Tombeau des Rois

Tombeau des Rois

31° 47′ 18″ N 35° 13′ 46″ E / 31.78821, 35.22946

Le Tombeau des Rois (en Arabe قبور السلاطين) caractérise un territoire français qui contient un ensemble de tombes monumentales taillées dans le roc, situé à Jérusalem (rue Saladin), 820 m au nord des murs de la Vieille ville.

La grande taille du site a conduit à la croyance erronée que les tombes avaient été autrefois le lieu de sépulture des rois de Juda, d'où le nom de Tombeau des Rois, mais les tombes sont maintenant connues pour être le tombeau de la reine Hélène d'Adiabène (une région de l'Assyrie en Mésopotamie qui au Ie siècle était un royaume vassal tantôt de l'Empire Parthe, tantôt du royaume d'Arménie)[1]. Ce monument imposant présente un mausolée monolithe comprenant un escalier monumental, une cour immense, un vestibule et des salles hypogées renfermant trente et une tombes.

Articles détaillés : Adiabène et Hélène d'Adiabène.

Au premier siècle, la reine Hélène est venue s'installer dans cette région après la mort de son mari Monobaze Ier et après que son fils Izatès II soit devenu à son tour roi d'Adiabène. À ce moment là, elle-même, le roi Izatès, ses six frères et toute leur famille se sont convertis au judaïsme[2]. Dans le Talmud, Hélène est souvent représentée accompagnée par ses fils, qui ont eux aussi vécu en Judée, Galilée et Samarie[3]. Flavius Josèphe indique explicitement que dans ce tombeau ont été inhumés Hélène et son fils, le roi Izatès II[4]. D'autres membres de la famille Monobaze y ont probablement aussi été inhumés et peut-être les rois Monobaze II et Izatès III.

La reine d'Adiabène et ses fils sont connus pour avoir soutenu les juifs de la région Palestine après leur conversion et pour y avoir résidé très régulièrement en étant présents assidument lors des grandes fêtes religieuses. Hélène et ses fils ont aussi déployé d'énormes efforts pour approvisionner la région et sa population, lors d'une grande famine qui eu lieu vers 45. Des cadeaux somptueux fait par la famille au Temple de Jérusalem sont aussi mentionnés dans le Talmud. Les fils d'Hélène, les rois Monobaze II et Izatès III sont aussi les seuls souverains de la région qui ont soutenu les révoltés juifs pendant la première guerre judéo-romaine (66 - 70).

Entrée ouest du tombeau des Rois. XIXe siècle

Sommaire

Situation

Le site appartient à la France

Le site est situé juste à l'est de la ligne verte, à la jonction de la route de Naplouse et de la rue Saladin (Salah ad Din). Sur la porte de la propriété est inscrit «Tombeau des Rois». Il est tout proche du siège du British Council et à proximité se trouve la Maison d'Orient datant du XIXe siècle, un bel exemple d'architecture vernaculaire islamique.

Identification du site

Aujourd'hui, les historiens s'accordent pour dire que le tombeau est celui construit par Hélène, reine d'Adiabène, (un royaume correspondant à peu près aux frontières des territoires Kurdes aujourd'hui et situé entre l'Assyrie et l'Arménie). Au Ier siècle, cette région de l'Assyrie en Mésopotamie était un royaume vassal tantôt de l'Empire Parthe, tantôt du royaume d'Arménie

A la mort de Monobaze Ier (v. 30), la totalité des membres de la familles royale d'Adiabène (dynastie Monobaze) s'étaient convertis au judaïsme.

L'origine de l'identification de ce tombeau à celui d'Hélène d'Adiabène vient de Flavius Josèphe qui parle du tombeau dans lequel Monobaze a fait ensevelir son frère Izatès II et sa mère Hélène.

Revenue en Adiabène, elle [Hélène] ne survécut guère à son fils lzatès. Monobaze envoya ses os et ceux de son frère à Jérusalem et les fit ensevelir dans les trois pyramides que sa mère avait fait construire à trois stades de la ville[5].

Dans la Guerre des juifs contre les romains, Flavius Josèphe nous apprend que le « monument d'Hélène » était situé au nord de Jérusalem[6], ce qui correspond à l'emplacement du tombeau des Rois. Deux autres passages des écrits de Flavius Josèphe aident à la localisation du tombeau d'Hélène (Guerre des Juifs, Livre V, III, 2-3) et un autre passage des Antiquités judaïques permet de mieux situer l'enceinte du mur d'Agrippa[7].

Saint Jérôme en décrivant le parcours d'une certaine Paula venant de Jaffa qui passe à proximité du tombeau d'Hélène en entrant à Jérusalem a aussi été utilisé pour cette localisation[8],[9].

Historique de la découverte

Après Flavius Josèphe, plusieurs autres sources antiques parlent de ce tombeau. Au IIe siècle, il a été décrit par le géographe grec Pausanias comme la deuxième plus belle tombe au monde, après le Mausolée d'Halicarnasse, l'une des sept merveilles du monde antique. Pausanias parle d'un mécanisme secret qui permet d'ouvrir ce tombeau[10].

Au IVe siècle, Eusèbe qui fut l'évêque de Césarée en Samarie pendant trente ans écrit:

On trouve encore aujourd'hui des stèles remarquables de cette Hélène dont parle Josèphe, dans les faubourgs de la ville qui porte aujourd'hui le nom d'Aelia (les Romains avaient rebaptisé Jérusalem en Aelia Capitolina). Il y est dit qu'elle a régné sur la nation des Adiabéniens[11].

Les stèles dont parle Eusèbe sont probablement les trois pyramides qui étaient construites au dessus du tombeau et qui ont aujourd'hui disparu.

Saint Jérôme (IVe siècle) qui vécut lui aussi plus de trente ans dans la région et par la suite d'autres auteurs comme Léroubna d'Edesse[12] (entre le Ie siècle et le Ve siècle) ou Moïse de Khorène (qui avait visité Jérusalem), (vers le VIIe siècle), parlent eux aussi de ce tombeau comme s'il était toujours apparent et l'attribuent toujours à la reine Hélène, c'est donc plus tard que cette identification s'est perdue.

Au XIVe siècle, Marino Sanuto indique que le « Tombeau d'Hélène » se situe non-loin de « l'église du Tombeau de la Vierge ». Ce qui tend à montrer que le site était toujours correctement identifié.

Selon une tradition juive attestée au milieu du XVIIe siècle, il s'agirait du tombeau de Ben Kalba Savoua, qui selon des traditions contestées serait le père de Rachel, femme de Rabbi Akiva[13]. Une autre tradition, rapportée au nom d'Isaac Louria, attribue la tombe à Nakdimon [Nicodème] ben Gourion, qui faisait partie, avec Ben Kalba Savoua, des trois hommes les plus riches de Jérusalem à l'époque de Vespasien[14].

Le Tombeau des rois en 1903.

Une légende ancienne prétendant que le tombeau abritait un trésor, le gouverneur ottoman de Jérusalem entreprit des fouilles en 1847 qui ne donnèrent rien mais qui endommagèrent beaucoup le site.

Au XIXe siècle, lorsque des archéologues ont commencé à s'intéresser au lieu, le site était appelé Tombeau des Rois (Q'bour-el-Molouk ou Q'bour-es-Selathin)[15]. Des sondages et des fouilles ont été réalisés par des archéologues français. Les fouilles ont été reprises en 1863 sous la conduite de Félicien de Saulcy. Devant la monumentalité des installations funéraires, Félicien de Saulcy fut d’abord persuadé qu’elles hébergeaient en effet les sépultures des grands rois de la Bible, David et Salomon. Il effectua même un rapport en ce sens devant l'Académie des inscriptions et belles-lettres[16]. Mais cette hypothétique identification peu vraisemblable tant sur le plan stylistique que sur celui de la datation, fut rapidement écartée, pour adopter le point de vue d'Edward Robinson qui le premier avait identifié le site comme le tombeau d'Hélène d'Adiabène. Le lieu n’en conserva pas moins le nom de « Tombeau des rois ».

Dès sa première visite, Félicien de Saulcy avait noté la présence de trois couvercles de sarcophage. Lors de la campagne de fouilles de 1863 fut notamment découvert un sarcophage portant l'inscription Tzada Malchata (צדה מלכתה ("Sadah reine" ou "Saddan reine")), en hébreu et syriaque. Il a été identifié comme étant celui de la reine Hélène d'Adiabène et transféré au musée du Louvre, avec l'accord des autorités archéologiques ottomanes.

Une autre campagne de fouilles eut lieu en 1867 sous la direction de Charles Clermont-Ganneau.

A la fin du XIXe siècle, le site fut l'objet de dévotions de la part des juifs de Jérusalem, pendant les fêtes de Pessah et de Hanoucca.

En 1878, le site fut acheté par les frères Pereire, célèbres banquiers du Second Empire, afin de le donner au gouvernement français « pour le conserver à la science et à la vénération des fidèles enfants d'Israël ». Du fait de la législation ottomane qui ne connait pas la personne morale, le site ne fut pas donné à la France, mais directement au consul de France à Jérusalem en 1886. Le site est l'un des quatre territoires français de Jérusalem (les autres sont la Basilique du Pater Noster (ou de l'Eleona) sur le Mont des oliviers, l'Église Sainte-Anne (Jérusalem), et l'Abbaye bénédictine d'Abou Gosh).

Le tombeau est située sous un morceau de terrain sur lequel est construit une petite maison en pierre juste au dessus du tombeau. La maison a été construite par une famille musulmane appelée Irhimeh "ارحيمه" qui l'a habitée jusqu'au milieu des années 1990. jusqu'à ce qu'ils soient empêchés de se rendre à Jérusalem.

Description du site

La pierre ronde qui permettait de fermer l'accès de l'antichambre, dont le mécanisme hydraulique fonctionnait encore au IIe siècle.

Depuis la maison située sur le terrain au dessus du tombeau, part un escalier de 9 mètres de large qui conduit à une avant-cour. À l'origine cet escalier était ouvert. L'eau est recueillie dans des bassins à partir d'un système de canaux sculptés dans les degrés. L'entrée dans la tombe s'effectue par une cour, de la même époque, taillée dans le roc, précédée par un arc, lui-même taillé dans la roche (façade).

La façade de 28 mètres était couronnée de trois pyramides qui n'existent plus, mais qui sont décrites par Flavius Josèphe et d'autres sources antiques. L'architrave était soutenue par deux piliers, dont des fragments ont été retrouvés dans les fouilles. Les tombes sont disposées sur deux niveaux autour d'une chambre centrale. Celle-ci est accessible depuis la cour par une antichambre qui descend dans un labyrinthe de chambres faiblement éclairées. L'accès de l'antichambre depuis la cour extérieure pouvait être fermé hermétiquement en roulant une lourde pierre ronde en travers. La pierre est demeurée in-situ. Au premier siècle après J.-C., un «mécanisme secret», actionné par la pression de l'eau déplaçait la pierre. Probablement une petite quantité d'eau activait un système de contrepoids qui permettait d'ouvrir la tombe. C'est de ce mécanisme dont parlait Pausanias au IIe siècle.

Deux des huit chambres funéraires disposent d'Arcosolium, lieu de repos composés d'un banc coiffé d'une arche au-dessus de lui. Certains de ces Arcosolium possèdent des niches triangulaires où des lampes à huile étaient placées pour donner de la lumière pendant l'inhumation et la préparation des corps.

Les deux types de tombes les plus courants du premier siècle après J.-C. sont tous deux présents dans ce complexe funéraire.

Les tombes sont maintenant vides, mais abritaient, au moment des fouilles, un certain nombre de sarcophages. Ceux-ci ont été étudiés par une mission archéologique française dirigée par Félicien de Saulcy et par la suite emmenés au musée du Louvre par le gouvernement français, qui a hérité du site après la mort de l'ancien propriétaire (le consul de France) à qui le terrain avait été cédé en 1886.

L'un des sarcophage en pierre calcaire sobrement sculpté portait l'inscription Tzada Malchata (צדה מלכתה ("Sadah reine" ou "Saddan reine")), en hébreu et syriaque. Ce sarcophage a été attribué à la reine Hélène. Les décorations et l'architecture du complexe funéraire sont séleucide, ce qui cadre avec cette identification.

Traditions juives

Article détaillé : Kalba Savoua.

Une tombe supposée être celle de Kalba Savoua est située près du Tombeau des Rois[13] à environ un kilomètre au nord de Jérusalem. Les Juifs révèrent grandement ce lieu. Cette vénération est mentionnée par Benjamin ben Eliya le Karaïte, lors de son alya[17].
Naturellement, aucune des tombes retrouvées à l'endroit indiqué, ne porte le nom de [Ben] Kalba Savoua[18].

Une autre tradition, rapportée au nom d'Isaac Louria XVIe siècle, attribue dans le même secteur une tombe à Nakdimon [Nicodème] ben Gourion. Ces deux traditions sont notables, car Nicodème et Ben Kalba Savoua faisaient partie des trois hommes les plus riches de Jérusalem[19] à l'époque de Vespasien[14] (empereur de 69 à 79). Ces traditions pourraient indiquer que cette zone était particulièrement prisée par les citoyens les plus riches pour y installer leur sépulture.

Selon le traité Guittin (Mishna), Nakdimon Ben Gourion et Ben Kalba Savoua et Ben Tzitzit haKesset possédaient dans leurs greniers, des réserves de nourriture qui auraient suffi pour soutenir un siège pendant dix ans, mais, comme ils étaient en faveur de l'apaisement avec la puissance romaine, leurs réserves de grains, d'huile et de bois auraient été brûlées par les Zélotes. Jérusalem aurait alors connu une terrible famine[20].

Le Midrash, pour sa part, parle abondamment des citernes de Nakdimon Ben Gourion, destinées à abreuver la masse des pèlerins qui envahissaient Jérusalem à l'occasion des trois fêtes.

Notes et références

  1. Ancient Jerusalem's Funerary Customs and Tombs: Part Three Ancient Jerusalem's Funerary Customs and Tombs: Part Three, L. Y. Rahmani, The Biblical Archaeologist, Vol. 45, No. 1 (Winter, 1982), pp. 43-53,
  2. Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques Livre XX IV - 1
  3. Talmud de Babylone, Suk. 2b
  4. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XX, 5, 4.
  5. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, XX, V, 4.
  6. Flavius Josèphe, Guerre des juifs, V, II, 2.
  7. Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, Livre V, IV, 2.
  8. Jérôme de Stridon, Epitaphium Paulae, Lettre à Eustochius, ed. Martianay, T. IV, p. 673.
  9. Félicien de Saulcy, « Mémoire sur l'emplacement probable du tombeau d'Hélène, reine de l'Adiabène, à Jérusalem », sur persee.fr.
  10. Pausanias, « Description de la Grèce », Livre VIII, § XVI, 5, sur remacle.org
  11. Eusèbe de Césarée, Histoire Ecclésiastique, XII, 2
  12. Léroubna d'Édesse, « Histoire d'Abgar »
  13. a et b Talmud de Babylone Ketoubot 62b, Nedarim 50a
  14. a et b Talmud de Babylone Gittin 56b
  15. Félicien de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte et dans les terres bibliques, p.  424.
  16. Pour ce tombeau, environ 10 000 mètres cube de la pierre calcaire la plus dure et la plus compacte ont dû être enlevés au ciseau. Dès lors, il a fallu un temps très long et des dépenses énormes pour creuser ce sépulcre. Est-ce bien la pieuse Hélène qui a pu se décider à un tel acte d'orgueil posthume ? se demandait Félicien de Saulcy dans son mémoire.
  17. cf. T. Gurland, Ginze Yisrael, vol. 1, p. 53
  18. T. Gurland, ibid. p. 68
  19. Le troisième homme le plus riche de Jérusalem à l'époque de Vespasien était Ben Tzitzit haKesset.
  20. ibid. ; Lamentations Rabba 1:5, Ecclésiaste Rabba 7:11 ; Avot deRabbi Nathan, édition Schechter, 6:31-32

Sources

Liens externes

Bibliographie

  • Les tombeaux royaux de Judée dans l'Antiquité de David à Hérode Agrippa II, essai d'archéologie funéraire, Jean-Sylvain Caillou, Geuthner, Paris, Juillet 2008 (pages 39-89)

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