Juno Beach - Secteur Canadien

Juno Beach - Secteur Canadien

Juno Beach - Secteur canadien

Les Canadiens et la Libération de l'Europe. 1939-1945

De Juno Beach à Dieppe. La longue route.

Sommaire

6 juin 1944. À l'aube

Les guetteurs Allemands des bunkers qui bordent les côtes normandes de la Manche n'en croient pas leurs yeux. À perte de vue la mer est couverte de bateaux de tous tonnages... plus de 7 000 navires qui s'immobilisent tour à tour à quelques encablures des plages. Une nuée de péniches de débarquement se détachent de leurs flancs pour porter à terre des hommes, des soldats, Américains, Britanniques, Canadiens, quelques Français aussi, pour ce qui sera la plus prodigieuse opération amphibie de tous les temps.

Tandis que les destroyers alliés tirent de toutes leurs armes, les défenses Allemandes que les bombardements de la nuit précédente n'ont qu'à peine ébranlées ouvrent le feu sur ces cibles mouvantes qui tentent de prendre pied sur les plages en s'abritant derrière les obstacles que les Allemands ont dressés par milliers tout au long du littoral. De l'embouchure de l'Orne à la presqu'île du Cotentin, sur un front de 80 kilomètres, les troupes alliées débarquent, alors que les unités parachutées durant la nuit bouclent le dispositif à ses deux extrémités.

1944. Le Reich allemand est attaqué de toutes parts. À l'est les forces soviétiques ont percé sur un front de 1 000 kilomètres et atteignent maintenant la frontière Polonaise. Au sud, les alliés Occidentaux, après avoir débarqué en Sicile puis en Italie, viennent de libérer Rome.

Partout les armées alliées se heurtent à une résistance opiniâtre de la part des troupes allemandes très aguerries par quatre ans de combats ininterrompus. Sous le commandement de chefs de guerre de grande valeur qui savent admirablement exploiter le terrain, les soldats allemands s'accrochent en dépit d'une infériorité en hommes et en matériel qui, au fil des semaines, ne fait que s'accentuer sous la pression des troupes alliées et sous les coups de boutoirs des bombardements aériens qui épuisent peu à peu l'économie de guerre allemande.

Franklin Delano Roosevelt, Joseph Staline, et Winston Churchill lors de la conférence de Téhéran ont convenu de poursuivre leur effort de guerre jusqu'à l'effondrement et la reddition sans condition du régime hitlérien. En août 1943, à Québec, Canada, Américains et Britanniques fixent la date et les modalités d'un débarquement dans le nord de la France.

Alors que le « rouleau compresseur » soviétique accentue sa pression sur les troupes allemandes du front Oriental, les alliés occidentaux rassemblent dans le sud de l'Angleterre une gigantesque armada destinée à jeter sur les côtes françaises de la Manche les centaines de milliers d'hommes et les millions de tonnes de matériel, de munitions et d'équipements nécessaires à la réussite des opérations de débarquement, à l'établissement de têtes de pont et à la poursuite de l'ennemi jusqu'au cœur du Reich.

Une telle masse d'hommes et de matériel ne pouvait manquer d'attirer l'attention des services de renseignements nazis. L'État-major allemand qui pensait que le débarquement s'effectuerait à travers la partie la plus étroite de la Manche est conforté dans son erreur par le Commandement allié qui con-centre dans le sud-est de l'Angleterre de nombreuses unités de combat canadiennes et américaines, mais aussi, des centaines de fausses embarcations de débarquement et de faux char d'assaut. La multiplication des raids aériens sur le Pas-de-Calais ajoute encore à la confusion du Haut-commandement allemand. Gigantesque manœuvre d'intoxication, l'Opération Fortitude, est un succès. Pendant plusieurs semaines, Adolf Hitler et son entourage persisteront à penser que le débarquement en Normandie n'est, peut-être, qu'une diversion et n'engageront pas la puissante XVe armée allemande qui restera immobilisée au nord de la Seine.

6 juin 1944

Pour des Articles plus détaillés, voir ces liens internes: Utah Beach, Omaha Beach, Gold Beach, Juno Beach, Sword Beach... depuis 6 heures 30 l'enfer se déchaîne sur les plages.

Utah Beach

À l'ouest du dispositif sur « Utah Beach », dans la partie sud-est de la presqu'île du Cotentin, les Américains débarquent avec des pertes légères, bien appuyés par leur artillerie de marine qui fixe l'ennemi et désorganise ses défenses. Dès la fin de la matinée les hommes de la 4e division US se sont assurés d'une large bande de plage et commencent leur progression vers le sud pour faire leur jonction avec les points d'appui constitués durant la nuit par les parachutistes des généraux Ridgeway et Taylor.

Omaha Beach

La mer violente, les obstacles sous-marins, le feu intense de l'ennemi ont détruit nombre d'embarcations et causé de lourdes pertes avant même que les bataillons n'atteignent le rivage. Le 2e bataillon est cloué sur la plage par un feu extrêmement puissant venant des bunkers qui sont demeurés pratiquement intacts malgré les bombardements aériens intensifs de la nuit précédente. Les tirs d'artillerie, de mortiers, de mitrailleuses sont violents, précis et causent des pertes sévères parmi les assaillants. À quelques kilomètres d'Omaha Beach, la Pointe du Hoc, est une promontoire rocheux défendu par une puissante batterie d'artillerie. Les Rangers qui tentent héroîquement d'escalader la falaise sont taillés en pièces par le feu de l'ennemi. L'artillerie de marine cogne. Les Rangers survivants qui parviennent à pénétrer dans les casemates bétonnées constatent que les Allemands ont eu le temps de déplacer leurs canons vers l'arrière du front. Ce n'est qu'en fin de matinée que les hommes de la 1re division d'infanterie parviennent à s'établir sur les hauteurs qui dominent la plage couverte de morts et de blessés.

Gold Beach

Les vagues d'assaut de la 50e division d'infanterie britannique débarquent sous la protection des chars qui nettoient la plage de ses obstacles et de ses mines et réduisent au silence les batteries de canons et les nids de mitrailleuses que les Allemands ont installé dans les maisons qui bordent la plage. Les Britanniques progressent rapidement et avec peu de pertes à l'intérieur des terres vers Bayeux, leur objectif principal, contournent Arromanches et marchent sur Port-en-Bessin pour faire leur jonction avec les Américains.

Juno Beach

Les troupes très combatives de la 3e division d'infanterie canadienne commandées par le major-général Rodney Keller atteignent la plage dans une mer démontée qui interdit la mise à l'eau des chars amphibies devant Bernières et Saint-Aubin Page d'aide sur l'homonymie où doit débarquer la 8e brigade. Par contre, en face de Graye-sur-Mer et de Courseulles où débarque la 7e brigade, quelques chars du 1er Hussards sont mis à terre évitant ainsi des pertes encore plus sérieuses au Royal Winnipeg Rifles et au Regina Rifle Regiment qui se heurtent à une très forte résistance. Malgré l'absence de soutien des chars, les hommes du Queen's Own Rifles et du North Shore appartenant à la 8e brigade, s'infiltrent entre les points d'appui allemands et progressent vers l'intérieur des terres. Les blindés du Fort Garry Horse et quelques heures plus tard, les hommes du Régiment de la Chaudière s'intègrent au dispositif et élargissent la tête de pont. Au soir du 6 juin, deux groupes de chars du 1er Hussards atteignent la route Caen-Bayeux mais ils sont contraints de se retirer non sans avoir infligé de fortes pertes à l'infanterie ennemie. Des éléments de la 9e brigade, le North Scotia Highlanders et le Sherbrooke Fusiliers Regiment, maintenus en réserve jusque-là, percent vers le sud et se concentrent, à l'approche de la nuit, à quelques kilomètres de Caen.

Sword Beach

Une contre-attaque de chars de la XXIe division de panzers parvient à s'insérer entre les positions canadiennes et britanniques et atteint la côte en fin de journée, mais elle est repoussée par les défenses anti-chars de la 3e division d'infanterie britannique qui a débarqué sur Sword Beach accompagnée par les commandos de marine qui viennent de s'emparer de Ouistreham après de durs combats.

Au soir du 6 juin, 130 000 hommes ont débarqué, mais aucun des objectifs prévus dans les plans du commandement allié n'a été atteint. Néanmoins, les têtes de pont sont solidement tenues et se renforcent au fur et à mesure que de nouvelles troupes et que des tonnes de matériel et de munitions sont mis à terre au cours des heures suivantes. Les hésitations du Haut-commandement allemand qui n'engage pas ses réserves, les conceptions tactiques divergentes du général Erwin Rommel et du maréchal Gerd von Rundstedt qui commandent les forces allemandes en Normandie, permettent aux alliés de gagner un temps précieux. Lorsqu'enfin l'ordre de mouvement des divisions de Panzers arrive, il est trop tard et l'aviation alliée matraque leurs itinéraires d'attaque. Les voies de communication allemandes vers le front sont désorganisées par des bombardements incessants, et la Normandie est pratiquement isolée en raison des sabotages de routes et de voies ferrées et des attaques de la Résistance française. La bataille des plages est gagnée. Il n'y aura pas de nouveau Dunkerque. Mais Caen, ville martyre, objectif principal du jour « J » et pivot de la défense allemande en Normandie n'est pas tombée.

La bataille pour Caen

Un mois plus tard, Field Marshal Bernard Montgomery lance l'attaque décisive sur Caen. L'offensive britannico-canadienne prend la ville en tenaille. Les soldats canadiens reprennent les villages qu'ils avaient été contraints d'abandonner au soir du 6 juin et libèrent l'ouest de la ville tandis que les Britanniques libèrent sa partie est. Le 8 juillet, c'est une ville ravagée par les bombardements aériens alliés et comptant des milliers de victimes civiles, qui accueille avec ferveur ses libérateurs. 5000 soldats canadiens sont tombés pour la prise de la ville.

À l'ouest, les Américains déclenchent une vaste offensive dont le but est de percer les lignes allemandes, puis de libérer la Bretagne, et enfin, dans un gigantesque mouvement de fauchage, de se rabattre vers la Seine pour couper les voies de retraite aux troupes allemandes. Pour que ce plan réussisse, il est impératif que les forces britannico-canadiennes fixent le plus longtemps possible le maximum de divisions ennemies dans la région de Caen et leur infligent le maximum de pertes. Les forces allemandes sont étagées sur trois puissantes lignes de défense tout au long des 34 kilomètres de la route nationale 158 qui conduit de Caen à Falaise et qui deviendra, au cours de quatre semaines tragiques, le calvaire des Canadiens.

La route de Falaise

À huit kilomètres au sud de Caen se dresse la colline de Verrières, verrou naturel sur la route de Falaise dont elle interdit les abords. Le 20 juillet, dans l'après-midi, la 6e brigade canadienne se lance à l'assaut. Le South Saskatchewan atteint son objectif au centre de la crête, mais il est réduit en pièces par une contre-attaque allemande foudroyante qui, sur sa lancée, attaque aussi l'Essex Scottish et le décime. Au nord-est de la crête, les Fusiliers Mont-Royal subissent le même sort. Le lendemain les Allemands poursuivent leur attaque et l'Essex, une fois de plus, subit de lourdes pertes. 300 hommes sont morts. Dans la soirée, le Black Watch attaque, appuyé par des chars, et reprend un peu du terrain perdu.

À gauche de la route, le North Nova Scotia Highlanders se lance en direction de Tilly Page d'aide sur l'homonymie et s'empare partiellement du village, l'infanterie et les chars allemands lui opposent une résistance farouche. À la nuit tombante, les survivants refluent vers leur ligne de départ tandis que d'autres continuent à se battre désespérément dans les ruines du village pendant des heures, jusqu'à ce qu'ils succombent.

À droite de la route, le Royal Hamilton Light Infantry se lance à l'assaut de la crête et occupe le village de Verrières dans lequel il parvient à se maintenir. Mais le Royal Regiment of Canada qui essaie de progresser au-delà du village se heurte à des tirs d'artillerie et reste immobilisé.

Le The Black Watch attaque les premiers contreforts de la crête de Verrières, il avance à travers des champs de blé qui n'offrent aucune protection et tombe sous un barrage puissant de tirs de mortiers, de mitrailleuses et d'artillerie qui l'enserrent de toutes parts. Le major Griffin parvient à établir une soixantaine d'hommes sur la crête défendue par des chars lourds soigneusement camouflés sous des meules de foin… 15 hommes seulement sur un effectif de 4 compagnies parviennent à échapper au massacre.

Quinze jours plus tard, sous la protection de puissants tirs d'artillerie, l'infanterie canadienne portée par des véhicules blindés modifiés en hâte, attaque à nouveau. La ligne que tiennent les Allemands est écrasée et la crête de Verrières où gisent Griffin et ses hommes est enfin enlevée.

Mais, à 10 kilomètres au sud, les Allemands constituent une deuxième ligne de défense avec la division SS « Hitle-rjugend » fanatisée, les puissants chars « Tigre » du général Kurt Meyer surommé « Panzer » et un grand nombre de Canon de 88 mm à tir rapide auxquels le blindage d'aucun des chars alliés ne peut résister. Ils utilisent très habilement le moindre abri qu'offre le terrain et retardent considérablement la progression de la 2e et de la 4e division qui parviennent cependant à avancer. Mais aucun de leurs chars ne peut s'installer sur les hauteurs qui dominent la route, ce qui laisse aux Allemands le temps de constituer une troisième ligne de défense à laquelle s'attaquent l'Algonquin Regiment et le régiment blindé British Columbia qui, isolé dans les lignes ennemies, perd 47 de ses chars en quelques heures. Au cours d'une attaque, durant la nuit suivante, l'Argyll and Sutherland Highlanders parvient à conquérir, au prix de lourdes pertes, la cote 195 qui borde la route de Falaise.

La « poche » de Falaise

Le 6 août, contre l'avis de ses généraux, Hitler ordonne à ses troupes de contre-attaquer en direction de l'ouest, vers la mer, afin de couper les troupes américaines de leurs bases de ravitaillement. Décision insensée, compte tenu de l'absence de réserves de carburant pour les chars et les véhicules de la Wehrmacht et de l'énorme supériorité aérienne des alliés. En outre, le risque est grand pour les forces allemandes ainsi exposées, de se voir prises au piège dans un vaste mouvement d'encerclement.

Les Américains, qui ont atteint Le Mans, pivotent alors vers le nord tandis que Montgomery demande au général Crerar, commandant en chef des forces canadiennes, de donner l'ordre à ses troupes de s'emparer immédiatement de Falaise. Le lieutenant-général Simonds lance les 3e et 4e divisions d'infanterie canadienne de part et d'autre de la nationale 158. Leur progression est freinée par la résistance opiniâtre des Allemands qui disposent encore de chars et de nombreux canons antichars sur le peu de terrain qui leur reste au nord de la ville. La 4e brigade blindée charge à travers les champs de blé et perce les lignes allemandes tandis que l'infanterie, surgissant de ses chenillettes blindées, nettoie la vallée et fait de nombreux prisonniers. Le 16 août, les hommes de la 6e brigade commandés par Young pénètrent dans Falaise, alors que les troupes américaines, au sud, s'emparent d'Argentan.

25 kilomètres seulement séparent les mâchoires de l'étau, qui se rapprochent inexorablement au cours des heures suivantes. Le 20 août, les Canadiens de la 9e brigade et de la 4e division blindée ferment la poche de Falaise. 130 000 Allemands sont pris dans un piège dont ils tentent désespérément de s'échapper en plein jour, sous le tir incessant de centaines de pièces d'artillerie, sous les rafales de mitrailleuses et sous les bombes des chasseurs-bombardiers alliés qui pilonnent les fuyards. Heure après heure et durant trois jours, c'est une hécatombe effroyable d'hommes et de matériel dans ce que les Allemands appellent désormais « Der Kessel von Falaise », le « chaudron » de Falaise, où disparaît une partie de cette armée qui avait terrorisé l'Europe.

Elbeuf - Rouen - Dieppe

Britanniques au nord et Américains au sud foncent maintenant vers la vallée de la Seine. Paris est libéré le 22 août. Les Canadiens, au centre du dispositif, débouchent sur Elbeuf et Rouen qu'ils libèrent après trois jours de violents combats dans l'épaisse forêt de La Londe où les Allemands se sont retranchés.

Et enfin, c'est Dieppe... Quand, au matin du 1er septembre, le 14e Hussard canadien pénètre dans la ville, l'ennemi s'est enfui et les Dieppois, fous de joie, font un accueil délirant aux hommes de la 2e division canadienne dont ils attendent, depuis deux ans, le retour.

La Normandie est libérée. La bataille de Normandie est terminée. L'ampleur de cette défaite permet de penser que l'effondrement de l'armée allemande n'est plus qu'une question de semaines. Amère désillusion... Huit mois de combats acharnés seront encore nécessaires pour venir à bout du Reich hitlérien désormais affaibli, mais qui, jusqu'à la dernière heure, ne perdra rien de sa combativité.


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