Critique des croyances

Critique des croyances

Rationalisme

Le rationalisme est la doctrine qui pose la raison discursive comme seule source possible de toute connaissance réelle.

Précisions terminologiques :

On trouve couramment et identiquement les expressions de « rationalisme moderne » ou de « rationalisme classique » pour désigner le rationalisme tel quil se formule de Descartes à Leibniz, correspondant à peu près à ce que lon peut appeler depuis Kant le « rationalisme dogmatique » :

  • Le rationalisme est dogmatique, lorsque la raison, considérée comme seule source déterminante de la connaissance, et par ses seuls principes a priori, prétend atteindre la vérité, particulièrement dans le domaine métaphysique.
  • L'expression « rationalisme moderne » vise à le situer dans lhistoire de la pensée conformément à la terminologie dusage (la période moderne commençant au XVIe siècle, après la période médiévale) et le distinguant du statut de la raison dans la philosophie antique, tel quon le trouve chez Platon et Aristote par exemple.
  • L'expression « rationalisme classique » vise à le distinguer dun rationalisme élargi et renouvelé, « modernisé », par la critique kantienne et lapport des sciences expérimentales : « rationalisme critique » pour Kant et Karl Popper, « rationalisme appliqué » chez Gaston Bachelard...
  • On trouve également lexpression « rationalisme continental » pour le distinguer et lopposer à lempirisme anglo-saxon (Hobbes, Locke, Hume, etc.).

Nous suivrons ici une terminologie distinguant un rationalisme moderne (de Descartes à Leibniz), dun rationalisme critique pour désigner généralement le rationalisme kantien et post-kantien, indépendamment des nuances, parfois sensibles, dont il se compose.

Le mot de rationalisme fut également utilisé avant la Renaissance, et pendant le Moyen Âge : il s'agissait alors de rationalisme en théologie.

Sommaire

Le rationalisme moderne

Lattitude intellectuelle visant à placer la raison et les procédures rationnelles comme sources de la connaissance remonte à la Grèce antique, lorsque sous le nom de logos (qui signifie à l'origine discours), elle se détache de la pensée mythique et, à partir des sciences, donne naissance à la philosophie.

Platon ne voit dans la sensibilité quune pseudo connaissance ne donnant accès quà la réalité sensible, matérielle et changeante du monde. Se fier à lexpérience sensible, cest être comme des prisonniers enfermés dans une caverne qui prennent les ombres qui défilent sur la paroi faiblement éclairée, pour la réalité même. « Que nul nentre ici sil nest géomètre », fait-il graver au fronton de son école : lexercice des mathématiques nous apprend à nous détacher de nos sens et à exercer notre seule raison, préalable nécessaire à la dialectique philosophique. La connaissance du réel est connaissance des Idées ou essences, réalités intelligibles et immuables, et cette connaissance est rationnelle. Il y a en ce sens un rationalisme platonicien.

Aristote, au contraire, appuie sa philosophie sur l'observation concrète de la nature (physis), et pose les bases

Mais ce nest pas lusage de la raison, ni sa revendication, qui suffit à définir le rationalisme comme doctrine. Celle-ci se constitue et se systématise à la fin de la Renaissance, dans les conditions spécifiques de la redécouverte de lhéritage antique, et de la mathématisation de la physique.

Le rationalisme moderne repose sur le postulat métaphysique selon lequel les principes qui sous-tendent la réalité sont identiques aux lois de la raison elle-même. Ainsi en est-il du principe de raison déterminante (ou de raison suffisante) que Leibniz, dans les Essais de théodicée (1710), formule de la manière suivante :

« cest que jamais rien narrive, sans quil y ait une cause ou du moins une raison déterminante, cest-à-dire quelque chose qui puisse servir à rendre raison a priori, pourquoi cela est existant plutôt que non existant, et pourquoi cela est ainsi plutôt que de toute autre façon. »

Sil nest rien qui ne soit ni narrive sans cause, il nest rien dès lors qui ne soit, en droit, intelligible et explicable par la raison. Dans le cadre de lonto-théologie, cette identité de la pensée et de lêtre trouve sa justification ultime en Dieu, créateur du monde et de ses lois dune part, de la raison humaine et de ses principes dautre part. Ce en quoi le rationalisme ainsi compris s'accomplit pleinement dans l'idéalisme philosophique, auquel Hegel donnera sa forme la plus systématique, dans la formule : « ce qui est rationnel est effectif, et ce qui est effectif est rationnel » (Préface des Principes de la philosophie du droit).

Il en résulte que la raison, contenant des principes universels et des idées a priori exprimant des vérités éternelles, est immuable et identique en chaque homme. Cest en ce sens que Descartes, dans le Discours de la méthode, écrit : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », précisant que « la puissance de bien juger et distinguer le vrai davec le faux, qui est proprement ce quon nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes. »

Du point de vue de lorigine de nos connaissances, le rationalisme est traditionnellement opposé à lempirisme, à lirrationalisme, et à la révélation :

Rationalisme et empirisme

Selon lempirisme, lexpérience est la source de toutes nos connaissances. Comme l'explique John Locke dans lEssai sur lentendement humain de 1690 :

« Supposons que lesprit soit, comme on dit, du papier blanc (tabula rasa), vierge de tout caractère, sans aucune idée. Comment se fait-il quil en soit pourvu ? D tire-t-il cet immense fonds que limagination affairée et limitée de lhomme dessine en lui avec une variété presque infinie ? D puise-t-il ce matériau de la raison et de la connaissance ? Je répondrai dun seul mot : de lexpérience ; en elle, toute notre connaissance se fonde et trouve en dernière instance sa source. »

Cette expérience, cest celle de nos sens externes, qui nous permet par exemple de former lidée de couleur, mais aussi celle de notre pensée en acte, par laquelle nous sommes capables de former lidée de pensée, ou de raisonnement.

Le rationalisme postule, en effet, lexistence en la raison de principes logiques universels (principe du tiers exclu, principe de raison suffisante) et didées a priori, cest-à-dire indépendantes de lexpérience et précédant toute expérience. Ainsi Descartes admet-il l'existence d'idées a priori et innées telles que l'idée d'infini, de temps, de nombre, ou l'idée même de Dieu qui est « comme la marque de louvrier sur son ouvrage », idées simples et premières, sans lesquelles lexpérience sensible nous resterait inintelligible : « je considère quil y a en nous certaines notions primitives, qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances » (Lettre à Elisabeth du 21 mai 1643).

Aux yeux du rationalisme, en effet, lexpérience sensible ne saurait donner de connaissance véritable. Platon déjà en dénonçait le caractère fluctuant et relatif, qui ne nous montre quun jeu dombres inconsistant, et Descartes, dans la première Méditation métaphysique, le caractère trompeur :

« Tout ce que jai reçu jusquà présent pour le plus vrai et assuré, je lai appris des sens ou par les sens : or jai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. »

Le rationalisme, cependant, nous le verrons plus bas sous sa forme critique, ne répudie pas lexpérience sensible mais la soumet à des formes a priori qui la rendent possible et en organisent le donné.

Rationalisme et irrationalisme

Il faut entendre ici par irrationalisme la référence à toute expérience ou toute faculté autre que la raison et nobéissant pas à ses lois, supposée donner une connaissance plus profonde et plus authentique des phénomènes et des êtres, et laissant place à une frange dineffable, de mystère, ou dinexplicable. Le rationalisme soppose en ce sens au mysticisme, à la magie, à loccultisme, au sentimentalisme, au paranormal ou encore à la superstition. Seuls font autorité les processus rationnels : évidence intellectuelle, démonstration, raisonnement.
Cest au sentimentalisme romantique que sen prend Hegel dans la préface à la Phénoménologie de l'esprit, lorsquil évoque cette prétendue philosophie qui « par labsence de concept se donne pour une pensée intuitive et poétique, jette sur le marché des combinaisons fantaisistes, dune fantaisie seulement désorganisée par la penséefantastiqueries qui ne sont ni chair, ni poisson, ni poésie, ni philosophie ». Celui qui prétend toucher la vérité dans lexpérience ineffable du sentiment intime se condamne au silence et à la solitude de lincommunicabilité ; « en dautres termes, il foule aux pieds la racine de lhumanité ».

Rationalisme et révélation

Dun point de vue théologique, le rationalisme met en avant la lumière naturelle de la raison par opposition à la connaissance révélée que constitue la foi. Contre le fidéisme, il demande que les articles de la foi et les Écritures elles-mêmes soient soumis à lexamen rationnel.

Spinoza, dans le Traité théologico-politique, développe une lecture critique de lAncien Testament.
Descartes, dans la préface « aux Doyens et docteurs de la faculté de théologie de Paris » qui précède les Méditations métaphysiques, affirme que « tout ce qui se peut savoir de Dieu peut être montré par des raisons quil nest pas besoin de chercher ailleurs que dans nous-mêmes, et que notre esprit seul est capable de nous fournir ». Selon lui en effet, parallèlement à la théologie révélée, la seule raison nous permet de démontrer l'existence de Dieu par l'argument ontologique, de sorte que lexistence de Dieu découle nécessairement de son essence, comme il découle nécessairement de lessence du triangle que la somme de ses angles égale deux angles droits.

Ainsi, pour Descartes, la recherche de la vérité peut se faire par la raison seule, sans la lumière de la foi (les Principes de la philosophie). Le cogito ergo sum postule que l'homme est une substance intelligente qui peut accéder à la vérité.

Le rationalisme critique

Le rationalisme critique, issu de lentreprise kantienne, peut se caractériser par trois traits :

  • Le renoncement à ses prétentions dogmatiques et métaphysiques.
  • Lintégration de lexpérience au sein dune dialectique expérimentale.
  • La reconnaissance par la raison elle-même de ses limites et de son historicité.

La synthèse kantienne

Le développement de la physique expérimentale moderne, à la fin de la Renaissance, avec les figures majeures de Galilée, Torricelli, et Newton, va peu à peu conduire à une révision du statut de la raison dans ses relations avec lexpérience. « Hypotheses non fingo », « je ne forge pas dhypothèses », déclare Newton : la science de la nature réclame lobservation des faits, et ne peut découler de seuls principes a priori. Kant, très attentif à cette question, en prend acte dans la Critique de la raison pure. Il y distingue trois facultés :

  • La sensibilité ou faculté des intuitions empiriques, par laquelle quelque chose nous est donné.
  • Lentendement ou faculté des concepts. Les catégories pures de lentendement sont les règles qui nous permettent dorganiser a priori lexpérience, comme par exemple la relation de causalité.
    « Aucune de ces deux propriétés nest préférable à lautre. Sans la sensibilité, nul objet ne nous serait donné et sans lentendement nul ne serait pensé (...) De leur union seule peut sortir la connaissance. »
    Connaître, cest donc appliquer des concepts à des intuitions, de telle sorte que « des pensées sans contenu sont vides, des intuitions sans concepts, aveugles ».
  • La raison ou faculté des Idées. Une Idée ne pouvant correspondre à aucun objet donné dans lexpérience (Dieu, limmortalité de lâme, la liberté), de tels objets suprasensibles ne peuvent donc être objets de connaissance au sens défini plus haut.

On peut par conséquent estimer que Kant opère la synthèse entre lempirisme et le rationalisme, en donnant droit à lun comme à lautre. Mais cette synthèse sopère en réalité dans le sens dun rationalisme critique :

« Que toute notre connaissance commence avec lexpérience, cela ne soulève aucun doute (...) Mais si toute notre connaissance débute avec lexpérience, cela ne prouve pas quelle dérive toute de lexpérience. »

Le donné empirique en effet, donné certes irréductible à la raison, ne peut être organisé et donner lieu à une connaissance quà travers les formes a priori de notre esprit :

  • formes a priori de la sensibilité elle-même, que sont lespace et le temps,
  • catégories pures de lentendement qui constituent pour ainsi dire la structure logique inhérente à notre esprit, structure dans laquelle nous mettons en forme les données issues de la sensibilité pour en opérer la synthèse, et dont dérivent toutes les fonctions logiques de nos jugements. (Pour le tableau complet des catégories, voir larticle Critique de la raison pure)

Si bien que la réalité en soi nous reste à jamais inconnaissable : nous navons accès quà une réalité phénoménale.

Si donc Kant se détourne du postulat cartésien des idées simples et innées constitutives dune connaissance pure indépendante de lexpérience (dogmatisme), cest pour leur substituer les catégories pures de lentendement qui sont la condition de possibilité de toute expérience possible.

Labandon des prétentions métaphysiques

En conséquence de la critique kantienne, prétendre connaître des objets suprasensibles relève dun usage illégitime de la raison. Ainsi se trouvent invalidées les tentatives de démonstration rationnelle de lexistence de Dieu : contre largument ontologique de Saint Anselme et de Descartes, Kant explique que du simple concept de Dieu, on ne peut en déduire analytiquement lexistence. « Jai donc supprimer le savoir pour lui substituer la croyance. »

Cen est fini des prétentions métaphysiques et du dogmatisme de la raison. Dans les années 1830, Auguste Comte, en son Cours de philosophie positive, décrit en ces termes létat positif, ou scientifique, auquel est enfin parvenu lintelligence :

« Enfin, dans létat positif, lesprit humain, reconnaissant limpossibilité dobtenir des notions absolues, renonce à chercher lorigine et la destination de lunivers, et à connaître les causes intimes des phénomènes, pour sattacher uniquement à découvrir, par lusage bien combiné du raisonnement et de lobservation, leurs lois effectives, cest-à-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. »

Il sagit désormais de comprendre comment un phénomène se produit. Les faits observables sont liés par des lois qui en expriment seulement les relations constantes.

Cest dans cette perspective quen 1964, E. Kahane, dans son Dictionnaire rationaliste, peut le définir de la manière suivante : « Le rationalisme comporte explicitement l'hostilité à toute métaphysique, le refus de tout inconnaissable a priori, et l'exclusion de tout autre mode allégué de connaissance, tel que la révélation, l'intuition réduite à elle seule, etc. »

La dialectique expérimentale

Loin dexclure lexpérience, le rationalisme kantien en fait lune des deux sources de nos connaissances et réconcilie en ce sens rationalisme et empirisme. Mais il convient de préciser ce que lon entend dès lors par « expérience » :

Elle ne saurait consister, comme le croirait un empirisme naïf, en un fait brut, en une vérité du réel se donnant à nous dans lévidence du constat immédiat. Sans la médiation de la raison en effet, lexpérience resterait muette et ne saurait rien nous enseigner. Les faits ne parlent pas deux-mêmes. Kantil faut encore ici lévoquery insiste longuement dans la Critique de la Raison Pure :

« [Les physiciens] comprirent que la raison ne voit que ce quelle produit elle-même daprès ses propres plans et quelle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, quelle doit obliger la nature à répondre à ses questions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle ; car autrement, faites au hasard et sans aucun plan tracé davance, nos observations ne se rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raison demande et dont elle a besoin. Il faut donc que la raison se présente à la nature tenant, dune main, ses principes qui seuls peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux lautorité de lois, et de lautre, lexpérimentation quelle a imaginée daprès ces principes, pour être instruite par elle, il est vrai, mais non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais, au contraire, comme un juge en fonctions qui force les témoins à répondre aux questions quil leur pose. »

Ce qui nous est ainsi schématiquement tracé, cest la démarche de la science expérimentale telle quelle se dessine depuis Galilée :

  • Observation rigoureuse dun phénomène que lon cherche à expliquer
  • Formulation dune hypothèse, qui est un énoncé que lon peut soumettre à un test
  • Expérimentation, par lélaboration dun montage permettant déprouver la validité de lhypothèse.

De la même façon quun « homme dexpérience » est non seulement un homme qui a vécu, mais un homme qui a su réfléchir à ce vécu pour en tirer des leçons, lexpérience pour le savant na de sens quen fonction de problèmes quil cherche à résoudre, et dhypothèses rationnelles quil élabore à cette fin. Gaston Bachelard, dans Le nouvel esprit scientifique, lexplique en ces termes :

« (...) une expérience ne peut être une expérience bien faite que si elle est complète, ce qui narrive que pour lexpérience précédée dun projet bien étudié à partir dune théorie achevée (...) Les enseignements de la réalité ne valent quautant quils suggèrent des réalisations rationnelles. »

Le dispositif expérimental, effectué en laboratoire, est rationnellement planifié et construit par le chercheur, en fonction des hypothèses quil veut tester. Il nécessite un appareillage complexe, qui est lui-même le résultat dun effort théorique antérieur. Comme le précise Bachelard (op. cité:

« (...) il faut que le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments. Or les instruments ne sont que des théories matérialisées. Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts la marque théorique. »

D lexpression, par ce même philosophe, de « rationalisme appliqué». Lexpérience en laboratoire nest donc pas le réel à létat brut, mais un réel reconstruit et sélectif, dans lequel la vérité sélabore à travers un ensemble dopérations et de procédures rationnelles qui corrigent notre approche naïve et spontanée. « Rien nest donné, tout est construit. » Se dessine en ce sens une dialectique expérimentale, un dialogue et une collaboration entre lexpérience et la raison, ouvrant la voie, selon lexpression de Bachelard, à une « épistémologie non cartésienne ».

Historicité de la raison

Avec la Phénoménologie de l'esprit, Hegel mettait en avant lhistoricité dune raison qui développe ses formes à travers lhistoire du monde. Comme le fait observer Gilles-Gaston Granger, « la grande découverte hégélienne, cest le caractère historique de la raison », et cette prise de conscience de lhistoricité détermine le rationalisme contemporain. À une conception fixiste de la raison, telle quelle apparaît encore dans les catégories de lentendement dont Kant entendait dresser une fois pour toutes le tableau complet, soppose désormais une conception dynamique de la raison, toujours liée au contexte historique et épistémologique dans lequel elle se déploie.

Bachelard, en introduisant dans La formation de lesprit scientifique (1938) la notion dobstacle épistémologique, veut montrer une pensée rationnelle en prise à des « crises de croissance » :

« Cest dans lacte même de connaître, intimement, quapparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. Cest que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, cest que nous décèlerons des causes dinertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. »

Les conquêtes progressives du rationalisme se font dès lors contre la raison elle-même, de sorte qu« en revenant sur un passé derreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. » Passé derreurs : généralisation hâtive de la connaissance, habitudes verbales, pragmatisme, substantialisation, réalisme naïf qui sont autant dobstacles que la science dresse face à elle-même. « Préciser, rectifier, diversifier, ce sont des types de pensées dynamiques qui sévadent de la certitude et de lunité et qui trouvent dans les systèmes homogènes plus dobstacles que dimpulsions. » Lesprit rationnel, dans le cadre des sciences, doit être un esprit critique toujours en alerte devant ses propres facteurs dinertie, toujours prompt à remettre en question ses propres conquêtes. « Reste ensuite la tâche la plus difficile : mettre la culture scientifique en état de mobilisation permanente, remplacer le savoir fermé et statique par une connaissance ouverte et dynamique, dialectiser toutes les variables expérimentales, donner enfin à la raison des raisons dévoluer. »

Dans un même ordre didées, Karl Popper, dans La logique de la découverte scientifique, tente de montrer que le caractère dune théorie scientifique tient à sa réfutabilité. On ne peut en effet, à partir dexpériences singulières, aussi nombreuses soient-elles, conclure à luniversalité dune loi. Mais on peut la tester : il suffit de montrer une seule observation contraire à un énoncé universel pour être certain que cet énoncé est faux. Le vrai nest donc pas la simple réciproque du faux, de sorte quon ne peut vérifier une hypothèse, mais seulement essayer de la falsifier. Une théorie ne sera dès lors tenue pour vraie quautant quelle résistera aux tests expérimentaux pour la mettre en échec. Cest dire par conséquent que la science progresse par réfutations et expérimentation : rien nest définitif, la vérité est toujours provisoire.

La raison nest plus conçue comme un système clos et rigide de principes déterminés a priori, mais bien comme une réalité plastique et dynamique, comme un processus constructif, dont témoigne lhistoire même de la connaissance. Ce que lon considère comme étant une explication rationnelle dépend donc étroitement du contexte historique dans lequel elle est formulée, de létat des connaissances, et de lévolution des techniques dobservation et dexpérimentation. Le concept de probabilité, par exemple, introduit dans les modèles complexes de la science des particules, ou celui de modèle local, ne pouvaient intervenir à titre dexplication rationnelle dans le cadre de la physique galiléenne ou newtonienne. Comme le précise Gilles-Gaston Granger : « Ainsi la science progresse-t-elle par dépassements successifs des formes périmées de la raison (…) Lirrationalité véritable apparaît donc plutôt comme une régression vers des formes anachroniques de lexplication. »

Tel se veut le rationalisme critique, élargi : un rationalisme débarrassé de ses préjugés métaphysiques, intimement mêlé au développement des sciences, qui se construit par dépassement de ses propres formes historiques, et issu dune conception dynamique de la raison.

Organisations rationalistes en France

Le terme de « rationalisme » est revendiqué par un certain nombre d'organisations proches de l'anti-cléricalisme et du positivisme. Il se distingue, en ce sens restreint, du sens général plus philosophique (le rationalisme philosophique, de Kant ou de Hegel, ne s'oppose nullement à la religion ou à la théologie).

Point de vue chrétien

  • Le syllabus de Pie IX condamnait certains aspects du rationalisme, lorsque trop radical.

Point de vue artistique

Références


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Voir « rationalisme » sur le Wiktionnaire.



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