Hypothèse Gaia

Hypothèse Gaia

Hypothèse Gaïa

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L'hypothèse Gaïa, appelée également hypothèse biogéochimique[1], est une hypothèse controversée d'écologie profonde initialement avancée par l'écologiste anglais James Lovelock en 1970, mais également évoquée par d'autres scientifiques avant lui, selon laquelle la Terre serait « un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d'années, en harmonie avec la vie »[2]. L'ensemble des êtres vivants sur Terre serait ainsi comme un vaste organisme (appelé Gaïa, d'après le nom du Titan de la mythologie grecque personnifiant la Terre), réalisant l'autorégulation de ses composants pour favoriser la vie. Un exemple cité par Lovelock à l'appui de son hypothèse est la composition de l'atmosphère qui aurait été régulée au cours du temps de manière à permettre le développement et le maintien de la vie.

« Car les métaphores sont plus que jamais nécessaires pour faire comprendre au plus grand nombre la véritable nature de la Terre et les périls mortels qui se profilent à l'horizon » — James Lovelock[3].

L'hypothèse Gaïa repose sur un modèle scientifique qui se base sur plusieurs constatations écologiques, climatologiques, géologiques ou encore biologiques (à travers la notion de co-évolution notamment)[4],[note 1]. Il en résulte un pronostic alarmiste quant à l'avenir de la biosphère, face au défi du changement climatique[note 2].

L'hypothèse Gaïa, développée par James Lovelock dans plusieurs ouvrages, depuis Les Âges de Gaïa (1990) jusqu'à La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa (1999), en passant par Gaïa. Une médecine pour la planète (2001), souligne le risque d'une catastrophe pour le genre humain. Dans La Revanche de Gaïa (2006), le scientifique présente le portrait d'une planète devenue inhabitable pour l'homme. Enfin, de nombreux ouvrages scientifiques continuant le modèle gaïen n'ont pas été traduits en français.

Sommaire

Définition et champ épistémologique

Le modèle de Lovelock s'inscrit dans le double cadre épistémologique du darwinisme et de l'approche systémique.

Gaïa et l'évolutionnisme

Lovelock tient explicitement à conserver la théorie de Darwin sur l'évolution des espèces au sein de leur milieu. L'hypothèse Gaïa est ainsi un cadre respectueux des conclusions évolutionnistes, en dépit d'une critique de l'évolutionniste et généticien Richard Dawkins au début des exposés de Lovelock qui, depuis, intégra le « gène égoïste »[note 3] à son modèle. L'hypothèse Gaïa n'est selon lui aucunement en contradiction avec les conclusions de l'évolutionnisme, qui a pour objet épistémologique le Vivant. En réalité, Lovelock retient du néo-darwinisme l'idée que la génétique a pour rôle d'adapter au mieux les espèces à leurs milieux. Lovelock développe ainsi un concept mixte, celui de co-évolution qui définit le Vivant comme une propriété émergente de l'écosystème : alors que chaque espèce poursuit son intérêt propre, la combinaison de leurs actions tend à contrebalancer les effets du changement environnemental. Or, Darwin stipulait que le milieu même modifie les espèces, non l'inverse, et c'est la raison pour laquelle Richard Dawkins s'opposa à Lovelock. Tout en reconnaissant le côté autorégulateur de la planète, il met l'accent sur le fait que Lovelock a oublié la condition essentielle nécessaire à définir un être vivant et son évolution, qui est « l'opposition permanente à un milieu extérieur (proies et prédateurs), seule susceptible de le faire évoluer au fil du temps par le mécanisme bien connu de l'évolution naturelle ». Or la Terre ne possède pas de prédateur ou même n'évolue dans aucun milieu permettant la compétition, il s'ensuit que l'hypothèse Gaïa est un abus du modèle évolutionniste, que Lovelock reconnaît pourtant. Néanmoins, avec son modèle de simulation informatique Daisyworld, Lovelock intègre à sa théorie la vision de Darwin, qui n'est plus incompatible avec ses postulats : « Daisyworld a été imaginé pour montrer que la théorie darwinienne de l'évolution par la sélection naturelle n'est pas en contradiction avec la théorie Gaïa, mais en fait partie intégrante »[5].

L'entomologiste Edward Osborne Wilson[note 4], qui rejoint Lovelock dès 2002, avec son ouvrage The future of the life, est également un proche de Dawkins. Fondateur de la sociobiologie, Wilson permet d'adapter le modèle écologiste de Lovelock avec celui, phylogénétique, de Darwin[note 5]. Néanmoins des zones de conflits existent toujours, entre le modèle gaïen et la théorie évolutionniste, l'absence de capacité de reproduction par exemple, le propre des espèces, n'appartient pas au genre de Gaïa[6].

L'approche systémique

Articles détaillés : cybernétique et systémique.

Le modèle de Lovelock s'enracine précisément dans la systèmie, théorie elle-même née de la cybernétique de Wiener, et exposée notamment par Joël de Rosnay dans Le Macroscope[7].

Gaïa répond ainsi à toutes les propriétés systémiques inhérentes à la définition d'un système[note 6] :

  1. L’interaction, qui renvoie à l’idée d’une causalité non-linéaire et qui entre dans les phénomènes de co-évolution et de symbiose en biologie. L'interaction (qui se confond avec le concept de finalité) se manifeste dans la recherche constante d'états stables, en interaction avec la biosphère ;
  2. La totalité qui postule que si un système est d’abord un ensemble d’éléments, il ne s’y réduit pas, idée reprise dans la formule consacrée : « le tout est plus que la somme de ses parties ». La Terre se comporte ainsi comme un tout cohérent en boucle fermée : « Par la théorie Gaïa, je vois la Terre et la vie qu’elle porte comme un système, système qui a la faculté de réguler la température et la composition de la surface de la Terre et de la maintenir propice à l’existence des organismes vivants. L’autorégulation de ce système est un processus actif fonctionnant grâce à l’énergie fournie sans contre partie par le rayonnement solaire. »[8] ;
  3. L’organisation est le concept central pour comprendre ce qu’est un système. L’organisation est l’agencement d’une totalité en fonction de la répartition de ses éléments en niveaux hiérarchiques. Une interaction avec des systèmes dynamiques subordonnés est partie intégrante de Gaïa : « La majorité des géochimistes considéraient l’atmosphère comme un produit final de l’émission de gaz planétaire et étaient convaincus que les réactions subséquentes par processus abiologiques avaient déterminé son état actuel. (…) La vie empruntait simplement les gaz à l’atmosphère et les lui renvoyait non modifiés. »[9].

L'hypothèse Gaïa devient ainsi, après sa reconnaissance en 2001 lors du Congrès d'Amsterdam, un pilier fondateur du modèle interdisciplinaire écologique nommé ESS pour Earth Science System[10], qui réunit de nombreuses disciplines scientifiques autour d'une volonté commune : comprendre, modéliser et prévoir les soubresauts de la Terre, dans une approche systémique.

Expériences et constatations ayant conduits à Gaïa

Article détaillé : écologie globale.

Le modèle de Lovelock est né d'une multitude de constatations scientifiques, de toutes disciplines, s'échelonnant de[11] 1965 à 2000.

Dans ses divers ouvrages Lovelock cite un corpus d'expériences appuyant son modèle gaïen, parmi lesquelles :

  • Dès 1966 Lynn Margulis écrit un article intitulé The Origin of Mitosing Eukaryotic Cells qui fondera plus tard la théorie endosymbiotique. Elle fait alors dans cet article et plus tard dans son ouvrage le lien entre la physiologie et les régulations à l’échelle terrestre ; en 1971 elle s'associe à Lovelock.
La molécule du DMS (Diméthyle Sulfide).
  • En 1972, James Lovelock entreprend un voyage scientifique sur le navire le Shackleton ; son but est de mesurer la teneur atmosphérique en DMS[12] en des points du Globe différents. Il conclut que les organismes marins ont un rôle de régulation dans la diffusion des DMS. Avec d'autres scientifiques[13], Lovelock émet l'hypothèse « CLAW »[14] qui postule que les émissions de DMS produit par le plancton marin modifient l'absorption de lumière de la planète et sont impliqués dans la régulation climatique, via un processus similaire à celui de l'albédo.
  • Richard Betts du Centre Hadley, qui a montré dans quelle mesure les forêts tropicales ont surmonté la limitation en eau en s'adaptant à un milieu chaud, par un recyclage de celle-ci. Betts et son collègue, Peter Cox, montrent ainsi qu'une élévation de 4°C de la température suffirait à mettre la forêt amazonienne hors d'état d'assurer ce mécanisme de refroidissement[15].
  • Andrew Watson et Tim Lenton ont montré le maintien d'une composition chimique stable dans le mélange atmosphérique, et notamment le rôle joué par le phosphore[16].
  • Peter Liss a montré quant à lui en quoi les océans sont les sources biologiques des éléments essentiels à la chimie de la biosphère (soufre, sélénium et iode)[17].

Un nouveau point de vue sur la vie

Plus qu'une explication géologique, l'hypothèse Gaïa est une vision particulière de la vie, une réponse scientifique également à la question du Vivant, concept protéiforme selon la discipline concernée, voire même ignorée : « Je lus beaucoup, espérant découvrir dans la littérature scientifique une définition complète de la vie considérée comme un processus physique, sur laquelle il serait possible de fonder le principe des expériences visant à la détecter. (…) On avait accumulé des tonnes de données sur tous les aspects imaginables des espèces vivantes, des parties les plus extérieures au plus intérieures. Mais dans la vaste encyclopédie de faits qui se trouvait à notre disposition, le cœur du sujet (la vie elle-même) avait été quasiment ignoré. »[18].

Lovelock permet de dépasser le cadre dichotomique habituel du biotique - abiotique[note 7] en montrant que les espèces participent à l'histoire du milieu, qui, en retour, a pour finalité le développement de la biosphère : « La vie ne s’est pas adaptée à un monde inerte déterminé par la main morte de la chimie et de la physique. Nous vivons dans un monde qui a été construit par nos ancêtres, anciens et modernes, entretenu en permanence par le biote actuel dans sa totalité. Les organismes s’adaptent à un monde dont l’état matériel est déterminé par les activités de leurs voisins ; ce qui signifie que changer l’environnement fait partie du jeu. […] Si, dans le monde réel, l’activité d’un organisme modifie son environnement matériel dans un sens qui le favorise, et que par conséquent, il a une descendance plus abondante, alors l’espèce et la modification vont croître l’une et l’autre jusqu’à ce qu’un nouvel état stable soit atteint. À une échelle locale, l’adaptation est le moyen par lequel les organismes peuvent survivre dans des environnements défavorables, mais à l’échelle planétaire, l’association entre la vie et son environnement est tellement étroite que la notion tautologique d’ “adaptation” est proprement évacuée. »[19]. En ce sens le modèle gaïen est une réponse au darwinisme strict qui voit dans la Vie un accident n'ayant aucune espèce de relation à l'environnement.

Hors de la science, les idées de Lovelock eurent ainsi, en raison de leur originalité, une forte répercussion sur les courants spiritualistes comme le New Age[20]. L'association Gaïa (pour Global Action in the Interest of the Animals[21] ) s'inspire de la théorie de Lovelock, qui, pourtant, ne prend pas en compte les droits des animaux.

Origines du nom

Article détaillé : Gaïa.

L'hypothèse d'une Terre animée (même si Lovelock ne lui attribue jamais d'intelligence ou d'émotions) est un thème récurrent, que cela soit dans l'imaginaire littéraire ou dans les théories scientifiques. Si cependant aucun modèle n'a été aussi précis et argumenté que celui de Lovelock, il existe néanmoins des auteurs qui ont proposé une vision assez proche de celle de l'écologiste. La personnification du concept n'est donc au final qu'une métaphore heuristique : « Dans cet ouvrage, je parle souvent de l’écosystème planétaire, Gaïa, comme vivant, […]. Lorsque je fait cela, je ne me cache pas que le terme “vivant” relève de la métaphore et que la Terre n’est pas vivante comme vous et moi ou même une bactérie. Dans le même temps, j’insiste sur le fait que la théorie Gaïa elle-même est véritablement de la science et non une simple métaphore. J’utilise le terme “vivant” comme un ingénieur disant qu’un système mécanique est vivant, pour distinguer son comportement lorsqu’il est mis en marche ou arrêté, ou au point mort. »[22]. Néanmoins, ce point de vue fut celui de Lovelock au début de son hypothèse, au moment où il devait ménager son image au sein de la communauté scientifique. Depuis, il l'a largement personnifiée, jusqu'à élargir le modèle à une dimension mystique voire religieuse, mais sans jamais en faire une entité consciente, une sorte de dieu vivant. Les théories Gaïa par contre, se réclamant de ses assertions, ont développé, elles, l'idée que la Terre aurait une « conscience »[23] voire qu'elle serait une sorte de divinité[24].

La Vénus de Willendorf, généralement considérée comme la première représentation préhistorique de la déesse de la fertilité.

Gaïa est en effet dans la mythologie grecque la déesse de la Terre, mère des dieux, représentée par le culte de la fécondité, et aussi l'une des plus ancienne représentation théiste de l'histoire humaine puisqu'on retrouve des statues de terre-mère (Grande Déesse) à l'époque préhistorique (Mohenjo-daro et Harappa). Le nom de Gaïa fut choisi sur l'avis de l'écrivain William Golding ; l'universalité du nom, permis par la diffusion de la mythologie grecque d'une part, le fait que le nom par ailleurs véhicule une idée de protection et de maternalisme, procure à l'hypothèse une métaphore adéquate[25]. Lovelock fut dès le début conscient de l'importance de fournir une métaphore universelle et immédiate, et ce afin d'en rendre le contenu vulgarisable, et afin de rivaliser avec les autres modèles reconnus. Par opposition à cet aspect positif, Lovelock parle aussi de Kâlî, déesse qui représente l'aspect destructeur divin dans l'hindouisme, aspect négatif de la Terre si elle venait à expulser l'homme.

Avant Lovelock

Pensées philosophiques

Dès l'antiquité, les stoïciens concevaient l'Univers comme un tout ordonné (cosmos) dans lequel tout a une cause, de sorte qu'un événement quel qu'il soit entraîne nécessairement un événement futur déterminé. La raison est la faculté qui nous permet de saisir ces relations de cause à effet. Parallèlement, les stoïciens appellent "Raison" (logos) cet ordonnancement universel de la Nature, qui forme un tout qualifié de "divin".

Johannes Kepler, dès le XVIIe siècle, fut le premier à émettre l'idée que la Terre se comporterait comme un organisme rond et unique. Léonard de Vinci fit ensuite une comparaison entre le fonctionnement interne du corps humain et le mécanisme de la Terre. Lamarck, partisan d'une théorie parallèle à celle de l'évolution de Charles Darwin, développa l'idée que la Terre serait un tout organisé et interdépendant. Le géologue James Hutton, dans son ouvrage fondateur pour cette disciple, The theory of the Earth expliqua :

« I consider the Earth to be a super organism and that its proper study should by physiology[note 8]. »

Thomas Henry Huxley, un partisan de Darwin, postula dès 1877 que la Terre s'autorégulait. Le mathématicien Alfred Lotka fonde ensuite une approche de la dynamique des populations biologiques qui luttent pour la maîtrise des ressources énergétiques, jusqu'à modeler et influencer leur milieu ; idée qui sera reprise par James Lovelock.

En 1924, le paléontologiste et géologue Teilhard de Chardin forgera, en lien avec Vernadsky et le philosophe Édouard Le Roy, le concept de noosphère, que reprendra Vernadsky : il s'agit de l'ensemble formé par les interactions de consciences à la surface de la planète, jusqu'à ne former plus qu'une seule entité. Lewis Thomas (1913-1993), quant à lui, envisage la Terre comme une cellule[note 9]. Par ailleurs, en 1960, un biologiste, Eugène Odum (1913-2002) voit dans les écosystèmes des entités autorégulées[26]. Par ailleurs, la pensée de Lovelock se rapproche de celle de Ralph Waldo Emerson, philosophe américain, qui a voulu replacer la Nature dans le débat métaphysique. Pour Emerson, dans son ouvrage Nature (1836), l’homme est devenu un demi-homme, qui utilise la nature par son entendement seul, par le travail pénible des forces matérielles, parce qu’il a perdu ses forces spirituelles. Enfin, l'écologie littéraire d'Henry David Thoreau, pionnier de l'écologie selon Donald Worster, propose une vision spirituelle de la terre proche de celle de Gaïa. Thoreau dit ainsi en 1851 que « la terre que je foule aux pieds n'est pas une masse inerte et morte, elle est un corps, elle possède un esprit, elle est organisée et perméable à l'influence de son esprit ainsi qu'à la parcelle de cet esprit qui est en moi » ; il parle par ailleurs de « terre vivante » et de « grande créature »[27]

Précédents scientifiques

Les métaphores scientifiques assimilant la Terre à un organisme vivant sont nombreuses avant Lovelock. Friedrich Ratzel est ainsi l'un des premiers à parler d'« organisme terrestre », au sein de ce qu'il nomme la biogéographie[28]. Néanmoins ce sont surtout les modèles de Vladimir Vernadsky et de Walter Cannon qui ont influencés l'hypothèse Gaïa.

Vernadsky et les couches écologiques

La notion de biosphère énoncée par Vladimir Vernadsky (1863-1945) en 1924 allait déjà dans ce sens[29]. Fondateur de la géothermie moderne, Vernadsky postule que la vie s'exprime comme une force géologique et constitue un phénomène cosmique.

Le modèle qu'il propose pour notre planète se compose de différentes couches en interaction :

Walter Cannon et le concept d'homéostasie

Évoqué par le médecin français Claude Bernard, le concept biologique d'« homéostasie », forgé par Walter Cannon (1871-1945) à partir de deux mots grecs : stasis (« état », « position ») et homoios (« égal », « semblable à ») définit la stabilisation des états qui permettent les processus biologiques de la vie. Dans son ouvrage fondateur, The Wisdom of the Body, Cannon définit ainsi l'homéostasie :

« Les êtres vivants supérieurs constituent un système ouvert présentant de nombreuses relations avec l'environnement. Les modifications de l'environnement déclenchent des réactions dans le système ou l'affectent directement, aboutissant à des perturbations internes du système. De telles perturbations sont normalement maintenues dans des limites étroites parce que des ajustements automatiques, à l'intérieur du système, entrent en action et que de cette façon sont évitées des oscillations amples, les conditions internes étant maintenues à peu près constantes[30]. »

Genèse du concept chez James Lovelock

Article détaillé : James Lovelock.

De Mars à la Terre

En 1970, Lovelock fonde sa théorie Gaïa, appelée également ESS, pour « Earth Science System »[note 10], le nom de « Gaïa » étant une proposition de son ami et écrivain William Golding. Cette hypothèse, que l'écologiste affina peu à peu, d'abord seul puis à travers un collectif de scientifique de tous horizons, relève d'une démarche géonomique même si ses auteurs n'ont pas utilisé ce terme, encore peu connu en 1969. L'hypothèse Gaïa a été par la suite développée en théories Gaïa par Lynn Margulis.

James Lovelock, chez lui, dans le comté de Cornouailles, en Grande-Bretagne.

L'hypothèse de fond de Lovelock est que la biomasse modifie les conditions de vie de la planète dans un sens qui les rapproche de ses propres besoins, rendant ainsi la planète plus « hospitalière ». L'hypothèse Gaïa relie cette notion d'« hospitalité » à l'homéostasie. Cette approche lui vint dans les années 60, alors que Lovelock était sous contrat avec la NASA, pour mettre au point des instruments pour l'équipe chargée d'explorer les planètes, par des sondes. Il proposa alors l'analyse de l'atmosphère de Mars et soutint assez vite que s'il y en avait une, « il lui faudrait utiliser l'atmosphère pour y puiser des matières premières et évacuer ses déchets ; cela aboutirait à en modifier la composition »[31]. Dès lors, il estima que Mars n'a pu abriter la Vie, ce qui lui valut un certain ostracisme dans le milieu scientifique.

Lovelock s'intéressa ensuite personnellement à la question de la continuité de la vie, et ce en dépit d'une augmentation de 30 % de la luminosité solaire depuis la formation de la Terre. « Ces réflexions m'ont conduit à conjecturer que les êtres vivants régulent dans leur intérêt le climat et la chimie de l'atmosphère »[32] ajoute-t-il.

Lynn Margulis qui travailla avec Lovelock.

Lovelock travaille ensuite avec l'éminente biologiste américaine Lynn Margulis, avec laquelle il écrit son premier article scientifique. Il y montre que la Terre est un système de contrôle actif capable de maintenir la planète en homéostasie. Par ailleurs, il découvre les porteurs moléculaires naturels des éléments soufre et iode : le sulfure de diméthyle (DMS) et l’iodure de méthyle, qui deviendront plus tard une brique fondamentale de sa théorie. Seuls quelques spécialistes lui font alors bon accueil ; et Lovelock affronte Richard Dawkins, défenseur international de la théorie de l'évolution darwinienne, à travers son concept de gène égoïste[note 11]. Il finit néanmoins par tomber d'accord avec le biologiste évolutionniste quant à l'incompatibilité de son modèle avec les canons darwiniens. « Comme je ne doutais pas de Darwin, quelque chose devait clocher dans l'hypothèse Gaïa »[33] dit-il, revenant du même coup sur sa conjecture. En 1981, Lovelock rompt avec les modèles antérieurs (excepté celui de Vernadsky) qui considéraient que la biosphère seule s'autorégulait.

Daisyworld

Article détaillé : Daisyworld.

Lovelock pense en effet que c'est l'ensemble du système (géologique et biologique) qui se régule. Il réalise alors, avec le géochimiste américain Lee Kump, en 1994[34], un modèle informatisé destiné à prouver un mécanisme autorégulateur simple : celui de la température terrestre, régulée par des végétaux. Ce modèle numérique, baptisé Daisyworld[note 12] montra qu'un système simple tendant à se préserver utilise la biosphère comme agent homéostatique. Par là même, Lovelock et son collègue prouvent que le darwinisme est compatible avec leur modèle numérique.

En 1986, à Seattle, Lovelock et ses collègues : Robert Charlson, M.O. Andreae et Steven Warren, découvrent que la formation des nuages et, par voie de conséquence, le climat, dépendent du DMS, engendré par les algues de l'océan[note 13]. Lovelock découvre alors du même coup l'un des mécanismes de régulation de Gaïa ; pour cette découverte, il reçoit en 1988 le prix Norbert Gerbier de la communauté des climatologues.

John Maynard Smith (à droite).

C'est ce mécanisme qui va donner l'idée à Lovelock de démontrer Gaïa par une simulation informatique rudimentaire, tenant en quelques paramètres. Parallèlement, son ami et écologiste Stephan Harding[35] met au point également des modèles d'écosystèmes entiers, plus complexes, tenant compte entre autres des chaînes alimentaires, et prouve que la biosphère tente par tous les moyens de s'autoréguler. Peu après Lovelock entame un dialogue avec deux scientifiques évolutionnistes : John Maynard Smith et William Hamilton qui soutiennent par la suite Tim Lenton[36] lorsque celui-ci publie dans la revue Nature un article intitulé « Gaïa et la sélection naturelle »[37]. William Hamilton co-écrit ensuite avec Lenton un article au titre provocateur : Spores et Gaïa qui fait un lien entre océan, algues et climat. Néanmoins Hamilton posa à ce moment le débat dans lequel l'hypothèse Gaïa s'inscrit : lors d'une émission télévisée, en 1999, il explique en effet : « De même que les observations de Copernic avaient besoin d'un Newton pour les expliquer, nous avons besoin d'un autre Newton pour expliquer comment l'évolution darwinienne aboutit à une planète habitable »[38].

Le modèle de Lovelock

Un modèle heuristique ?

Une métaphore

Lovelock est, dès le début, conscient de la dimension non scientifique du nom de Gaïa donnée à l'hypothèse d'une autorégulation au niveau mondial. Néanmoins son but est avant tout de toucher les mentalités : « C'est seulement en considérant notre planète comme une entité vivante que nous pouvons comprendre (peut être pour la première fois) pourquoi l'agriculture a un effet abrasif sur le tissu vivant de son épiderme et pourquoi la pollution l'empoisonne tout autant que nous. »[39].

Lovelock est conscient en somme d'utiliser une métaphore heuristique[40] confinant parfois (comme le démontre l'adhésion des divers courants New Age) au religieux, voire à la naïveté scientifique[41]. Il vise ainsi une démonstration populaire et de bon sens, même si, en écologue, il s'appuie sur des exemples scientifiques. Anne Primavesi a ainsi, dans Gaia's gift[42] montré le lien qui existe entre Foi et écologie gaïenne, lien que Lovelock appelle de ses vœux et qu'il applique lui-même, dans sa façon de vivre, chez lui en Angleterre. Ce qu'il cherche, c'est un renouveau du sentiment mystique de la Terre-Mère, par opposition aux croyances actuelles matérialistes, reposant selon lui sur « un même socle de croyances religieuses et humanistes : la Terre est destinée à être exploitée pour le bien de l'humanité »[43], et que la culture judéo-chrétienne[note 14] a encouragée.

Par ailleurs, sur le seul terrain scientifique, le modèle de Lovelock est heuristique car il appelle à une fusion des disciplines, jusqu'alors cloisonnées (la biologie d'un côté, la géologie de l'autre) ; l'annexion également d'autres sciences plus nouvelles comme la génétique ou l'écologie, et même la politique[44]. Lovelock voit ainsi dans la conférence d'Amsterdam de 2001 un premier pas positif vers une synthèse des sciences de la Terre et de la Vie, centré sur la planète comme un système autorégulé.

Une hypothèse invérifiable

Néanmoins la simplicité de l'image a souvent donné lieu, notamment de la part de Richard Feynman, à une critique de méthode[45]. Mais c'est surtout James Kirchner, son opposant de toujours, qui va s'évertuer, dès 1988, à démontrer l’inconsistance implicite et la polysémie de l'analogie, qui souffre de l'absence d'axiome et d'hypothèse de travail. Kirchner publiera ainsi, répondant à chaque fois aux ouvrages de Lovelock, Scientists on Gaia[note 15] et un article au ton pamphlétaire, publié dans la Reviews of Geophysics titrant : « The Gaia Hypotheses, Can it be tested? »[46]. Kirchner s'attaque ainsi aux cinq sous-hypothèses fondant le modèle Gaïa et en démontre l'inconsistance scientifique au plan expérimental comme au plan épistémologique. Par ailleurs, d'après lui, Lovelock pèche surtout dans son incapacité à définir clairement l'objet de son hypothèse ; il lui reproche en somme un manque de rigueur scientifique qu'il résume par une phrase citée depuis par tous les détracteurs de Lovelock : « Si nous discutons de la théorie de Gaïa sans préciser de quelle hypothèse nous parlons, nous pouvons créer pas mal de confusion » explique-t-il dans sa lettre à la revue Nature[47].

La consécration internationale : la conférence d'Amsterdam de 2001

L'existence de cycles naturels (ici le cycle du carbone) prouve l'existence de mécanismes de régulation où êtres vivants et géologie concourent à en stabiliser les paramètres.

C'est en 2001, lors de la conférence d'Amsterdam[note 16], à laquelle participaient les quatre principales organisations de recherche sur le Changement Global, que la théorie de Lovelock se voit consacrée dans le milieu scientifique. En effet plus d'un millier de délégués signent alors une déclaration commune dont l'article principal énonce : le système Terre se comporte comme un système unique autorégulé, composé d'éléments physiques, chimiques, biologiques et humains[48]. L'hypothèse Gaïa s'émancipe ainsi, explique Lovelock dans La Revanche de Gaïa, à la fois des biologistes (qui maintenaient que si les organismes vivants s'adaptent au milieu, ils ne le transforment pas pour autant), et des géologues (pour qui seules les forces géologiques expliquent l'évolution du Globe). Cette Déclaration a vu la victoire de la mentalité scientifique ayant conduit à Gaïa ; en effet les délégués concluent sur la nécessité de fusionner les disciplines en une approche unique et cohérente[49] : l'ESS ou « Earth Science System » que Lovelock appelait de ses vœux dès les linéaments de son hypothèse.

Un constat de société

Un renouveau philosophique

Article détaillé : écologie profonde.

Le modèle Gaïa est une volonté scientifique de fusionner les disciplines, mais c'est aussi -et surtout- un constat et un pronostic pour la civilisation mondiale : « Notre civilisation se trouve dans la situation de celui que la drogue tuera, qu'il continue ou cesse brusquement d'en consommer »[50] explique-t-il. Lovelock a en effet une tendance nettement misanthrope ; pour lui l'être humain est par définition, en raison de sa nature cannibale, un destructeur de son milieu. Il considère en effet la nature humaine comme étant schizoïde, à l'instar du duo Mr. Hyde et Dr. Jekyll de Stevenson. Le modèle de Lovelock, de scientifique, devint culturel puisqu'il donna largement naissance au mouvement de l'écologie profonde, qui appelle à un renouveau spirituel, mais rationnel, face à l'environnement.

En plus des fondements philosophiques et idéologiques, responsables de l'exploitation inconsidérée du milieu (et que l'historien des idées John Gray, dans Straw Dogs, analyse), la démographie est le facteur premier de cette tendance autodestructive de l'humanité initiées depuis quelques siècles. Lovelock cite également la philosophe Mary Midgley, qui, dans Science and poetry[51], met en garde contre le réductionnisme de la pensée scientifique, modèle opposé à l'hypothèse Gaïa. La séparation de l'esprit et du corps, amorcée dès René Descartes, a conduit selon lui à une vision réductionniste du monde et, de là, à son exploitation. Or, pour Lovelock, il est urgent de repenser le sens de l'homme dans la Nature, sans quoi celle-ci pourrait nous détruire, réagissant par là à notre activité destructrice. La « passion de la ville » est ainsi une absurdité ayant conduit l'homme à oublier son milieu.

Les réformes et plans écologiques mondiaux sont également des pis-allers : le mythe du développement durable et les énergies alternatives sont des idéologies qui permettent de repousser le problème qui demeure notre capacité d'adaptation de nos besoins à notre milieu, et non d'assujettissement du milieu à nos besoins. Par ailleurs, la menace de l'évolution catastrophique de Gaïa à notre activité influence l'histoire humaine : les guerres notamment, les déplacement de populations (ceux que l'on appelle les éco-réfugiés), la course aux énergies fossiles aggravent toujours plus notre comportement collectif. La reconnaissance de cette menace est la seule chose qui puisse mobiliser l'homme : « Tant qu'un danger réel et immédiat n'est pas perçu, la tribu n'agit pas à l'unisson »[52] explique-t-il.

Une critique de la démographie grandissante

Le principal problème est, pour Lovelock, et a contrario de la pensée commune, la démographie, cause de la pollution (au sens de dérive quantitative) et de la surexploitation des ressources naturelles : « Les choses que nous faisons à la planète ne sont pas agressives et ne représentent pas non plus une menace géophysiologique, tant que nous ne les faisons pas à grande échelle. S’il n’y avait sur Terre que 500 millions d’humains, pratiquement rien de ce que nous faisons actuellement à l’environnement ne perturberait Gaïa. […] Ce n’est pas une simple question de surpopulation ; une forte densité de population causerait moins de perturbations dans les régions tempérées de l’hémisphère Nord que dans les tropiques humides. »[53].

L'empreinte anthropique[note 17] peut, au final, se résumer à la surpopulation qui détruit les mécanismes naturels de rétroaction négative, conduisant au dérèglement de la Terre : « Un slogan comme “la seule pollution, c’est la population” désigne une implacable réalité. La pollution est toujours affaire de quantité. Dans l’état naturel, il n’y a pas de pollution. […] Aucune des atteintes écologiques auxquelles nous sommes actuellement confrontés — la destruction des forêts tropicales, la dégradation des terres et des océans, la menace imminente d’un réchauffement de la planète, la diminution de la couche d’ozone et les pluies acides — ne constitueraient un problème perceptible si la population humaine du globe était de 500 millions. Même avec un milliard d’humains, il serait encore possible de limiter ces pollutions. Mais vu notre nombre — près de sept milliards — et notre mode de vie actuel, elles sont intolérables. Si rien n’est tenté pour les limiter, elles tueront un grand nombre d’humains et d’autres espèces, et modifieront la planète de manière irréversible. »[54]. On a ainsi taxé Lovelock de néo malthusien car il propose de revenir à des moyens de lutte démographique ou de régulation des naissances, sans toutefois jamais cautionner l'eugénisme[55].

Une critique de l'écologie

La déforestation détruit les mécanismes naturels de régulation.

Le modèle Gaïa s'oppose radicalement aux courants écologistes actuels et politiques : « Les militants écologistes, les Églises, les politiciens et les scientifiques s’inquiètent tous des dégâts causés à l’environnement. Mais s’ils sont inquiets, c’est pour le bien de l’humanité. Cet anthropocentrisme est si profondément ancré que, même actuellement, peu de gens à part quelques originaux se soucient des autres organismes vivants. L’objection fréquemment avancée contre la destruction des forêts est qu’elles cachent peut-être en leur sein quelque plante rarissime qui détient le remède au cancer, ou que les arbres fixent le gaz carbonique et que, s’ils disparaissent nous ne pourrons plus jouir du privilège représenté par les moyens de transport individuels. Rien de mal à cela, c’est stupide, tout simplement. Nous n’arrivons pas à reconnaître la vraie valeur de la forêt en tant que système autorégulé qui conserve à la région un climat favorable à la vie. »[56]. Lovelock les accuse de ne pas prendre le problème dans sa juste dimension scientifique, et de soutenir des points de vue sans fondements rationnels telle la pollution par la radioactivité, l'efficacité des énergies renouvelables, la place du nucléaire civil enfin. Plus que tout, Lovelock taxe l'écologie politique de continuer à placer l'homme au centre des préoccupations liées au problème du réchauffement climatique.

Le fonctionnement de Gaïa

Existence de contraintes physiques

Lovelock précise que avant même d'en comprendre le « fonctionnement », il est impératif de saisir le fait que la Terre est soumise à un ensemble de contraintes ou de limitations purement physiques. Les êtres vivants étant mus par le « gène égoïste » de Richard Dawkins qui postule que la sélection naturelle est avant tout génétique, sans ce cadre limitatif, la vie aurait eu une croissance exponentielle empêchant toute régulation homéostatique. Lovelock parle ainsi de « paramètres globaux », et cite : le climat, la composition de l'atmosphère et celle des océans. Néanmoins, ces contraintes environnementales dépendent de la tolérance des organismes eux-mêmes ; il existe par exemple une température minimale, maximale, et optimale pour la multiplication de tous les êtres vivants (hors quelques espèces extrêmophiles). Ce constat vaut également pour l'acidité, la salinité et la concentration d'oxygène dans l'air et dans l'eau. « En conséquence, les organismes doivent vivre à l'intérieur des limites fixées par les propriétés de leur milieu »[57]. En réalité, Lovelock démontre que pour l'essentiel la vie prospère entre 25°C et 35°C.

Mappemonde représentant l'oxygène dissoute dans l'eau (source : World Ocean Atlas 2001).

La formation de la couche de surface est également une forte contrainte sur la vie océanique ; les propriétés de l'eau limitent la multiplication des espèces au-delà d'une certaine densité. La salinité de l'eau est aussi un paramètre contraignant : un taux supérieur en sel de 8 % entraîne la mort de l'organisme. En somme, Ces contraintes physiques imposées par les propriétés de l'eau ont un effet sur la croissance du vivant et déterminent le rapport entre cette croissance, la température, et la répartition de la vie sur Terre[58]. Le contrôle par le système de la température est pour lui la preuve première d'une recherche d'un équilibre favorable à la vie. Mais le maintien d'une composition chimique stable est aussi important. Les conclusions de Andrew Watson et de Tim Lenton ont ainsi montré les mécanismes régulant l'oxygène atmosphérique, permis par le rôle du phosphore. Les rôles du sélénium, du soufre et de l'iode sont également fondamentaux pour cerner la question. L'ouvrage de Lee Kump, James Kasting et Robert Crane : « The Earth System » fournit l'état des connaissances actuelles sur les liens complexes qui unissent les algues, la production de soufre gazeux, la chimie atmosphérique, la physique des nuages et le climat.

Les rétroactions positives

Le modèle informatique Daisyworld permit à Lovelock et Kump de mettre en avant un phénomène de régulation automatique, et délicat à cerner : les rétroactions positives. Le modèle montre en effet que dans un scénario où l'écosystème propre aux algues subit une agression, les fluctuations s'amplifient sous l'effet d'une rétroaction positive (une augmentation soudaine de la température moyenne le cas échéant). Lovelock pense alors que tout apport de chaleur, quelle qu'en soit la source, sera amplifié, sans qu'aucune résistance ne s'y oppose ; la température joue donc un rôle dynamique fondamental, en plus de permettre un diagnostic de l'état du système global.

L'évolution de la superficie de la calotte glaciaire du Pôle Nord montre une réduction de l'albédo.

Lovelock voit ensuite six rétroactions positives à l'œuvre sur le globe:

  1. l'albédo de la glace : la fonte de la couverture neigeuse entraîne à son tour un réchauffement qui accélère le processus. Lovelock cite ainsi l’effet Budyko, du nom du géophysicien russe Mihail Budyko[59] qui en découvrit la propriété ;
  2. la vitesse d'absorption du dioxyde de carbone et la génération des stratus marins, nuages blancs océaniques à fort pourvoir réflecteur ;
  3. la disparition des surfaces de forêt tropicales, due à l'augmentation de température et qui met à mal le mécanisme de refroidissement des terres ;
  4. l'augmentation des surfaces des forêts boréales de Sibérie et du Canada qui, au contraire, absorbent la chaleur en raison de leur couleur sombre ;
  5. la libération du dioxyde de carbone et du méthane dans l'atmosphère après la disparition des écosystèmes propres aux forêts et aux algues ;
  6. la libération des stocks de méthane (gaz à effet de serre vingt fois plus puissant que le gaz carbonique) enfermés dans les clathrates des cristaux de glace enfin.

Lovelock en cite d'autres, et pense également que certains mécanismes de rétroaction positive restent à découvrir. Par ailleurs l'existence de phénomènes compensateurs de rétroactions négatives laisse à penser que rien ne vient enrayer la vitesse de réchauffement planétaire (il existe cependant le « puits de dioxyde de carbone » qui dissout le CO2 dans l'eau de pluie, mais Lovelock considère que, au final, le processus peut aboutir à une rétroaction positive ; Lovelock cite par contre les tempêtes tropicales qui permettent aux algues de prospérer.).

Le mécanisme de régulation

Le résultat d'une co-évolution

Article détaillé : éco-évolution.
Le régulateur à boules de James Watt démontre, selon Lovelock, la simplicité des mécanismes de régulation.

Lovelock insiste constamment sur le fait que le mécanisme de régulation possède deux faces complémentaires et indissociables : d'une part l'évolution géophysique et d'autre part l'évolution biologique. La régulation est ainsi le fruit de cette double évolution ; Lovelock préfère ainsi, afin d'englober les deux aspects, dire que ce sont les niches écologiques qui évoluent, et que les organismes vivants négocient leur occupation de celle-ci. Par ailleurs, un tel mécanisme échappe souvent à l'expérience scientifique : seule l'intuition permet de l'appréhender. Si on peut mettre en lumière des fonctionnements globaux, on ne peut, explique Lovelock (mais aussi Joël De Rosnay, l'un des découvreurs de la systèmie) en attendre une image précise, en raison du fait que le système évolue et redistribue les mécanismes. Lovelock prend ainsi en exemple le régulateur de vitesse de James Watt : une étude causaliste de celui-ci n'aboutirait qu'à n'en comprendre qu'en partie le mécanisme. Un mécanisme de régulation ne se fonde pas sur le modèle classique cause-effet, et a fortiori lorsque ce modèle est à l'échelle de la planète. L'écologiste prend ainsi comme acquis que le modèle holistique explique des phénomènes que la science linéraire ne peut appréhender ; en cela, l'hypothèse Gaïa s'ancre dans un terreau de pseudo-sciences, au sens où ses axiomes épistémologiques ne sont pas reconnus par la communauté scientifique.

Biographie rapide de Gaïa

Pour comprendre le mécanisme de régulation de Gaïa, Lovelock prend en exemple la biographie de la Terre, révélatrice à plus d'un titre. L'état des connaissances géologiques et phylogénétiques est tel que l'on peut restituer précisément le lent développement d'une intention stabilisatrice du Vivant, tout au long de l'histoire de la planète. Dans Les Âges de Gaïa, en 1988, Lovelock pose qu'à l'origine c'est l'incroyable chaleur qui a permis l'émergence de la Vie, via le rôle des organismes méthanogènes, premiers agents gaïens qu'utilisa la Terre pour réguler la teneur en gaz. Il note par ailleurs que cette idée tend aujourd'hui s'imposer parmi les géochimistes. La Terre a ensuite modifié l'atmosphère où le dioxyde de carbone (CO2) a ainsi remplacé le méthane comme élément dominant — elle a ainsi cherché à évoluer vers un état stable. L'apparition de l'oxygène ensuite (sorte de puberté de la Terre) a permis l'éclosion de la Vie, sous la forme des eucaryotes ; par ailleurs ce gaz a permis de conserver les océans en empêchant la fuite de l'hydrogène dans l'espace. La planète a ensuite vu une alternance de périodes chaudes et froides, sorte de succession d'expériences destinées à stabiliser définitivement l'atmosphère propice à la Vie.

Les premiers organismes ont contribué à constituer l'atmosphère dans les premiers âges de la vie de la Terre.

Dès lors la phylogénèse multiplie, via la sélection naturelle et les niches écologiques, les espèces vivantes. Les grands cycles naturels permettent de réguler cet état d'équilibre, notamment en participant au processus capital de refroidissement. Pour Lovelock en effet le but de Gaïa est principalement de réguler la chaleur solaire, néfaste à la Vie à partir d'un certain seuil, afin de permettre l'épanouissement du Vivant, par les nuages, par les calottes polaires et glaciers, par l'océan et les forêts enfin. Néanmoins, récemment dans son histoire, la Terre est confrontée à une augmentation de 0,5°C de la chaleur du Soleil ; la période géologique du pléistocène, faite d'une alternance de glaciations, témoigne d'un ultime effort de sa part pour réguler cette température. Lovelock et Michael Whitfield ont ainsi calculé en 1981 que dans moins de cent millions d'années, la chaleur solaire sera trop forte pour le système de régulation terrestre, et celui-ci tombera fatalement en panne[60]. Forcée d'évoluer vers un état plus chaud, elle abritera une autre forme de biosphère. L'homme accélère ainsi le processus, qui n'est pas de son seul fait, en détruisant les forêts en en relâchant des gaz à effet de serre : « Gaïa est en train d'évoluer, conformément à ses règles propres, vers un nouvel état dans lequel nous ne serons plus les bienvenus. »[61]

Perspectives et solution de l'hypothèse Gaïa

Vers une Terre aride

Le danger est multiple selon Lovelock : toutes les activités humaines tendent à empirer la situation, et en premier lieu l'agriculture, véritable agression aux répercussions profondes : « Les écosystèmes naturels ne sont pas seulement là pour être transformés en exploitations agricoles ; ils servent également à préserver le climat et l'équilibre chimique de la planète. »[62]. La déforestation est en second lieu l'enjeu fondamental posé par l'écologie actuelle. En effet, la forêt régulant la chaleur, la déforestation, en plus de libérer d'énormes quantité de CO2 (par la combustion de zones forestières ou par la politique de la « terre brûlée »), l'homme réduit les surfaces sylvestres : « On pourrait chiffrer la valeur des forêts comme climatiseurs en évaluant le coût annuel de l’énergie nécessaire pour obtenir mécaniquement un refroidissement comparable. […] L’énergie nécessaire, en supposant un rendement de 100 % et aucun investissement supplémentaire, coûterait annuellement 1300 dollars par hectare. […] On estime qu’un hectare de terrain pris sur la forêt tropicale produit chaque année assez de viande de bœuf pour faire 1850 hamburgers […] La prochaine fois que vous mangerez un hamburger, songez à son prix de revient réel, la perte d’un capital de bien-être valant environ 65 dollars. […] Sur cette base, une estimation raisonnable de la valeur du système de réfrigération représenté par la totalité de l’Amazonie donnerait environ 150 billions (1012) de dollars. »[63]

L'agriculture et l'exploitation des surfaces naturelles conduit à diminuer l'efficacité des mécanismes de régulation terrestres.

Les conséquences de ces deux mécanismes anthropiques est une Terre aride, qui pourrait culminer à une température de +4°C à +5°C d'ici la fin du siècle. Le point de non-retour étant dépassé pour Lovelock, seule l'inertie du réchauffement produit peut être géré, notamment (et principalement) par le « repli durable » vers une civilisation basée uniquement sur l'énergie nucléaire.

La question de l'énergie

Les énergies alternatives étant gourmandes en matières premières (et donc polluantes en CO2 à la fabrication), Lovelock recommande comme solution immédiate, contre les revendications écologistes politiques, de se tourner vers le nucléaire civil, seule source sûre, non polluante et capable de donner à la civilisation le temps de repenser sa civilisation. L'énergie nucléaire provenant de la fission émet certes des déchets mais ne rejette aucun polluant. La fusion serait davantage préférable car alors il n'y aurait même plus de déchets radioactifs, puisque ceux-ci sont recyclés comme combustibles pour le réacteur thermonucléaire. Lovelock prend ainsi comme modèle de société qui a su, très tôt, se tourner vers cette énergie la France, qui développe par ailleurs les premiers réacteurs à fission de génération III (ou EPR) : « Le cas de la France est exemplaire : le nucléaire subvient à une partie importante de ses besoins énergétiques. »[64].

Les centrales nucléaires sont selon Lovelock le seul espoir pour limiter les dégâts écologiques.

James Lovelock considère que cette source d'énergie est suffisamment fiable, peu coûteuse en regard de l'installation des énergies renouvelables, et qui permettraient de disposer du temps nécessaire pour développer une autre façon de vivre. Par ailleurs, une technologie propre non nucléaire reste un produit économique, qui nécessite plusieurs années avant d'être démocratisée et accessible à tous, or la sécurité de la civilisation requiert un plan d'urgence efficace. Lovelock y voit donc « un moindre mal », qui permettrait par ailleurs de continuer à soutenir notre économie et notrre industrie, très dépendante de l'énergie électrique.

L'énergie nucléaire, quelle que soit sa forme, permet ainsi pour Lovelock d'entamer le « recul durable », que le scientifique oppose au « développement durable «, concept erroné selon lui car politique et non-scientifique, anthropocentrique également : « il est beaucoup trop tard pour le « développement durable » ; nous devons opter au contraire pour un repli durable »[65]. Le but immédiat pour lui est de stabiliser l'inertie issue du réchauffement climatique, en repensant notre façon de vivre : « Nous ne sommes pas obligés de devenir des saints, mais seulement de parvenir à un état d’égoïsme éclairé. »[56]. Néanmoins, le débat reste ouvert, et vif, entre scientifiques partisans du nucléaire civil seul et généralisé, et scientifiques partisans des énergies renouvelables[66]. «  »

Protéger la civilisation et « guérir la Terre »

Richard Dawkins, principal détracteur de l'hypothèse Gaïa.

Nombre de critiques, comme Richard Dawkins ou de responsables politiques écologistes, ont pointé du doigt la misanthropie de Lovelock, qui ne cesse d'appeler à la réduction démographique, voire même, sous certains aspects, à la disparition de l'homme — à ce propos, certains mouvements antispécistes ont réutilisé des aspects de son travail à des fins propagandistes, tel le mouvement de Gaïa (voir également le Mouvement pour l'extinction volontaire de l'humanité).

Cependant, Lovelock, s'il reconnaît vouloir endiguer les masses, souhaite protéger la civilisation : « l'espèce humaine est une sorte de maladie planétaire. Mais la civilisation, elle, est en danger. Et c'est la civilisation qui nous rachète et fait de nous un atout précieux pour la Terre. »[67]. Selon lui, il nous faut « bouleverser nos dispositions de cœur et d'esprit ». Son ouvrage Médecine Gaïa se veut un manuel destiné à fonder une civilisation future, plus responsable et davantage en harmonie voire en symbiose technologique avec son milieu : « Dans cet ouvrage médical d’un genre nouveau, c’est la Terre qui est le patient. Oublions l’homme, ses droits, ses inquiétudes et ses souffrances, et préoccupons nous plutôt de notre planète, qui est peut-être malade. Nous sommes partie intégrante de cette Terre et ne pouvons donc pas envisager nos problèmes séparément. Nous sommes tellement liés à la Terre que ses rhumes et ses fièvres sont aussi les nôtres. »[68]

Débat et controverses

Critique interne

Lors de la « Conférence Chapman » de l'Union Géophysique Américaine, en 1988, organisée par le climatologue Stephen Schneider, James Kirchner critique l'imprécision du modèle, critiques réunies dans son article intitulé « The Gaia Hypotheses, Can it be tested? »[69]. Kirchner décompose ainsi l'hypothèse en 5 domaines d'imprécisions majeures, qu'il réunit ensuite en deux catégories : les hypothèses faibles (« weak Gaia ») et les hypothèses fortes (« strong Gaïa »). Enfin, Kirchner critique ad hominem James Lovelock, accusé de manquer de rigueur scientifique.

Critique du fonctionnement homéostatique

Il existe pour la communauté scientifique internationale un flou autour du principe de régulation homéostatique. Des mécanismes d'homéostasie assez simples (appelés « contre-réactions ») sont généralement acceptés, comme ceux, par exemple, qui apparaissent lorsque la teneur en dioxyde de carbone atmosphérique augmente. Les plantes poussent alors davantage, et ainsi prélèvent du CO2 de l'atmosphère. Cependant, le degré de participation de ce mécanisme à la stabilisation et à la modification du climat terrestre est assez peu connu.

Concernant le rôle de régulation joué par l'albédo, sur lequel repose une partie de l'hypothèse Gaïa, il est encore sujet à débat. Par exemple aux époques où la Terre a été totalement couverte de neige, l'augmentation correspondante de son albedo ne contribuait pas à la fonte de cette neige, mais au contraire à sa conservation. Les mécanismes par lequel cette neige a pu fondre un jour ne sont pas entièrement connus à ce jour. L'hypothèse la plus courante serait celle d'une accumulation de CO2 atmosphérique produit par les volcans et non altéré faute de photosynthèse qui aurait produit un effet de serre assez puissant pour provoquer le dégel malgré un albédo très élevé.

Enfin, le point qui concerne la éco-évolution est également source de débats. L'hypothèse Gaïa est parfois envisagée selon des perspectives philosophiques assez différentes. Certains environnementalistes la voient comme un processus presque conscient, dans lequel l'écosystème terrestre est perçu comme un organisme unique. Certains biologistes la voient plutôt comme une propriété émergente d'un écosystème : alors que chaque espèce poursuit son existence selon ses intérêts, leurs actions combinées compensent les changements environnementaux. Les opposants à ce point de vue indiquent que les êtres vivants dans le passé ont eu des effets majeurs d'évolution plutôt qu'un effet stabilisant : par exemple la conversion de l'atmosphère terrestre depuis un milieu réducteur en un milieu riche en oxygène.

La stérilité de Mars, en dépit de l'existence de mécanismes d'autorégulation, tend à contre-argumenter l'hypothèse de Gaïa.

Par ailleurs, des réactions d'autorégulation du même type ont été observées sur Mars par deux des trois expériences de la sonde Viking, et il n'a pas été possible alors d'en conclure si la vie existait sur Mars ou non. Pour W. Ford Doolittle, dans son article « Is Nature really motherly? »[70], Lovelock échoue à expliquer pourquoi les conditions de la planète Terre sont drastiquement différentes de celle d’autres planètes comme Mars.

Conflit avec le néo-darwinisme

En fonction des interprétations, l'hypothèse peut entrer en conflit avec le néo-darwinisme. Plusieurs biologistes accepteraient le type d'homéostasie du monde Daisyworld, mais ne considèreraient pas la biosphère comme ayant les caractéristiques d'un véritable organisme. Les détracteurs du modèle, pour le paradigme concernant la théorie de l'évolution sont principalement le généticien Richard Dawkins et le paléontologue Stephen Jay Gould[71].

Richard Dawkins[72] insiste sur le fait que la planète n'a que peu de caractéristiques d'un organisme vivant (bien qu'elle en ait quelques-unes), et qu'il lui manque en particulier les notions de « compétition », de « prédateurs » et en bref de « pression de sélection » pour en faire un organisme au sens de ceux forgés par la sélection naturelle. Il la voit plutôt comme un système vaguement homéostatique, sans aucun des réglages fins et efficaces qui caractérisent les organismes vivants du monde biologique, et qui sont issus de la compétition cumulée sur plusieurs générations. Pour lui, ce sont les gènes qui contrôlent l’évolution de la vie et non pas le système gaïen. Les gènes seraient regroupés ensemble dans une molécule plus générale : le réplicateur. La critique principale de Dawkins tient sur le fait que le modèle gaïen se rapproche d'une pseudo-science se fondant sur une vision téléologique.

En 1982, Richard Dawkins et W. Ford Doolittle‎, un autre néo-darwiniste, avancent l’idée, par opposition à la notion de co-évolution, que rien dans la sélection naturelle puisse permettre de dire qu'il existe un altruisme à grande échelle des espèces. Le partenaire de Dawkins, W. Ford Doolittle‎ réfute quant à lui le fait que Lovelock se réclame de la perspective darwinienne : « J.Lovelock ideas are inconsistent with everything we now think we know about the evolutionnary process » explique-t-il dans son article « Is Nature really motherly? »[70]. Il accuse de même le fondateur de la théorie Gaïa d'avoir escamoté les faits systémiques pour promouvoir sa vision.

Stephen Jay Gould et ses successeurs ont développé l'idée que la biomasse initiale (bactérienne et virale) ne rend pas la planète plus « hospitalière » pour elle-même, mais crée, en émettant des gaz issus de sa physiologie et en proliférant, les conditions qui à leur tour permettent l'apparition de formes de vie moins simples et moins résistantes (eucaryotes, pluri-cellulaires, etc.) qui à leur tour constituent et modifient les milieux dans un sens qui permet l'apparition de nouvelles formes de vie de plus en plus complexes et fragiles... jusqu'à ce qu'un évènement endogène (tectonique, volcanique, biochimique, etc.) ou exogène (astronomique, météoritique, solaire...) vienne recréer des conditions plus rudes, dans lesquelles seules survivent les espèces extrémophiles (en grande majorité unicellulaires) : ce sont les phases d'extinction de masse décrites dans la théorie des « Équilibres ponctués ». Dans cette théorie, la prolifération d'une seule espèce au détriment des autres peut être un facteur endogène d'extinction.

Développement du modèle Gaïa en science

Sur l'écologie profonde

Fritjof Capra, dans The Web of Life, utilise l'analogie de Gaïa pour expliquer l'émergence de la sphère virtuelle inhérente au Web. Par ailleurs, le modèle de Lovelock eut un puissant retentissement sur la discipline de l'écologie ; elle permit surtout le développement de l'écologie profonde[73](« deep ecology » en anglais), fondé sur une spiritualité prônant la communion avec la Nature, et qu'un étudiant de Lovelock, Stephen Harding[74] contribua à développer, dans son livre Animate Earth: Science, Intuition, and Gaia[75]. La proximité du modèle de Lovelock avec les canons de l'écologie profonde est extrêmement forte d'après Anne Barbeau Gardiner[76].

Sur l'écologie

Les mouvements de l'écologie profonde prennent assise sur le sentiment religieux permis par l'hypothèse Gaïa.

L’« hypothèse Médee »[77] du paléontologiste Peter Ward s'oppose ainsi à Gaïa ; pour Ward au lieu de favoriser la vie, la Terre serait en quelque sorte suicidaire (comme Médée dans la mythologie grecque) en permettant à la Vie d'exister. La biosphère tendrait à redevenir le domaine des organismes microbiens et unicellulaires. Par ailleurs, pour Ward « Life is toxic » (« la vie est toxique »), et elle cause tous les problèmes à la Terre. On parle à propos de l'hypothèse Médée d'une théorie anti-Gaïa.

Article détaillé : théorie Gaïa.

Les théories Gaïa constituent un ensemble d'hypothèses qui font suite au modèle de Lovelock, qui s'en est du moins désolidarisé. Combinant l'émergentisme et l'holisme, elles postulent que :

  • à une extrémité est la constatation que les organismes vivant sur Terre ont modifié sa composition, l'apparition d'une atmosphère contenant une forte concentration d'oxygène (au début, simple déchet des algues bleues, puis à son tour moteur d'un autre type de vie, la « vie aérobique ») en étant un exemple typique ;
  • une position intermédiaire consiste à considérer la Terre comme un organisme auto-organisé, qui fonctionne de telle façon que le système conserve une sorte d'équilibre (n'en posséderait-il pas qu'il aurait d'ailleurs probablement disparu) ;
  • hypothèse extrême dans l'autre sens, certains émettent l'hypothèse que le système « manipulerait » consciemment le climat afin de maintenir les conditions les plus favorables à la vie, en d'autres termes que le mécanisme serait de type « intentionnel » et non de type « causal ».

Tim Flannery, en 2007 dans Les faiseurs de pluie. Comprendre et préserver l'équilibre climatique[78] établit un constat du problème planétaire du changement climatique au niveau des divers domaines écologiques, économiques ou politiques. Flannery se réfère, dès le premier chapitre, « les outils de Gaïa » à l'hypothèse de Lovelock et conclut comme lui que le danger pour la civilisation est sous-estimé, notamment par le GIEC. Lovelock salua ce livre (« le rapport de référence pour les années à venir » dit-il), également recommandé par Al Gore.

Influences de l'hypothèse Gaïa

Musique

Un oratorio, du compositeur américain Nathan Currier, intitulé Gaian Variations fut joué lors du Jour de la terre en 2004 au Lincoln Center, par le Brooklyn Philharmonic. Des textes de James Lovelock, Loren Eiseley et de Lewis Thomas y furent mêlés.

Un groupe de Heavy Metal et de Folk Rock appelé Mago de Oz a composé deux chansons : Gaia et La Vengaza de Gaia, qui évoquent les conclusions de Lovelock. Le groupe The Disco Biscuits de Philadelphie mentionne Gaïa plusieurs fois, dans sa chanson magistrale : Jigsaw Earth, de leur album de 2002 Senor Boombox.

Cinéma

Certains films catastrophes exploitent l'idée de Lovelock : le film Alerte ! de Wolfgang Petersen décrit ainsi la contamination de l'humanité par un virus que la Nature produit pour se débarrasser de l'homme, intrigue également utilisée dans Phénomènes de M. Night Shyamalan. Le film Final Fantasy : les Créatures de l'esprit exploite nommément le concept de Gaïa.

L'hypothèse de Lovelock étant de plus en plus connue pour le grand public, les documentaires destinés à sensibiliser les consciences se multiplient. David Attenborough a ainsi produit, en deux tomes, La Planète vivante[79]

Science-fiction et littérature

Isaac Asimov en 1965.

Isaac Asimov s'est aussi intéressé à ce concept dans sa description d'une planète hypothétique, Gaïa, dans le Cycle de Fondation (en particulier : Fondation foudroyée, et Terre et Fondation). La planète en question présente la caractéristique de ne former qu'un seul être, par conséquent, tous ses habitants communiquent, partagent connaissance et émotions, et agissent dans le sens de l'intérêt commun. Cependant, Gaïa se trouve fortement lié au concept de robotique ; certains de ses habitants seraient des robots, ou auraient été éduqués pour obéir en fonction des lois de la robotique. L'un des personnages principaux de Fondation foudroyée, Trevize, autorise à la fin du roman l'établissement d'un fonctionnement similaire à Gaïa pour l'ensemble de la Galaxie ; un projet nommé Galaxia, dont l'élaboration se poursuivra sur plusieurs siècles, au dépit des autres propositions d'organisation de la Galaxie (respectivement faites par la Première et la Seconde Fondation). Ce n'est qu'à la fin de Terre et Fondation que Trevize, personnage principal de ce dernier roman du Cycle de Fondation, arrivé au terme d'une quête de la vérité quant à son propre mode de pensée, enchâssée dans une quête de la planète des origines (la Terre) que cherche son compagnon Pelorat, comprendra la motivation qui l'a poussé à choisir cette organisation malgré les nombreuses critiques (suppression de la liberté d'agir et de penser individuellement notamment) qu'il formulait contre elle : unir la galaxie contre d'hypothétiques envahisseurs extra-galactiques, ce qu'empêchaient les architectures plus instables proposées par les Fondations. Le Cycle de Fondation se clôt donc sur une explication de la contre-productivité des Fondations qu'il présentait ; le personnage d'Hari Seldon perd toute crédibilité ; la structure de la Galaxie entière est amenée à être bouleversée dans la direction de l'hypothèse Gaïa. Dans Lovelock (1994), un roman de l'écrivain de science-fiction Orson Scott Card, co-écrit avec Kathryn H. Kidd, l'auteur invente une science futuriste : la Gaïaologie, science interdisciplinaire qui permet la colonisation de l'espace. Grâce au modèle de Lovelock, les humains peuvent réaliser et conduire la terraformation des planètes colonisées. Un autre écrivain de science-fiction, Brian Aldiss, dans sa trilogie d'Helliconia, présente des planètes intelligentes. Enfin, dans son roman Portent James Herbert fait référence au modèle de Lovelock.

Le thriller La théorie Gaïa (2008) de Maxime Chattam exploite la peur écologique. Gaïa de Yannick Monget utilise l'idée que la Terre se rebelle contre l'homme. Par ailleurs, dans Gaïa : Carnets secrets de la planète bleue (2003) Alan Simon (Auteur), Marc Chaubaron (Illustrations), et Bernard Werber (Préface) chantent la beauté de la planète. Enfin, le poète américain, et activiste en écologie profonde Gary Snyder réalise un poème intitulé Little Songs for Gaia dans son recueil Axe Handles, publié en 1983.

Références

  1. Lovelock considère les deux dénominations comme équivalentes. Voir à ce propos l'entretien avec le journaliste Lawrence E. Joseph en 2000.
  2. James Lovelock, p. 30.
  3. James Lovelock, p. 204.
  4. Voir sur ce point l'ouvrage de Stephen H. Schneider, James R. Miller, Eileen Crist and Penelope J. Boston, Scientists Debate Gaia, MIT Press, 1993, (ISBN 0262691604). L'ouvrage explore toutes les disciplines scientifiques à l'œuvre dans le modèle gaïen, qui ne se confond néanmoins pas avec celui du Earth System Science, davantage reconnu par la communauté scientifique
  5. James Lovelock, p. 43.
  6. Article sur Transversales, par Jean Zin, 6 avril 2006, intitulé « La revanche de Gaïa (James Lovelock) ».
  7. Joël de Rosnay, Le Macroscope, Seuil, Point Essais, 1977, (ISBN 2-2020045672).
  8. James Lovelock, p. 54.
  9. James Lovelock, p. 27.
  10. L'hypothèse Gaïa et le modèle E.S.S.
  11. Voir à ce propos la frise chronologique réalisée sur le site de la conférence de Bruno Latour pour le double cursus Sciences et Sciences sociales intitulé Cartographie des controverses scientifiques ou techniques.
  12. Voir pour plus d'informations le cours en ligne sur le site de l'université de Laval, Québec.
  13. Robert Charlson, Meinrat Andrea et Stephen Warren. L'hypothèse CAW est confirmée expérimentalement par M. O. Andreae en 1978.
  14. Acronyme des noms des auteurs Charlson, Lovelock, Andreae et Warren.
  15. Article Contrasting simulated past and future responses of the Amazonian forest to atmospheric change de Sharon A Cowling, Richard A Betts, Peter M Cox, Virginia J Ettwein, Chris D Jones, Mark A Maslin, and Steven A Spall, revue de The Royal Society of London, 2004, 59(1443), p.539–547.
  16. Article de Goldblatt, C., T. M. Lenton and A. J. Watson (2006). Bistability of atmospheric oxygen and the great oxidation, Nature n° 443, p.683-686.
  17. Peter Liss : publications.
  18. James Lovelock, p. 23.
  19. James Lovelock, p. 57
  20. Voir à ce sujet l'article paru en 2000 Let’s reclaim Gaia for science du géologue néerlandais, Westbroek, défenseur de Lovelock. Westbroek considère que la récupération de l'hypothèse par les mouvements New Age a contribué à décrédibiliser le modèle, pourtant de portée éminemment scientifique.
  21. L'association Gaïa pour la défense des animaux.
  22. James Lovelock, p. 6.
  23. Erich Jantsch, The self-organizing universe Pergamon Press, 1980
  24. « Georges Trevelyan, David Spangler s'accordent avec la théosophiste Alice Bailey pour dire que la Terre et les autres planètes, ainsi que le soleil, sont des êtres divin ou semi-divins » Wouter Hanegraaf, New Age and Western Culture, Suny Press, 1998 p. 156
  25. « Je ne regrette pas d'avoir choisi Gaïa. Ce titre m'a été suggéré par William Golding, prix Nobel de littérature et auteur de Lord of the Flies. Gaia évoque l'aspect intuitif de la science aussi bien que l'aspect rationnel. Il transforme une théorie en un présence personnelle, plus accessible au non-scientifique. » in James Lovelock
  26. Voir pour plus d'information l'article Eugene Odum sur la wikipédia anglophone.
  27. Donald Wortser, Les pionniers de l'écologie : une histoire des idées écologiques, le sang de la terre, coll. « La pensée écologique », Paris, 1992 (ISBN 2-86985-054-9), p.100.
  28. in Géographie politique, Éditions régionales européennes Economica, Paris, 1988.
  29. Vladimir Ivanovich Vernadsky, La Biosphère, 2e édition revue et augmentée, Paris, Librairie Félix Alcan, 1929, 323p. (Rééd. avec une préface de Jean-Paul Deléage : Paris, Seuil, coll. « Points/Science », 2002.
  30. Walter Cannon, Transactions of the Congress of American Physicians and Surgeons, in Jubilee Volume for Charles Richet, 1926, p. 91, repris dans The Wisdom of the Body.
  31. James Lovelock, p. 39.
  32. James Lovelock, p. 40.
  33. James Lovelock, p. 41.
  34. Expérience publiée dans la revue Nature : Lovelock, J.E. and Kump, L.R., (1994), Failure of climate regulation in a geophysiological model, n° 369:732-734.
  35. Stephan Harding, biographie et travaux.
  36. Tim Lenton, Université d'Anglia, fiche biographique et travaux.
  37. (en) « Gaia and natural selection », in Nature, 1998. Voir également le chapitre Expériences et constatations ayant conduits à Gaïa.
  38. Cité par la revue Nature, vol n° 426 des 18/25 décembre 2003.
  39. James Lovelock, p. 12-13.
  40. Voir à ce propos : (en) Gaia metaphor unfalsifiable de James W. Kirchner, Division of Geological and Planetary Sciences, California Institute of Technology, Pasadena, California, publié dans Nature n° 345, 470 (07 Juin 1990).
  41. Notamment à propos de la question du nucléaire civil. Voir à ce propos l'article du journal Le Monde du 10/06/04 de trois scientifiques : Benjamin Dessus, Gustave Massiah et Jean-Pascal van Ypersele et qui conclut sur la naïveté de Lovelock dans ce domaine : « On reste confondu devant la naïveté de tels propos qui détournent des vraies questions auxquelles l'humanité va se trouver confrontée. L'obscurantisme n'est pas toujours du côté que l'on croit. James Lovelock nous en apporte tristement une nouvelle preuve. »
  42. Anne Primavesi, Gaia's gift, Taylor & Francis, 2007 ; Le Don de Gaïa en français, non encore traduit.
  43. James Lovelock, p. 14.
  44. Vaclav Havel, le « président-philosophe» dont « la vie est une œuvre d'art» selon Milan Kundera Interview sur France24, a adhéré philosophiquement à Gaïa Vaclav Havel alors président de la République tchèque, conférence à l'Independence Hall, Philadelphie, 4 juillet 1994. Voir aussi son allocution au Forum 2000, le 4 septembre 1997 et sur le site de l'OMC.
  45. (en) Gaia metaphor, par Hugh Rance.
  46. Kirchner a publié en réalité une série d'articles consacrés à la réfutation du modèle de Lovelock, disponibles en ligne [pdf].
  47. « Gaia metaphor unfalsifiable », Nature, 345, 470, 1990.
  48. Compte-rendu à la Presse disponible sur le site de l'UNED.
  49. Extrait du compte-rendu de la Déclaration d'Amsterdam de 2001 : « A new system of global environmental science is required. This is beginning to evolve from complementary approaches of the international global change research programmes and needs strengthening and further development. It will draw strongly on the existing and expanding disciplinary base of global change science; integrate across disciplines, environment and development issues and the natural and social sciences; collaborate across national boundaries on the basis of shared and secure infrastructure; intensify efforts to enable the full involvement of developing country scientists; and employ the complementary strengths of nations and regions to build an efficient international system of global environmental science., disponible sur le site de l'UNED. »
  50. James Lovelock, p. 18.
  51. Mary Midgey, Science And Poetry, Routledge, 2001, (ISBN 0415378486).
  52. James Lovelock, p. 23.
  53. James Lovelock, p. 214.
  54. James Lovelock, p. 155.
  55. « Se faisant l’avatar d’une longue lignée de néo-Malthusiens, Lovelock affirme que la croissance démographique est la racine de notre problème ». À la suite de Nietzsche, qui avait appelé l’homme une « maladie » sur la « peau” de la Terre, Lovelock parle de nous comme de « la maladie de la Terre, la fièvre provoquée par peste des gens.» Nous ne sommes pas particulièrement « spéciaux », dit-il, en tant qu’« animaux individuels », mais nous sommes plus comme une « maladie planétaire.» Il aspire au monde de 1800 « lorsque nous n’étions seulement qu’un milliard », et annonce que notre nombre actuel n’est « pas viable » et exige un « retrait », c’est-à-dire une réduction drastique. C’est également l’état d’esprit de l’Écologie profonde qui, depuis Arne Naess, voient la crise écologique comme étant principalement la conséquence de la surpopulation », extrait de l' Article de juin 2008 de Anne Barbeau Gardiner dans la New Oxford Review, commentant les ouvrages de James Lovelock.
  56. a  et b James Lovelock, p. 17.
  57. James Lovelock, p. 47.
  58. James Lovelock, p. 52.
  59. Mihail Budyko, L’Effet des variations du rayonnement solaire sur le climat de la terre en 1969, édité par Tellus.
  60. Article de Lovelock, J. E., and M. Whitfield, 1982, Life span of biosphere, publié dans la revue Nature n° 296, 561-563.
  61. James Lovelock, p. 19.
  62. James Lovelock, p. 27.
  63. James Lovelock, p. 183.
  64. James Lovelock, p. 26.
  65. James Lovelock, p. 19.
  66. Voir à ce propos l'analyse de Benjamin Dessus, Gustave Massiah et Jean-Pascal van Ypersele, tous trois scientifiques, parue dans l'édition du 10/06/2004 du journal Le Monde.
  67. James Lovelock, p. 24.
  68. James Lovelock, p. 18.
  69. Reviews of Geophysics, 1989, 27, pp. 223-235, disponible en ligne [pdf].
  70. a  et b Doolittle, W.F. (1981), Is nature really motherly? (A critique of J.E. Lovelock's Gaia: A New Look at Life on Earth), CoEvolution Quarterly 29:58-63.
  71. L'essentiel des critiques est disponible dans l'ouvrage synthétique JConnie C. Barlow de Connie C. Barlow, MIT Press, Cambridge, 1991, (ISBN 0262023237).
  72. Richard Dawkins, dans The Selfish Gene, Oxford University Press, 1989, Oxford, The Blind Watchmaker, W.W Norton and Company, 1986, New York et dans The Extended Phenotype, Oxford university Press, 1982, Oxford émet l'essentiel de ses critiques contre le modèle Gaïa.
  73. « L’écologie profonde [Deep Ecology] est une vision du monde qui rejette la foi chrétienne en un homme, créé à l’image de Dieu et racheté par Lui, qui est au centre du système de valeurs dans ce monde. Fondée par le philosophe norvégien Arne Naess en 1972, l’écologie profonde prétend être un changement de paradigme civilisationnel majeur, car elle fait de l’écosystème le nouveau centre de toute valeur », d'après Anne Barbeau Gardiner, professeur émérite au John Jay College, City University of New York.
  74. Stephan Harding.
  75. Animate Earth: Science, Intuition, and Gaia.
  76. Article de juin 2008 de Anne Barbeau Gardiner dans la New Oxford Review.
  77. Voir à ce propos l'article de la Wikipédia anglophone.
  78. Flannery Tim, 2007, Les faiseurs de pluie. Comprendre et préserver l'équilibre climatique, Points, Paris, Le Seuil, (édition originale 2005, traduction en français 2006).
  79. David Attenborough, La Planète vivante, Alpa Media, 1987, 120mn.

Notes

  1. « Earth System Science is not entirely equivalent to the Gaia Hypothesis, although both take an interdisciplinary approach to studying systems operations on a planetary-scale. Earth System Science seeks to understand the mass and energy transfers among interacting components of the Earth System (biosphere, hydrophere, geosphere, atmosphere, and anthrosphere), which is not entirely synonymous to the the Gaia principle » explique l'ouvrage, p. 443.
  2. « Si l’augmentation de température que je prévois, de 6 à 8°C, se produit, la civilisation pourrait bien se trouver menacée : nous aurons une extinction en masse des espèces, et l’agriculture deviendra impossible sur une bonne partie du globe. La nourriture sera insuffisante, il y aura des conflits, l’humanité se concentrera autour des régions polaires » explique James Lovelock, p. 126.
  3. La «théorie du gène égoïste », élaborée par Richard Dawkins en 1976, stipule que c'est la conservation du gène qui est le but de l'évolution, non l'individu en tant que tel. Ce concept influença de manière profonde les théories biologiques actuelles.
  4. Professeur en entomologie pour le département Organismic and Evolutionary Biology à l’université d’Harvard et à la Pellegrino University Research.
  5. La sociobiologie fut popularisée par le biologiste américain Edward Osborne Wilson dans son livre Sociobiology: The New Synthesis paru en 1975.
  6. Lovelock et ses partisans n'ont de cesse dans leurs ouvrages de se référer à la cybernétique. Néanmoins, certains processus ne sont pas reconnus comme systémiques par certains détracteurs comme Richard Dawkins.
  7. « Abiotique » : se dit d'un milieu où la vie est impossible (dictionnaire Le Robert). Avant Lovelock, les sciences de la Terre et du Vivant s'opposaient quant à la question de l'inter-influence du milieu sur l'espèce et vice-versa. On opposait ainsi le Vivant au règne minéral, comme l'on oppose encore, explique Lovelock, « esprit » et « corps » en sciences humaines.
  8. « Je considère la Terre comme un super organisme et sa physiologie devrait être étudiée. »
  9. Dans son livre The Lives of a Cell (La vie de la cellule), Thomas explique en effet : « I have been trying to think of the earth as a kind of organism, but it is no go. I cannot think of it this way. It is too big, too complex, with too many working parts lacking visible connections. The other night, driving through a hilly, wooded part of southern New England, I wondered about this. If not like an organism, what is it like, what is it most like? Then, satisfactorily for that moment, it came to me: it is most like a single cell. »
  10. Notamment par l'intermédiaire de David Wilkinson, biologiste au département Biological and Earth Sciences, John Moores University, Liverpool, auteur de trois ouvrages sur Gaïa et le modèle ESS (voir la bibliographie proposée).
  11. « Selfish gene » en anglais. Pour Dawkins, le but de l'évolution n'est pas la sauvegarde de l'individu, mais celle de ses gènes.
  12. « Daisyworld » signifie le « monde des pâquerettes » en français.
  13. C'est sur cette constatation que repose le modèle « CLAW » ; voir le chapitre Expériences ayant conduit à l'hypothèse Gaïa ci-dessus.
  14. Voir ainsi la Genèse, 28 : « Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. »
  15. Notamment le chapitre 4 intitulé : The Gaia hypotheses: are they testable? Are they useful?.
  16. Conférence intitulée : Challenges of a Changing Earth: Global Change Open Science Conference, Amsterdam, The Netherlands, 13 juillet 2001.
  17. « Anthropique » : c'est-à-dire d'origine humaine.

Bibliographie

Ouvrages de James Lovelock

  • (fr) James Lovelock, Les âges de Gaïa, Robert Laffont, 1990, 291 p. (ISBN 2221065859) 
  • (fr) James Lovelock, La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa, Flammarion, coll. « Champs », 1999, 11 cm x 18 cm, 192 p. (ISBN 2080812831) 
  • (fr) James Lovelock, Gaïa. Une médecine pour la planète, Sang de la Terre, coll. « Guides Pratiques », 2001, 20 cm x 25 cm (ISBN 2869851405) 
  • (fr) James Lovelock, La revanche de Gaïa, J'ai Lu, coll. « J'ai Lu Essai, n° 8579 », 2008, 11 cm x 18 cm (poche), 256 p. (ISBN 2290007080).
    seconde publication
     
  • (en) (en) James Lovelock ; Michael Allaby, The Great Extinction.The Solution to One of the Great Mysteries of Science, the Disappearance of the Dinosaurs, Doubleday, New York, 1983, 182 p. (ISBN 038518011X) 
  • (en) (en) James Lovelock ; Michael Allaby, The Greening of Mars, André Deutsch Ltd, Londres, 1984, 215 p. (ISBN 0446329673) 
  • (fr) Bruno Comby, Le nucléaire, avenir de l’écologie ?, L'oeil F.x. De Guibert, 1996 ; 1998 (réimpr. 314) (ISBN 2868394175).
    préface de James Lovelock
     

Ouvrages et articles en anglais sur l'hypothèse Gaïa

  • (en) (en) Connie C. Barlow, From Gaia to selfish genes : selected writings in the life sciences, MIT Press, Cambridge, 1991 (ISBN 0262023237).  
  • (en) (en) James Lovelock, « The Earth is about to catch a morbid fever », dans The Independent, 16 janvier 2006 
  • (en) (en) Axel Kleidon, Beyond Gaia: Thermodynamics of Life and Earth system functioning in Climatic Change, 2004, 271-319 p. (ISSN 0165-0009) 
  • (en) (en) James Lovelock, The Ages of Gaia: A Biography of Our Living Earth, 1995 (ISBN 0-393-31239-9) 
  • (en) (en) James Lovelock, Gaia: A New Look at Life on Earth, 2000 (ISBN 0-19-286218-9) 
  • (en) (en) James Lovelock, Hommage to Gaia: The Life of an Independent Scientist, 2001 (ISBN 0-19-860429-7) 
  • (en) (en) James Lovelock, How to think about science, 2006.  
  • (en) (en) Lynn Margulis, Symbiotic Planet: A New Look at Evolution, Weidenfeld & Nicolson, London, 1998 (ISBN 0-297-81740-X) 
  • (en) (en) Marshall, A, The Unity of Nature, Imperial College Press, London, 2002 (ISBN 1860943306) 
  • (en) Staley, M, « Darwinian selection leads to Gaia », dans Journal of Theoretical Biology, Sept 7 2002  
  • (en) (en) Lee R. Kump, James F. Kasting, Robert G. Crane, The Earth System, Prentice Hall, 1999 (ISBN 0131773879) 

Annexes

Articles connexes

Disciplines et concepts scientifiques

Autour de l'hypothèse Gaïa

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