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Don Juan
Don Juan est avant tout un mythe. Les efforts d'identification à un personnage réel sont vains.
Fondamentalement, Don Juan recherche et vit dans le plaisir et la jouissance de l’instant présent, en s'opposant aux contraintes et aux règles sociales, morales et religieuses, ainsi qu'en ignorant volontairement autrui. C'est donc à la fois un jouisseur et un libertin, également égoïste et destructeur.
L'usage établi veut que l'on écrive « Dom Juan » lorsqu'il s'agit du titre de l'œuvre de Molière ou du poème de Baudelaire, « Don Giovanni » ou « Don Juan de Mozart »[1] lorsqu'il s'agit de l'opéra de Mozart et Da Ponte, « Don Juan » lorsqu'il s'agit d'une autre œuvre.
Sommaire
L'histoire initiale
Pour certains, le personnage mythique de Don Juan serait né d'un fait divers rapporté par la Chronique de Séville (Espagne) au XVe ou au début du XVIe[réf. nécessaire] : Don Juan Tenorio tua le commandeur Ulloa dont il avait séduit la fille. Les moines du couvent où fut enterré le commandeur furent outrés de cet acte et ourdirent un complot « de salubrité publique », l'assassinèrent et firent disparaître le corps, racontant ensuite qu'il avait été foudroyé par le Ciel et entraîné en enfer comme châtiment de toutes ses fautes, du mal fait aux autres et de son refus de se repentir.[2]
Par la dimension de l'homme lui-même, par la renommée de ses actes, et par le spectaculaire de cette fin, tous les éléments d'un mythe étaient réunis : le mythe de Don Juan naissait.
L'écriture des aventures d'un séducteur
En 1630, est publié El Burlador de Sevilla y Convidado de piedra (Le Trompeur de Séville et le Convive de pierre) attribué à Tirso de Molina, dramaturge espagnol. Repris de nombreuses fois, le texte arrive ensuite à la commedia dell'arte puis à Molière qui adapte le texte en 1665. Da Ponte et Mozart dans l'opéra Don Giovanni, Mérimée, Byron, Dumas, Baudelaire en poésie, Montherlant et de très nombreux autres auteurs, musiciens, metteurs en scène, cinéastes, auteurs de bandes dessinées, furent inspirés par ce personnage habile et d'envergure qui défie la morale, l'ordre public, et Dieu. Le personnage évolue légèrement avec les époques. Mais la trame de fond demeure : séduction des femmes, rejet des règles sociales et morales, défi à l'autorité et à Dieu, châtiment « exemplaire ». Cependant sur ce dernier point des différences notables apparaissent chez certains auteurs de la période romantique et se poursuivent de nos jours : signe de l'évolution des mentalités entre les monarchies chrétiennes à vision sociale et le monde contemporain laïc ou athée à vision individualiste.
Les grandes caractéristiques du personnage chez les auteurs
Chez Tirso de Molina
- Plaisir : sensualité souveraine, sexualité triomphante, déchaînement érotique qui s’oppose au discours galant de l’amoureux vrai, réussite ;
- Egoïsme cynique : l’autre n’existe pas en soi mais seulement pour l’intérêt et le plaisir que Don Juan en tire, il poursuit et trompe de nombreuses femmes, manipulation des femmes, sadisme, ne ressent aucun devoir envers les autres ;
- Défi : défi des autorités et de la société de son temps en refusant de se soumettre à la morale, ignorance et défi de la religion catholique ;
- Antisocial : totalement opposé aux devoirs qu’impose la vie sociale, totalement opposé au respect de l’autre et à la charité chrétienne, Don Juan se place au-dessus de tout et de tous, il place l’individu au-dessus de la société, de l’intérêt général et du bien commun ;
- Matérialisme : Don Juan vit dans l'instant présent et pour le plaisir sensuel, il met les principes religieux en doute, et remet toujours à plus tard son repentir, il ne se repent trop tard qu'une fois plongé dans les flammes de l’enfer ;
- Pouvoir et conflit : violence verbale et parfois physique, menaces, le masculin contre le féminin, le désir physique pur contre l'union des êtres, l'acte charnel contre le mariage, refus de la contrainte, abus du pouvoir de séduction, abus du pouvoir de sa position sociale.
Chez Molière
- Plaisir :hédoniste, il reprend le personnage de Molina, mais de nature intrinsèquement sensuelle Don Juan ne recherche plus la simple jouissance physique ;
- Egoïsme cynique : hypocrite, cynique et froid, il manipule hommes et femmes, séduit par le discours pour faire tomber la femme qu’il désire, promet mensongèrement le mariage, déshonore les femmes ;
- Défi : fier et orgueilleux, Don Juan veut affirmer sa supériorité sur tout et tous, y compris la morale et la religion ;
- Antisocial : totalement opposé aux devoirs qu’impose la vie sociale, totalement opposé au respect de l’autre et à la charité chrétienne ;
- Matérialisme : libertin, athée, il ne se repent jamais, même plongé dans les flammes de l’enfer ;
- Pouvoir et conflit : violence verbale et parfois physique, menaces, refus de la contrainte, abus du pouvoir de séduction, abus du pouvoir de sa position sociale.
Chez Da Ponte et Mozart
- Plaisir : féroce appétit de vivre, jouissance de chaque instant vécu ;
- Égoïsme cynique : hypocrite, cynique et froid, il manipule hommes et femmes, séduit par le discours pour faire tomber la femme qu’il désire, promet mensongèrement le mariage, déshonore les femmes ;
- Défi : fier et orgueilleux, Don Juan veut affirmer sa supériorité sur tout et tous, y compris la morale et la religion, moqueries constantes ;
- Antisocial : totalement opposé aux devoirs qu’impose la vie sociale, totalement opposé au respect de l’autre et à la charité chrétienne ;
- Matérialisme : libertin, athée, il vit dans l'instant, rejette toute morale ou religion, même en tombant dans les flammes de l’enfer ;
- Pouvoir et conflit : violence verbale et physique, menaces, refus de la contrainte, abus du pouvoir de séduction, abus du pouvoir de sa position sociale.
Le XIXe siècle
Le romantisme remanie profondément le personnage conformément aux aspirations de l'époque, au point d'en faire un séducteur... séduit, amoureux, idéaliste, voire repentant ! Don Juan est décrit comme un héros romantique, séducteur mais également séduit, attirant l’amour sans calcul et se faisant prendre par lui, poétique, sans cynisme sordide, qui absolutise l’amour et y consacre son existence ; il porte en lui une image d’un absolu féminin dont la recherche devient une quête démesurée, mélancolique, et sans fin ; la rédemption est possible et parfois présente.
- Plaisir : la jouissance n'est plus le but premier ;
- Égoïsme cynique : beaucoup moins cynique et pervers ;
- Défi : incarnation de la rébellion de l’individu solitaire face à tout ordre et toute autorité ;
- Antisocial : rejet de l'amour social « normé », rejet de l'ordre social établi, de la morale et de la religion, au profit d'une conception personnelle ;
- Matérialisme : moins matérialiste, en lien avec l’absolu et la beauté, aspiration vers la suprême beauté, remplacement de l’absolu divin par l’absolu féminin, soif d’une beauté que seule peut offrir la femme, absolutisation de l’amour et consécration à lui de son existence ; la rédemption redevient possible ;
- Pouvoir et conflit : refus fréquent de la contrainte, rejet des limites, accès à une grandeur surhumaine et presque divine, le "surhomme" de Nietzsche n’est pas loin.
De nos jours
Le personnage conserve ses traits constitutifs ou bien présente des caractéristiques nouvelles créées par la vision personnelle de l'auteur. L'aspect de révolte est souvent présent, autant contre Dieu que contre une société moralisante et aliénante.
Certains auteurs et critiques contemporains, tels Anne-Marie Simond comme romancière et Gregorio Marañón comme critique, voient dans la frénésie de séduction de Don Juan auprès des femmes le signe d'une homosexualité refoulée.
Le Don Juan d'Éric-Emmanuel Schmitt est d'un genre nouveau : vieilli et plus mature, ne cherchant plus à satisfaire tous ses désirs, et en questionnement sur lui-même, car il a connu l'Amour, mais ne pouvait le conjuguer avec le désir puisqu'il le trouvait chez un homme.
On retrouve aussi une version de Don Juan des temps modernes d'après Lunadreams , dans son œuvre pincipal intitulée :Moderndonjuan où le héros n'est autre que le Don Juan aussi séducteur que torturé par son passé ...
En littérature
En 1665, Molière écrit la célèbre pièce de théâtre qui relate en l'actualisant au Grand Siècle français l'histoire de Don Juan ; son succès fera rester dans l'ombre la pièce Le Festin de Pierre de Thomas Corneille de 1677 ;
Article détaillé : Dom Juan ou le Festin de pierre.D'autres auteurs reprendront les mêmes thèmes :
- 1659 : Festin de Pierre ou Le Fils criminel (à Lyon), L'Athée foudroyé (à Paris), pièce de Dorimon
- 1660 : Festin de Pierre ou Le Fils criminel, pièce de Villiers (copie de la pièce de Dorimon)
- 1677 : Le Festin de Pierre, pièce de Thomas Corneille ;
- 1730 : Don Juan, pièce de Carlo Goldoni ;
- 1814 : Don Juan, conte d'Ernst Theodor Amadeus Hoffmann
- 1821 : Don Juan, poème de Lord Byron ;
- 1830 : Le convive de pierre, œuvre de Alexandre Pouchkine ;
- 1832 : Namouna, œuvre de Alfred de Musset dans laquelle il présente sa conception de Don Juan ;
- 1834 : Les âmes du purgatoire, œuvre de Prosper Mérimée ;
- 1836 : Don Juan de Marana ou la chute d'un ange, pièce de Alexandre Dumas ;
- 1844 : Don Juan Tenorio, pièce de théâtre de José Zorrilla y Moral ;
- 1844 : Don Juan, pièce de théâtre de Nikolaus Lenau ;
- 1848 : Le Château des Désertes, pièce de théâtre de George Sand;
- 1861 : Dom Juan aux enfers, poème de Charles Baudelaire dans "Les Fleurs du Mal" ;
- 1874 : Le plus bel amour de dom Juan, nouvelle de Barbey d'Aurevilly dans Les Diaboliques
- 1889 : Don Juan, pièce de théâtre de Jean Aicard ;
- 1903 : Man and Superman, pièce de George Bernard Shaw ;
- 1913 : Miguel Mañara", pièce de théâtre de O.V de L Milosz ;
- 1914 : Les trois Don Juan, roman de Guillaume Apollinaire ;
- 1914 : Scènes de Don Juan, pièce de théâtre de O.V de L Milosz ;
- 1920 : Don Juan et..., recueil de nouvelles de Jean Roc - pseudonyme de Henri-Pierre Roché ;
- 1921 : La Dernière Nuit de Don Juan, pièce d'Edmond Rostand ;
- 1922 : L'Homme à la rose, roman de Henry Bataille ;
- 1930 : Don Juan, pièce de théâtre de Joseph Delteil ;
- 1939 : Don Juan revient de guerre, pièce de théâtre d'Ödön von Horváth ;
- 1946 : Le Burlador, pièce de Suzanne Lilar ;
- 1946 : Un Don Juan, pièce de théâtre de Michel Aucouturier ;
- 1949 : Le Jugement de Don Juan, pièce de théâtre de Marie Noël ;
- 1949 : L'Homme de cendres, pièce de théâtre d'André Obey ;
- 1953 : Don Juan, ou l'amour de la géométrie, pièce de théâtre de Max Frisch ;
- 1955 : Le chevalier du mépris, comédie de Manuel de Diéguez ;
- 1955 : Don Juan, pièce de théâtre de Michel de Ghelderode ;
- 1956 : La Mort qui fait le trottoir, pièce d'Henry de Montherlant ;
- 1956 : Une aventure de Don Juan, pièce de théâtre de Alexandre Arnoux ;
- 1959 : Monsieur Jean, pièce de théâtre de Roger Vailland ;
- 1964 : Don Juan, pièce de Charles Bertin ;
- 1966 : Elvire, pièce de théâtre de Charles Kunstler ;
- 1973 : L'Autre Don Juan, pièce de théâtre de Eduardo Manet ;
- 1986 : Don Juan Tenorio, pièce de théâtre de Franz Zeise ;
- 1990 : Le Séducteur, roman de Anne-Marie Simond ;
- 1990 : Donc, Jean, bande dessinée de Martin Veyron ;
- 1991 : La Nuit de Valognes, pièce de Eric-Emmanuel Schmitt ;
- 2004 : Don Juan (raconté par lui-même), roman de Peter Handke;
- 2005 : El Don Juan (théâtre), d'après Tirso de Molina, adaptation de Marco Sabbatini et Omar Porras ;
- Hanania Alain Amar : De Don Quichotte à Don Juan ou la quête de l'Absolu. L'Harmattan, Paris, 2007 ;
Cette liste est non exhaustive : des dizaines d'écrivains ont traité ce mythe. Pour avoir une liste très complète, consulter Christian Biet : Don Juan, Mille et trois récits d'un mythe, Gallimard, collection «Découvertes», 1998
Bibliographie
- Christian Biet, Don Juan. – Mille et trois récits d’un mythe, Gallimard, Découvertes, n° 348, 1998.
- Pierre Brunel (direction), Dictionnaire de Don Juan , Robert Laffont, Bouquins, 1999.
- Camille Dumoulié, Don Juan ou l’héroïsme du désir, Presses Universitaires de France, Écriture, 1993.
- Jean Rousset, Le Mythe de Don Juan, A. Colin, coll. U prisme, 1978.
- Micheline Sauvage, Le Cas Don Juan, Le Seuil, coll. Pierres Vives, 1953.
- Frédérick Tristan, Don Juan le révolté, L'Archipel, coll. Ecritures, 2009.
En musique
- 1787 : Wolfgang Amadeus Mozart écrit un opéra, Don Giovanni, sur le livret de Lorenzo da Ponte ;
- 1841 : Franz Liszt compose les Réminiscences de Don Juan sur un thème de l'opéra de Mozart ;
- 1889 : Richard Strauss compose son poème symphonique Don Juan, inspiré du poème de Lenau ;
- vers 1945 : Don Juan de Mañara, opéra d'Henri Tomasi ;
- 1991 : Alejandro Masso Don Juan en los infiernos, composé pour le film de G. Suarez ;
- 2004 : comédie musicale de Félix Gray, avec Jean-François Breau et Marie-Ève Janvier et plusieurs autres, dont Mario Pelchat.
Cette liste est également non exhaustive.
Au cinéma
- 1916 : Don Giovanni, film italien d'Edoardo Bencivenga ;
- 1926 : Don Juan, film américain d'Alan Crosland, considéré comme le premier film sonore ;
- 1948 : Les Aventures de Don Juan, film d'aventures américain réalisé par Vincent Sherman avec Errol Flynn dans le rôle de Don Juan ;
- 1954 : Mozart. Don Giovanni, film allemand de Czinner Paul ;
- 1955 : L'Œil du diable, film suédois d'Ingmar Bergman avec Jarl Kulle et Bibi Andersson ;
- 1956 : Don Juan, film français réalisé par John Berry avec Fernandel dans le rôle de Sganarelle ;
- 1965 : Dom Juan ou le Festin de pierre, film français réalisé par Marcel Bluwal avec Michel Piccoli et Claude Brasseur ;
- 1973 : Don Juan 73 ou Si Don Juan était une femme, film français de Roger Vadim avec Brigitte Bardot;
- 1979 : Don Giovanni, film opéra français de Joseph Losey ;
- 1991 : Don Juan en los infiernos, réalisé par G. Suarez ;
- 1995 : Don Juan DeMarco, réalisé par Jeremy Leven avec Marlon Brando et Johnny Depp
- 1997 : Don Giovanni, film d'art et essai réalisé par Gilles D'Elia à partir du texte de Molière et du livret de Lorenzo Da Ponte ;
- 1998 : Don Juan, film réalisé par Jacques Weber à partir du texte de Molière ;
Cette liste est non exhaustive
Liens internes
- Don Giovanni
- Dom Juan ou le Festin de pierre
- Don Juan Demarco, film américain de Jeremy Leven
- Don Juan le révolté, essai de Frédérick Tristan (2009)
- Dans le cadre de la psychologie analytique, L'Homme séducteur (psychologie analytique), Don Juan, est un archétype, parmi des figures masculines multiples de la psyché de la femme. Cette part masculine de la femme se nomme l'animus.
Références
- ↑ Réminiscences de Don Juan de Mozart, œuvre pour piano de Franz Liszt, Le Don Juan de Mozart, livre de Charles Gounod (1890), Pierre Jean Jouve, Le Don Juan de Mozart, 1942
- ↑ Le Petit Robert des noms propres, entrée Don Juan.
Liens externes
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