- Fragmentation éco-paysagère
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Fragmentation écopaysagère
La fragmentation ou le morcellement des écosystèmes / des habitats / écopaysagère(er) / écologique, est un phénomène artificiel de morcellement de l'espace, qui peut ou pourrait empêcher une ou plusieurs espèces vivantes de se déplacer comme elles le devraient et le pourraient en l'absence de facteur de fragmentation. Avec le concept d’hétérogénéité, celui de fragmentation est une des bases théoriques de l’Écologie du paysage.
Les individus, les espèces et les populations sont différemment affectés par la fragmentation de leur habitat, selon leurs capacités adaptatives, leur degré de spécialisation ou de dépendance à certaines structures écopaysagères, et aussi selon leur capacité à voler ou à franchir les obstacles facteurs de fragmentation (parois, grillages, routes, zones traitées par des pesticides, etc.), et selon la biologie de leurs populations.
La communauté scientifique (Évaluation des écosystèmes pour le millénaire) considère que la fragmentation écologique est devenue une des premières causes d'atteinte à la biodiversité, avant la pollution. L'observatoire wallon de la biodiversité estime par exemple qu'en 2000, 5 à 15% des espèces ont déjà disparu, que 30 à 50 % sont en régression et que La disparition et la fragmentation des espaces naturels en est la première cause[1].
Sommaire
Origine du concept
Godron & Forman en 1983 puis en 1986; et Forman en 1995 ont formalisé les bases de l'analyse quantitative de la structure et des composantes du paysage (ici compris comme une surface variable composé d’une mosaïque d'écosystèmes[4]), suivi notamment de Opdam en 1991 [5] Ils montrent que la fragmentation d’un habitat naturel est une forme de destruction de l'habitat qui (sauf pour quelques espèces ubiquistes et banales) affecte d’abord la taille des populations en augmentant les risques d'extinction[6].
Wiens en 1997 fait valoir que la fragmentation modifie la taille, les formes et l’isolement des « taches » du paysage, générant un impact sur les fonctions écopaysagères des éléments ainsi isolés et - par effet second - sur des éléments situés aux niveaux supérieurs ou inférieurs du paysage. La fragmentation ;
- induit le remplacement d’éléments écopaysagers par d’autres,
- modifie le contexte spatial, notamment en altérant la connectivité écologique et donc le degré d'intégrité éco-paysagère.
- est un puissant facteur d'isolement écologique de milieux naturels (ou semi-naturels) au sein d’une « matrice » plus « hostile » (car aux conditions environnementales altérées par les activités humaines ou leurs conséquences secondaires).
- par l’insularisation qu’elle provoque, en diminuant les taux de dispersion et d’immigration augmente les risques d'extinction[7].
- modifie les effets-bordure (écotone/effet lisière), plus ou moins selon les caractéristiques de la matrice environnante[8].
En France le concept a notamment été diffusé par le réseau Man and Biosphère de l'UNESCO, et le travail de Françoise Burel (Thèse à l'Université de Rennes) a été le début d'une suite de thèses et de travaux à Rennes, Montpellier et ailleurs.
Enjeux
L'enjeu principal est celui de l'intégrité écologique du milieu, car la fragmentation des habitats s'opposent aux besoins vitaux qu'ont la faune, la fonge et la flore de pouvoir se déplacer dans le paysage.
Les données de terrain, comme les analyses comparatives issues de la cartographie des corridors biologiques, d’images satellitaires, de photographies aériennes, ou de cartes anciennes montrent que les écosystèmes sont de plus en plus artificialisés et fragmentés, par des infrastructures de transport de véhicules, biens ou personnes ou d'énergie (lignes électriques, lignes téléphoniques). Les barrages hydroélectriques en sont un équivalent visible et facile à comprendre pour les réseaux fluviaux, mais d'autres barrières écologiques non-physiques existent (pollutions par des pesticides, des eutrophisants ou d'autres biocides sont également des facteurs majeurs de fragmentation, plus discrets, mais touchant de vastes espaces.
Les individus, mais aussi les populations sont confrontés à un nombre croissant de « verrous écologiques » (barrières physiques ou immatérielles) ou « goulots d'étranglement », qui - en fragmentant anormalement les écosystèmes - limitent ou interdisent la circulation des individus et populations et donc le mélange des gènes au sein de leur aire normale de répartition, au point de provoquer des régressions ou disparitions d'espèces, ou de les menacer à moyen ou long terme.
Même des animaux volants sont affectés : On a longtemps cru que les oiseaux et chauves-souris échappaient aux impacts de la fragmentation par les routes forestières, mais outre que certaines espèces sont très affectées par le Roadkill, diverses expériences (dont en Guyane dans le cadre de l'étude d'impact et des mesures compensatoires de la RN2) ou au Brésil[9] sur un site expérimental situé à 80 km au nord de Manaus ont montré que même sur des routes peu fréquentées, les oiseaux et les chauve-souris - en dépit de leur capacité à voler - sont affecté par la présence de routes dans les forêts. Sur les voies fréquentées et bruyantes, le seul bruit éloigne les oiseaux chanteurs (jusqu'à plus d'un km sous le vent dominant d'autoroutes en Grande-Bretagne) et les oiseaux urbains doivent adapter leurs chants pour s'entendre, notamment dans les basses fréquences ([10])
L'Écologie du paysage tente de répondre à des questions cruciales pour la Conservation de la nature. Quelle taille minimale d'habitat et quelle qualité d'interconnectivité faut-il conserver pour assurer la survie des espèces qui y coévoluent ? Protège-t-on mieux un plus grand nombre d'espèces et d'écosystèmes dans une grande réserve naturelle ou dans plusieurs petites ?
Définition
Des barrières naturelles existent dans la Nature. Les plus importantes sont les longues et hautes chaines montagneuses (ex : Alpes, Pyrénées, Andes, Himalaya..). Les grands déserts, les bras de mers en constituent d’autres (pour les espèces continentales). Les océans et la plupart des mers sont physiquement interconnectés, mais les zones dépourvues de nutriment, pauvres en plancton ou à température, salinité ou profondeur particulières présentent des caractéristiques qui leur confèrent une fonction de barrière pour certaines espèces (coralliennes par exemple).
Ces barrières ne peuvent être traversées en les contournant ou, dans le cas des montagnes, par les cols et/ou par certaines espèces (oiseaux notamment). Les oiseaux migrateurs étant eux-mêmes porteurs de divers parasites ou espèces involontairement transportées, parfois sous forme d’œuf ou de spore, ils contribuent deux fois par an à transporter divers organismes, qui ne constituent cependant qu’une infime part de la biodiversité.
Pour les espèces continentales, dans un bassin versant normal (illustration), ce sont les fleuves qui s’ils sont des corridors biologiques pour certaines espèces, sont les principales barrières naturelles. Les rivières sont des obstacles moins importants et les ruisseaux encore moindres. La plupart des espèces, après un certain temps peuvent traverser ou contourner les fleuves. Dans la nature le bassin versant est entièrement potentiellement accessible à de nombreuses espèces. Pour les espèces qui traversent difficilement un canal ou une route, ou sont incapables de traverser un champ traité par des pesticides, le paysage anthropisé, tel qu’il se développe depuis quelques décennies devient une succession d’obstacles plus ou moins infranchissables.
L’Homme prend peu à peu conscience qu’il est à l’origine de nombreuses et nouvelles barrières écologiques qui sont soit des zones impropres à la vie de nombreuses espèces, soit des zones simplement défavorables à la circulation et/ou à la reproduction des espèces. Elles peuvent être matérielles et visibles (un mur, une ligne de TGV ou une autoroute en France munis d’une double-clôture), mais elles sont souvent invisibles à nos yeux (on les dit alors parfois « immatérielles »). Il est possible que tous les types de barrière écologique ne soient pas encore identifiés.
- Exemples de barrières matérielles :
- infrastructures construites, telles que routes, autoroutes, voies ferrées, TGV, canaux (le canal de Panama ou de Suez coupent et isolent des continents), fleuves canalisés, barrages-réservoir ou hydroélectriques, lignes à haute tension, antennes ou câbles sur les corridors de migration, etc.
- zones urbanisées et très dévégétalisées
- zones artificialisées
- zones d’agriculture et de sylviculture intensive
- zones d’expérimentation ou culture OGM Outre que certaines plantes produisent leurs propre pesticide, ces champs doivent théoriquemnet gérés pour ne pas faciliter la dispersion de pollens, graines ou autres propagules.
- Exemple de barrières immatérielles :
- odeurs (l’odeur laissée par un chien ou par un humain peut durant quelques heures ou jours perturber des animaux craintifs qui y sont très sensibles)
- microclimats (température, hygrométrie, …)
- dérangement, perturbation, surfréquentation
- pollution sonore
- pollution lumineuse
- pollution thermique de l’eau, voire de l'air ou du sol (réseau de chaleur mal isolé)
- pollution atmosphérique (biocide, ozone, métaux lourds, …)
- pollution électromagnétique (lignes haute-tension, antennes-relais...)
Effets de bordure
Saunders et ses collègues en 1991, puis Collinge en 1996 montrent que les bordures artificiellement créées par la fragmentation subissent des altérations immédiates de facteurs importants tels que température, hygrométrie, vent, luminosité/albédo, odeurs qui perturbent ou bloquent les déplacements de certaines espèces. D'autres facteurs sont souvent altérés à moyen et plus long terme (qualité de sol et de l'eau, niveau de la nappe, qualité de l'air, bruit/dérangement, etc.). Ces effets-lisière perturbent d'abord les communautés animales, fongiques et végétales qui se trouvent à proximité de la lisière des îles ou îlots isolés par le phénomène de fragmentation. Ranney et ses collègues en 1981, et Chen et son équipe en 1992 ou Matlack en 1993 démontrent ce fait, notant par exemple, que des "effets lisières" sont nettement mesurables dans les forêts nord-américaines fragmentées sur 15 à 240 mètres selon les espèces animales et végétales étudiées.
Le drainage et les pompages effectués dans la "matrice" écopaysagère peuvent - suite à la baisse de la nappe - bouleverser l'écologie d'un îlot qui semblait a priori épargné, et ce bien au-delà de ses lisières, jusqu'en son cœur et en profondeur[12].
Voir aussi l'article LisièreDistance entre fragments
La distance entre fragments est un élément important de la théorie modèle de l'insularisation. Elle constituait un des indices de fragmentation[13], pratique pour la cartographie SIG. Néanmoins, dès 1986, Forman & Godron 1986 admettent que dans la réalité, l'effet de la distance entre fragments est relatif. Il varie selon les espèces (ubiquistes, volantes, nageant... ou spécialisées et inaptes aux grands déplacements). Et il est plus ou moins réduit ou à surpondérer selon d'autres facteurs, tels que :
- la nature de la matrice (le milieu qui sépare les îlots est plus ou moins "hostile" aux espèces insularisées),
- les habitats qu'elle abrite (habitats de substitutions parfois),
- le degré de similarité entre les îlots et les habitats de la matrice (proches ou au contraire très "opposés"),
- l'intensité, les dates, et les types d'activités humaines qui s'y déroulent, etc.
Taille, volume et forme des fragments
Elles influent sur la gravité relative des effets de bordure, pour des raisons géométriques notamment, et en fonction de leur exposition au vent, soleil, pluies, etc. Les petits fragments ou fragments allongés et trop fins seront les plus affectés par les effets de bordure, car ils ne disposent plus en leur centre d'importantes superficies intactes (parfois dites "cœur d'habitat"[14]).
Exemple : Morcellement par les réseaux de transport
Les infrastructures les plus opaques aux déplacements animaux et végétaux ou à haut risque de roadkill (mortalité animales par collision avec véhicules) restent le réseau de transport routier, autoroutier et ferroviaire (ligne TGV). Le réseau routier et autoroutier mondial continue à croître rapidement. Son maillage se densifie, s'interconnecte et les routes sont de plus en plus larges et « artificialisantes ». Le nombre de passages à faune est de très loin inférieur aux besoins. L’impact morcelant des routes a été très sous-estimé, mais on ne s’en est aperçu que très récemment. Faute d’être capable de le quantifier, les études d’impact continuent à le minimiser. Pour les petits mammifères, les insectes, les micro-organismes et certaines plantes, le problème est généralement purement et simplement éludé.
Pollution sonore et Pollution lumineuse
La pollution sonore semble se stabiliser dans les pays riches, mais croît rapidement dans les pays en développement. Contribuant au dérangement des espèces, elle concerne au moins 70% des espaces verts urbains et jardins particuliers, et espaces naturels bordant les principaux axes de déplacements. Pour des raisons de coût, elle n’est considérée que pour les habitations très proches des zones urbanisées. Des études réalisées en Grande Bretagne le long des autoroutes ont mis en évidence une disparition progressive des oiseaux chanteurs sur une bande de 2 km environ (et jusqu’à 4 kilomètres sous le vent dominant). Cette disparition est corrélée avec le niveau de décibels, mais varie aussi selon la proximité de l’axe, le relief, le trafic, le vent dominant, la nature du revêtement, la quantité de camions, la nature et la densité de la végétation, etc. À cet effet s’ajoute ceux de la pollution déposée par les véhicules (benzène, plomb, métaux du groupe du platine issus des pots catalytiques, etc).
Il serait intéressant de mesurer si le dérangement lié au bruit est identique sur les voies ferrées où le bruit est souvent plus important en décibels, mais discontinu dans le temps.
Aussi, le trafic aérien augmente de manière continue (de 7 à 10 % par an) dans les dernières années, et que son impact est très mal mesuré.La pollution lumineuse par l’éclairage des bâtiments, monuments et infrastructures et par les phares des véhicules n’est pas ou très peu analysée. Elle est très importante dans les pays riches. Il semble qu’elle ait des impacts qui ont été également très sous estimés.
Le morcellement par les routes
Le morcellement par les routes ne s’exerce pas qu’en surface, l'effet-barrière existe aussi pour les espèces du sol ou fouisseuses et pour d'autres espèces qui utilisent leurs galeries. Les espèces dont les spores, les germes ou les graines, les organismes ou les propagules sont transportées par celle-ci peuvent aussi être affectées. Les semelles de labour, le labour lui-même, les fonds de route auxquels on a souvent ajouté de la chaux et/ou du ciment sont homogénéisés, préparés et damés au point de présenter des résistances égales à celle d’un béton. Ils constituent une barrière physique absolue pour les taupes, micro-mammifères, vers de terre, insectes et leurs cortèges de micro-organismes associés. Ces animaux fouisseurs ne peuvent plus exercer leur fonction de « tunneliers » décolmatant, drainant et aérant les sol, qui participe à l’entretien des continuums biologiques souterrains dont on découvre ou redécouvre l’importance pour les arbres notamment. On trouvera dans la semelle routière quelques bactéries, mais dont la mobilité est très réduite. Si de la matière organique a été enfouie, seuls les champignons et quelques micro-organismes circuleront et éventuellement perceront le macadam. Parfois, les racines des arbres perceront le substrat là où il est fragile ou faillé, mais sans compenser l’absence d’un continuum superficiel. Les tunnels offrent un moyen de circuler en préservant des continuités écologiques, mais ils sont coûteux et depuis l’accident du tunnel du Mont Blanc, les aménageurs les limitent. Des espèces parfaitement volantes peuvent aussi être affectées. Par exemple, une étude récente a montré chez deux espèces de chauve-souris menacées, que le Myotis bechsteinii (spécialiste de la chasse près du sol) et qu'une espèce telle que Barbastella barbastellus (qui chasse plus en hauteur) sont différemment impactées par une autoroute : La première ne traverse que peu l’infrastructure, et seulement en empruntant les souterrains. Elle chasse et se reproduit moins bien aux abords de l'autoroute. Alors que l'autre espèce (B. barbastellus) y est bien moins sensible. En particulier, elle traverse plus volontiers l'autoroute, au dessus ou en dessous. Ces deux espèces nécessitent des corridors, des mesures compensatoires et conservatoires différentes[15].
Les barrières chimiques
Les barrières chimiques. Les fonds de route sont en effet parfois constitués de crassiers industriels, de cendres toxiques d’incinérateurs, de mâchefers riches en métaux lourds et autres micro-polluants, de certains déchets de fonderie. Des millions de tonnes de ces produits ont été acceptés avec des teneurs en métaux lourds et/ou en polluants organiques bien supérieures aux normes sol (normes AFNOR). De même, parfois moins officiellement, d’autres déchets dits inertes ou stabilisés et dont on s’aperçoit à l’usage qu’ils ne l’étaient pas, ont servi par exemple à restaurer des berges de rivières ou de canaux. Dans les milieux argileux acides et/ou sableux (souvent naturellement acides) les chantiers sont stabilisés à la chaux et/ou au ciment (jusqu’à plus de 10 kg par m2). Ces produits sont « toxiques » pour un grand nombre d’espèces qui vivent dans les milieux acides. Les laitances et les produits de ruissellement des bétons spéciaux frais, tels que ceux qui servent aux ouvrages de type dalles, fossés, bassins, muret coulé sur place, atteignent un pH de 11. Bien que les adjuvants de fabrication, au dire de leurs utilisateurs soient labellisés NF, ces laitances peuvent présenter un caractère neurotoxique spectaculaire (paralysie et mort immédiate par simple contact) pour la plupart des animaux à sang froid… et ce pendant plusieurs mois.
Des bas côtés, dépendance ou champs proches traités avec des pesticides constituent une barrière supplémentaire et absolue pour de nombreuses espèces, souvent durant la période de culture qui est aussi la période de développement des espèces qui auraient besoin de circuler sur le territoire. Les remembrements et l'intensification agricole qui suivent souvent les construction de routes ont produit dans presque tous les pays des champ de plus en plus vastes et hostiles à la biodiversité. Les routes ont aussi contribué au recul du bocage et des réseaux de fossés et de chemins qui constituaient autrefois un immense réseau permettant aux espèces de circuler. La densification des transports, et leur moindre coût relatif ont permis l'élevage hors sol, qui s'est traduit par un recul de l’herbage au profit du maïs, ce qui a également nuit aux espèces des milieux ouverts et enherbés, et à leurs possibilités de mobilité.Qualité des sols
Sécheresse et qualité du sol. Le drainage et l’imperméabilisation des routes et leurs abords sont de plus en plus efficaces. L’eau de ruissellement (polluée) est collectée dans des fossés parfois totalement imperméables, vers des bassins eux aussi souvent imperméables et/ou isolés (grillages de sécurité, parois abruptes et/ou plastifiées). Bien entendu, les risques réels de pollution de la nappe phréatique, particulièrement dans les champs-captant justifient la séparation des eaux. Mais l’absence d’eau ou d’humidité dans les fossés et sous les routes est un facteur supplémentaire de disparition d’espèces. Un sous-sol trop sec est par ailleurs inhospitalier et impénétrable par la plupart des espèces fouisseuses. Il s’oppose à la circulation souterraine de la faune. L’effet drainant des routes encastrées s’ajoute à celui de l’agriculture, et la semelle de labour qui s’étend dans les campagnes bloque les espèces fouisseuses dans un volume qui est tout entier exposé au soc de la charrue et aux chocs thermo-hygrométriques.
Le continuum thermo-hygrométrique
Rupture du continuum thermo-hygrométrique Les mesures conjointes de température et d’humidité réalisées en bordure de route ou de zones imperméabilisées montrent que l’effet de tranchée (une route dans une forêt par ex.) et les effets de lisières peuvent se traduire par des chutes importantes et permanentes de l’hygrométrie avec des impacts qui avaient été très sous-estimés :
- Disparition totale et durable de la rosée sur une bande qui peut atteindre 40 m sur le bord de certaines infrastructures exposées (zones de plateaux à nappes perchées, falaises, …)
- Abaissement du plafond de la nappe
- Diverses perturbations hydrologiques et pédologiques peuvent accompagner et renforcer le phénomène.
- Effet desséchant. Les routes larges et linéaires au macadam noir, comme les tranchées forestières, où la dévégétalisation d’un sol exacerbent parfois très fortement l’effet déshydratant du vent et du soleil. Ils entraînent une chute de l’hygrométrie très importante (2 à 3 fois moins d’humidité) avec des chiffres qui peuvent parfois être inférieurs aux moyennes sahariennes, y compris en zone tropicale humide en début de saison des pluies (Guyane française). Ce phénomène a même paradoxalement été observé au-dessus d’une étendue d’eau (barrage EDF-Petit Saut en Guyane, là où sur une grande superficie, les arbres ont été noyés et n’évapotranspirent plus). Nombre d’insectes et certains micro-mammifères manifestent de très nets comportements d’évitement des zones découvertes et dévégétalisées où l’hygrométrie chute, où la température varie brutalement. Pour certaines espèces qui sont pourtant rapides et vives à la course ou au vol, ceci se vérifie de jour comme de nuit et même sur une route fermée à la circulation depuis plusieurs mois. Pour ces espèces, une route semble être l’équivalent d’un mur vertical invisible et infranchissable, dont « l’épaisseur » peut être bien supérieure à la route… Pour ces même espèces, un chemin de terre végétalisée, une route pavée ou un parking semi-végétalisé où l’herbe pousse n’est pas un obstacle. On a montré que même pour une route forestière de 10 m de large où ne passent que 25 voitures/jour, le phénomène existe. L’impact sur les oiseaux est plus complexe et différent selon les espèces. Ce sont les mammifères domestiques (chiens, chats), et les mammifères sauvages (mustélidés, renard, genette, lapin de garenne, chevreuil, sanglier, hérisson, rats, souris, musaraigne) qui semblent les moins gênés (et aussi les amphibiens au moment des migrations) mais ils sont des victimes potentielles des véhicules…
Pour toutes ces raisons le réseau routier interdit la circulation transversale et longitudinale de nombreuses espèces. Ce faisant, il perturbe fortement les diffusions et les flux naturels de gènes indispensables au fonctionnement normal des écosystèmes. La fragmentation des écosystèmes est également responsable de la perte de diversité génétique : les espèces, confinées dans des habitats de plus en plus restreints sont condamnées à l’endogamie, ce qui provoque des problèmes de consanguinité et de dérive génétique.
Les réseaux d’infrastructures et l’urbanisation qu’ils encouragent continuent en outre à consommer de l’espace naturel agricole (l’équivalent surface de deux départements serait déjà imperméabilisé et donc transformé en quasi-désert biologique ou espace écologiquement très appauvris en France ; l’imperméabilisation qui présente quelques avantages pratiques à court terme, se paye en sécheresse, en inondation et en érosion, en pollution et en nuisances de toutes sortes).
Quelques rares espèces de micro-mammifères ou d’oiseaux (pies, corneilles, étourneaux, pigeons, faucons crécerelles) ont trouvé le long des routes des milieux de substitution. Le réseau routier est néanmoins de plus en plus hostile et « imperméable » à la circulation de la faune et de la flore (les fossés de béton, clôtures à petites mailles, murs anti-bruits, bordures, parapets, terre-pleins ou murets centraux étanches à la petite faune, drainage de la route et des berges, tranchées de plus en plus larges, fauchage fréquent, utilisation de pesticides et d’inhibiteurs de croissance, cumulent leurs effets respectifs.)
Certaines espèces sont reconnues comme particulièrement utiles ou importantes pour le fonctionnement des écosystèmes et à ce titre protégées par la loi. Parmi elles, le hérisson et les amphibiens, dont respectivement plus d’un million et plusieurs millions d’individus sont encore chaque année victimes de la circulation, bien que leur nombre ne cesse de se réduire. De la même manière, quelques espèces végétales ont été favorisées par les infrastructures, mais ce sont souvent des plantes banales, ubiquistes voire invasives (renouée du Japon, Balsamine, etc). Les plantations très homogènes (y compris génétiquement) des bords d’infrastructures ont aussi favorisé la diffusion de microbes ou parasites (ex : feu bactérien pour les rosacées qui étaient autrefois plantées sur les bords d’autoroutes).
En Afrique, et dans de nombreux pays en développement des bandes parallèles aux routes étaient utilisées le jour par les marcheurs, les ânes et les chevaux et autres animaux de bât qui longeaient les routes, permettant de nuit un usage comme corridor biologique par certaines espèces sauvages. Souvent, notamment en raison d'accidents nombreux, les autorités tendent à élargir les routes et à supprimer ces accotements végétalisés.
Solutions provisoires
Pour compter les amphibiens et les reptiles qui traversent la route et/ou pour les guider vers un batrachoduc (tunnel leur permettant de traverser sous la route, plus en sécurité), des dispositifs provisoires collecteurs (de type panneaux, bâches ou filets à mailles très fines) peuvent être disposés sur les bords des routes à proximité des points connus de traversée au moment des migrations des amphibiens (généralement des adultes se rendant à leur zone de ponte au printemps, ou en revenant). Ces dispositifs ne sont posés qu'au moment des migrations et les animaux collectés dans des seaux sont transportés de l'autre côté, ou ils sont permanents s'il existe un batrachoduc. Les tritons sachant escalader une paroi verticale lisse, un rebord est souvent prévu sur la partie haute. Des écoducs peuvent ensuite être positionnés aux points judicieux, qu'on peut aussi avoir repéré en comptant les cadavres d'animaux.
Ces dispositifs, s'ils ne sont pas aussi correctement enterrés sont parfois moins efficaces pour les jeunes de l'année qui retournent dans les milieux boisés ou prairiaux, ne mesurant que quelques millimètres, ils passent parfois sous les plaques rigides censées les guider et meurent alors nombreux, déshydratés ou écrasés sur la route.Une autre possibilité est de capturer des animaux et de les transporter (par camion en général) de l'autre côté d'une infrastructure très fragmentante (ex : autoroute ou TGV clôturé). Cela limite le risque de dérive génétique, mais c'est un facteur important de stress pour les animaux.
Voir aussi
Articles connexes
- Corridor biologique
- Roadkill
- Pollution lumineuse
- Migration animale
- Liste des animaux migrateurs
- Fragmentation forestière
- Biologie de la conservation
Liens externes
- (fr) Document IFEN (Oct. 20006) sur certains impacts des routes et véhicules
- (fr) Page du Site PDBFF du projet consacré à l'étude de la fragmentation de la forêt amazonienne brésilienne
- (fr) Note pédagogique du Ministère de l'Environnement Wallon sur la fragmentation écologique
- (fr)Thèse de doctorat intitulée "Mode d'utilisation du milieu fragmenté par une espèces forestière aux habitudes discrètes, la martre des pins Martes martes" , par Vincent Pereboom (75 pages)
- LA CONTINUITE ECOLOGIQUE DES COURS D'EAU
Bibliographie
- (fr) Morcellement du paysage en Suisse « Analyse du morcellement 1885–2002 et implications pour la planification du trafic et l’aménagement du territoire » (Version succincte, Office fédéral de la statistique)
Notes
- ↑ source : OFFH ; Observatoire de la faune, de la flore et de ses habitats
- ↑ Hanski I, Saccheri I (2006) Molecular-Level Variation Affects Population Growth in a Butterfly Metapopulation. PLoS Biol 4(5): e129 doi:10.1371/journal.pbio.0040129
- ↑ Hanski I (1999) Metapopulation ecology New York: Oxford University Press. 313 p.
Nieminen M, Siljander M, Hanski I (2004) Structure and dynamics of Melitaea cinxia metapopulations. In: Ehrlich PR, Hanski I, editors. On the wings of Checkerspots: A model system for population biology New York: Oxford University Press. pp 63–91. - ↑ Cf. Forman 1995, Vos et al. 2001
- ↑ Opdam, P. (1991) Metapopulation theory and habitat fragmentation: a review of holarctic breeding bird studies. Landscape Ecology 5 (2): 93-106.
- ↑ Haila & Hanski 1984; Sisk & Haddad 2002
- ↑ Haila & Hanski 1984; Wilcove et al. 1986; Saunders et al. 1991; Debinski & Holt 1999
- ↑ Gascon & Lovejoy 1998; Gilfedder & Kirkpatrick 1998; Ås 1999; Jules et al. 1999; Kemper et al. 1999; Jules & Shahani 2003
- ↑ http://pdbff.inpa.gov.br/iprojand4.html#2
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- ↑ ZACHOS F.E., ALTHOFF C., STEYNITZ Y.V., ECKERT I., HARTL G.B. [2007]. Genetic analysis of an isolated red deer (Cervus elaphus) population showing signs of inbreeding depression. European Journal of Wildlife Research 53 : 61-67 (7 p., 2 fig., 2 tab., 61 réf.). Pour lire l’article : European Journal of Wildlife Research (www.springerlink.com/content/1439-0574/
- ↑ Jean & Bouchard 1993; Findlay & Houlahan 1997
- ↑ MacArthur & Wilson 1967; Wilson & Willis 1975; Simberloff & Abele 1976; Gilpin & Diamond 1980
- ↑ Forman & Godron 1986; Soulé 1991; Forman 1995
- ↑ KERTH G., MELBER M. [2009]. Speciesspecific barrier effects of motorway on habitat use of two threatened forest-living bat species. Biological Conservation 142(2) : 270-279 (10 p., 2 fig., 3 tab., 51 réf.).
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