Friedrich Nietzsche (biographie)

Friedrich Nietzsche (biographie)
Friedrich Nietzsche
Nietzsche vers 1875
Nietzsche vers 1875

Naissance 15 octobre 1844
Röcken
Décès 25 août 1900 (à 55 ans)
Weimar
Nationalité Flag of Prussia (1750).gif Prusse
Profession Philologue
Activité principale Philosophie
Autres activités Musique, poésie
Formation Philologie
Famille Elisabeth Förster-Nietzsche

Friedrich Wilhelm Nietzsche est un philosophe et un philologue allemand né le 15 octobre 1844 à Röcken, Prusse, près de Leipzig, et mort le 25 août 1900 à Weimar (Allemagne).

Le présent article est une biographie de ce philosophe. Pour l'article sur sa pensée, voir article principal : Friedrich Nietzsche.

Sommaire

De 1844 à 1869

Roecken et Naumburg (1844 – 1858)

Friedrich Wilhelm Nietzsche naît à Roecken, en Prusse, le 15 octobre 1844, dans une famille pastorale luthérienne. Son père, Karl-Ludwig, né en 1813, et son grand-père avaient enseigné la théologie. Le père de Nietzsche, qui éduqua un membre de la famille royale de Prusse, fut un protégé de Frédéric-Guillaume IV. Mais la maladie (de violents maux de tête) le contraignit à demander une paroisse dans la région de sa famille, vers Naumburg-sur-Saale. Karl-Ludwig et sa femme, Franziska (1826 – 1897), s'installèrent à Roecken. Ils eurent deux fils, Friedrich et Ludwig Joseph (27 février 1848 – 4 janvier 1850), et une fille, Elisabeth Nietzsche (10 juillet 1846 – 1935).

Franziska

En août 1848, le père de Nietzsche fit une chute et se cogna la tête contre les marches de pierre d'un perron. Il mourut un an plus tard, l'esprit égaré, le 30 juillet 1849. Quelque temps plus tard, en janvier 1850, le frère de Nietzsche meurt à son tour :

« En ce temps-là, je rêvai que j'entendais l'orgue dans l'église résonner tristement, comme aux enterrements. Et comme je cherchais la cause de cela, une tombe s'ouvrit rapidement et mon père apparut marchant dans son linceul. Il traversa l'église et revint bientôt avec un petit enfant dans les bras. [...] Dès le matin, je racontai ce rêve à ma mère bien-aimée. Peu après, mon petit frère Joseph tomba malade, il eut des attaques de nerfs et mourut en peu d'heures. »

Nietzsche et sa mère quittent alors Roecken pour Naumburg. Nietzsche ressent ce départ comme un abandon du village natal :

« [...] l'abandon du village natal ; l'entrée dans l'agitation urbaine, tout cela agit sur moi avec une telle force que chaque jour je la ressens en moi. » (Note d'octobre 1862).

Il souhaite à cette époque être pasteur comme son père. Il développe une conscience scrupuleuse, particulièrement portée à l'analyse et à la critique de soi, et fière, croyant à la noblesse de la famille Nietzsche (selon une tradition familiale transmise par sa grand-mère, les ancêtres des Nietzsche venaient de Pologne et s'appelaient alors Nietzki). Son caractère est bien résumé par cette remarque qu'il fit à sa mère : « Un comte Nietzki ne doit pas mentir. »

Vers l'âge de neuf ans il se met au piano, compose des fantaisies et des mazurkas, écrit de la poésie. Il s'intéresse à l'architecture, et, pendant le siège de Sébastopol, en 1854, à la balistique. Il créa également un théâtre des Arts, où il joua avec ses amis des tragédies qu'il écrivit (Les dieux de l'Olympe, Orkadal).

Il entre au collège de Naumburg à l'âge de dix ans. Élève brillant, sa supériorité fait que sa mère reçut le conseil de l'envoyer à Pforta. Elle accepta et obtint une bourse du roi Frédéric-Guillaume. En 1858, avant de partir pour Pforta, le jeune Nietzsche s'interroge sur la nature de Dieu :

« À douze ans, j'ai vu Dieu dans sa toute-puissance. » (Note de 1858).

Cherchant à expliquer le mal, il l'intègre à la Trinité : le Père, le Fils et le Diable. Nietzsche rédige alors un cahier où il consigne l'histoire de son enfance, et conclut :

« Il est si beau de faire repasser devant sa vue le cours de ses premières années et d'y suivre le développement de l'âme. J'ai raconté sincèrement toute la vérité, sans poésie, sans ornement littéraire... Puissé-je écrire encore beaucoup d'autres cahiers pareils à celui-ci ! »

Pforta (1858 – 1862)

Nietzsche en 1861

Il entre au collège de Pforta en 1858, collège où passèrent Novalis, les frères Schlegel, Fichte. Il y apprendra les langues et les littératures de l'Antiquité. Il y rencontre Gersdorff (1844 – 1904) et Paul Deussen (1845 – 1919), futur sanskritiste. Cette époque est marquée par les premières questions angoissées sur son avenir, par de profonds troubles religieux et philosophiques et par les premiers symptômes violents de la maladie.

L'unique document dont nous disposons sur les premiers mois de la vie de Nietzsche dans ce collège relate une anecdote qui exprime sa personnalité : il y avait une discussion à propos de l'histoire de Mucius Scaevola. Les camarades de Nietzsche la tenaient pour une légende, personne ne pouvant avoir le courage de plonger sa main dans le feu. Nietzsche, alors, se saisit d'un charbon brûlant dans un poêle allumé et le tint devant les yeux de ses camarades.

Pendant les vacances d'été 1859, il visita Iéna et Weimar. Il écrit quelques récits philosophiques :

« C'est ma vie que je découvre. [...] – Même en ce beau monde, il y a des malheureux. Mais qu'est-ce donc, le malheur ? »

À partir de la rentrée d'août 1859, il rédige un journal, projette des plans d'études en géologie, astronomie, latin, hébreu, sciences militaires et enfin en religion. Il souffre d'un appétit dévorant de connaissances et éprouve de grandes difficultés à se décider pour un domaine d'étude bien délimité :

« Je devrai détruire plusieurs de mes goûts, cela est clair, et, pareillement, en acquérir de nouveaux. Quels seront les malheureux que je jetterai par-dessus bord ? Peut-être mes plus chers enfants ! »

Les années passent dans la discipline sévère de Pforta, et, à dix-sept ans, il lit Schiller, Hölderlin (Hypérion et Empédocle), Lord Byron où il trouve son inspiration. Il se passionne pour Manfred :

« Le savoir est triste : ceux qui savent le plus
Plus profondément pleurent la vérité fatale,
L'arbre du savoir n'est pas l'arbre de la vie. »

Nietzsche aimait à improviser au piano, ce qui provoquait l'admiration de Gersdorff et de Deussen :

« De sept heures à sept heures et demie, nous nous rendions ensemble à la salle de musique. Je ne crois pas que les improvisations de Beethoven aient été plus poignantes que celles de Nietzsche, surtout lorsque l'orage couvait au ciel. » (Lettre de Gersdorff à Peter Gast, 14 septembre 1900).

Il souhaite alors abandonner la théologie pour devenir musicien, mais sa mère l'en dissuade, il doit continuer ses études. Sa foi est néanmoins de plus en plus faible ; les écrits de cette époque témoignent d'une inquiétude profonde face aux problèmes religieux et philosophiques qu'il rencontre. Il hésite à délaisser l'autorité de la tradition pour les enseignements positifs des sciences naturelles :

« Qu'est-ce que l'humanité ? Nous le savons à peine : un degré dans un ensemble, une période dans un devenir, une production arbitraire de Dieu ? L'homme est-il autre chose qu'une pierre évoluée à travers les modes intermédiaires des flores et des faunes ? Est-il dès à présent un être achevé ? que lui réserve l'histoire ? ce devenir éternel n'aura-t-il pas de fin ? [...] Se risquer, sans guide ni compas, dans l'océan du doute, c'est perte et folie pour un jeune cerveau ; la plupart sont brisés par l'orage, petit est le nombre de ceux qui découvrent des régions nouvelles... »

Il commence alors à souffrir de violents maux de tête et de troubles visuels.

Il passe enfin les derniers examens qu'il obtient de justesse à cause des mathématiques. Mais ses professeurs lui donnèrent son diplôme au vu de l'excellence dont Nietzsche faisait preuve dans les autres matières. En octobre 1862, il quitte Naumburg en compagnie de Paul Deussen et d'un cousin de ce dernier, et se rend à l'université de Bonn.

Bonn (1862 – 1863)

En 1862, il entre à l'université de Bonn. Il participe à la vie étudiante, malgré son caractère réservé : promenades sur le fleuve, auberges et un duel qu'il fit avec un bon camarade, n'ayant pas d'ennemi. Il reçut un coup d'épée au visage et en garda une cicatrice. Mais Nietzsche se sent mal à son aise dans ce milieu, et il passe seul, dans la tristesse, les fêtes de fin d'année. C'est le début d'une longue série de Noëls solitaires, passé à examiner sa vie, à se reprocher le temps perdu. Cherchant à remédier à la situation, il proposa de réformer l'association d'étudiants mais il fut mis à l'écart.

Il y étudie la philologie, une discipline qui ne l'intéresse pas. Mais sa passion de la connaissance rendait difficile un choix qui lui fut véritablement agréable. Il travaille avec intensité, en partie pour oublier sa solitude, partie grâce au soutien vigoureux de Friedrich Wilhelm Ritschl (1806 – 1876), un professeur latiniste auteur d'ouvrages importants sur Plaute. Nietzsche écrit alors quelques mémoires. Il ne trouve aucun intérêt aux modes matérialistes et démocratiques de pensée de bien des étudiants de son âge, et se sent toujours tourmenté par la recherche de la vérité :

« Pour un véritable chercheur, le résultat de la recherche n'est-il pas indifférent ? Dans notre effort que cherchons-nous ? le repos, le bonheur ? Non, rien que la vérité, tout effrayante et mauvaise qu'elle puisse être. » (Lettre à sa sœur).

Leipzig (1863 – 1867)

Nietzsche suivit Ritschl à Leipzig où ce dernier avait été nommé professeur. Il commence à lire Schopenhauer, et fait la connaissance d'Erwin Rohde.

Au cours de ses études à l'université de Leipzig, la lecture de Schopenhauer (Le Monde comme volonté et comme représentation, 1818) va constituer les prémices de sa vocation philosophique. Toutefois, l'importance de cette lecture, qui sera au fondement de sa relation avec Wagner, est contestée, car Nietzsche, à cette même époque, s'intéresse à des penseurs rationalistes, en particulier Démocrite[1]. En outre, il lit bien d'autres penseurs et scientifiques : Lange, von Hartmann, Emerson notamment. C'est à cette époque qu'il rencontre brièvement Wagner, en 1868, à Leipzig[2].

Une anecdote bien connue, datant de février 1865, rapporte que Nietzsche qui s'était rendu à Cologne pour assister à un festival de musique, fut conduit dans une maison de tolérance où il se retrouva au milieu de femmes en tenue très légère : « J'allai droit à ce piano [dans le salon] comme au seul être qui dans cette pièce eût une âme. » Il fit une improvisation, se leva et partit.

De Bâle à la maladie (1869 – 1879)

Élève brillant, doué d'une solide éducation classique, Nietzsche est nommé à 24 ans professeur de philologie à l'université de Bâle, puis professeur honoraire l'année suivante[3]. Il développe pendant dix ans son acuité philosophique au contact de la pensée de l'antiquité grecque dans laquelle il voit dès cette époque la possibilité d'une renaissance de la culture allemande[4], — avec une prédilection pour les Présocratiques, en particulier pour Héraclite et Empédocle, mais il s'intéresse également aux débats philosophiques et scientifiques de son temps. Pendant ses années d'enseignement, il se lie d'amitié avec Jacob Burckhardt et Richard Wagner (qu'il revoit à partir de 1869) dont il serait un parent éloigné[5]. En 1870, il s'engage comme infirmier volontaire dans la guerre franco-allemande, mais l'expérience est de courte durée, Nietzsche tombant malade. Bien qu'il soit à cette époque patriote, Nietzsche commence à formuler quelques doutes à propos des conséquences de la victoire prussienne.

Wagner et Nietzsche

Richard Wagner

Il fait la connaissance de Richard Wagner en 1869.

En 1872 paraît L'origine de la tragédie, qui obtient un certain succès, mais qui le discrédite comme philologue et fait l'objet d'une vive querelle avec le philologue Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff[6]. Erwin Rohde, philologue et ami de Nietzsche, et Wagner qui considère ce texte comme l'expression de sa pensée, prennent sa défense. Nietzsche formera ensuite le projet d'écrire une dizaine d'essais, les Considérations Inactuelles, mais il n'en paraîtra finalement que quatre, et, mis à part Richard Wagner à Bayreuth, ces œuvres eurent très peu de succès.

Au premier semestre de l'été 1872, il donne des cours sur Eschyle, Les Choéphores, et sur les philosophes pré-platoniciens. Il fait également un séminaire sur Théognis. Erwin Rohde publie un compte rendu de La Naissance de la tragédie le 26 mai et à la fin du mois parait le pamphlet de Willamowitz-Moellendorff contre ce premier ouvrage :

« Que M. Nietzsche tienne parole, qu'il prenne son thyrse, qu'il aille d'Inde en Grèce, mais qu'il descende de sa chaire, où il doit enseigner la science ; qu'il réunisse tigres et panthères à ses pieds, s'il le veut, mais non les jeunes philologues allemands. »

Sa sœur vient s'installer à Bâle le 1er juin.

Le 23 juin, Wagner publie une lettre ouverte à Nietzsche dans la Norddeutsche Allgemeine Zeitung pour prendre sa défense. Dans une lettre du 25, Wagner lui écrit :

« À strictement parler, vous êtes, après ma femme, le seul gain que la vie m'ait apporté. »

Nietzsche se rend à Munich, où se trouve également Mawilda von Meysenburg, du 28 au 30 juin pour assister à une représentation de Tristan et Isolde dirigée par Hans von Bülow. Le 20 juillet, Nietzsche envoie à ce dernier sa Manfred-Meditation qui est qualifiée d'épouvantable et de nuisible par le chef-d'orchestre, et de « viol d'Euterpe. » Franz Liszt jugera bien moins sévèrement une autre œuvre de Nietzsche.

Il prépare une étude, La Joute chez Homère. En septembre et octobre, il se promène en Suisse. Au semestre d'hiver 1872-73, il donne un cours sur la rhétorique grecque et romaine. Les étudiants se font rares, il n'a que deux auditeurs. Rohde se retrouve également isolé et dans une situation difficile. Wagner fait lui-même l'objet d'attaques assez basses (il est jugé cliniquement fou par un professeur de l'université de Munich).

Nietzsche passe Noël 1872 avec sa mère et sa sœur ; il offre à Cosima Wagner, pour son anniversaire, Cinq préfaces à cinq livres qui n'ont pas été écrits. Le 26 décembre, il est à Weimar pour assister à une représentation de Lohengrin. Il rencontre Ritschl à Leipzig qui le blâme de son manque de réussite en tant que professeur. L'incompréhension, ou peut-être l'amertume, du maître est extrême ; dans une lettre à Wilhelm Vischer datée du 2 février 1873, il fait de Nietzsche ce portrait instructif :

« Mais notre Nietzsche ! – C'est vraiment un chapitre affligeant, comme vous l'exprimez vous-même dans votre lettre – en dépit de toute votre bienveillance pour l'homme remarquable qu'il est. Il est étonnant de constater comment dans cet être deux âmes cohabitent. D'une part, la méthode la plus rigoureuse dans la recherche scientifique et académique [...] d'autre part, cet engouement wagnéro-schopenhauérien pour les mystères de la religion esthétique, cette exaltation délirante, ces excès d'un génie transcendant jusqu'à l'incompréhensible ! »

Du 6 au 12 avril, Rohde et Nietzsche sont à Bayreuth. Nietzsche a avec lui le manuscrit de La Philosophie à l'époque tragique des Grecs qu'il lit à Cosima et à Wagner. Il revient à Bâle le 15 avril, où il commence sa première Considération inactuelle sur David Strauss.

Friedrich Nietzsche, vers 1875.

Vers 1875, Nietzsche tombe gravement malade, et, à la suite de plusieurs malaises, ses proches le croient à l'agonie. Presque aveugle, subissant des crises de paralysie, de violentes nausées, l'état d'esprit de Nietzsche se dégrade au point d'effrayer ses amis par un cynisme et une noirceur qu'ils ne lui connaissaient pas. Nietzsche commence à se détacher de Wagner qui le déçoit de plus en plus, et il considère le milieu wagnérien comme un rassemblement d'imbéciles n'entendant rien à l'art wagnérien[7]. Alors que Nietzsche rédige Richard Wagner à Bayreuth, il écrit dans ses carnets une première critique de son ami. Non seulement il ne se sent plus lié avec ce dernier par la philosophie de Schopenhauer, mais Wagner s'est révélé un ami indiscret, ce qui conduira Nietzsche à ressentir certains propos de Wagner comme des offenses mortelles. Wagner soupçonna en effet Nietzsche de quelques penchants « contre-nature » censés expliquer son état maladif : « un effet de penchants contre nature préfigurant la pédérastie[8] ».

Il abandonne alors ses idées sur l'Allemagne dans lesquelles il ne voit plus que grossièreté et illusions. Il discute longuement avec Paul Rée, avec qui il partage ses idées et son cynisme sur l'hypocrisie de la morale[9], et commence à écrire un livre, d'abord intitulé Le soc, puis Humain, trop humain. Quand Wagner reçoit ce dernier livre (envoi auquel il ne répondra pas), Cosima Wagner, l'épouse de Richard, écrit dans son journal : « Je sais qu'ici le mal a vaincu. » L'antisémitisme de Cosima semble également avoir joué un rôle dans la rupture entre son mari et Nietzsche[10].

En 1877, Marie Baumgartner traduit en français Richard Wagner à Bayreuth.

En 1878, rupture avec Wagner.

En 1879, Nietzsche obtient une pension car son état de santé l'oblige à quitter son poste de professeur[11]. Commence alors une vie errante à la recherche d'un climat favorable aussi bien à sa santé qu'à sa pensée (Venise, Gênes, Turin, Nice - où il sera en même temps que Guyau sans le savoir vers 1888, Sils-Maria, etc.) :

« Nous ne sommes pas de ceux qui n'arrivent à former des pensées qu'au milieu des livres — notre habitude à nous est de penser en plein air, marchant, sautant, grimpant, dansant… ».

L'errance en Italie et en France (1879 – 1888)

À la fin du mois d'avril 1881, Nietzsche est à Gênes, travaillant à la correction des épreuves d'Aurore avec Peter Gast. Le travail est achevé à la mi-juin. En juillet, il est à Sils-Maria et lit Hellwald (Histoire de la civilisation, La Terre et ses habitants) et le livre de Kuno Fischer sur Spinoza. Il voit en ce dernier l'un de ses précurseurs.

C'est au mois d'août que se situent les pensées sur l'éternel retour. Nietzsche est alors dépressif.

En septembre, il étudie les sciences de la nature. Il écrit à Overbeck (18 septembre) :

« Sum in puncto desperationis. Dolor vincit vitam voluntatemque. » (« Je suis désespéré. La douleur a vaincu la vie et la volonté. »)

Il retourne à Gênes à la fin du mois où, toujours en mauvaise santé, Nietzsche entend la Sémiramide de Rossini, Giulietta e Romeo et Sonnambula de Bellini. Il entend également Carmen, l'opéra de Bizet, qui le marquera à vie. À la mi-décembre, Nietzsche projette d'écrire une suite à Aurore.

Lou Andreas-Salomé, Paul Ree et Nietzsche en 1882

En mars 1882, Paul Rée fait la connaissance de Lou Andreas-Salomé à Rome, chez Malwida von Meysenburg. Nietzsche apprend par sa sœur que Bernhard Förster, un antisémite notoire, se fait passer pour l'un de ses disciples. Il se rend à Messine, puis à Rome où il fait la connaissance de Lou Andreas-Salomé. En mai 1882, Lou, Rée et Nietzsche se rendent en Suisse. Nietzsche corrige les épreuves des Idylles de Messine et met au propre une copie du Gai Savoir.

Nietzsche passe les mois de novembre et décembre 1882 à Rapallo. Ses relations avec Lou Andreas-Salomé et Paul Rée se dégradent. À la fin du mois de janvier 1883, il écrit au propre la première partie d'Ainsi parlait Zarathoustra.

En 1882, alors qu'il a recouvré la santé et que son moral inquiète parfois ses amis par son exubérance, Nietzsche rencontre Lou Andreas-Salomé avec qui il projette de créer un « cercle des esprits libres », une « Trinité » (comprenant Rée) d'étude — au sens de la mythologie grecque. Nietzsche espérait à cette époque fonder un jardin épicurien exclusivement consacré à la culture et acceptant hommes et femmes. Lou l'a ébloui et subjugué par son intelligence (il disait reconnaître en elle sa « sœur intellectuelle »). Lou qui, à vingt et un ans, avait abjuré tout sentiment amoureux, repousse par deux fois une demande en mariage de Nietzsche, après lui avoir fait peut-être espérer des sentiments réciproques (elle notera dans ses souvenirs qu'elle ne savait plus si elle avait embrassé Nietzsche). Ce refus l'affecta profondément, lui qui, malgré ses critiques contre les femmes, sentait le besoin d'une compagne qui le comprenne : depuis son plus jeune âge, Nietzsche avait vécu très souvent en compagnie de sa sœur, Elisabeth, sœur dévouée et fidèle jusqu'à la jalousie[12]. Avec la maladie, Nietzsche avait besoin de quelqu'un pour s'occuper de lui, et toutes les femmes de son entourage (sa mère et sa vieille amie Malwida von Meysenbug) le poussaient à se marier. La même année, il commence à écrire Ainsi parlait Zarathoustra lors d'un séjour à Nice. Nietzsche ne cesse d'écrire avec un rythme accru.

Il refuse une invitation à Rome de Mawilda von Meysenburg et continue de travailler au manuscrit de Zarathoustra. Le 13 février, Wagner meurt. Nietzsche l'apprend le lendemain et écrit à Cosima.

Nietzsche est ensuite de nouveau à Gênes à partir du 23 février 1883. Il lit le livre de son ami Paul Deussen sur la doctrine des Védanta. Il rompt ses relations avec Rée et Lou, et déprime gravement :

« Je ne comprends plus du tout à quoi bon je devrais vivre, ne fût-ce que six mois de plus [...] » (Lettre à Overbeck, 24 mars).

Le jugement de Gast à propos de Zarathoustra lui remontera le moral : « À ce livre il faut souhaiter la diffusion de la Bible, son prestige canonique, la série de ses commentaires, sur laquelle repose en partie ce prestige. » (Lettre à Nietzsche, 2 avril 1883). Vers la fin du mois, il renoue avec sa mère et se décide à rencontrer sa sœur à Rome, où il loge chez le peintre Max Müller. Avec sa sœur, il voyage en Suisse et séjourne de nouveau à Sils-Maria. Il écrit la deuxième partie d'Ainsi parlait Zarathoustra au mois de juillet. Il se brouille définitivement avec Lou :

« Elle me manque, même avec ses défauts. [...] Maintenant c'est comme si j'étais condamné au silence ou à une sorte d'hypocrisie humanitaire dans mes rapports avec tous les hommes. » (Lettre à Overbeck, fin août).

Fin août 1883, il retrouve Overbeck à Schuls et envisage de donner des cours à Leipzig. Le recteur de l'université, qui est un ami de Nietzsche, lui explique que sa candidature serait un échec à cause de ses idées sur le christianisme. Il part alors pour Naumburg le 5 septembre. Sa sœur se fiance avec Bernard Förster, l'antisémite soi-disant admirateur de Nietzsche.

Il passe à Bâle début octobre, chez les Overbeck, puis à Gênes. Il tombe malade, ressent la solitude de plus en plus durement, et fait le bilan accablant des dernières années qu'il vient de passer. À la fin novembre, il passe à Villefranche, puis s'installe à Nice pour l'hiver. Il rencontre Joseph Paneth, l'ami de Freud. Il est de plus en plus malade : « Malade, malade, malade ! » (Lettre à Overbeck, 26 décembre 1883). Il écrit néanmoins la troisième partie d'Ainsi parlait Zarathoustra en janvier 1884. Nouvel enthousiasme de Peter Gast. Nietzsche s'interroge avec inquiétude sur la portée de sa philosophie :

« Est-elle vraie ou plutôt sera-t-elle crue vraie – c'est ainsi que tout changera et se renversera et que toutes les valeurs traditionnelles seront dévaluées. » (Lettre à Overbeck, 10 mars 1884).

Il rompt de nouveau avec sa sœur : « Ce maudit antisémitisme est la cause d'une rupture radicale entre ma sœur et moi. » (Lettre à Overbeck, 2 avril).

À la fin du mois d'avril, il se rend à Venise avec Peter Gast : « [...] je frémis à la pensée de tout l'injuste et l'inadéquat qui un jour ou l'autre se réclamera de mon autorité. » (Lettre à Mawilda von Meysenburg, juin 1884). Puis il est de nouveau chez les Overbeck, à Bâle, de la mi-juin au 2 juillet. Il fait la connaissance de Meta von Salis à Zurich vers la mi-juillet. Il séjourne pour la troisième fois à Sils-Maria de juillet à septembre. Du 26 au 28 août, il reçoit Heinrich von Stein.

À Nice, en janvier 1885, il écrit la quatrième partie d'Ainsi parlait Zarathoustra. Il le fait paraître à ses frais vers la fin mars en tirage limité à 40 exemplaires.

Le 22 octobre 1887, Nietzsche, venant de Venise, arrive à Turin. Il s'installe à la Pension de Genève. Commence une phase où Nietzsche se retourne sur sa vie et son œuvre :

« Dix ans de maladie, plus de dix ans ; et pas simplement une maladie pour laquelle il existe des médecins et des remèdes. Quelqu'un sait-il seulement ce qui m'a rendu malade ? Ce qui, des années durant m'a tenu au seuil de la mort, et appelant la mort ? Je n'en ai pas l'impression. [...] Ces dix dernières années que j'ai derrière moi m'ont fait amplement apprécier ce que cela signifie d'être seul, isolé à ce point. [...] Pour n'en retenir que le meilleur, cela m'a rendu plus indépendant ; mais aussi plus dur, et plus contempteur des hommes que je ne le souhaiterais moi-même. » (Lettre à Overbeck, 12 novembre).

Il écrit beaucoup, avec le sentiment de la tâche accomplie ou sur le point de l'être :

« [...] je sais ce qui est fait, et ce qui est définitivement réglé : c'est un trait qui est tiré sous toute mon existence jusqu'alors : – voilà le sens des dernières années. Sans doute, par cela même, l'existence que j'ai menée jusqu'ici a révélé ce qu'elle était réellement – une simple promesse. » (Lettre à Peter Gast, 20 décembre).

Il lit Montaigne, Galiani, le Journal des Goncourt. Le 26 novembre, il reçoit une lettre de Georg Brandes :

« Vous faites partie du petit nombre d'hommes avec qui j'aimerais causer. »

Vers la fin de l'année, Nietzsche retombe dans la dépression :

« [...] le poids de mon existence pèse à nouveau plus lourd sur mes épaules ; presque pas un jour entièrement bon ; [...] » (Lettre à Overbeck, 28 décembre).

Néanmoins, dans les mois qui suivent, qu'il passe à Nice, il travaille beaucoup et annonce à Gast, dans une lettre du 13 février 1888, qu'il a terminé la mise au propre du premier livre de l'Essai d'une inversion des valeurs. (cf. Cahiers WII 1, WII 2, WII 3). Il lit Plutarque, Baudelaire, Dostoïevski, Tolstoï, Renan, Benjamin Constant. Sa célébrité s'accroît : Carl Spitteler fait des comptes rendus des livres de Nietzsche dans le canton de Berne, et Georg Brandes fait des conférences sur la pensée de Nietzsche à Copenhague.

Il quitte Nice le 2 avril, et se rend en pèlerinage à Gênes le 4, avant de parvenir à Turin, ville « pour les pieds comme pour les yeux, un lieu classique ! » (Lettre à Gast, 7 avril). Il rédige le Cas Wagner et travaille toujours autant (cf. Cahiers WII 5, WII 6). Son humeur est particulièrement joyeuse, « il souffle ici un air délicieux, léger, espiègle, qui donne des ailes aux pensées trop lourdes... » (Lettre à Gast, 1er mai).

À Sils-Maria depuis le début du mois de juin, sa santé se dégrade de nouveau. Il se diagnostique un épuisement nerveux général incurable en partie héréditaire (Lettre à Overbeck, 4 juillet). Il s'occupe de l'impression du Cas Wagner et élabore un dernier plan de la Volonté de puissance. Essai d'une inversion de toutes les valeurs daté du 29 août. Il lit la Vie de Richard Wagner par Ludwig Nohl, et Rome, Naples et Florence de Stendhal qu'il admire. Il passe quelques semaines avec son amie Meta von Salis. Richard Meyer, un étudiant d'origine juive, lui offre anonymement 2000 marks. Nietzsche emploie alors toutes les ressources dont il dispose pour faire imprimer ses livres et se plaint des pratiques douteuses de certains éditeurs : « Mais je suis en guerre : je comprends que l'on soit en guerre avec moi. » (Lettre à Spitteler, 25 juillet). Il restera à Sils-Maria jusqu'au 20 septembre.

Après un voyage difficile, Nietzsche arrive de nuit à Turin. Le Cas Wagner paraît alors, tandis qu'il travaille avec Gast à l'impression du Crépuscule des Idoles et que le manuscrit de L'Antéchrist est prêt pour l'impression le 30 septembre.

Les derniers mois : octobre – décembre 1888

La folie (1889 – 1900)

Portrait datant de 1889

L'effondrement

Nietzsche s'effondre le 3 janvier 1889 à Turin. Alors qu'il croise une voiture dont le cocher fouette violemment le cheval, il s'approche de l'animal, enlace son encolure et éclate en sanglots, interdisant à quiconque d'approcher le cheval : « Nietzsche (...) fut assez fou pour pleurer auprès d'un animal, sous le regard ou contre la joue d'un cheval que l'on frappait. Parfois je crois le voir prendre ce cheval pour témoin, et d'abord, pour le prendre à témoin de sa compassion, prendre sa tête dans ses mains » (Jacques Derrida, L'Animal que donc je suis). Overbeck, alerté par des lettres délirantes de Nietzsche, accourt le 8 janvier. Nietzsche chantait et hurlait sans cesse depuis plusieurs jours, prétendant être le successeur de Napoléon pour refonder l'Europe, créer la « grande politique ». Vu l'état extrême d'agitation de Nietzsche, Overbeck se fait aider d'un dentiste bâlois de passage à Turin, qui pour le calmer lui fait croire qu'à Bâle on prépare les festivités et les cérémonies qu'il croit lui être dues. Au départ de la gare de Turin, Nietzsche veut haranguer la foule ; on lui fait comprendre que ce n'est pas digne d'un homme de son rang.

Arrivé à Bâle, on le conduit dans une clinique d'aliénés dont le directeur s'était entretenu avec Nietzsche sept ans plus tôt. Nietzsche se rappelle en détail cette rencontre, mais ne se rend pas compte qu'il est dans un asile d'aliénés — il remercie pour le bon accueil qui lui est fait[13].

Au début de cette folie, Nietzsche semble s'identifier aux figures mythiques et mystiques de Dionysos et du Christ, symboles pour lui de la souffrance et de ses deux interprétations les plus opposées. Il parle constamment et chante beaucoup, se rappelant encore ses compositions musicales et ses poèmes. Selon le témoignage de son ami Overbeck venu le chercher à Turin, il est alors encore capable d'improviser au piano de bouleversantes mélodies ; pendant quelque temps, il sera encore capable de tenir des conversations, mais celles-ci, selon son ami Overbeck, sont stéréotypées et Nietzsche ne semble capable que d'évoquer certains souvenirs. Il prononcera encore quelques phrases, comme ce jour où, sur une terrasse ensoleillée, il s'adresse à sa sœur : « N'ai-je pas écrit de beaux livres ? » ; il notera encore quelques phrases plus ou moins cohérentes comme celle-ci : « Maman, je n'ai pas tué Jésus, c'était déjà fait. » Sa mère était en effet très pieuse, et les différends de Nietzsche avec elle en matière de religion remontaient à l'adolescence.

Il reçoit plusieurs visiteurs, et certains tentent de le récupérer pour leur propre cause. Puis, au bout de quelques années, il sombre dans un silence presque complet jusqu'à sa mort. Quand Overbeck le revoit pour la dernière fois, en 1892, il trouve Nietzsche dans un état végétatif.

Il est soigné par sa mère, puis par sa sœur revenue d'Amérique du Sud, jusqu'à sa mort, le 25 août 1900.

La maladie de Nietzsche

On s'est beaucoup interrogé sur les causes de sa maladie et l'image même d'un penseur devenu fou a conduit à diverses appropriations, du vivant même de Nietzsche[14]. Certaines théories à ce sujet ont eu pour but de réduire la pensée de Nietzsche à sa folie. Une explication qui fut couramment acceptée, est relative à la syphilis que Nietzsche avait contractée, comme nombre d'artistes et écrivains célèbres de son temps, et qui dans sa phase tertiaire, dite de « neurosyphilis » peut mimer toutes sortes de pathologies psychiatriques. Nietzsche, au début de sa folie (« folie » qui ne l'empêchait pas dans les premiers temps de discuter presque normalement), déclara avoir été infecté en 1866. Il semble, d'après les travaux d'Otto Binswanger, qui s'est occupé de lui lors de son internement, que Nietzsche ait présenté une démence vasculaire : maladie de Binswanger comparable à la leucoaraiose, ce qui va dans le sens des propos de Franz Overbeck, qui, quand il le revoit pour la dernière fois, en 1892, trouve Nietzsche dans un état végétatif.

Mais il convient cependant de relativiser les informations que l'on possède sur la -possible- syphilis de Nietzsche : Cette maladie pourrait être une légende inventée par un critique, Lange-Eichbaum, après la Seconde Guerre mondiale.

Des études récentes, peu crédibles (?), penchent pour un cancer du cerveau. Récemment, un médecin, le docteur Leonard Sax, directeur du Montgomery Centre for Research in Child Development, a montré que Nietzsche avait en réalité une tumeur cérébrale. L'autopsie du père de Nietzsche avait déjà montré la présence d'une tumeur au cerveau. Les témoignages rassemblés par Janz montrent que plusieurs proches de Nietzsche étaient des « originaux », et quelques-uns malades des nerfs. On peut donc également évoquer une affection psychiatrique ou une pathologie neurologique au travers de ces antécédents. Nietzsche a également rapporté le témoignage de sa tante Rosalie, selon laquelle le père de Nietzsche fut soudain atteint de troubles mentaux, qu'il devint incapable de parler, avant de mourir quelques mois plus tard.

Certains évoquent le fait que les proches de Nietzsche lui ont fourni des drogues dangereuses pour soigner ses maux de tête ; il apparaîtrait que ces drogues non seulement provoquent une dépendance très forte, mais présentent des risques de psychose toxico-induite.

Cette dernière explication est cependant une invention de la sœur du philosophe ; en effet elle cacha également le fait que Nietzsche eût sans doute contracté la syphilis, et falsifia le témoignage de Nietzsche sur son père afin de dissimuler la possibilité d'une maladie héréditaire (elle prétendit que leur père avait fait une chute, ce qui est formellement contredit par les lettres de leur mère datant de l'année d'agonie de son mari).

L'influence d'Élisabeth

Nietzsche devenu aliéné, c'est sa sœur, Elisabeth, qui s'occupa de gérer la publication des œuvres et des carnets de son frère. Elle fonda dans ce but le Nietzsche-Archiv et mis toute son énergie à faire connaître les œuvres de son frère[15]. Sœur dévouée que Nietzsche aimait profondément jusqu'à ce qu'elle se marie avec un antisémite virulent, Bernhard Förster[16], elle fut une fervente admiratrice de Guillaume II et adhéra ensuite à certaines idées nazies[17], rencontrant Hitler (qu'elle soutint comme elle soutint également Mussolini). Elle fit publier les dernières œuvres de Nietzsche, mais manipulera certains textes de son frère. Elle composa ainsi La Volonté de puissance, un livre dont Nietzsche élabora plusieurs plans sans l'achever, préférant en faire plusieurs livres. Elle écrivit également plusieurs livres sur son frère dont le caractère hagiographique a été remis en cause. La critique historique a établi qu'Elisabeth procéda à des falsifications des œuvres de jeunesse, des lettres et des fragments posthumes de son frère[18]. Malgré les opinions nazies et les manipulations avérées de la sœur de Nietzsche, ces falsifications et l'enrôlement par le nazisme sont deux aspects de la réception du texte nietzschéen qui restent nettement distincts[19],[20]. Si Elisabeth a cherché activement à associer le nom de Nietzsche à ceux de Hitler et Mussolini[21], en revanche elle a eu également l'occasion d'écrire à plusieurs reprises combien son frère était opposé à l'antisémitisme, et a expliqué les propos anti-juifs de Nietzsche dans les années 1870 par une influence du milieu wagnérien dont il s'était par la suite libéré. Il est donc difficile de voir dans la sœur de Nietzsche une instigatrice de la récupération des textes nietzschéens[22].

Bibliographie

  • Paul Deussen, Souvenirs sur Friedrich Nietzsche, Le Promeneur, Gallimard, 2002
  • Cosima Wagner, Journal, 4 volumes, Paris, Gallimard, 1979
  • Daniel Halévy, Nietzsche, Grasset, 1944
  • Henri Guillemin, Regards sur Nietzsche, Seuil, 1991
  • Franz Overbeck Souvenirs sur Nietzsche, Éd. Allia 1999
  • H.F. Peters, Nietzsche et sa sœur Elisabeth

Notes

  1. Paolo D'Iorio estime que l'on se méprend en donnant une telle importance à Schopenhauer et à la période wagnérienne de Nietzsche, qui n'est pour lui qu'une parenthèse. Voir « Système, phases, chemins, strates », in Nietzsche, Philosophie de l'esprit libre, éditions Ens, 2004.
  2. Keith Ansell Pearson, « Friedrich Nietzsche: An Introduction to his Thought, Life, and Work », in A Companion to Nietzsche, Blackwell, 2006, p. 3 :
    « Nietzsche had made the personal acquaintance of Wagner in November 1868 in Leipzig [...]. »
  3. Cette nomination n'est pas le résultat du choix exclusif de Friedrich Ritschl, comme Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff l'a prétendu (c'est pourtant cette version de l'histoire qui est la plus répandue) ; le conseiller éducatif de la ville de Bâle devait choisir un jeune philologue pour une place vacante. Il demanda l'avis de six professeurs, dont deux évoquèrent le nom de Nietzsche : Ritschl, déjà cité, et Hermann Usener. Ensuite, le choix définitif fut voté par le conseil de la ville. On ne peut donc parler de « népotisme », comme l'a fait Wilamowitz, sans doute pour se venger de l'affaire de la Naissance de la Tragédie dans laquelle il s'était opposé à Nietzsche de manière virulente. (Source : Mazzino Montinari, Friedrich Nietzsche).
  4. Les livres de sa première période, La Naissance de la Tragédie et les Considérations Inactuelles, sont entièrement centrés sur la question de la régénérescence de l'esprit allemand, ce que Nietzsche regrettera amèrement par la suite. Voir l'Essai d'auto-critique : «  Mais il y a dans ce livre quelque chose de pire encore, et que je regrette beaucoup plus que d’avoir obscurci et défiguré par des formules schopenhaueriennes mes visions dionysiennes : c’est de m’être, en un mot, gâté le grandiose problème grec, tel qu’il s’était révélé à moi, par l’intrusion des choses modernes ! de m’être attaché à des espérances, là où il n’y avait rien à espérer, où tout indiquait trop clairement une fin ! d’avoir, à propos de la plus récente musique allemande, commencé à divaguer sur « l’âme allemande », comme si elle était justement sur le point de se découvrir et de se retrouver [...] ».
  5. Selon Janz, in Nietzsche, tome I, I, §2.
  6. « Upon its publication Nietzsche’s book met with vehement rejection by the philological community, and after being rejected by his mentor, Ritschl, Nietzsche had to admit that he had fallen from grace and was now ostracized from the guild of philologists. » Keith Ansell Pearson, « Friedrich Nietzsche: An Introduction to his Thought, Life, and Work », p. 4, in A Companion to Nietzsche, Blackwell, 2006.
  7. « [...] il y a de plus que Messieurs mes frères in wagnero sont bien trop bêtes et que leur écriture est à vomir. » KSB 2, 625, p. 378.(Trad. Lionel Duvoy in Le Masque de la décadence)
  8. Lettre de Richard Wagner à Hans von Wolzogen, du mardi 23 octobre 1877. Wagner, inquiet de la santé de Nietzsche, s'enquit auprès du médecin de son ami des causes de sa maladie. Celui-ci viola à cette occasion le secret médical. Le médecin affirma en effet à Wagner que la maladie de Nietzsche pouvait être la conséquence d'une vie de célibataire, ce que Wagner répéta si bien que Nietzsche en fut finalement informé. Ce qui fut ainsi mis sur la place publique par Wagner, c'est que Nietzsche souffrait des conséquences pathologiques que l'on attribuait, selon le préjugé de l'époque, à la pédérastie mais aussi à la masturbation. Voir la préface de É. Blondel au Cas Wagner, éditions Flammarion.
  9. Nietzsche lit le livre de Rée : Ursprung der moralischen Empfindungen (Origine des sentiments moraux, 1877).
  10. À propos de Humain, trop humain, elle écrit dans une lettre : « Un processus que j’avais déjà depuis longtemps vu venir, et que j’avais combattu de toutes mes modestes forces, vient de se déclencher chez l’auteur. Nombreux sont ceux qui ont collaboré à ce triste livre ! Et finalement, Israël s’y est incrusté sous la figure très lisse et très fraîche d’un Dr. Rée en quelque sorte séduit et asservi à Nietzsche, mais qui, en vérité, est en train de le duper ; c’est la relation, en petit, entre Judée et Germanie [...]. » Lettre de Cosima Wagner du 9 mai 1879 à Marie von Schleinitz, in KSA 15, pp. 83-84.(Trad. Lionel Duvoy in Le Masque de la décadence))
  11. « In early 1879 deteriorating health forced Nietzsche to resign from his position at Basel University, which granted him an annual pension. » Keith Ansell Pearson, « Friedrich Nietzsche: An Introduction to his Thought, Life, and Work », p. 7, in A Companion to Nietzsche, p. Blackwell, 2006.
  12. Elisabeth vénéra son frère dès le plus jeune âge, au point de lui reprocher ses premières amours. Elle s'occupa de son ménage à Bâle, et fut près de lui quand il tomba malade. Il y avait entre eux une complicité parfois faite de secrets qui échappaient à leur mère. Elle fut ainsi sa première confidente. Sur les relations très fortes entre Nietzsche et sa sœur, voir Nietzsche et sa sœur Elisabeth, H. F. Peters.
  13. Podach, L'effondrement de Nietzsche
  14. En France, l'un des premiers à écrire sur la folie de Nietzsche fut Téodor de Wyzewa, dont l'article « Frédéric Nietzsche : le dernier métaphysicien » (1891) a été critiqué par Daniel Halévy qui le jugeait de mauvais goût, ce que l'on pourrait rapprocher aujourd'hui de la presse people. Extrait :
    « C'est dans un asile d'aliénés qu'il m'aurait fallu aller voir, hurlant sous la douche, étirant ses longs bras, écarquillant ses énormes yeux ronds, et plus pareil encore à un chat de gouttière que lorsque je l'ai rencontré il y a trois ans, l'étonnant Frédéric Nietsche, philosophe, poète et compositeur de musique [...] »
  15. « She was entrepreneurial, succeeding in establishing the Nietzsche archives as a center of culture in Weimar and in making her brother the most widely read philosopher of the nineteenth century. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 221.
  16. Bernhard Förster appela à l'élimination en Allemagne de la « juiverie ». Il fut arrêté après avoir provoqué une bagarre contre des Juifs. Désespérant finalement de l'Allemagne, il partit avec Elisabeth fonder une communauté aryenne au Paraguay, Nueva Germania. Source : Nietzsche et sa sœur Elisabeth, H.F. Peters.
  17. Selon Robert C. Holub, il y a des lettres de la sœur de Nietzsche et des témoignages qui démontrent qu'elle avait finalement renoncé aux idées antisémites, et qu'elle jugeait choquantes les mesures violentes prises par les nazis à l'éncontre des juifs. Voir « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002.
  18. « From early on, persons working with her in the Nietzsche archives discovered that she was suppressing certain letters penned by her beloved “Fritz” that portrayed her in an unfavorable light, and even before her death in 1935 there was either suspicion of, or evidence for, numerous forgeries, distortions, or deceptions. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 217.
  19. Sur ce point, Mazzino Montinari : « Notons qu’on a fini également par “faire porter la faute” à Elisabeth Förster-Nietzsche pour ce qui concerne tous les abus liés au nom de Nietzsche, en tant que “philosophe du national-socialisme”; mais c’est une simplification inadmissible et une nouvelle légende. Les Bäumler (mais aussi les Lukács) et tous ceux qui ont maltraité “idéologiquement” Nietzsche, ont fait ceci pour leur propre compte, et n’avaient certainement pas besoin “d’être menés par le bout du nez” par une sœur plus qu’octogénaire. Comprendre la pensée de Nietzsche et l’interpréter sans déformations idéologiques, était possible, même sous l’“empire” de la Förster-Nietzsche à Weimar. »
  20. « In fact [...] Elisabeth’s falsifications, when examined for their content, add little or nothing to the Nazi image of Nietzsche. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 222.
  21. « Already in the 1920s she promoted her brother as the philosopher of fascism, sending her warmest good wishes to Benito Mussolini as “the inspired reawakener of aristocratic values in Nietzsche’s sense”; similarly, she invited Hitler several times to the archive in Weimar, even giving him the symbolic gift of Nietzsche’s walking stick in 1934. » Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, « Introduction », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 4 et 5.
  22. « If Nietzsche was going to be recruited for the anti-Jewish campaigns of National Socialism, racists could not depend on the writings of Elisabeth for any support. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 227.

Voir aussi


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