Phonologie de l'arabe

Phonologie de l'arabe
Article principal : Arabe classique.

Le système phonologique décrit ici est celui de l'arabe classique « théorique », celui du Coran ; l'arabe, en effet, n'est pas prononcé uniformément d'un pays à l'autre, tant s'en faut. Les faits de langues concernant les prononciations dialectales seront cependant signalés. Pour une description de l'alphabet et des règles d'écriture, consulter Alphabet arabe.

Sommaire

Consonnes

Voir aussie: Alphabet arabe, DIN-31635 translittération

Les phonèmes, le cas échéant, sont notés par paire, sourd d'abord puis sonore. La deuxième ligne représente la transcription traditionnelle, la troisième est la lettre arabe équivalente. La transcription phonétique est en API.

  Bilab./
Labio-dent.
Ordinaire Emphatique Palat. Vél. Uvul. Pharyng. Épiglottale Glot.
Dent. Alvéol. Alvéol. Dent.
Nasales m   n  
Occlusives Muettes (p) t   k q   ʔ
Sonore b d ɟ ~ ɡ  
Fricatives Muettes f θ s           ʃ     x ~ χ ħ ~ ʜ h
Sonore (v) ð z       ʒ ~ ~ ðˤ ɣ ~ ʁ ʕ ~ ʢ  
Spirantes w   l ~   j  
Vibrantes   r ~  

Notez que [w] est en fait une spirante labio-vélaire ; /t/ et /d/ sont des apico-dentales, comme en français.

  • Les consonnes peuvent être géminées, et sont alors réalisées comme de véritables géminées en position intervocalique -dd- = [-dd-], par un allongement de la consonne ailleurs : -ff- = [fː] ;
  • ḫāʾ est réalisé [x] (allemand Buch [buːx]) accompagné d'une vibrante uvulaire sourde [ʀ̥]. On pourrait le noter [] s’il s’agissait d’une séquence. On a en fait un seul segment vibrant constrictif uvulaire (raison pour laquelle le symbole /χ/ serait préférable) non sonore qui est articulé fortement ;
  • rāʾ est fortement roulé (espagnol perro ['pεro]), et jamais battu (espagnol pero ['pεɾo]). Il est souvent long [rː] ;
  • ǧīm est prononcé [ʤ], [ʒ] ou [g] (ce dernier au Caire) ;
  • tāʾ et kāf sont légèrement aspirés.

Emphatiques

L'arabe connaît une série de consonnes complexes, dites « emphatiques », qui comprennent, simultanément au phonème, un recul de la racine de la langue (créant ainsi une augmentation du volume de la cavité buccale) vers le fond de la bouche (recul noté en API au moyen de «  ̙ » souscrit) et une pharyngalisation (API : « ˤ » adscrit), c'est-à-dire une prononciation simultanée du phonème au niveau du pharynx, là où s'articule [ħ]. On note aussi une certaine vélarisation, ou prononciation simultanée du phonème au niveau du palais mou, le velum ou « voile du palais ».

Ainsi, une emphatique est un phonème complexe, marqué par plusieurs caractéristiques qui se superposent les unes aux autres :

  • recul de la racine de la langue ;
  • pharyngalisation ;
  • vélarisation (à un degré plus ou moins fort).

Les consonnes emphatiques sont les suivantes :

[t̙ˤ] [ð̙ˤ][] [s̙ˤ] [d̙ˤ]

Le /l/ emphatique ne se rencontre que dans le nom Allah. De nombreux ouvrages notent, par exemple pour , [], en ne gardant que le symbole pour la vélarisation, ce que font de nombreux ouvrages.

Détails

  • ṭāʾ est une emphatique normale, c'est-à-dire une occlusive sourde apico-dentale accompagnée d'une rétraction de la racine linguale, d'une pharyngalisation et d'une vélarisation ( fonctionne de la même manière, ainsi que , que l'on ne rencontre qu'en variante combinatoire, comme dans [al̙ˤl̙ˤāh]) ;
  • ḍād était initialement une emphatique interdentale à résonance latérale sonore. C'est-à-dire une sorte de [ð] prononcé avec la langue placée comme pour un [l] (l'air passe des deux côtés de la langue et non pas au-dessus) puis assortie de toutes les caractéristiques des emphatiques, soit un phonème noté [ð̙lˤ], voire [ɮ̙ˤ] ; la lettre est maintenant prononcée soit [d̙ˤ] soit [ð̙ˤ] (« d [] emphatique » ou «  [ð] emphatique »), c'est-à-dire qu'elle a perdu son élément latéral ;
  • ẓāʾ est prononcé la plupart du temps [ð̙ˤ], mais on trouve tout aussi bien [z̙ˤ] (soit «  [ð] emphatique » ou « d [] emphatique ») ; Canepari donne [z̙ˤ] plus « moderne » et [ð̙ˤ] plus « coranique » et considéré plus prestigieux également par ceux qui ne l’utilisent pas ; dans la pratique, ḍād et ẓāʾ sont souvent confondus ;
  • ʿayn doit être analysé comme étant une occlusive glottale emphatique, soit [ʔ̙ˤ], que l'on transcrit pour plus de commodité [ʕ], bien que ce signe note normalement un autre phonème, c'est-à-dire une fricative pharyngale sonore, présente en hébreu (lettre ע) mais absente de l'arabe ; pendant longtemps (et c'est encore le cas dans nombre d'ouvrages) on a décrit ce phonème comme une fricative pharyngale sonore réelle (variante sonore de [ħ] / ح / ). À propos de ce phonème ع, Ladefoged, dans The Sounds of the World's Languages, dit qu'il n'est ni pharyngal ni fricatif mais épiglottal et spirant, surtout en dialectal. D'après d'autres phonéticiens actuels, cette réalisation fricative ou spirante sonore pharyngale n'est pas attestée (Al-Ani, Gairdner, Kästner, Thelwall et Akram Sa'adeddin), en tout cas pas pour l'arabe classique. On utilise cependant souvent le symbole [ʕ] pour noter le phonème même dans des ouvrages qui indiquent pourtant qu'il ne se prononce pas ainsi. On décrit donc ce phonème complexe de diverses manières :
    • fricative pharyngale sonore (analyse traditionnelle mais considérée caduque) : [ʕ] ;
    • spirante épiglottale sonore (analyse de Ladefoged, Catford) : [ʢ̞] ;
    • spirante pharyngale sonore [ʕ̞] avec possible laryngalisation (= voix craquée [ʕ̞̰]), analyse de Canepari qui donne comme variantes régionales non-neutres une spirante pharyngale sonore avec occlusion laryngale simultanée [ʕ̞̉] ou l’occlusive glottale pharyngalisée [ʔˤ];
    • occlusive glottale pharyngalisée avec recul de la racine de la langue (emphatique ; analyse de Al-Ani, Gairdner, Kästner, Thelwall et Akram Sa'adeddin) : [ʔˁ̙].
  • qāf est considéré comme l'emphatique de [k], et se trouve donc parfois transcrit .

Effet de coarticulation des emphatiques dans un mot

Les consonnes des syllabes d'un même mot précédant ou suivant une consonne emphatique ont tendance à être plus ou moins emphatiques elles aussi, par assimilation et dilation.

Dans le cas de l'arabe, l'influence des emphatiques sur les autres consonnes (et sur les voyelles) est autant régressive (ou « anticipatoire », les syllabes précédant l'emphatique étant touchées) que progressive (ou « persévérative », les syllabes suivant l'emphatique étant concernées). Un y [j] bloque le processus.

Ainsi, une chaîne de phonèmes imaginaire kataṣafan /katas̙ˤafan/ sera réalisée [k̙ˤat̙ˤs̙af̙ˤan̙ˤ] (considérant tout de même que les phonèmes touchés par l'influence de l'emphatique ne sont pas aussi emphatiques que le phonème responsable de l'effet ; ainsi le /k/ au début de l'exemple n'est pas aussi profond que [q], véritable emphatique de /k/), mais une chaîne kaytaṣayfan /kajtas̙ˤajfan/ vaudra en théorie [kajt̙ˤas̙ˤajfan] : seul le /t/ sera touché, les autres consonnes étant « protégées » par le [j].

La présence d'emphatique, comme on le verra plus loin, a aussi une influence sur le timbre des voyelles.

Voyelles

Le système vocalique de l'arabe est fort simple. Il n'a, pour ainsi dire, que trois timbres et quelques diphtongues composées des timbres fondamentaux. Dans la pratique, il existe un plus grand nombre d'allophones, surtout dans le contexte emphatique.

En dialectal, les timbres sont profondément altérés.

Simples

  • fermées : [i] et [u] ;
  • ouvertes : [a] et [aː] (transcrit ā ou â) ;

Diphtongues

[j] et [w] ne sont que les variantes devant ou après voyelle de [i] et [u] respectivement. De fait, les diphtongues [ij] et [uw] sont réalisées [iː] et [uː] (notées ī, ū ou î et û respectivement) :

  • fermées : [ij] = [iː] [uw] = [uː] ;
  • ouvertes : [] [].

Allophones des voyelles en contexte

Les voyelles changent légèrement de timbre selon le contexte dans lequel elles se trouvent. Deux d'entre eux en particulier sont remarquables : lorsque la voyelle est précédée ou suivie dans le même mot d'une emphatique et en fin de mot.

1. L'influence des emphatiques s'applique aussi aux voyelles. Un ḥāʾ [ħ] possède le même effet qu'une emphatique :

  • [a] > [ɑ] ;
  • [i] et [iː] > [ɨ] ;
  • [u] et [uː] > [ʊ].

Dans des prononciations encore plus relâchées, [i], [iː], [u] et [uː] peuvent être prononcés [ɤ].

2. En fin de mot, [a] > [ɐ] .Les voyelles longues subissent aussi souvent un abrègement en fin de mot.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

Notes et références



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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Phonologie de l'arabe de Wikipédia en français (auteurs)

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