palestine.
Effacement de l'histoire
Après la défaite juive de 70, l'Adiabène disparait de l'histoire pour ne réapparaitre qu'en 90, lorsque le roi Sanatruk Ier, qui régnait sur l'Arménie depuis 75 ou 80, obtient simultanément la royauté sur l'Osroène et l'Adiabène. Cette prise de contrôle simultanée, ainsi que d'autres faits, suggèrent que les deux royaumes jumeaux ne faisaient plus qu'un à ce moment. Si le roi d'Adiabène est inconnu pour la période allant de 71 au couronnement de Sanatruk, c'est peut-être parce Abgar VI d'Osroène ne règne alors pas seulement sur l'Osroène, mais aussi sur l'Adiabène. Cela expliquerait alors certaines affirmations de Moïse de Khorène pour qui les dynasties Abgar et Monobaze seraient confondues à cette époque.
Lorsqu'en 90, l'arsacide Sanatruk Ier prend le contrôle de l'Osroène et de l'Adiabène, le règne de la dynastie Monobaze sur l'Adiabène semble terminé. Toutefois, le roi Abgar VII d'Édesse (109 - 116) pourrait-être un descendant des Monobaze. En effet, vers 110, le roi parthe Pacorus II, vend le royaume client d'Osroène à Abgar VII, dont il est signalé qu'il est le fils d'Izatès, roi d'Adiabène[16].
Article détaillé : Guerre de Kitos.Celui-ci sera mis à mort en 116, par ordre du général romain Lusius Quietus ou de l'empereur Trajan, alors qu'à la suite de la conquête romaine du royaume d'Arménie (114), de la Mésopotamie (114/115), puis de l'Adiabène, l'Osroène et la Babylonie (116), la population (en particulier les Juifs) s'est révoltée. Abgar VII a probablement favorisé cette révolte, il est exécuté et Édesse est rasée jusqu'aux fondations pour la punir.
Après la domination romaine (v. 116 - 118) et une brève période (118 - 123) où deux co-rois, l'un Parthamaspatès est vassal des Romains, l'autre Yalur est vassal des Parthes, Ma'Nu VII réussit à prendre le pouvoir à Édesse et régne de 123 à 139. Ma'Nu VII est lui aussi mentionné comme fils d'Izatès d'Adiabène et frère d'Abgar VII[17]. C'est donc probablement lui aussi un membre de la dynastie, ainsi que son fils Ma'Nu VIII Bar Ma'Nu (139 - 163 puis 165 - 167).
Le tombeau des Monobaze
Article détaillé : Tombeau des Rois.Le Tombeau des Rois (en Arabe قبور السلاطين) caractérise un territoire français qui contient un ensemble de tombes monumentales taillées dans le roc, situé à Jérusalem (rue Saladin), 820 m au nord des murs de la Vieille ville.
La grande taille du site a conduit à la croyance erronée que les tombes avaient été autrefois le lieu de sépulture des rois de Juda, d'où le nom de Tombeau des Rois, mais les tombes sont maintenant connues pour être le tombeau de la reine Hélène d'Adiabène[18]. Ce monument imposant présente un mausolée monolithe comprenant un escalier monumental, une cour immense, un vestibule et des salles hypogées renfermant trente et une tombes.
Les souverains de la dynastie Monobaze d'Adiabène
- Izatès Ier (v. 15 apr. J.-C.) ;
- Bazeus Monobaze Ier (20 ?–30 ?), Ma'Nu Bazeus ;
- Hélène d'Adiabène (Tzada Machalta, reine Tzada) (v. 30–58) ;
- Izatès II bar Monobaze (v. 34–58) ;
- (arsacide), Vologèse Ier (le roi parthe opposé à Izatès II, jusqu'à sa défaite) (v. 51) ;
- Monobaze II bar Monobaze (58 – vers 70) Ma'Nu Bazeus, probablement Ma'Nu VI d'Osroène ;
- Izatès III ? (v. 70 ?) ;
- Inconnu ? (v. 71 - 90) (peut être Abgar VI Bar Ma'Nu (roi d'Osroène de 71 - v. 90)) ;
- Abgar VII Bar Izatès (109 - 116), roi d'Adiabène et d'Osroène ;
- Meharaspes (116) ;
- Inter-règne romain (116 - 117) Province d'Assyrie;
- Parthamaspatès, co-roi (118 - 123), vassal de Rome ;
- (arsacide), Yalur, co-roi (118 - 122), vassal des Parthes ;
- Ma'Nu VII Bar Izatès (123 - 139), roi d'Adiabène et d'Osroène ;
- Ma'Nu VIII Bar Ma'Nu (139 - 163, puis 165 - 167), roi d'Adiabène et d'Osroène ;
Articles connexes
Notes et références
- Fragments d'une histoire des Arsacides, Volume 1, Paris, 1850, Imprimerie nationale, pp. 112s. Voir Antoine Jean Saint-Martin,
- Moïse de Khorène, « Histoire de l'Arménie », Livre II, Chapitres XXIV.
- Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, Livre XX, II, 1.
- Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre XX II - 2.
- Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre XX II - 3.
- Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre XX II - 4
- (en) The forced conversion of the Jewish community of Persia and the beginnings of the Kurds
- "Jewish Encyclopedia: article Adiabene" (en) Richard Gottheil
- Annales de Tacite XV - 1s voir aussi Les
- René Grousset, Histoire de l'Arménie, Payot, 1984 (ISBN 2-228-13570-4), p. 108.
- Article « YOMA », sur http://www.jewishencyclopedia.com. Joseph Jacobs Jacob Zallel Lauterbach,
- Rabbi Nehemiah Brüll, « Jahrb. » i. 76.
- Rachi (rabbi Chlomo Iẓḥaḳi). Cette interprétation est toutefois contestée par
- Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre XX II - 5.
- Flavius Josèphe Guerre des Juifs, Livre II.
- (en) Encyclopædia Britannica, article Pacorus II sur britannica.com
- (en) Encyclopædia Britannica, articles Osroène et Pacorus II, sur http://www.britannica.com
- Ancient Jerusalem's Funerary Customs and Tombs: Part Three Ancient Jerusalem's Funerary Customs and Tombs: Part Three, L. Y. Rahmani, The Biblical Archaeologist, Vol. 45, No. 1 (Winter, 1982), pp. 43-53,
Bibliographie
- Sources primaires
- Appien, Guerres mithridatiques.
- Dion Cassius, Histoire romaine.
- Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, ii., ch. 12.
- Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre XX, de II à IV.
- Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, Livre VI, VI - 3,4.
- Moïse de Khorène, Livre II, chapitres 35-36.
- Plutarque, Vie de Pompée, 36.
- Plutarque, Vie de Crassus, 25, 26, 27 et 31 - 35.
- Le Seder Olam Zuta, le Seder 'Olam Rabbah et le Seder 'Olam de-Rabbanan Sabura'e.
- Strabon, Géographie, XI, 14.16.
- Tacite, Annales, XV - 1s.
- Talmud de Babylone, Yoma 37, Suk. 2.
- Tite-Live, Periochae, résumé du livre 106.
- Sources secondaires
- (en) E. Brauer, The Jews of Kurdistan, Wayne State University Press, Détroit, 1993.
- (en) Salomon Grayzel, A History of the Jews, New York, Mentor, 1968.
- (en) Ernst Schürer, The History of the Jewish People in the Age of Jesus Christ, 3 vol., Edinbourg, 1976-1986.
- Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Privat, Toulouse, 2007.
- René Grousset, Histoire de l'Arménie, Payot, 1984 (ISBN 2-228-13570-4).
- Theodor Mommsen, Histoire romaine, livre V, IX.
- André Verstandig, Histoire de l'Empire parthe, Le Cri, Bruxelles (ISBN 2-87106-279-X).
- Heinrich Graetz, Histoire des Juifs, sur http://www.histoiredesjuifs.com.
- Christian Settipani, Nos ancêtres de l'antiquité: études des possibilités de liens généalogiques entre les familles de l'antiquité et celles du haut Moyen-Age européen, Editions Christian, 1991, Paris, 263 pages.
- Sources tertiaires
- (en) D. Sellwood, « Adiabene », in Encyclopædia Iranica en ligne. Consulté le 13 août 2011
- (en) M. Seligsohn, « Seder Olam Zuta », dans http://www.jewishencyclopedia.com.
- (en) Richard Gottheil, « Adiabene », dans http://www.jewishencyclopedia.com.
- (en) Richard Gottheil et Isaac Broydé, « Izates » (d'Adiabène), sur Jewish Encyclopedia, testé le 14 août 2011
- (en) H. G. Enelow, « Ananias of Adiabene », sur Jewish Encyclopedia, testé le 14 août 2011
- (en) Kaufmann Kohler, « Agabus », sur Jewish Encyclopedia, testé le 14 août 2011
- (en) Emil G. Hirsch & M. Seligsohn, « PESHIṬTA », dans http://www.jewishencyclopedia.com
- (en) Richard Gottheil et M. Seligsohn, « Helena », dans Jewish Encyclopedia. Funk and Wagnalls, 1901–1906, qui citent :
- Rabbi Nehemiah Brüll, Jahrb. i. 70-78.
- Heinrich Graetz, Gesch., 3e éd., iii. 403-406, 414.
- Schürer, Gesch., 3e éd., iii. 119-122.
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