La Phénoménologie de l'Esprit

La Phénoménologie de l'Esprit

Phénoménologie de l'esprit

Page de titre de l'édition originale de 1807.

La Phénoménologie de lEsprit (Phänomenologie des Geistes) est une œuvre de Hegel, parue en 1807. Le titre de lédition de 1807 est Système de la science, Première partie, la Phénoménologie de lesprit. Un autre intertitre de Hegel est : Première partie : Science de lexpérience de la conscience.

La Phénoménologie de l'Esprit compte parmi les œuvres les plus importantes de la philosophie occidentale, tant par sa densité théorique que par son influence sur des écoles de pensées du XIXe siècle et du XXe siècle (idéalisme, marxisme, ...). C'est un livre conceptuel et difficile, ce qui peut expliquer que c'est seulement au XXe siècle que cette œuvre sera vraiment travaillée en France.


  • Une présentation succincte des buts et procédés de Hegel dans cet ouvrage est donnée dans l'article Hegel.
  • Le présent article contient une présentation générale de l'œuvre ainsi qu'un certain nombres de commentaires.
  • Des exposés détaillés de certaines parties de l'œuvre sont disponibles dans des articles séparés : Conscience ; Conscience de soi ; Raison.

Sommaire

Présentation générale

Qu'est-ce que la phénoménologie de l'esprit

Létude ou science de la conscience est la phénoménologie de lesprit. Elle étudie la manifestation phénoménale dun sujet en tant quil se rapporte à un objet, i. e. en tant que conscience. Quand cette étude a pour objet le rapport interne de lesprit à lui-même on lappelle psychologie. Tandis que la phénoménologie renvoie la conscience à l'ob-jet en tant qu'ex-timité, intériorité et extériorité sont liées sans pour autant être annulées.

La phénoménologie est donc la « science de lexpérience de la conscience ». Hegel décrit lévolution dialectique de la conscience par le jeu des négations successives. Depuis la première opposition immédiate entre elle et lobjet, puis la conscience de soi, la raison, lesprit, la religion, jusquau savoir absolu dans lequel « le concept correspond à lobjet et lobjet au concept ». Ce dernier savoir est selon Hegel savoir de lêtre dans sa totalité, intériorisation de lobjet, ou identité de lobjet de la pensée et de lactivité de connaissance dont le résultat est lobjet lui-même.

Place de la Phénoménologie de l'Esprit dans l'œuvre de Hegel

Cette œuvre a été conçue par Hegel comme une introduction à sa pensée, en particulier au système de la science. Hegel publie cette œuvre (en 1807) comme la première partie de son système.

Finalité de la Phénoménologie de l'esprit

Le but de la phénoménologie est de décrire en totalité lessence intégrale de lhomme, i.e. ses possibilités cognitives et affectives. Cest en ce sens une anthropologie, bien que dans lensemble de son système, Hegel considère la phénoménologie de la conscience au sein de la totalité de lhistoire de lesprit, donc au-delà de lêtre humain.

Structure de la Phénoménologie de l'esprit

La phénoménologie est divisée en huit chapitres qui se regroupent en trois parties :

La conscience en général :

  • 1. La certitude sensible ; 2. La perception ; 3. L'entendement ;

La conscience de soi :

  • 4. Certitude et vérité de la conscience de soi

La raison qui est la conscience intégrale unissant les deux premiers :

  • 6. L'Esprit
  • 7. La Religion
  • 8. Le savoir absolu

Les modalités du discours de Hegel : pour nous (für uns) ; pour elle (für es)

La description de Hegel adopte tour à tour le point de vue de la conscience (für es) telle quelle sapparaît à elle-même et celui du philosophe ou du savoir absolu (für uns). Un moment de la dialectique de la conscience peut donc être certain pour la conscience elle-même, et faux pour celui qui rassemble la totalité des moments en une seule totalité - la certitude concerne le fait pour le sujet d'être ainsi présent à soi-même; la vérité concerne toujours le contenu, et se définit pour Hegel de façon très classique par une adaequatio rei et intellectus. Ou, autrement dit, toute conscience commence par lerreur, et est dans lerreur, mais se hisse à la vérité dans la totalité de son histoire. Cette histoire est une suite de prises de conscience (expériences vécues) et de créations actives (transformation du réel).

Le positionnement par rapport à l'objet, source de la dialectique

La connaissance dun objet ne peut se réduire à ce que nous savons de cet objet, bien quhabituellement nous considérions un objet tel quen lui-même. En effet, dans la connaissance sont aussi contenus le je qui sait et la relation que nous entretenons avec lui, cest-à-dire la conscience que nous en avons. Pourtant, lorsque nous ne sommes attentifs quà lobjet, nous navons pas la conscience du savoir même quest cette conscience ; lattitude naturelle chosifie, cela veut dire plus simplement quelle considère lobjet comme sil était réellement extérieur à la relation que nous entretenons avec lui. Cela nous donne deux manières de concevoir un objet quelconque ; ces manières sont des perspectives philosophiques fondamentales (mais nous verrons quelles sont pour Hegel des moments du devenir de la conscience:

  • le réalisme voit lobjet comme une réalité étrangère, objet posé hors de nous simplement tel quil est ;
  • lidéalisme fait au contraire de la conscience un élément essentiel de la constitution du savoir : la conscience, par son activité, pose le monde et donc le détermine en partie ou intégralement.

La philosophie étudiera ces déterminations subjectives de la connaissance, i. e. la relation même dont nous venons de parler. Cette relation a deux dimensions :

  • quand la conscience est savoir dun objet intérieur ;
  • quand la conscience est savoir dun objet extérieur, soit que lobjet soit simplement donné, soit quil soit produit par la conscience.

Résumé de l'œuvre

Préface

Les actes de la pensée paraissent tout dabord, étant historiques, être laffaire du passé et se trouver au-delà de notre réalité. Mais en fait, ce que nous sommes, nous le sommes aussi historiquement ou plus exactement : comme dans ce qui se trouve dans ce domaine, lhistoire de la pensée, le passé nest quun des aspects, de même dans ce que nous sommes, lélément impérissable commun à tous est lié indissolublement à ce que historiquement nous sommes. Le trésor de la raison consciente delle-même qui nous appartient, qui appartient à lépoque contemporaine, ne sest pas produit de manière immédiate, nest pas sorti du sol du temps présent, mais pour lui cest essentiellement un héritage, plus précisément le résultat du travail et, à vrai dire, du travail de toutes les générations antérieures du genre humain.

Introduction

Conscience

Ce qui suit est un résumé de la partie "Conscience". Des étapes du raisonnement ont été omises par souci de concision. Pour un exposé détaillé de cette partie

Article détaillé : Conscience (Hegel).

Les trois premiers chapitres peuvent être réunis en un ensemble dont lobjet est la conscience en général, opposée au monde extérieur. Ils traitent donc de la constitution de la connaissance (point de vue cognitif). La dialectique de cette conscience conduira à la conscience de soi (désir et action, point de vue anthropologique).

Lhomme soppose au monde, cest la conscience du monde extérieur. Celle-ci passe par plusieurs moments.

  • La sensibilité est la certitude immédiate dun objet extérieur, le ceci. Mais lici et le maintenant du ceci disparaissent (lobjet change, est détruit, etc.), tandis quil y a toujours un ceci et un maintenant en général. Dans leur universalité, ils ne sont donc aucun ici et maintenant en particulier. La certitude de la sensibilité est donc plutôt vérité d'une perception universelle.
  • Lobjet de la perception est la chose. Ses déterminations sont immédiates dans la sensibilité et pourtant médiatisées par notre relation avec elles. Elles appartiennent à la chose dans sa singularité, mais sont en même temps universelles car, dune part, elles peuvent être attribuées à dautres choses, et, dautre part, elles sont indépendantes les unes des autres (par exemple : couleur, poids, étendue, etc).
  • Mais puisque les choses ne sont rien dautre que leurs propriétés, elles se transforment, disparaissent et surgissent sans cesse. Dans ces modifications, le modifiable est supprimé et ce qui reste est le devenir, la modification elle-même. Lentendement saisit lessentiel qui demeure dans le changement des choses : il est la conscience en tant quelle considère lintérieur des choses, la force qui sextériorise et lie les déterminations universelles entre elles. Cet intérieur est la pensée ou concept de lobjet, qui est la propre forme de la conscience, par laquelle elle laisse place à la conscience de soi.

I. La certitude sensible ou le ceci et la visée comme telle mienne (trad. B. Bourgeois)

Ce chapitre analyse la dialectique du savoir sensible jusquà la perception. Notre premier savoir est la certitude sensible immédiate, pas encore conceptuelle. Elle semble posséder concrètement deux caractéristiques : richesse et vérité. Mais cette certitude est en réalité très pauvre, et se résume à l'affirmation que telle chose ou tel « je » singulier est. Constituée principalement de deux termes intermédiés, ce « Je »-ci et cet objet-ci qui nexistent pas séparément, la certitude est à chaque fois exemplifiée par un ceci.

Le ceci a deux aspects fondamentaux, maintenant et ici, qui sont des universels : (il y a toujours un « maintenant »et un ici). Ils constituent la vérité du ceci. Lêtre pur de la certitude sensible est par conséquent essentiellement médiation et négation. La certitude sensible nest plus dans lobjet, mais se retrouve dans le « je ».

Le « je » est soumis à la même dialectique que l'objet : la certitude du « je » est niée par un autre « je » qui possède la même certitude. Le « je » ne demeure donc quen tant quuniversel. On reconnaît ici une formulation du principe aristotélicien : il ny a pas de science du singulier.

Ce que nous exprimons donc par notre langage, et ce que nous percevons et tenons pour vrai, cest toujours lensemble (« un Ici dautres Ici ») à la place du savoir immédiat par laquelle ce chapitre avait commencé. La certitude sensible est dépassée et élevée en perception.

II. La perception ou la chose et lillusion

La perception prend donc à présent pour vérité luniversel. Cette perception est constituée de deux moments, le « je » universel et l'"objet" universel. Le « je » est « devenu le mouvement de désignement » , alors que lobjet en est le résultat, « la somme et le résumé », et, en ce sens, il est lessentiel de la perception, par opposition à linessentialité du « je »..

La perception est riche d'une diversité de propriétés universelles médiées par négation du savoir sensible. Le « medium universel abstrait », ensemble de ces déterminations indifférentes les unes aux autres, constitue la chosité (Dingheit). Cet aussi est donc simple en tant que medium identique à soi et multiple en tant quensemble de nombreuses propriétés.

Ces propriétés déterminées se différencient les unes des autres mais entretiennent ainsi un certain rapport par lequel elles sopposent, sans quoi elles ne seraient pas ce quelles sont. Or, cette opposition excède le medium de la chosité : celui-ci ne peut être seulement un « Aussi », il doit être aussi une « unité exclusive. »

Hegel résume ainsi lachèvement de la chose : « laussi de nombreuses propriétés » ; la négation simple, lUn ; les propriétés elles-mêmes, en tant que relation des deux premiers moments. Ce qui achève la chose, cest donc lunité de lêtre et de la négation.

III. Force et entendement

À partir de la perception, lentendement opère une distinction entre le phénomène et luniversel, son être vrai. Cette distinction produit lidée dun monde supra-sensible (intelligible), qui devient lobjet vrai opposé à un sujet connaissant. Exemple : la Forme platonicienne, la monade logique de Leibniz, lidée de force en physique.

Après avoir dépassé la certitude sensible, la conscience ne peut plus tenir pour vrai que ce qui est dépourvu de propriétés, luniversel «  inconditionné ». Celui-ci reste pour elle un objet qui gère son essence pour soi-même.Elle pense navoir aucune part à sa réalisation.

Mais luniversel inconditionné est aussi le mouvement unificateur de ce qui le compose. Cette force apparaît comme non-objective, « intérieur des choses ». Mais une autre force est nécessaire pour que la force se déploie, et dans ce jeu des forces le déploiement nest quextériorité et perte de réalité. Dans cette expérience, la « réalité » objectivée est comprise comme conceptuelle. La conscience devient entendement.

Dans lintérieur (la force refoulée dans soi) s'ouvre un monde suprasensible qui ne peut être connu. Lintérieur est pour l'entendement le vrai comme simple, non-rempli par le jeu des forces, un 'calme royaume des lois'. Mais il ne suffit pas à accomplir son propre déploiement dans le monde phénoménal. Il y a donc une déficience de la loi, qui bascule du coté du phénomène mais en tant quelle exprime le tout sous la raison de la simplicité, elle est à nouveau la force intérieure, différence pure. Il y a donc un mouvement cyclique qui sappelle « expliquer ».

Lentendement fait lexpérience que cest la loi du phénomène lui-même quadviennent des différences qui nen sont pas, le « devenir inégal de légal ». Un deuxième monde suprasensible se forme, cest le « monde renversé » qui n'est que le monde phénoménal passé par la médiation du premier monde suprasensible.

Cest donc lopposition dans soi-même, ou contradiction, quil importe pour lentendement de penser. Dans la différence intérieure, lopposé nest pas seulement un des deux : lautre est immédiatement présent-. Il est lui-même et son opposé dans une unité, c'est l'infinité. Cela a été lâme de tout ce qui précède, mais cest seulement dans lintérieur, comme acte dexpliquer, quil est venue au jour librement. En tant quelle est enfin objet pour elle-même, la conscience est 'autoconscience ou conscience de soi.

Conscience de soi ou Conscience de soi

Article détaillé : Conscience de soi (Hegel).

Le chapitre IV de la Phénoménologie traite de la "conscience de soi", moment charnière qui permettra à la conscience d'accéder à la raison. Ce qui suit est un résumé de cette partie "Autoconscience". Des étapes du raisonnement ont été omises par souci de concision. Pour un exposé détaillé

Alors que les trois premiers chapitres traitaient des facultés cognitives de lhomme, de ce quil y a dapparemment passif en lui (lobjet était posé face à une conscience), Hegel va maintenant étudier la conscience en tant que désir et action, i. e. en tant quelle prend conscience de sa liberté et de sa puissance transformatrice, moteur de lhistoire humaine.

IV. La vérité de la certitude de soi-même

Hegel a considéré la conscience en général, cest-à-dire la conscience du monde extérieur. Dans cette conscience, la certitude de lobjet sest déplacée de lexpérience immédiate à lentendement en passant par la perception. Il y a ainsi une dialectique de la vérité qui fait apparaître tous les moments de la conscience comme des erreurs. Jusquici, la vérité était posée en dehors de la conscience ; mais en prenant conscience de lidentité du « je » et de lacte de relation de la conscience, nous arrivons à la conscience de soi, « dans le royaume natal de la vérité. »

La conscience de soi est une nouvelle modalité du savoir, cest un savoir de soi, un retour de la conscience depuis lêtre-autre. En ce sens, elle est une pure tautologie, car la différence davec lobjet se trouve abolie : « je suis je ». La conscience de soi est donc le moment de la prise de conscience de lidentité de soi à soi. Elle demeure cependant à la fois une conscience dun objet (moment négatif) et de soi-même, cest-à-dire de son essence vraie. En tant que cette conscience porte sur un soi, elle devient désir.

Maîtrise et servitude

En tant que désir, cest-à-dire volonté de sassimiler, de faire sien, donc de détruire ce qui soppose, la conscience de soi cherche la reconnaissance dune autre conscience dans un combat à mort. La négativité de cette conscience implique donc :

  • la négation de sa nature animale, donc la possibilité de se nier, de vouloir sa propre mort ;
  • la reconnaissance de la liberté dautrui que lon cherche à sassimiler.

Lanimal homme devient véritablement homme par son mépris de la mort. Mais, sil cède à la peur de mourir, il devient une conscience esclave, non-reconnue, il reste dans un état animal, mais en travaillant pour un maître quil reconnaît comme son supérieur.

Le maître est donc le vainqueur, il na pas besoin de reconnaître lautre, mais pour être tel, il doit être reconnu par un homme quil juge son inférieur. Lhomme-maître est en ce sens une impasse existentielle : il ne parvient pas à satisfaire son désir. Lesclave est quant à lui une conscience servile : il a préféré vivre, il dépend encore de sa vie animale, il nest pas libre. Il travaille pour le maître, et, en travaillant, il transforme la nature, et cest parce quil transforme quil sera le sujet véritable de lhistoire humaine. On voit ici que, pour Hegel, la nature est transformée en monde, en histoire, par le résultat dune lutte : cette lutte aboutit au travail de lesclave.

Liberté de la conscience de soi

Lesclave prend conscience de sa liberté par la transformation de la nature, mais cette liberté est purement mentale : elle nest pas réalisée, mais demeure intérieure. La dialectique de la conscience servile se divise en trois moments :

  • le stoïcisme : cest la pensée qui se conçoit libre ; détachement du monde extérieur : le stoïcien se proclame universellement libre. Il se retire dans sa pensée et se sépare de la nature et de la société : dans le stoïcisme, lhomme est ainsi un empire dans un empire. Mais cette indépendance est illusoire, cest une fausse liberté, abstraite.
  • le scepticisme : prise de conscience solipsiste, le Moi nie le monde (empirique et sensible), la réalité. Il nagit pas plus que le stoïcien : sa négation radicale est purement imaginaire.
  • la conscience malheureuse : la négation du monde conduit à la conscience religieuse, qui se crée un maître transcendant, Dieu, toujours par peur de la mort, et en cela cest encore une conscience servile. Cette conscience est malheureuse car elle est divisée entre un moi empirique et mortel, et un moi transcendant. La conscience malheureuse ne parvient donc pas à lunité, elle est déchirée en elle-même.

Les chapitres "Raison", "Esprit", "Religion" et "Savoir absolu" qui suivent sont les derniers de l'oeuvre. Ils sont parfois regroupés dans une section "Raison et sujet absolu".

V. Certitude et vérité de la Raison

Présentation

Article détaillé : Raison (Hegel).

Lhomme de la raison nie la transcendance et cesse de se désintéresser du monde : cette négation permet la réconciliation de la conscience avec elle-même, et ouvre la voie de la liberté véritable, i.e. laction dans le monde. Mais ce moment comporte lui-même plusieurs étapes.

Ce qui suit est un résumé de cette partie "Raison". Des étapes du raisonnement ont été omises par souci de concision. Pour un exposé détaillé

La raison observante, le savant

Lautoconscience accède à la raison et assure être toute réalité. Cet idéalisme a besoin dune impulsion étrangère sauf à revenir au scepticisme. Commence alors lacte de comprendre. Avant, la conscience percevait, maintenant, avec la certitude dêtre lautre, elle dispose les observations et lexpérience même et semploie à trouver comme concept ce qui avant était une chose.

La conscience observante dépasse alors l'acte sans fin de description pour distinguer l'essentiel en classifiant. Ensuite la raison sattache à distinguer lêtre du devoir-être jusqu'à la notion de loi, qui reste une espèce particulière dobjet. Deux concepts indifférentes, loi et fin, apparaissent alors, dont l'unité échappe à lobservation. Ce qui engendre la loi que « lextérieur est lexpression de lintérieur ». Lun des deux extrêmes est la vie et lautre la même chose singulière ou comme individu. Il suit de que si la raison observante en vient à lintuition delle-même comme vie universelle, elle se laisse tomber immédiatement dans lextrême de la singularité, lindividu.

Lobservation retourne donc dans elle-même. Les lois logiques, contenu pétrifié, ne permettent pas de comprendre la raison comme conscience active. Souvre le champ de la psychologie, confronté à la contradiction suivante : trouver des lois de lesprit dans la multiplicité des individus.

La raison est renvoyée à lindividu, à son corps, à la fois figure et expression. Mais cette extérioration est lagir retenu demeurant en lindividu, arbitraire comme un signe, visage autant que masque. La raison se tourne alors vers lextrême de leffectivité sensible observable dans la phrénologie, mais parait avoir atteint les limites de lobservation en donnant à lêtre mort la signification de lesprit.

La raison en action

Lautoconscience rationnelle est certitude dêtre toute réalité, mais son objectivité ne vaut plus que comme individu,essence spirituelle simple. Léthicité est lunité spirituelle des individus, à présent diffractée en une multitude. Le désir maintient les individus dans une séparation qui nest pas en soi pour lautoconscience. Elle parvient donc à la jouissance, qui ne consiste en rien dautre quen ce cercle dabstractions de lunité pure, de la différence pure, et de leur rapport. Lautoconscience na ainsi expérimenté quun saut pur dans lautre, une énigme puissante broyant lindividualité.

Dans cette figure nouvelle, lautoconscience est la loi du cœur, opposée à leffectivité autre, ordre violent du monde. Lindividualité névolue alors plus dans la légèreté. Son plaisir est ce qui est conforme à la loi du cœur, qui en saccomplissant devient puissance universelle. Lindividu trouve donc les autres opposés à ses intentions excellentes. Par , il atteint à laliénation, et énonce lordre universel comme fait de prêtres fanatiques, de despotes débauchés. Il est le cours du monde.La résolution est dans la sursomption de lindividualité. Cette nouvelle figure est la vertu. La vertu produit son essence vraie, essence quelle éleve en vision du bien, cesser de lagir. La vertu se trouve donc vaincue par le cours du monde, qui du coup a disparu comme ce qui se tenait face à la conscience.

La raison pratique

La nature est maintenant réalité compénétrée par lindividualité. Lœuvre est alors la réalité que se donne la conscience. Leffectuation est une façon dexposer ce qui est sien dans lélément universel, par quoi elle devient substance éthique.

Hegel sen prend alors à une raison censée « donner des lois » (Chez Kant par exemple). L'être de lindividualité est maintenant lagir en tant que substance éthique absolue. Absolue car lautoconscience ne peut ni ne veut outrepasser cet objet, qu'elle énonce en des lois pratiques.

Mais de telles lois nen restent quau devoir-être, elles sont des commandements, auxquels il ne peut revenir que luniversalité formelle. La raison législatrice est abaissée à une raison seulement probatoire. La tournure desprit éthique consiste justement dans ceci : persister fermement dans son point de vue du juste, sans contradiction formelle.

VI. Lesprit

Selon la remarque dAlexandre Kojève, le livre peut être divisé en deux parties : dans les chapitres ci-dessus, lhomme est étudié de manière a-historique et en dehors de la société. Ensuite, une deuxième partie analyse létat réel de lhomme qui est toujours un être social. Ce qui sera donc maintenant étudié, cest la dialectique des réalisations politiques de lhomme (i.e. lhomme en tant quil réunit tout ce qui précède : sensation, perception, entendement, désir, lutte, travail).

Esprit objectif : morale, droit, et État

La conscience qui se réalise est appelée esprit objectif. Cet esprit est incarné dans la vie humaine commune.

La morale

  • moralité subjective ou responsabilité, intention, bien et devoir. Cette morale kantienne est selon Hegel purement formelle et subjective. Pour devenir concrète, la morale doit se réaliser dans une société.
  • moralité objective :
    • La famille
    • La société civile : travail et production
    • LÉtat : universel et donc au-dessus des individus, il réalise la raison et la liberté en réglant les conflits.

Le droit

Le droit, en tant quesprit objectif :

  • Le droit abstrait
  • La morale
  • Léthique (famille, société civile et État).

Le monde païen

Le monde du maître.

La société chrétienne

VII. La religion est facteur d'épanouissement

VIII. Le savoir absolu

Le savoir absolu ne décrit pas la totalité du réel, ce qui serait délirant malgré ce que Kojève a pu laisser croire, c'est un savoir sur le savoir, la conscience de soi du savoir comme savoir d'un sujet. C'est l'unité du subjectif et de l'objectif (Logique I, p33), passage à la logique qui est bien une vérité définitive, un savoir absolu bien que formel et sans contenu encore. On peut même dire que la conscience du caractère subjectif du savoir est aussi le savoir de l'insuffisance du savoir (rejoignant l'ignorance docte), savoir du négatif et savoir qu'on ne peut dépasser son temps !

En effet, la philosophie, pour Hegel, doit être scientifique ; elle doit donc être nécessaire et circulaire. Labsolu est circulaire, cela signifie que le système revient à son point de départ, et que ce point de départ peut être nimporte  ; mais la différence avec les sciences, c'est que la philosophie rend compte du sujet qui l'énonce et de son inscription dans une histoire. Le système encyclopédique des sciences est l'histoire des interactions du sujet avec son objet, qui ne sont jamais données d'avance mais qui se succèdent en s'opposant malgré tout selon une logique dialectique implacable.

Ainsi le savoir absolu succède dans la phénoménologie à la religion et se comprend comme négation de l'être-étranger, de la projection dans un Dieu du sujet qui s'assume comme divisé et comme intériorisation de l'extériorité. "C'est seulement après avoir abandonné l'espérance de supprimer l'être-étranger d'une façon extérieure que cette conscience se consacre à soi-même. Elle se consacre à son propre monde et à la présence, elle découvre le monde comme sa propriété et a fait ainsi le premier pas pour descendre du monde intellectuel." Le savoir absolu est la conscience de soi de l'histoire, passage de l'histoire subie à l'histoire conçue, du passif à l'actif, de l'abstrait au concret.

Voir aussi

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Bibliographie

Études
  • Introduction à la lecture de Hegel, Alexandre Kojève
  • Genèse et structure de la Phénoménologie de lesprit, Jean Hyppolite
  • (de) Das Problem einer Einleitung in Hegels Logik, Hans Friedrich Fulda, Francfort, 1965 (2e éd., 1975).
  • La Phénoménologie de l'esprit de Hegel : introduction à une lecture, Pierre-Jean Labarrière
  • Études hégéliennes, Otto Pöggeler
  • Hegel. Les actes de l'esprit, Bernard Bourgeois
  • La Patience du concept, Gérard Lebrun
  • Études hégéliennes. Raison et décision, Bernard Bourgeois
  • Hegel et l'état, Éric Weil
  • Logique et existence, Jean Hyppolite

Liens externes

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