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La social-démocratie désigne aujourd'hui un courant politique de gauche, réformiste et non marxiste.

Sommaire

Historique

Origines

Friedrich Engels, le père fondateur

Initialement, la social-démocratie est une appellation du mouvement socialiste international, et en particulier de la IIe Internationale fondée en 1889 à l'initiative notamment de Friedrich Engels. Il s'agit donc à la base d'un mouvement marxiste.

Citant Karl Marx, Georges Labica ferait remonter les origines de l'actuel courant social-démocrate à la révolution de 1848, date à laquelle « une coalition entre petits-bourgeois et ouvriers [...] enleva aux revendications sociales du prolétariat leur pointe révolutionnaire et [...] leur donna une tournure démocratique. On enleva aux revendications démocratiques de la petite-bourgeoisie leur forme purement politique et on fit ressortir leur pointe socialiste. C’est ainsi que fut créée la social-démocratie. » Le Manifeste du Parti communiste étant publié parallèlement, le socialisme comprenait, dès cette époque, des courants différents, auxquels on peut ajouter la sensibilité anarchiste menée par Pierre-Joseph Proudhon.

Des débats apparaissent au sein de la social-démocratie à la fin du XIXe siècle, puisque certains — notamment Eduard Bernstein — proposent une révision du marxisme afin de s'orienter vers le réformisme. Ils sont battus au congrès d'Erfurt de 1899, le dirigeant du SPD August Bebel déclarant : « Je ne tolérerai pas qu'on brise la colonne vertébrale de la social-démocratie, qu'on remplace son principe : la lutte de classe contre les classes possédantes et contre le pouvoir d'État, par une tactique boiteuse et par la poursuite exclusive de buts soi-disant pratiques », et Rosa Luxemburg consacrera un ouvrage, Réforme sociale ou révolution ?, à combattre ce courant. Mais malgré cette défaite immédiate, ils ont posé les fondations de ce qui sera à partir du XXe siècle le courant social-démocrate.

La IIe internationale, suite à différentes refondations, est devenue l'internationale socialiste, et a progressivement abandonné une partie de ses références exclusives au marxisme ; elle regroupe les partis sociaux-démocrates au sens actuel du terme.

En France

En France, le socialisme resta divisé en plusieurs partis (dont certains révolutionnaires et d'autres réformistes) jusqu'en 1905. Sur injonction de l’Internationale, ces partis s'unirent en 1905 pour fonder la SFIO. Jean Jaurès, Jules Guesde, Paul Lafargue, Jean Allemane, furent les principaux dirigeants et théoriciens français du socialisme.

Dans les années 1920, de nombreux adhérents SFIO qui avaient rejoint le PCF revinrent désabusés à la « vieille maison » sociale-démocrate. Par la suite, la politique gouvernementale de Léon Blum avec le Front populaire fut réformiste et démocratique.

Première Guerre mondiale

La Première Guerre mondiale est l'occasion d'une grave crise de la social-démocratie. Un nombre important de partis de la seconde internationale (SPD en Allemagne, SFIO en France...) participent, soutiennent activement ou passivement leurs gouvernements respectifs engagés dans le conflit (voir aussi : L'Union sacrée et les socialistes). Des minorités s’opposent alors à la guerre, « ligue spartakiste » en Allemagne, « Comité pour la reprise des relations internationales » en France, et la plupart des opposants à la guerre sont progressivement exclus de la social-démocratie (notamment l’USPD en Allemagne). Cette scission donne naissance entre 1915 et 1921 aux partis communistes dans toute l'Europe.

  • En Allemagne, les opposants à la guerre sont exclus du SPD en 1916, et fondent l’USPD, qui comprend la ligue Spartakiste de Rosa Luxemburg, mais est bien plus large. Une partie de l’USPD fondera en 1918 le Parti communiste d’Allemagne (KPD). En janvier 1919, les dirigeants du KPD, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, furent exécutés suite à une insurrection manquée, sur ordre du gouvernement allemand dirigé par le SPD.

Troisième Internationale

Pour l'essentiel, le divorce entre la troisième et la deuxième Internationale va se fonder sur le rejet par les sociaux-démocrates de la perspective révolutionnaire.

La social-démocratie devient souvent un terme péjoratif, les communistes qualifiant les sociaux-démocrates de « social-chauvin » pour avoir accepté la guerre de 14-18, et de sociaux-traîtres car « déviationnistes » par rapport au marxisme. Le terme de social-démocratie fut alors assimilé à une dérive droitière ou centriste. Cette assimilation va nuire au concept et provoquer une certaine confusion qui se retrouve jusqu'à aujourd'hui.

Social-démocratie moderne

L'âge d'or de l'État-providence (1945-1980)

Dans un contexte de guerre froide, un nouveau tournant a lieu en 1959, quand le congrès de Bad Godesberg du SPD vote l'abandon de toute référence au marxisme.

En réduisant son opposition à l'idéologie communiste à un désaccord sur la question de la révolution comme principe d'action, la social-démocratie choisit une conquête du pouvoir par l'élection et en respectant les principes de la démocratie représentative.

Elle triomphe au cours de la seconde moitié du XXe siècle, période pendant laquelle tous les pays d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord adoptent, à des rythmes divers, des réformes social-démocrates aboutissant à l'État-providence.

Depuis 1980

Certaines mesures de contrôle des marchés et des capitaux sont relâchées à partir des années 1980, sous l'impulsion de partis de droite tels que les conservateurs britanniques ou canadiens et les républicains américains. En Europe, ce courant est qualifié de « néolibéral » par les anticapitalistes, les altermondialistes, et certains sociaux-démocrates.

L'effondrement du bloc communiste à partir de 1989, l'accélération de la mondialisation économique, et les succès électoraux des conservateurs dans plusieurs pays conduisent à une remise en question de certains principes sociaux-démocrates. Ils reprennent ainsi des éléments politiques du centre, voire de la droite, comme l'acceptation des privatisations industrielles ou de la mondialisation. Cette stratégie, parfois appelée « troisième voie » ou « social-libéralisme », permet aux travaillistes britanniques (menés par Tony Blair) de retrouver durablement le pouvoir en 1997, après quinze ans d'opposition.

La fin des années 1990 voit le triomphe de cette gauche modérée en Europe (Lionel Jospin en France, Gerhard Schröder en Allemagne, Tony Blair au Royaume-Uni, Romano Prodi puis Massimo D'Alema et Giuliano Amato en Italie) et aux États Unis (Bill Clinton). Entre 1998 et 1999, sur les 15 pays de l'Union européenne à l'époque, 11 ont un chef de gouvernement de gauche. Cela dit, cette tendance s'inverse et les conservateurs tendent à revenir au pouvoir un peu partout à partir des années 2000, et surtout après le 11 septembre 2001.

Doctrine

En rupture avec le communisme, la social-démocratie au sens moderne du terme s'est placée au cours du XXe siècle sous le signe de la doctrine keynésienne alliant initiative privée et impulsion de l'État, tout en restant dans le cadre économique du capitalisme.

Mais elle n'est pas seulement une politique : la social-démocratie est de manière indissociable une culture politique qui part du pluralisme social et défend la « modération », le « compromis » politique et des structures d'organisation pour la négociation et la concertation.

De manière générale, les sociaux-démocrates soutiennent :

  • des mécanismes de régulation de la production privée afin de défendre les intérêts des employés, des consommateurs et des petites entreprises, par exemple via la protection de l'action syndicale, le salaire minimum, l'encadrement des conditions de travail ;
  • une économie sociale de marché, comprise comme une organisation intermédiaire entre la libre concurrence et l'économie planifiée ;
  • un État-providence qui protège la population des risques liés à la santé ou au travail ;
  • un système public d'éducation, de santé, de garde d'enfants, etc., financièrement accessible à tous ;
  • des niveaux de prélèvements élevés afin de financer ces dépenses publiques via un impôt progressif ;
  • la liberté d'immigration et le multiculturalisme ;
  • la laïcité ;
  • la libéralisation des moeurs : institution du mariage homosexuel, droit à l'avortement, voire parfois la dépénalisation des drogues les moins nocives ;
  • une politique étrangère basée sur la promotion des valeurs démocratiques, la défense des droits de l'homme et la concertation ;
  • un engagement en faveur de la construction européenne pour promouvoir le fédéralisme européen.

Il est à noter que le centre-droit est favorable à certaines de ces mesures, à un degré toutefois moindre.

Différents partis sociaux-démocrates

Social-démocratie allemande

SPD logo.svg

Le socialisme allemand va très rapidement être qualifié de social-démocrate, puisque les deux termes sont synonymes au moins jusqu’en 1914.

Le SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, Parti Social-Démocrate d'Allemagne), issu de la fusion entre les partisans de Karl Marx et de Lassalle (en 1875), est le premier parti de masse moderne. Le socialisme scientifique justifie la nécessité de la construction d'un parti ouvrier de masse et s'inscrivait dans une utilisation rationnelle des formes et des moyens de la démocratie représentative en se laissant toutefois la possibilité d'une rationalisation de la lutte des classes en vue de la constitution d'une république du travail socialiste.

Très tôt cependant le SPD va effectuer des alliances avec les partis libéraux afin d'asseoir la Démocratie face au régime autoritaire de l'Empereur. En 1912 le SPD, qui est le premier parti du Reichstag, forme une coalition avec les Nationaux Libéraux, les Progressistes (l'aile gauche du libéralisme) et une partie des députés du Zentrum (Centre catholique). Mais la guerre va l'empêcher de revendiquer un parlementarisme réel. En 1918, en refusant de soutenir la révolte spartakiste, qui ne recevra pas l'appui de la majorité des conseils ouvriers, de soldats et de marins restant fidèles aux socialistes au pouvoir, et plus encore en réprimant dans le sang la révolution allemande, le SPD rompt définitivement avec la logique révolutionnaire.

D'abord hostile au capitalisme et à l'économie de marché, le SPD l'accepte dans le programme de Bad Godesberg, élaboré lors du congrès du même nom en 1959.

Social-démocraties nordiques

Le parti social démocrate danois, le parti suédois social-démocratique des travailleurs, le parti social-démocrate de Finlande et le parti travailliste norvégien sont les modèles fréquemment cités en exemple par les sociaux-démocrates, tout particulièrement en ce qui concerne la Suède.

Liens internes

Quelques figures de la social-démocratie

Rosa Luxemburg, "sociale-démocrate" révolutionnaire

Avant 1918 :

Après 1914 :

Il y a également eu au sein de la social-démocratie « moderne », depuis le milieu du XXe siècle, des éléments qui ont contesté l'adaptation au capitalisme : en France, Marceau Pivert et le PSOP, puis le PSU ; en Italie le PSIUP de Lelio Basso ; en Allemagne le WASG.

Voir aussi

Bibliographie

  • Gerassimos Moschonas, La Social-démocratie de 1945 à nos jours, Montchrestien, 1994
  • (de) Georg Fülberth (de) et Jürgen Harrer (de), Die Deutsche Sozialdemokratie 1890-1933, Luchterhand (de), 1974
  • (en) J. Richards et coll. (dir.), Social Democracy Without Illusions, 1991
  • Joseph Rovan, Histoire de la social-démocratie allemande, Paris, Seuil, 1978
  • Paul Pasteur, Pratiques politiques et militantes de la social-démocratie autrichienne 1888-1934, Belin, 2003
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