Registre épique

Registre épique

Registre littéraire

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Le registre littéraire d'un texte (on parle aussi de tonalité) est défini par l'effet produit par ce texte sur le lecteur et qu'a le plus souvent recherché l'auteur. Le registre littéraire est lié à certains types de procédés stylistiques mais aussi à des thèmes privilégiés qui déterminent la réception du texte par le lecteur. Ses réactions, intellectuelles et émotionnelles, peuvent relever de la curiosité mêlée d'admiration artistique, de l'adhésion au propos du texte, de l'interrogation, mais aussi d'une association complexe d'attirance et de rejet.

Sommaire

La curiosité et l'admiration artistiques / le registre réaliste

On identifie parfois un registre neutre, qualifié de didactique ou d'informatif dans certaines œuvres pas toujours vraiment littéraires comme les Mémoires - ainsi les propos sur l'art de la guerre chez Montluc -, et dans les pages explicatives de certains romans comme le fonctionnement technique exposé dans Jules Verne ou les digressions sur l'agronomie dans Les illusions perdues de Balzac), mais la curiosité et l'admiration pour le savoir-faire de l'auteur correspondent de façon plus générale au registre réaliste caractérisé par un souci de précision, d’authenticité et de crédibilité avec la recherche d'un effet artistique.

Présent à toutes les époques sous des aspects divers comme dans les fabliaux (ex. la vie quotidienne dans Le vilain mire), les comédies (ex. la scène d'ouverture du Malade Imaginaire sur les pratiques médicales du XVIIe siècle), en poésie (ex. Une charogne dans Les Fleurs du Mal de Baudelaire), le Réalisme a pris une place croissante dans les textes narratifs du XVIIIe et du XIXe siècles. Il a d'ailleurs été revendiqué par le mouvement réaliste au XIXe siècle, en art (Courbet) et en littérature, par exemple par Maupassant dans la Préface de Pierre et Jean, et accentué par le Naturalisme que prône Zola dans Le roman expérimental. Le registre réaliste s'est imposé dans les romans qui cherchent à produire un effet de réel (on parle aussi de vérisme) plus qu'une transcription absolument fidèle de la réalité, d'ailleurs impossible. Ce souci de vérité s'applique aussi bien aux personnages (caractères, motivations, registre de langue, relations, mais également corps et fonctions intimes), qu'au cadre spatio-temporel (description des lieux, contexte historique et sociologique avec un vocabulaire technique) qu'aux péripéties individuelles et collectives. Un seul exemple emblématique : la description de la pension Vauquer au début du Père Goriot de Balzac.

Évidemment, le registre réaliste peut s'associer à d'autres registres selon l'orientation complémentaire recherchée par l'auteur, par exemple la mort pathétique de Gervaise dans L'Assommoir de Zola ou le récit dramatique du naufrage du Saint-Véran dans Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre.

L'adhésion

Au delà de la curiosité ou de l'admiration pour un art d'écrire, le lecteur peut être conduit à adhérer au propos de l'auteur, c'est en particulier le cas avec le registre comique, le registre épique, le registre merveilleux et le registre lyrique.

Le registre comique

C'est un genre qui a pour but de faire rire, de divertir en représentant le travers et le ridicule des hommes. L'adhésion jouera de la complicité dans le cas du registre comique qui sort le lecteur de lui-même en le divertissant. La tonalité comique consiste à provoquer le rire à l’aide de divers procédés : jeux de mots, quiproquos, répétitions, associations burlesques, etc., avec des tonalités particulières comme l’humour. La tonalité comique déforme la réalité à travers des situations qui provoquent le rire et l’ordre habituel des choses, la logique du langage, des gestes et des comportements sont mis en cause par une rupture inattendue.

La tonalité comique est une tonalité vivante qui traverse tous les genres littéraires et pas seulement le genre théâtral de la comédie.

Les sous-registres du comique

Ils sont très nombreux : on peut retenir par exemple

  • le burlesque qui consiste à traiter un sujet noble et héroïque dans un style vulgaire utilisant un registre de langue familier, des caricatures et de comparaisons peu flatteuses. (ex. Incipit du Roman comique de Scarron).
  • la tonalité héroïcomique qui se fonde sur l’utilisation du style noble et de la tonalité épique rapportée à un sujet trivial ou familier afin d’aboutir à un effet comique. (ex traditionnel : Le Lutrin de Boileau).
  • le registre satirique fait de dénonciation souvent associée à l'humour qui est une prise de distance amusée ou à la parodie qui reprend les procédés d'écriture pour se moquer, ou encore à l’ironie qui consiste à vouloir faire comprendre le contraire de ce que l’on dit et repose donc sur l’implicite en jouant de figures de rhétorique comme l’antithèse, l’oxymore et l’antiphrase. (ex. : les contes philosophiques de Voltaire).

Le registre épique

Le registre épique (ou héroïque), également appelé "tonalité épique", repose sur la réaction d'admiration du lecteur devant les exploits de héros surhumains. Utilisant le sublime et les procédés d'amplification (accumulations, images, hyperboles, superlatifs ...) les textes épiques exaltent des figures dépassant l'humanité et les réalités ordinaires comme dans une partie de la poésie hugolienne (La conscience dans La Légende des siècles) mais aussi dans des textes en prose comme certaines pages de Zola évoquant le peuple des mineurs révoltés parcourant la campagne dans Germinal.

Le procédé du registre épique :

  • Le Lexique :

- des termes empruntés à l'Antiquité ou aux grandes épopées
- des adverbes de temps qui soulignent et valorisent l'enchaînement des actions.
- un effet d'emphase et d'amplification qui correspond à la solennité du chant épique.

  • La Syntaxe :

- des phrases longues et complexes qui amplifient l'action représentée.
- la modalité exclamative qui souligne les sentiments du narrateur.
- des effets symétriques et de parallélisme qui manifestent l'opposition et l'affrontement.

  • Les figures de style :

- des comparaisons et des métaphores, qui s'ajoutent à l'impression de puissance et de violence.
- des hyperboles, ou des chiffres qui contribuent à l'amplification.
- des accumulations et des énumérations, qui marquent la profusion.

Le registre merveilleux

Le merveilleux séduit le lecteur en le faisant entrer dans le domaine de l'imaginaire et du rêve. Très repérable dans le conte traditionnel, le merveilleux met en scène des personnages aux grandes qualités (bravoure, ruse ...) confrontés à des êtres maléfiques, imaginaires ou non (une sorcière, un dragon, un vilain comte ...) et réussissant à écarter le danger après de multiples péripéties. La narration est marquée par des indices qui dégagent de tout réel comme « Il était une fois… » ou encore « Ils se marièrent et vécurent heureux » en laissant libre cours à l'imagination. Le conte dépassant de très loin le lectorat enfantin, l'imaginaire est malgré tout souvent associé à une volonté de morale rejoignant le genre de la fable (ex. Le petit chaperon rouge de Charles Perrault) ; le genre du conte philosophique revendique d'ailleurs une réflexion éthique ou politique qu'illustre de manière exemplaire Candide de Voltaire. Il en va de même dans beaucoup d'œuvres de science-fiction qui inventent des mondes et des êtres en conduisant à la réflexion sur l'humanité par des transpositions dans l'utopie ou l'uchronie, comme dans L'homme invisible de H.G. Wells (réflexion sur l'identité et le regard des autres) ou dans Dune de Frank Herbert (réflexion sur le pouvoir et la violence).

Le registre lyrique

L'adhésion du lecteur fonctionne aussi par l'identification avec l'auteur à travers les confidences de celui-ci qui définissent le registre lyrique. Le locuteur (souvent l'auteur mais pas toujours comme dans Cyrano de Bergerac) dévoile ses émotions intimes et personnelles sur des thèmes généraux de l'humaine condition comme l'amour, la nostalgie, la solitude, la fuite du temps, le rapport à la nature ou la mort. Tirant son nom de la lyre d’Orphée, héros et poète de la mythologie grecque, le registre lyrique correspond à l'expression des sentiments qu'ils soient heureux (joie, bonheur d'aimer, enthousiasme, exaltation de la beauté ...) ou élégiaques, exprimant la plainte et la mélancolie. Ce «Chant de l'âme» est particulièrement associé à un aspect de la poésie avec des procédés comme l'emploi de la première personne du singulier, un lexique du sentiment et des mises en relief que représentent l'utilisation des apostrophes et des invocations (Ô saisons ! Ô châteaux ! - Rimbaud), une ponctuation expressive, l'emploi de nombreuses figures de rhétorique (images, accumulations ...) ou la recherche d'effets musicaux jouant sur les rythmes et les sonorités (allitérations, anaphores ...). Deux exemples emblématiques : « Demain, dès l'aube... » de Victor Hugo (Les contemplations) et Ne me quitte pas de Jacques Brel.

L'interrogation

Parfois le lecteur se trouve face à un questionnement vis à vis du texte, ce questionnement pouvant mettre en jeu la réflexion comme l'émotion.

Le registre argumentatif

L'interrogation correspond au registre argumentatif (ou délibératif) qui cherche à faire adhérer le lecteur à une thèse en appelant à la raison (convaincre) comme au sentiment (persuader) (exemple : Supplément au voyage de Bougainville de Diderot) [1].

On trouvera les sous-registres de l'épidictique (blâme et éloge : hymnes, oraisons funèbres, par exemple les textes de Bossuet) et du polémique, parfois appelé pamphlétaire (exemple Les Châtiments de Victor Hugo).

On peut lui associer le registre didactique employé dans les textes délivrant un enseignement : il est fondé sur une argumentation destinée à informer et à convaincre un interlocuteur.

Le registre fantastique

L'interrogation est de mise aussi dans le cas du registre fantastique qui introduit une faille dans le réel, jouant sur le doute d'une réalité possible.(ex. Le Horla de Maupassant) Il débouche souvent sur le registre dramatique quand l'interrogation se transforme en inquiétude.

La fascination et l'effroi

Enfin le lecteur peut ressentir un mélange de fascination et d'effroi qui associe des réactions complexes devant le domaine de la mort et du mystère. L'analyse littéraire distingue alors le registre dramatique, le registre pathétique et le registre tragique qui sont assez proches.

Le registre dramatique

Le registre dramatique joue sur l'identification du lecteur avec les personnages mais crée la peur et l'inquiétude en mettant en scène la menace et la destruction dans des péripéties renouvelées où intervient le suspense. C'est le registre des romans d'aventure (ex. Michel Strogoff de Jules Verne ou encore la mort de Gavroche dans Les misérables et particulièrement des « thrillers » (ex. Le Silence des agneaux de Thomas Harris) mais aussi des mélodrames au théâtre (ex. La Tour de Nesle d'Alexandre Dumas père, 1832), il est aussi fréquemment associé au mystère du registre fantastique (ex. les romans de Lovecraft). Le saisissement et l'effroi procurent au lecteur des stimulations d'adrénaline et jouent de manière ambiguë sur la fascination et la répulsion auxquelles peuvent se mêler la compassion et la pitié.

Le registre pathétique

Quand les procédés visent à créer des effets particulièrement forts, déclenchant des larmes d'effroi et de pitié mêlée, on parle de registre pathétique, l’adjectif pathétique venant du grec pathos, signifiant « passion, souffrance ». Le registre pathétique concerne tous les énoncés qui suscitent chez le lecteur une émotion violente, douloureuse, voire des larmes. Cette émotion peut être une fin en soi mais aussi avoir une fonction argumentative et amener le lecteur à réagir, face à une injustice par exemple. Il se caractérise par une syntaxe de l’émotion (musicalité, phrases exclamatives ou interrogatives), des termes appartenant au réseau lexical de la souffrance et des sentiments violents, des hyperboles, des images fortes. L’émotion que ressent le lecteur est d’abord due au récit d’événements malheureux (séparation, misère, mort) et au fait que le lecteur s’identifie au personnage qui les subit. Illustration Love Story d'Erich Segal.

Le registre tragique

Le registre tragique présente des personnages hors du commun aux destins marqués par la fatalité. Il dépasse ainsi le registre dramatique en montrant une situation sans issue qui repose sur l’intervention d’une force supérieure ou d’une divinité, sur une obligation morale ou sur l’emprise d’une passion. Le héros tragique se caractérise en général par sa grandeur : noble, hors du commun, il possède grandeur d'âme, courage et lucidité qui lui permettent d’affronter le destin tout en prenant conscience de son impuissance. Il exprime sa douleur devant l’étendue du malheur qui le frappe en particulier à travers l'imprécation qui souhaite la ruine, le malheur ou la malédiction (ex. Camille dans Horace de Pierre Corneille vers 1301-1318 ) mais qui peut aussi exprimer une révolte contre la cruauté des dieux, le destin cruel ou une situation injuste (ex. Phèdre dans la pièce de Racine), à travers la supplication, sous forme d’une prière (ex. Andromaque de Racine acte III, sc 4) ou à travers la lamentation qui exprime une tristesse intense, des regrets très vifs (ex. dans Electre d'Euripide, le thrène de l’héroïne éponyme pour son père). Le registre tragique introduit ainsi la terreur à la pitié devant la force du destin qui frappe les protagonistes et le caractère inéluctable de l'échec, ayant ainsi une fonction de catharsis.

Pour clarifier les différences entre ces registres voisins, on retiendra que la mort d'Antigone est tragique parce que inéluctable, que la mort de Gavroche dans Les Misérables est dramatique parce qu'elle est triste mais qu'il aurait pu en être autrement et que la mort de l'enfant dans "La Peste" d'Albert Camus (Partie IV, chapitre 3) est pathétique parce qu'elle cherche d'abord à créer une forte émotion sur le lecteur qui se projette dans la situation.

Problématique

  • Les approches de la notion de registre littéraire sont assez flottantes et parfois discordantes, avec des listes de taille variable, souvent sans organisation synthétique. On trouve cependant des classements intéressants mais aux frontières psychologiquement artificielles comme celui qui sépare les réactions touchant l'esprit (renseigner/convaincre), le cœur (sympathie/inquiétude/rejet) et enfin le divertissement (rêve/comique).
  • Les textes ne sont pas toujours homogènes, on peut déterminer plusieurs registres dominants pour une même page : le monologue de Figaro dans la pièce de Beaumarchais sera à la fois comique et argumentatif. C'est encore plus vrai quand on traite d'une œuvre entière.
  • Les registres littéraires sont indépendants des genres, même si on trouve des corrélations entre les deux : telle page du roman Germinal de Zola décrivant le cortège des grévistes aura une tonalité épique, tel passage de la pièce de Musset On ne badine pas avec l'amour (tirade de Perdican, acte II, scène 5) aura une tonalité lyrique, le poème Le mal de Rimbaud aura un registre polémique ...
  • Le registre littéraire ne doit pas être confondu avec le registre de langue (soutenu, familier ...) qui définit un choix esthétique sans préjuger de l'effet obtenu (comique, réaliste ...).

Ainsi la notion de registre littéraire est clairement fondée et peut aider à l'analyse littéraire. Elle ne doit cependant pas être trop normative ni dispenser d'une justification.

Notes et références

  1. Pour stabiliser cette partie de l'article consacrée au registre argumentatif, il serait bon de s'aligner sur la distinction la plus répandue qui distingue « convaincre », renvoyant à l'appel à la raison, et « persuader » impliquant davantage un appel au sentiment et à l'émotion . On peut consulter par exemple l'article Persuasion, les définitions de « convaincre », « persuader et « séduire » dans le TCF [1] ou [2] ou [3]

Sources et liens externes

Articles connexes

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