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La notion d'art officiel s'impose non seulement par l'observation d'une promotion exclusive d'œuvres qui répondent au goût des institutions culturelles d'un État, mais à l'analyse du système mis en place pour les promouvoir.

Une histoire des liens entre l'État et l'Art.

Intervention de l'État dans le monde de l'art.

L'art officiel, s'il est « décrété » ouvertement sous des régimes totalitaires, se manifeste plus subtilement en démocratie.

Quand un art officiel est adopté, consacré, reconnu, soutenu, mis en avant par l'État et, dans les cas plus extrêmes, seul autorisé, il devient un instrument de propagande et d'idéologie.

Cette occupation de terrain de la scène artistique tend à effacer et rendre invisible l'art qui ne correspond pas aux critères de l'art officiel.

Engagement de l'État. Rayonnement culturel.

Manifestations de l'art officiel dans les démocraties et ses effets.

Art sous influence.

Analyse des grands exemples historiques d'art officiel. Relation entre l'État, les artistes et le public, rôle des médias. Les enjeux et les moyens mis en œuvre par l'État.

Sommaire

Thématiques

La révision de l'histoire

L'art didactique/allégorique

Historique

Les religions

La Haute Antiquité

Dès les époques les plus reculées, l'art a eu pour objet de glorifier le sacré. Aussi n'est-il pas étonnant de voir se développer un art officiel dès les débuts de l'Histoire, destiné à célébrer les divinités, et les hommes qui les représentent sur Terre, dans les premiers États où le chef avait toujours une dignité religieuse. L'art officiel est né avec les premières civilisations historiques (Perse, Babylone, Égypte...), se manifestant souvent sous la forme d'une architecture colossale et spectaculaire, dont des éléments sont parvenus tels quels jusqu'à nos jours (temples et obélisques égyptiens par exemple).

L'Antiquité gréco-romaine

Généralisé dans les grands empires, l'art officiel n'est pas abandonné dans les cités grecques, où les monuments ne célèbrent plus le monarque, mais la Cité tout entière et ses dieux tutélaires. Quelquefois, certaines oeuvres rayonnent à travers l'ensemble de la Grèce, en particulier près des sanctuaires (temple d'Apollon à Delphes...), où se rassemblent les hommes de tout le pays, toutes cités confondues.

Rome va tout naturellement reprendre l'architecture héritée des Grecs à son compte, pour célébrer sa propre civilisation et ses propres valeurs (les villes du Bassin méditerranéen se couvriront de monuments tels que des thermes, cirques, forums..., construits selon le modèle officiel).

  • Périclès : le rayonnement d'un impérialisme athénien passe par l'architecture et la sculpture.

L'art des Omeyades

La compétition entre les villes européennes

À partir de l'époque gothique, l'art devient un enjeu de compétition entre les cités concurrentes. La bourgeoisie locale finance principalement des églises et des cathédrales aux formats toujours plus extraordinaires (car il faut qu'on les voie de loin), où la religion est un prétexte à prouver sa puissance financière. Ce trait est représenté de manière caricaturale dans la ville de Venise ou chaque corporation fait construire et décorer richement son église. La compétition artistique entre les villes a longtemps perduré dans les pays sans état comme l'Italie ou l'Allemagne. C'est de cet art bourgeois qu'est né le statut d'artiste, puisque c'est à l'époque gothique que les ouvrages ont commencé à être signés nominalement (pour évaluer la charge de travail, dans le cas des artisans, mais aussi pour revendiquer la paternité de leurs œuvres dans le cas des architectes).

La réforme

Le protestantisme, religion souvent portée par la bourgeoisie, contre la noblesse, sépare l'art du prétexte religieux. Après quelques périodes d'aniconisme forcé par une interprétation de la Bible (périodes qui s'étendront au champ catholique, avec Jérôme Savonarole), le monde protestant produit un art inédit qui ne montre plus que ses commanditaires (portraits de particuliers), leurs possessions et leur art de vivre (natures-mortes, scènes d'intérieur, paysages). Sous le masque d'un art "du peuple pour le peuple", l'art protestant (la peinture hollandaise du XVIIe siècle, typiquement) est l'affirmation très précise du pouvoir financier et politique de la bourgeoisie.

Louis XIV

François Ier et Louis XIII, notamment, sont les initiateurs d'un art d'état en France. Attirant les meilleurs artistes italiens, ils suscitent une importante production d'édifices, de peintures et de sculptures, afin d'établir la puissance du pays. L'obsession de centralisation de Louis XIV le poussera à aller plus loin encore, préfigurant les pratiques des grands totalitarismes du XXe siècle. Dans un premier temps, à l'imitation de ses prédécesseurs, il tente d'attirer à Paris les grands artistes de l'époque, comme le Cavalier Bernin et récupère les artistes de l'entourage de Nicolas Fouquet. Au cours de travaux de modernisation du Louvre et pendant la construction du château et du domaine de Versailles, il cherche à inscrire son règne dans l'histoire notamment en commandant à Charles Le Brun la création d'un « ordre français » qui s'ajouterait aux trois ordres classiques grecs : dorique, ionique et corinthien. Le roi crée par ailleurs des institutions qui perdurent aujourd'hui, comme l'Académie des Beaux-Arts (autrefois royale), et qui définissent très précisément le circuit de formation des artistes (prix de Rome, voyage en Italie, et résidence à la Villa Médicis), mais aussi leurs thématiques, tirées de l'histoire et de la mythologie greco-romaine, notamment, en plus de la glorification du pouvoir (portraits, scènes de guerre).

La Révolution française et l'Empire

La Restauration

Sous Charles X, les artistes sont intégrés à un vaste programme de légitimation de la monarchie, qui cherche à rappeler son ancienneté par un retour très important de la religion mais aussi par la généralisation d'un « style courtois », nostalgique d'un moyen-âge idéalisé. Des peintres comme Dominique Ingres et même Eugène Delacroix s'y laisseront prendre un temps — ce ne sont pas pour les œuvres de ce style qu'ils ont marqué l'histoire de l'art. L'époque aura eu le mérite de pousser à une étude scientifique de cette période historique (Prosper Mérimée, Viollet-le-Duc). Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, est aussi marqué par ce retour du Moyen-âge, mais sans l'idéaliser, au contraire.

Le Second Empire

La Mère-Patrie (W. Bouguereau)

Défense des valeurs morales. Cette tendance s'incarne dans les œuvres des peintres académiques.

L'art soviétique

Lénine participe à un samedi communiste - tableau de V. Ivanov

Dans un premier temps, la Révolution entraîne de nombreux artistes dits d'avant-garde, comme Kasimir Malevitch, Sergei Eisenstein ou Dziga Vertov. Assez rapidement, les artistes soviétiques sont recadrés par le régime, et se voient imposer un travail académique exclusivement dédié à la glorification des figures du parti et de ses thèmes, comme en témoignent par exemple les sculptures monumentales de Vera Moukhina.

Le fascisme

Le régime fasciste se veut à la fois « moderne » et passéiste, il tentera notamment les Futuristes surtout par une prise en compte des médias de masse comme la radio, la bande dessinée et surtout le cinéma, nettement favorisé (c'est l'âge d'or de cinecitta), où est distillée l'idéologie fasciste : apologie de la force virile avec des "super-héros" comme Maciste et Dick Fulmine, nostalgie de l'Empire romain (Péplums).

Le nazisme

Le régime nazi est dirigé par un homme qui n'hésite pas à se présenter dans Mein Kampf comme un artiste [1] et qui se mèle dès le départ d'esthétique, annonçant dans son programme quel type d'art est valide et quel type d'art ne l'est pas, en se basant sur le « sens commun » populiste (un artiste qui peint l'herbe bleue est un menteur...) et sur les goûts personnels d'Hitler, qui appréciait Caspar David Friedrich mais aussi Gustav Klimt, deux artistes pourtant éloignés des positions dogmatiques du Führer, le premier étant sans doute un précurseur de l'expressionnisme et le second ayant fait par son œuvre l'apologie de tout ce que le régime nazi présentait comme malsain : cosmopolitisme, ambiguïté sexuelle, liberté de mœurs, liberté technique, etc. À côté de la stigmatisation d'un Art dégénéré, le régime nazi, sous l'impulsion décisive de Joseph Goebbels, cherche à s'entourer des meilleurs plasticiens, mais ceux-ci fuient rapidement le pays (comme Fritz Lang[2]) ou refusent de s'engager politiquement (comme Leni Riefenstahl, qui exécutera deux films de commande à la gloire du régime mais ne s'engagera pas dans le parti nazi), laissant le champ libre à une quantité d'artistes parfois médiocres aux thèmes classiques et aux œuvres monumentales dont l'histoire a surtout retenu les noms du sculpteur Arno Breker et de l'architecte Albert Speer. Celui-ci conçut à la demande d'Hitler et en collaboration avec d'autres artistes officiels un projet monumental de nouvelle capitale allemande, "Germania".

La Chine communiste

Une sculpture représentant Mao Zedong

La Chine de Mao Zedong glorifie l'art populaire, opposé à l'art bourgeois, et ce sont les médiums du peuple (affiche et bande dessinée surtout) auxquels sont affectés les plus grands artistes du pays. Les formes bourgeoise telles que la peinture et la sculpture se voient affecter des artistes sans créativité particulière à qui il est demandé d'inonder le pays d'œuvres allégoriques diverses. Dans chaque district, ce sont des assemblées populaires qui expliquent aux artistes ce qu'ils doivent créer, offrant l'apparence absurde d'un art « démocratique ». Lors de la Révolution culturelle, de nombreux représentants de la culture bourgeoise seront brimés, rééduqués, voire pire.

France aux XXe et XXIe siècles

L’État, via le Ministère de la Culture, les musées d'état, les organisations d'événements est le principal collectionneur, diffuseur, formateur des artistes et du public, fabriquant du discours sur l’art.[réf. nécessaire]

L'art officiel et l'État totalitaire

Art et pouvoir

Instrumentalisation de l'Art.

Propagande et Censure

En 1933 est créé une "Chambre de Culture" à laquelle les artistes doivent s'inscrire et participer à la nouvelle esthétique du IIIe Reich. En 1937,Hitler inaugure à Munich une exposition qui sera fréquentée par deux millions de visiteurs, le Grosse Deutsche Kunstausstellung 1937. L'exposition accueillera encore un million de visiteurs pendant une tournée de trois ans en Allemagne et en Autriche. Promotion d'un art allemand de valeur éternelle, fondé sur un peuple, les œuvres présentées exaltent le travail, la famille, la patrie et l'héroïsme.

« Kubismus, Dadaismus, Futurismus, Impressionismus, Expressionismus, alles völlig wertlos für das deutsche Volk », déclare Hitler lors de l'inauguration : « Le Cubisme, le Dadaïsme, l’Impressionnisme, l’Expressionnisme sont complètement sans valeur pour le peuple allemand. » La présentation au public d'œuvres de malades mentaux et de peintres modernes à côté d'œuvres d'art officiel montrées en parallèle devait convaincre le public de la dégénérescence de l'art moderne. Pour "protéger" les mineurs, l'entrée à l'exposition leur était interdite. Plus de 16.000 œuvres d'art moderne furent "dégénérées" en 1937 par une "commission d'art dégénéré", (entartete Kunst) sous la présidence de Adolf Hitler, Joseph Goebbels et Frick, puis détruites, brûlées ou vendues.

De nombreux artistes, savants et écrivains quittèrent l'Allemagne et l'Autriche : Paul Klee, Albert Einstein, Sigmund Freud, Bertold Brecht et Kurt Weill, Thomas Mann, Hermann Hesse.

  • Institution, organisation, procédés
  • Illustrations

L'Art institutionel

En démocratie

L'exemple français. La place de l'art dans le monde contemporain, le statut de l'artiste, l'Institution et son appareil administratif.

Indépendance et dépendance de l'Art

Les acteurs

La pression de l'art officiel influe sur la production artistique souhaitée pour répondre aux besoins d'un marché international.[réf. nécessaire]

Intervention de l'État

Enjeux et moyens

Institution et appareil administratif.

L'État est avant tout une institution. Composé de ministères, de directions, de préfectures, de délégations et d'administrations diverses, l'État dispose de corps de fonctionnaires employés dans les administrations d'État et les collectivités territoriales ainsi que dans les établissements publics.

Les régions, les départements et les communes

Le Ministère de la Culture

  • Organisation, missions et délégations, recommandations, diffusion
  • Créations de lieux, de résidences d'artistes, de fonds, de prix
  • Éducation artistique et culturelle
  • Subvention, commande, attribution, 1% artistique, soutien, incitation à la création
  • Directives, missions, diffusion, conseil, sensibilisation
  • Visibilité de l'art officiel

La mise en œuvre de l'art officiel sur la scène artistique tend à effacer et rendre invisible l'art qui ne correspond pas aux critères de l'art officiel.[réf. nécessaire]

  • Médias, relais de l'information, Internet
  • Lisibilité de l'action de l'État et des créateurs dans des lieux emblématiques
  • Place de l'artiste, condition ou profession
  • Les choix de l'État, l'art contemporain, la modernité, l'exclusion
  • "Fabrication" d'un marché de l'art

Citations

  • « L'État est notre serviteur et nous n'avons pas à en être les esclaves »Albert Einstein, Comment je vois le monde
  • « Il faut que les Indépendants répondent aux Officiels. Le débat ne saurait être ailleurs que dans l'opposition entre ces deux termes. Il ne saurait surtout consister en querelles sur les notions du Beau, du Fini, du Parfait et du Mesuré. Ni sur les vertus artisanales que le Président de la République glorifie d'un ruban rouge. Le débat est entre ceux qui cherchent sans cesse (...) et ceux qui ayant trouvé la perfection (allez la voir au Grand Palais) en enseigne la recette. Ce débat, on peut le trancher d'une boutade : il y a l'Art officiel, et il y a l'Art »René Iché, Manifeste Les deux arts publié dans Beaux-arts le 17 mai 1938.
  • « L'État, c'est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement et voici le mensonge qui rampe de sa bouche: "Moi, l'État, je suis le peuple." »Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
  • « Les poètes tentent de greffer aux hommes d'autres yeux et de transformer ainsi le réel. Aussi sont-ils des éléments dangereux pour l'État, puisqu'ils veulent transformer. Or l'État et ses dévoués serviteurs n'aspirent, eux, qu'à durer »Franz Kafka
  • « Je désapprouve ce que vous venez de dire, mais je défendrai jusqu’à ma mort votre droit à le dire »Voltaire (apocryphe)
  • « Le parti révolutionnaire ne peut assurément pas se fixer la tâche de « diriger » l'art. Semblable prétention ne peut venir qu'à l'esprit de gens enivrés de l'omnipotence de la bureaucratie de Moscou. L'art, comme la science, non seulement ne demandent pas d'ordres, mais, de par leur essence même, ne les tolèrent pas » - Léon Trotsky, La bureaucratie totalitaire et l’art, 10 juin 1938.

Bibliographie

  • Wladimir Berelowitch et Laurent Gervereau, Russie-URSS, 1914-1991. Changements de regards, Éditions La Découverte / Sodis (BDIC, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Nanterre).
  • Christine Sourgins, Les Mirages de l’Art contemporain, Éd. La Table Ronde.
  • Georges Orwell, 1984
  • Raymonde Moulin, L'Artiste, l'institution et le marché, Flammarion, 1999, ISBN 2-08081-629-2

Sources

  1. « Mon talent de dessinateur était indiscutable ; il avait même été une des causes pour lesquelles mon père m'avait envoyé à la Realschule, mais jamais celui-ci n'avait pensé à faire perfectionner mes dons jusqu'à me permettre d'embrasser cette profession ; au contraire. Lorsque pour la première fois, à la suite d'un nouveau refus de ma part d'adopter son idée favorite, mon père me demanda ce qu'enfin je voulais être, ma résolution déjà formée me dicta une réponse immédiate : il en demeura presque muet. " Peintre ? Artiste-peintre ? " »
  2. Gobbels proposait à Fritz Lang de se mettre au service du régime en prenant la direction des studios de cinéma allemand. Ce dernier avait objecté : «mais je suis juif !». Gobbels aurait répondu : «C'est nous qui décidons qui est juif et qui ne l'est pas».

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