- Apostrophe dactylographique
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Apostrophe (typographie)
Pour les articles homonymes, voir Apostrophe.L’apostrophe est un signe typographique de ponctuation, un diacritique, voire une lettre. Issue d’une ponctuation de l’alphabet grec qui indique l’élision, elle a été empruntée par d’autres écritures, dont l’alphabet latin principalement.
Sommaire
Œils de l’apostrophe
L’apostrophe a la forme d’une virgule placée en hauteur. « Une virgule libérée de la pesanteur qui la clouait sur la ligne de base », selon Jean-Pierre Lacroux[1]. En allemand, dans le langage courant ou populaire, elle est nommée Hochkomma, littéralement « virgule haute ».
En raison des contraintes techniques des claviers de machines à écrire, puis de nos jours de ceux des ordinateurs, elle est très souvent tracée comme une barre verticale droite dans les documents électroniques. Cette apostrophe est appelée apostrophe dactylographique ou droite. Selon les usages des typographes elle ne devrait pas être employée[2],[3] et par exemple pour Lacroux, typographiquement, elle n’existe pas[4].
L’apostrophe devrait donc nécessairement être courbe mais de nombreuses polices de caractères la représentent par une barre inclinée et, dans les cas où la barre est courbe, l’œil est fréquemment absent. Unicode distingue bien les différents œils de l’apostrophe ainsi que ses différentes fonctions : signe typographique de ponctuation, signe diacritique ou lettre. Il recommande d’utiliser le guillemet-apostrophe « ’ » comme apostrophe typographique[5],[6]. Patrick Andries, expert Unicode, fait la même recommandation [7].
Signes proches de l’apostrophe
Il existe plusieurs signes qui, bien que proches de l’apostrophe, ne devraient pas être confondus avec elle.
Il est fréquent qu’on emploie, dans une composition typographique moins appliquée, l’apostrophe au lieu d’un demi-anneau à droite dans la transcription des langues sémitiques. L’utilisation d’une apostrophe « droite » est à déconseiller car il existe pour la transcription de ces langues deux consonnes qu’on note par les demi-anneaux, l’un tourné à droite, l’autre à gauche : l’apostrophe droite ne permet plus de différencier les deux. Ainsi, شَيْء [ʃajʔ], « chose » (arabe), peut être transcrit šayʾ (anneau à droite) ou, moins conseillé, šay’ (apostrophe) mais, de préférence, pas šay' (apostrophe droite), qui ne permet pas de savoir si l’on a affaire à la consonne [ʔ], notée par ʾ (parfois remplacée par ’ ) ou à ʿ (anneau à gauche, parfois remplacé par ‘, une apostrophe culbutée), notant [ʕ] (selon l’analyse traditionnelle ; on peut voir dans l’article phonologie de l’arabe que le cas est plus complexe).
À l’inverse, l’‘okina hawaïenne, une apostrophe culbutée, note bien un coup de glotte.
Enfin, on utilise pour l’alphabet phonétique international une ligne verticale courte en hauteur proche de l’apostrophe droite précédant la syllabe portant un accent tonique (il existe aussi une ligne verticale basse, mais qu’on ne peut confondre avec une apostrophe).
L’apostrophe est également un signe typographique venu initialement de l’alphabet grec, qui a donné naissance à un diacritique de cet alphabet, la corônis, de forme similaire, et qu’il ne faut pas confondre avec les esprits (doux et rude), semblables, respectivement, à une apostrophe et une apostrophe culbutée mais d’origine différente.
En français
L’apostrophe
En français, l’apostrophe sert de signe typographique marquant l’élision des voyelles finales a et e de certains mots, et i pour ce qui est de la conjonction si suivie du pronom il. L’élision se fait lorsque ces mots sont suivis d'un mot commençant par une voyelle ou un h muet. Ainsi on a : la + apostrophe → l’apostrophe, le + oiseau → l'oiseau, si + il → s'il, que + elle/il → qu'elle/qu'il, presque + île → presqu’île, le + homme → l'homme, le + hôtel → l'hôtel, le + hôpital → l'hôpital.
En ce qui concerne les mots commençant par un h, il est nécessaire de savoir s'il est muet ou aspiré. Avec les mots commençant par un h aspiré, l'élision ne se fait pas et par conséquent on n'utilise pas d'apostrophe. Ainsi on a : la haie, le haricot, la hâte, le hibou, la housse, la hutte, etc.
L’apostrophe n’est qu’une marque de confort, tant à l’oral qu'à la lecture. Cet usage, très courant en français, s'applique seulement à certains mots, le plus souvent monosyllabiques.
Mots dont la voyelle finale peut être élidée
- Les mots monosyllabiques : le, la, de, je,me, te, se, ce, ne, que, de même que la conjonction si, uniquement lorsque celle-ci est suivie du pronom sujet il.
- Autres mots et locutions : jusque, lorsque, puisque, quelque, quoique, parce que, quoi que, tel(le) que.
L’élision du e muet final n’est pas soulignée par l’apostrophe dans les autres cas. On écrit en effet la cuisine est vaste et lumineuse.
Quelques mots ne pouvant être précédés d’une apostrophe
L’élision ne peut se faire devant :
- huit, huitième, onze, onzième, un. Ainsi, on a :
« Un total de huit livres - Un paquet de onze kilos - Une bouteille de un litre – Le huitième rang – Le onzième jour ».
N.B. Concernant un, ne pas confondre le chiffre et l’article indéfini. L’article indéfini un peut être précédé d’une apostrophe. « Elle le regardait d’un air inquiet ».
- oui – « Des millions de oui »
- Devant les mots commençant par un y suivi d’une autre voyelle avec laquelle il forme le son ['j], comme dans yaourt, yacht, yoyo.
« Le yaourt - Un port rempli de yachts - Une boîte pleine de yoyos »
Les voyelles a et e, de même que i pour ce qui est de la conjonction si suivie du pronom sujet il, étant les seules à pouvoir être élidées, il est à noter que :- Le i de qui n’est jamais élidé. Il ne faut pas confondre que et qui notamment lorsqu’il s’agit d’utiliser une apostrophe. Comparez : « La photo qui illustre cette page » et « La page qu’illustre cette photo ».
- De même, le u de du n’est jamais élidé. L’article du - contraction de de le - ne peut être ni élidé, ni suivi d'un mot commençant par une voyelle ou un h muet. Avec un mot commençant par une voyelle ou un h muet, on doit utiliser de l' comme dans l'exemple suivant : « l’équipage de l’avion » et non « d’avion ». Comparez avec : « l’équipage du navire ».
Dans certains cas, l’emploi de l’apostrophe est erroné bien qu’entré dans l’usage au début du XXe siècle par hypercorrection. Il n’y a aucune élision dans prud’homme (prud, anciennement prod, c’est-à-dire preux, + homme) ou grand’rue (grand, forme de féminin en ancien français écrite normalement grant, + rue). Aujourd’hui, dans ce cas, on écrirait plutôt prudhomme, grand rue ou grand-rue. En revanche, si grand’mère, a été employé jusqu’au début du XXe siècle, on n’est jamais allé jusqu’à écrire mère grand’ ou Rochefort’.
Enfin, l’emploi de l’apostrophe est non seulement autorisé mais obligatoire : « je te ai dit que il » est une faute. On doit dire et écrire : « je t'ai dit qu'il ».
Exemples supplémentaires
- la + avalanche → l’avalanche – « L’avalanche a fait cinq morts »
- le + arbre → l’arbre – « Le petit garçon était caché derrière l’arbre »
- le + habit → l’habit – « L’habit qu’il portait était magnifique »
- je + habite → j'habite – J’habite rue Lepic »
- me + envoyer → m’envoyer – « Peux-tu m’envoyer un courriel. ».
- que + avec → qu’avec – « Il ne voit bien qu’avec des lunettes. ».
- jusque+ où → jusqu’où – « Jusqu’où va-t-elle ? »
Autres usages
Si les usages autres que l’élision sont considérés comme fautifs, on observe cependant de façon anecdotique d’autres usages.
- Il subsiste de façon archaïque, avec la fonction d’un trait d’union, dans des terme comme grand’mère ou grand’chose en l’absence d’élision. Selon Le bon usage de Maurice Grevisse, l’apostrophe peut aussi être utilisée comme guillemet, en poésie[8].
- On la trouvait dans la typographie française XVIIe - fin XVIIIe siècle fin pour remplacer un accent grave en la plaçant après un E majuscule : E' est équivalent à È .
En anglais
L’apostrophe est communément utilisée pour indiquer les lettres omises en raison d’un amuïssement :
- dans des abréviations, comme gov’t pour government (« gouvernement ») ;
- dans des contractions telles que can’t pour cannot (« ne pas pouvoir ») et it’s pour it is (« c’est ») ou it has (« cela a »).
L’utilisation la plus courante de l’apostrophe, cependant, est liée au génitif anglais, qui se marque normalement par une désinence -s ajoutée au mot voulu. Ce suffixe est séparé du mot par l’apostrophe, qui joue donc un rôle de démarcation morphématique (comme dans d’autres langues) : Oliver’s army → « de Olivier + [l’]armée » = « l’armée d’Olivier », Elizabeth’s crown → « de Élisabeth + couronne » = « la couronne d’Élisabeth ».
Enfin, l’apostrophe est utilisée par certains écrivains dans une fonction similaire de séparation des morphèmes pour des pluriel d’abréviations ou de symboles dans lesquels n’ajouter que la désinence -s (homophone du -s de génitif) serait ambigu, comme dans mind your p’s and q’s plutôt que mind your ps and qs (« surveillez vos p et q », c’est-à-dire « comportez-vous correctement », expression idiomatique intraduisible telle quelle). Ce procédé n’est pas nécessaire quand il n’y a pas d’ambiguïté : CDs, videos et 1960s suffisent, CD’s, video’s et 1960’s n’ayant pas de justification liée à la lisibilité. De même, l’emploi systématique actuel de l’apostrophe pour des mots n’ayant normalement pas de pluriel (verbes, adverbes…) est souvent erroné : le titre du film Dating Do’s and Don’ts devrait être écrit Dating Dos and Don’ts.
Difficultés
Le bon placement d’une apostrophe, en anglais, peut significativement changer le sens d’un énoncé. On prendra particulièrement garde aux cas suivants.
Homophonies
L’apostrophe de it’s (« c’est » ou « cela a ») marque une contraction de it is ou bien it has. Le possessif (adjectif ou pronom) its (« son, sa », « le sien, la sienne », quand le possesseur est neutre) n’a pas d’apostrophe. On peut se souvenir qu’il n’y a pas d’apostrophe dans les pronoms possessifs his (masculin), hers (féminin) et its.
Who’s signifie « qui est » ou « qui a ». On ne le confondra pas avec le possessif de who, whose « dont » / « à qui » : the person whose responsibility it is is the member who’s oldest (littéralement « la personne dont c’est la responsabilité est le membre qui est le plus âgé »).
You’re signifie « vous [tu] êtes [es] », qu’on ne confondra pas avec le possessif your (« votre [ton/ta] »). « Your nuts » signifie « tes noix » alors que « you’re nuts » se traduit par « t’es noix », idiotisme familier pour « tu es fou ».
Disparition du -s de génitif après un autre -s
Quand un nom est mis au pluriel en -s, le génitif ne prend pas de -s supplémentaire mais l’apostrophe est conservée : lady’s hat, « le chapeau de dame » (singulier) mais ladies’ hats, « le(s) chapeau(x) des dames » (pluriel). Les pluriels irréguliers sans -s sont construits normalement au génitif : child’s hat, « le chapeau de l’enfant », children’s hats, « le(s) chapeau(x) des enfants ».
Un nom terminé au singulier par un -s peut ne pas recevoir un -s supplémentaire au génitif. Encore une fois, l’apostrophe est conservée : Jesus’ parables (« les paraboles de Jésus »). Cet usage est le plus courant aux États-Unis d’Amérique, surtout avec les noms anciens : Eros’ statue (« la statue d’Éros »), Herodotus’ book (« le livre d’Hérodote »). Des noms modernes se terminant par -es (prononcé avec /z/ et non /s/) suivent parfois cette règle : Charles’ car (« la voiture de Charles ») alors que la norme enseigne qu’il faudrait écrire Charles’s car. Par extension, on fait aussi de même avec des mots terminés par -x ou -z. (À l’oral, on prononce le ’s, par exemple « Jesus’ » se prononce souvent /dʒi:zəsəs/.)
Il existe des irrégularités, qu’on rencontre surtout dans les toponymes : si on trouve à Londres un St James’s Park (James est un singulier terminé par -s), il y a à Édimbourg une Princes Street, qu’il faudrait écrire avec une apostrophe puisque Princes est au pluriel ;
Astuce
Pour vérifier qu’une apostrophe est bien placée, il convient de changer l’ordre des mots de la phrase pour que la partie avant l’apostrophe soit le dernier mot de l’énoncé :
- the boy’s hats → the hats of the boy ;
- the boys’ hats → the hats of the boys.
Greengrocers’ apostrophes (apostrophes de l’épicier)
Des apostrophes mal placées, en particulier avec un « s » de pluriel, sont nommées Greengrocers’ apostrophes (ou, ironiquement, Greengrocers apostrophe’s), « apostrophes de l’épicier » (littéralement, du « vendeur de fruits et légumes »), en raison des occurrences erronées censées être fréquentes sur les panonceaux écrits à la main qu’on peut trouver dans leur magasin, indiquant des potatoe’s (« pommes de terres ») ou des cabbage’s (« choux »).
Dans d’autres langues et systèmes orthographiques
Amuïssements autres que l’élision
L’amuïssement de certains phonèmes (apocope et aphérèse) se marque avec l’apostrophe en gaélique (où il existe des amuïssements obligatoires et facultatifs, comme en anglais). Par exemple, en gaélique écossais : is toil leam a bhith ag dannsadh → ’s [facultatif] toil leam a bhith a’ [obligatoire] dannsadh « j’aime danser »).
Séparation des morphèmes
L’apostrophe peut servir à séparer des morphèmes, surtout dans des mots sentis comme étrangers ou spécifiques. Ainsi, en néerlandais, elle peut être utilisée dans certains pluriels étrangers pour séparer le radical de la terminaison de pluriel irrégulière : foto’s, taxi’s. Le procédé se retrouve en turc : elle sert surtout dans les noms propres et joue là aussi un rôle séparateur (entre le radical et les suffixes). On trouvera donc souvent écrit İzmir’de, « à Izmir » au lieu de İzmirde. On a aussi vu que l’anglais fait parfois de même, dans des cas plus rares, cependant.
Séparation des syllabes dans la transcription
Dans certaines transcriptions, dont le pīnyīn (romanisation du mandarin) et plusieurs transcriptions du japonais (nippon-shiki, Hepburn, par exemple), l’apostrophe permet de lever des ambiguïtés en séparant des syllabes qu’on pourrait sinon lire de plusieurs manières dans des mots polyssyllabiques.
Par exemple, en pīnyīn changan est une graphie ambiguë : faut-il lire chang an ou chan gan ? L’ambiguïté dispararaît une fois que l’on écrit chang’an, l’apostrophe indiquant la séparation virtuelle entre les deux syllabes chang et an. Dans les faits, changan doit se lire chan gan et c’est chang an qu’on distingue par l’apostrophe (on n’écrit pas chan’gan).
Pour le japonais, c’est avec la nasale moraïque qu’on peut trouver des ambiguïtés : dans cette langue, en effet, il existe une consonne comptant pour une more et ne pouvant se trouver qu’en fin de syllabe et s’opposant à une consonne nasale simple n’existant qu’en début de syllabe. Dans un mot polyssyllabique, la coupure entre les syllabes n’est pas toujours évidente dans la transcription : ainsi kan’i (avec trois mores : ka+n+i) peut être différencié de kani (en deux mores : ka+ni) dès que l’on utilise l’apostrophe. Ce détail prend toute son importance quand on sait que l’orthographe en kanas change radicalement. Par exemple, kan’i s’écrit かんい tandis que kani s’écrit かに (hiragana).
Marque de palatalisation
Il est fréquent que l’apostrophe serve, soit dans une orthographe latine, soit dans les transcriptions et translittérations, à noter la présence d’une palatalisation. Elle joue là un rôle diacritique adscrit (l’apostrophe ne se place normalement pas sur ou sous une lettre ; c’est dans ce cas un autre type de diacritique, comme une virgule sous- ou suscrite).
Le cas du slovaque et du tchèque est notable : alors que dans ces langues la palatalisation est normalement indiquée par le háček, il est d’usage, pour les textes imprimés, de le remplacer par une apostrophe après les consonnes à hampe, soient t, d, l et la capitale L. Cet usage permet d’améliorer la lisibilité mais n’est pas obligatoire avec toutes les lettres ; ainsi, on trouve les couples suivants :
- Ť ~ ť [c] ;
- Ď ~ ď [ɟ] ;
- Ľ ~ ľ (seulement en slovaque) [ʎ].
Notes :
- Selon la police de caractères que vous utilisez pour afficher cette page, il est possible que le háček soit utilisé à la place de l’apostrophe, surtout pour L ~ l ;
- Pour Unicode, ces caractères sont dits « avec háček », quel que soit l’œil du glyphe. L’apostrophe, le cas échéant, n’est pas un caractère supplémentaire mais fait bien partie de la lettre. Il serait maladroit d’écrire dostʼ (ou, pire, dost') au lieu de dosť. Cette erreur est encore plus visible avec le Ľ slovaque : Ľ n’est pas identique à Lʼ ou L' (pour peu que votre navigateur affiche bien un L avec apostrophe adscrite). Le Ľ ne doit pas non plus être confondu avec le Ĺ, l long, qui existe également dans cette langue.
L’apostrophe est aussi utilisée pour marquer la palatalisation dans certaines transcriptions de mots russes. Dans l’alphabet cyrillique, c’est souvent un « signe mou » qui joue ce rôle. Ainsi, on pourra transcrire объя́ть par ob”ât’ « embrasser », où t’ transcrit le т palatalisé (indiqué par ь). Le signe dur (indiquant l’absence de palatalisation) est rendu par un guillement fermant courbe. En biélorusse et en ukrainien, l’apostrophe est utilisée dans l’orthographe cyrillique entre une consonne et une voyelle molle pour indiquer la présence d’un phonème /j/ intercalaire au lieu du signe mou du russe.
Coup de glotte
Dans diverses orthographes et transcriptions ou translittérations, l’apostrophe indique un coup de glotte ([ʔ]) : cheyenne ma’eno [maʔɪno̥], « tortue » (orthographe) ou amharique ስብአ säbʾä [sɜbʔɜ], « peuple » (transcription). L’apostrophe est dans ce cas une lettre à part entière. Il est notable qu’elle est aussi utilisée à cet effet en turc, langue dans laquelle le coup de glotte n’est cependant pas pertinent (et rarement prononcé) : tel’in [telʔin], « dénonciation ». Le turc utilise donc ce signe de deux manières différentes (séparation des morphèmes et coup de glotte).
L’utilisation de l’apostrophe pour marquer le coup de glotte est aussi très répandue dans la transcription des langues sémitiques. Le caractère attendu dans une bonne composition typographique pour ces dernières langues, cependant, est un demi-anneau à droite, ʾ (voir plus haut). À l’inverse des conventions sémitiques, c’est une apostrophe culbutée, dite ‘okina, qui note le coup de glotte en hawaïen.
Glottalisation
En alphabet phonétique international ainsi que dans l’orthographe latine de certaines langues d’Afrique, l’apostrophe typographique placée après une consonne sourde indique qu’il s’agit d’une éjective. Dans certaines langues d’Afrique (mais pas en API dans les cas les plus courants, où l’on utilise des lettres à crosse : /ɓ, ɗ/), elle peut aussi précéder une consonne sonore pour en indiquer le caractère injectif ; inversement, la graphie consonne sourde + apostrophe est assez rare dans les orthographes africaines, des graphies avec un caractère à crosse étant préférées (ƙ, ƭ). Il faut donc là considérer l’apostrophe comme une consonne (notant en dernière analyse un coup de glotte) faisant partie d’un digramme.
Ainsi, en API [pʼ] note une éjective bilabiale et on trouve dans les orthographes de quelques langues d’Afrique les combinaisons suivantes (le nom du pays indiqué entre parenthèses n’est pas tant celui où la langue est parlée ─ certaines étant étendues sur plusieurs nations ─ que celle où l’orthographe indiquée est suivie) :
- k’ /k’/ en duruma (Kenya) ;
- t’ /t’/ en sérère (Sénégal) ;
- ’b /ɓ/ et ’d /ɗ/ en lélé (Tchad) et gbaya (Centrafrique) ;
- ’w /ˀw/ en daba (Cameroun) ;
- ’dj /ɗʒ/ en jur modo (Soudan) ;
- ’y /ˀj/ en peul et haoussa (Nigéria ; au Niger, c’est la graphie ƴ qui est préférée).
Remarque : le symbole de glottalisation simple, [ˀ], n’est pas non plus une apostrophe.
Dans certains cas, l’apostrophe ne joue qu’un rôle diacritique sans lien avec une éventuelle glottalisation : ng’ en souahéli (Kenya) note /ŋ/ tandis que ng note ŋg. Seul ng’ est un digramme, ng étant une suite de consonnes.
On remarque que, dans ces deux derniers emplois, coup de glotte et glottalisation, l’utilisation de l’apostrophe est graphiquement lié (une consonne éjective pouvant être vue comme une consonne suivie d’un coup de glotte ou précédée d’un coup de glotte quand c’est une injective). Les graphies sont, dans les orthographes africaines, parfois plus analytiques qu’en API (k’ = k + ’ = /k/ + /ʔ/ = /k’/ et inversement ’b = ’ + b = /ʔ/ + /b/ = /ɓ/).
Aspiration
Dans la transcription traditionnelle de l’arménien, c’est le demi-anneau gauche qui note l’aspiration d’une consonne, souvent remplacé pour des raisons de commodité typographique par une apostrophe culbutée courbe, symbole qui s’utilise exclusivement pour la même fonction dans la transcription des langues chinoises. Ainsi, les digrammes kʿ ou k‘ se liront [kʰ].
Tonalité
Dans la transcription de certaines langues tonales africaines (comme l’angas, le bété, le dan, le godié, le grebo, le karaboro, le kroumen tépo, le muan, le niaboua, le wan, le wobé, ou le yaouré), l’apostrophe est utilisée comme diacritique pour indiquer un ton spécifique. Le caractère unicode ʼ (U+02BC lettre modificative apostrophe) est préféré aux autres apostrophes ' (U+0027) ou ’ (U+2019).
En grebo, niaboua, wobé et yaouré, la double apostrophe ˮ (U+02EE lettre modificative double apostrophe) est utilisée pour indiquer le ton haut et le différencier du ton mi-haut, indiqué avec la simple apostrophe.
En mathématique et physique
L’apostrophe droite est souvent utilisée pour représenter le signe mathématique prime, le symbole des mesures en pieds (en concurrence avec ft) et des minutes d’arc : A' (ou A′ idéalement) se lit donc « A prime » et 12' (ou 12′ idéalement) vaut « 12 pieds » ou « 12 minutes d’arc ». Il convient cependant de ne pas l’utiliser pour les minutes temporelles (dont l’abréviation est min). Unicode prévoit cependant un caractère distinct (voir plus bas dans le tableau : #Codage du caractère apostrophe).
Certains logiciels de calcul scientifiques savent interpréter l’apostrophe droite comme un prime. Ainsi Mathematica (mais pas Maple) lit f' comme la dérivée de la fonction f (cela ne fonctionne que si f est une fonction d’une seule variable).
En informatique
Codage du caractère apostrophe
nom glyphe Unicode codePage 1252 MacRoman entité HTML simple guillemet ou apostrophe (ASCII) Oo'Oo U+0027 = 39 0x27 = 39 0x27 = 39 simple guillemet droit ou apostrophe Oo’Oo U+2019 = 8217 0x92 = 146 0xD5 = 213 ’ lettre modificative apostrophe OoʼOo U+02BC = 700 lettre modificative virgule culbutée OoʻOo U+02BB = 699 lettre modificative virgule réfléchie OoʽOo U+02BD = 701 lettre modificative demi-anneau à droite OoʾOo U+02BE = 702 lettre modificative demi-anneau à gauche OoʿOo U+02BF = 703 lettre modificative ligne verticale OoˈOo U+02C8 = 712 diacritique virgule en chef Ooo̓Oo U+0313 = 787 diacritique virgule en chef à droite Ooo̕Oo U+0315 = 789 apostrophe arménienne Oo՚Oo U+055A = 1370 guillemet-apostrophe culbuté Oo‘Oo U+2018 = 8216 0x91 = 145 0xD4 = 212 ‘ guillemet-virgule inférieur Oo‚Oo U+201A = 8220 0x82 = 130 0xE2 = 226 ‚ guillemet-virgule supérieur culbuté Oo‛Oo U+201B = 8221 virgule Oo, Oo U+002C = 44 0x2C = 44 0x2C = 44 accent grave (avec chasse) Oo`Oo U+0060 = 96 0x60 = 96 0x60 = 96 accent aigu (avec chasse) Oo´Oo U+00B4 = 180 0xB4 = 180 0xAB = 171 ´ prime Oo′Oo U+2032 = 8242 ′ prime réféchi Oo‵Oo U+2035 = 8245 - Note : Les codes Unicode sont identiques aux codes ASCII jusqu’à 127, et identiques aux codes ISO 8859-1 jusqu'à 255.
Unicode recommande l’utilisation du guillemet-apostrophe (U+2019) pour représenter l’apostrophe[5],[6].
Usage en langage informatique
Les guillemets simples sont utilisés dans de nombreux langages informatiques pour délimiter les chaînes de caractères.
Dans certains langages, les guillemets simples et doubles sont équivalents. Ainsi on peut entourer sans ambiguïté de guillemets doubles une chaîne contenant des guillemets simples, et inversement, sans devoir utiliser un caractère d'échappement. C'est par exemple le cas des langages respectant la syntaxe XML, comme XHTML :
<img src='cui cui.jpeg' alt="l'oiseau"/>
Certains langages font la distinction entre un simple caractère et une chaîne de caractères. Dans ce cas, les simples caractères sont entourés de guillemets simples et les chaînes de guillemets doubles. Exemple en langage C qui affiche « ABCD » :
putchar('A'); puts("BCD");
Des langages de script utilisent les guillemets simples pour entourer les chaînes, les guillemets doubles pour entourer les chaînes qui subissent une interpolation des variables, et l’accent grave pour entourer les chaînes qui sont remplacées par la sortie de la commande informatique qu’elles contiennent. Par exemple, le script shell Unix suivant :
A=`date` # A vaut le résultat de la commande date echo 'la date : $A' echo "la date : $A"
affiche :
la date : $A la date : ven déc 31 19:39:43 CET 2004
Les guillemets simples sont utilisées pour marquer l’emphase typographique dans la syntaxe wiki du logiciel MediaWiki. Ainsi, entourer un mot de deux apostrophes le met en italique, de trois le fait représenter en gras :
''italique''
→ italique,'''gras'''
→ gras.Usages de guillemets dans les langages informatiques Types de guillemets Langages guillemets simple et double équivalents SGML, XML, JavaScript guillemet simple pour les caractères, double pour les chaînes C, C++, OCaml guillemet simple pour les chaînes, double pour interpoler les variables PHP guillemet simple pour les chaînes, double pour interpoler les variables, accent grave pour les commandes Shell Unix, Perl Notes et références
- ↑ (fr) Orthotypographie, par Jean-Pierre Lacroux
- ↑ (fr) [pdf] Les claviers disposent de l’apostrophe dactylographique ( ' ), mais il est préférable d’utiliser l’apostrophe typographique ( ’ ), Chronique de la société royale Le Vieux-Liège, Fabrice Muller, 2005.
- ↑ (fr) Jacques André, « Funeste destinée : L’apostrophe détournée », dans Graphê, no 39, mars 2008, p. 2–11 (ISSN 1168-3104) [texte intégral].
- ↑ (fr) Orthotypographie par Jean-Pierre Lacroux, chap. 4. Forme :
« Le petit trait vertical « ' », qu’on appelle parfois « apostrophe dactylographique », n’est pas une apostrophe. Ce n’est même pas le symbole de la minute d’angle, qui s’écrit ainsi : « ′ ». Ce n’est typographiquement rien. » - ↑ a et b (fr) [pdf] Unicode Intervalle : 0000—007F
- ↑ a et b (fr) [pdf] Intervalle : 2000—206F.
- ↑ (fr) Unicode 5.0 en pratique, chapitre 7 « Ponctuation », Patrick Andries.
- ↑ (fr) Article apostrophe dans Le bon usage de Maurice Grevisse, sur Google Books.
Articles connexes
Liens externes
- Jacques André, Funeste destinée : l’apostrophe détournée [pdf]
- Portail de l’écriture
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