Crise du troisième siècle

Crise du troisième siècle
Maximus Thrax
Buste de Maximin, le premier des empereurs-soldats

La crise du IIIe siècle de lempire romain englobe, daprès les historiens contemporains, les années 235 (mort de Sévère Alexandre et avènement de Maximin) à 284 ou 285 (mort de Carin et avènement de Dioclétien). Elle survient alors que séteint la dynastie des Sévères laquelle, après les troubles de 193-195, avait réussi à donner une certaine stabilité à lempire.

Gouverné par ce quil est convenu dappeler les « empereurs-soldats », lempire doit faire face sur le plan intérieur à une série de crises politiques, économiques, sociales, religieuses et morales. Sur le plan extérieur, de nombreuses tribus germaniques menacent lImperium Romanum, pendant que le nouvel empire perse des Sassanides, adoptant une politique agressive, cherche à sétendre aux dépens de lempire romain. Ces nouvelles invasions au nord et à lest mettent à rude épreuve les capacités de larmée à protéger les frontières. De plus, de nombreux coups dÉtat, la sécession temporaire de certains territoires (l’« empire gaulois » de 260 à 274 et la sécession de la principauté de Palmyre vers la même période), la paralysie des moyens de transport, la pression fiscale et la crise de la production affectant les provinces amènent lempire au bord du gouffre. La crise atteint son paroxysme en 260. Toutefois, grâce à des réformes en profondeur de larmée et de léconomie dune part, au relâchement de la pression barbare dautre part, lÉtat romain réussira à se stabiliser et lempire survivra. Cette dernière phase du principat se termine avec larrivée au pouvoir de Dioclétien (284/285) que lon associe généralement au début de lAntiquité tardive.

Lhistoire romaine du IIIe siècle fait depuis de nombreuses années lobjet de vives discussions entre les spécialistes. Daucuns se rangent à lopinion traditionnelle en vertu de laquelle on assiste pendant ce siècle à un déclin inéluctable, résultat dune crise du système qui sétend à tous les secteurs de lempire. Dautres se montrent beaucoup plus prudents et, sans remettre en question les diverses crises qui surgissent jusqu'à 260, voient plutôt dans cette période une phase de transition pendant laquelle on passe de lAntiquité à lAntiquité tardive, ou du Haut-empire au Bas-empire, période qui porte en elle de nombreuses promesses de régénération. Pour eux, certaines provinces, loin de participer au déclin général de lempire auraient au contraire connu un développement remarquable. Quelques spécialistes vont jusquà remettre en question lutilisation du concept de « crise » pour décrire la situation qui prévaut au troisième siècle.

Sommaire

Le déroulement de la crise

De Maximin « le Thrace» à Valérien

Maximin, premier empereur-soldat, et lannée des six empereurs

carte de l'empire au deuxième siècle
Expansion de l'empire romain jusqu'à la fin du deuxième siècle

En 192, lempereur Commode est assassiné par les prétoriens. Une période de guerre civile souvre qui durera jusquà la bataille de Lyon en février 197. Cette guerre civile opposera lItalie aux provinces, le Sénat à larmée, les légions de Rome à celles des provinces, lOrient à lOccident. La seule année 193 verra trois empereurs se succéder, Pertinax, Didius Julianus et Septime Sévère. Si ce dernier réussit à stabiliser quelque peu lempire, cest maintenant larmée qui fait et défait les empereurs[1]. Celle-ci, dont la fidélité nest assurée que par de généreux dons en argent, devient de plus en plus difficile à contrôler. Le jeune Sévère Alexandre, inexpérimenté et faible de caractère, est assassiné par les troupes révoltées en 235 près de Mayence. Pour le remplacer, larmée choisit comme empereur un officier, Maximin le Thrace (235-238)[2]. Les informations que nous possédons sur cet empereur sont sujettes à caution, car les sources sont partiales[3]. Il nétait probablement pas sénateur, mais appartenait plutôt, comme Macrin avant lui, à lordre des chevaliers. En outre, il descendait dune famille qui ne possédait la citoyenneté romaine que depuis peu, même si son épouse appartenait vraisemblablement à la noblesse[4]. Ses relations avec le Sénat furent tendues car il refusa de se rendre à Rome et ne montra quun respect poli à lendroit de cette institution. Même si, dans les faits, le Sénat ne possédait plus de pouvoir réel au temps des empereurs, linstitution nen demeurait pas moins auréolée dun grand prestige. Arrivé au pouvoir, Maximin eut à faire face à un mécontentement qui sexprima quelquefois très ouvertement, car les sources font état dune tentative de révolte de la part des troupes stationnées à Mayence ainsi que dune autre en Orient, tentatives qui, si elles eurent effectivement lieu, échouèrent. Peu à peu, Maximin parvint à consolider son pouvoir grâce entre autres à des distributions en argent aux soldats ainsi quà la population de Rome. En 235 et 236, il dirigea plusieurs campagnes extrêmement brutales mais couronnées de succès contre les Germains sur le Rhin[5]. Il est possible quun champ de bataille découvert en 2008 près de Kalefeld en Basse-Saxe ait été le théâtre dune de ces batailles. Si la chose est exacte, les troupes de Maximin se seraient pratiquement avancées jusquà lElbe.

En 238 une révolte éclata dans la province dAfrique contre Maximin dont les relations avec de nombreux sénateurs ne sétaient pas améliorées entretemps. Sous la pression des évènements, Maximin avait augmenter les impôts pour payer les légions ce qui provoqua le mécontentement des provinces. Le Sénat prit également position contre Maximin, dautant plus quun usurpateur, Gordien Ier (238), acclamé empereur en Afrique après avoir fait assassiné les partisans locaux de Maximin y compris le préteur et le préfet de la ville promettait daméliorer les relations avec Rome. Près de la moitié de la province passa du côté de lusurpateur, lequel nomma coempereur son fils qui portait le même nom. Ce dernier toutefois fut assassiné au printemps 238 par des troupes loyales. Peu après, désespéré, Gordien Ier se suicida. Le Sénat, qui devait faire face aux mesures de rétorsion que comptait déjà prendre Maximin à son endroit, se hâta délire deux des siens, les sénateurs Pupien et Balbin (238), que lon appellera dès lors les « empereurs-sénateurs ». Le processus était plus que discutable. Toutefois, Rome était aux prises avec une agitation dont le but était de porter au pouvoir un empereur proche parent des Gordien. Porté par les évènements, le très jeune Gordien III, un neveu de Gordien Ier, fut proclamé César pendant que Pupien et Balbin conduisaient les affaires de lÉtat[6].

Pupien marcha alors contre Maximin, lequel faisait le siège dAquilée. Ce dernier fut finalement assassiné en même temps que son fils par des soldats mécontents. La mort de Maximin ne devait toutefois pas apporter de répit, car un conflit éclata entre Pupien et Balbin. De plus, la garde prétorienne qui constituait un élément important du pouvoir à Rome, menaçait également lautorité du gouvernement. Non seulement elle nétait pas daccord avec la nomination des empereurs-sénateurs, mais encore craignait-elle dêtre remplacée par une nouvelle unité. En 238, les prétoriens montèrent un coup dÉtat réussi contre Pupien et Balbin, suite à quoi ils acclamèrent Gordien III (239-244) comme nouvel empereur (Augustus). Ce dernier, un jeune homme de treize ans issu de laristocratie sénatoriale, tenta de revenir progressivement aux principes qui avaient été ceux des Sévères dans la conduite des affaires de lÉtat. Lannée 238 pouvait ainsi être qualifiée d’ « année des six empereurs ».

Rome sur la défensive : la menace scythe et la montée de lempire sassanide

La fin de la confusion politique qui avait marqué lan 238 ne contribua quà moitié à stabiliser la situation : les guerres contre Maximin avaient épuisé le trésor public et la situation économique était précaire. À cela sajoutèrent les menaces de lextérieur. Sur le Rhin, les Alamans accentuaient leur pression, pendant que les Goths samassaient sur la frontière du Danube et y répandaient lagitation. Il est vrai que la situation nétait pas nouvelle, ces frontières ayant été de tous temps menacées; cette fois pourtant, la permanence et lomniprésence de la pression aggravait le danger. Au fur et à mesure quelles encerclaient lempire et finissaient par se rejoindre, les tribus qui prenaient conscience de leurs origines communes tendaient à se regrouper en confédérations (ou gentes comme les Alamans ou les Francs), ce qui en renforçant leurs capacités militaires augmentait le danger pour Rome[7]. En 238 commença également la descente des Goths sur lempire romain. Les Goths conduisirent leurs premières attaques en semparant de la ville de Histros au sud du Danube pendant que les Carpes sinfiltraient dans la province de Mésie inférieure[8]. Lhistorien grec Dexippe a tracé le portrait des combats contre les envahisseurs germaniques dans son œuvre (dont nous ne possédons que des fragments), Les Scythes, nom générique sous lequel les auteurs grecs appelaient lensemble de ces tribus nomades[9]. Selon Dexippe, lannée 238 marqua le début des « guerres scythes »[10]. Jusquen 248, les Goths gardèrent la paix pendant que les Carpes poursuivaient leur offensive.

Les guerres défensives que Rome devait soutenir sur le Danube depuis la troisième décennie du troisième siècle constituaient cependant un danger moindre que ce qui se préparait à la même époque à lest de lempire. Le nouvel empire perse des Sassanides constituait en effet un bien plus grand danger que les attaques conjointes des tribus germaniques[11]. Les Sassanides sétaient soulevés contre la domination des Parthes en 226 et avaient remplacé lempire assez lâche de ceux-ci par un État puissamment centralisé, doté dune armée imposante par sa qualité et dont lélément principal était la cavalerie caparaçonnée. Lempire sassanide qui pouvait aussi se targuer dun riche héritage culturel remontant loin dans le temps devait savérer le puissant rival de Rome à lEst pendant 400 ans[12]. Le roi perse Nisibis et de Karrhai[13].

buste de Gordien III
Buste de Gordien III

Gordien III tenta de nouer de bonnes relations avec le Sénat et de soccuper du bien-être des citoyens de Rome[14]. En 241, il nomma Timesithée au poste de préfet du prétoire, ce qui permit à celui-ci de prendre la direction des affaires de lÉtat. Gordien épousa la même année la fille de celui-ci. À lextérieur, la frontière orientale demeurait un sujet brûlant. Les Sassanides avaient réussi en 240/241 à semparer de la ville de Hatra, capitale du royaume du même nom[15]. Toutefois, les recherches semblent contredire les affirmations de certaines sources occidentales à leffet que les Sassanides aient vraiment conduit des attaques contre les territoires de lancien royaume des Achéménides[16]. Dune part, il nest pas certain que les Sassanides aient eu une connaissance exacte de lhistoire ancienne, dautre part, il se peut quil ne sagisse que dune interprétation romaine[17]. La ruine du royaume de Hatra qui jouait un rôle important dÉtat tampon sur la frontière entre les deux empires, fournit le prétexte à de nouveaux combats entre Rome et la Perse qui revêtirent à Rome une importante valeur symbolique : Gordien laissa ouverte la porte du temple de Janus pour souligner que Rome se trouvait en guerre. Il implora lassistance de la déesse Athéna Promachos, laquelle avait aidé les Grecs dans leurs propres guerres contre les Perses, et institua à Rome un culte de la déesse Minerve identifiée à Athéna. Enfin, il se rendit en 243 avec Timésithée sur la frontière orientale de lempire. Après quelques succès initiaux, au cours desquels Timésithée devait perdre la vie, les Romains essuyèrent une défaite importante contre les Perses que dirigeait le nouveau roi Sapor Ier à la bataille de Mesiche ou Misikhè (aujourdhui Al-Anbar près de Falluja, Irak), probablement en février 244. Gordien perdit la vie lors de cette bataille, soit des suites de blessures au combat, soit dune machination du nouveau préfet du prétoire, Philippe lArabe[18].

Philippe (244-249), arabe dorigine et fils dun cheik, succéda à Gordien. Sa première priorité fut de conclure la paix avec les Perses ce quil obtint semble-t-il grâce au paiement dun fort tribut[19]. Philippe était très conscient de la nécessité de légitimer son pouvoir et maintint selon toutes les apparences dexcellentes relations avec le Sénat. Il permit délever Gordien au rang des dieux, tentant de cette façon de renouer avec les traditions de la dynastie des Sévères. Cela nempêcha pas plusieurs soulèvements davoir lieu sous son règne lesquels furent réprimés avec force mais relativement rapidement jusquau dernier en 249. Lannée 248 lui permit de célébrer à grands frais le millénaire de la fondation de Rome et daugmenter sa popularité. Cest probablement dans ce contexte que Gaius Asinius Quadratus termina son œuvre, Histoire des mille ans de Rome, dont seuls divers fragments sont parvenus jusquà nous. La politique étrangère demeura préoccupante, mais resta sous contrôle. En 245 et 246, Philippe fit campagne contre les Carpes dans la région du Danube, lesquels durent finalement demander la paix. Mais cette région continua dêtre la zone frontière la plus menacée de lempire, car après la défaite des Carpes, se fut au tour des Scythes, donc des Goths, denvahir le territoire et de sinfiltrer en Thrace[20]. Ils assiégèrent Marcianopolis, siège quils finirent par abandonner[21]. Jordanes, qui écrivit 300 ans plus tard, sappuyant sur une Histoire des Goths, aujourdhui disparue, soutient que les Romains auraient versé une forte somme aux Goths pour quils séloignent[22]. Lannée suivante, Philippe devait être renversé par un coup dÉtat militaire conduit par le général Dèce qui avait mené des campagnes victorieuses contre les Goths dans cette même région du Danube. Acclamé empereur par ses troupes, il affronta Philippe quil défit et tua au cours dune bataille.

aureus de Dèce
Aureus de Dèce, célébrant ses victoires

Dèce (249-251), qui prit à son avènement lambitieux surnom de Trajan, appartenait à laristocratie sénatoriale[23]. Voulant donner une nouvelle vigueur aux traditions ancestrales, il sefforça de préserver le culte des dieux et mena une politique hostile aux chrétiens. Un édit de lan 250 ordonnait à tous les citoyens de lempire doffrir des sacrifices aux dieux. Pour Dèce, la religion était une question de patriotisme autant quune question religieuse et il mit les chrétiens devant lalternative de choisir entre leur foi et la mort. Ce fut la première véritable persécution des chrétiens à léchelle de lempire. Aux yeux du traditionaliste quétait Dèce, une religion comme celle des chrétiens, en sopposant au culte des dieux, constituait de la provocation. Il faut se souvenir en effet quà Rome les dieux jouaient un important rôle en tant que protecteurs de lÉtat. Les chrétiens ne sattendaient guère à une telle rigueur. Sil y eut de nombreux cas dapostasie, dautres plus nombreux préférèrent la mort comme le célèbre érudit Origène. Le cours des évènements devait cependant reléguer cette question au second plan : la situation dans la région du Danube força bientôt Dèce à partir en campagne contre les Goths. En 251, il fut défait par le roi Kniva et perdit la vie au cours dune bataille en compagnie de son fils, Herennius Etruscus.

Le successeur de Dèce fut Trebonianus Gallus (251-253), lun des rares empereurs-soldats à être originaire dItalie. Celui-ci dut faire des concessions importantes aux Goths alors quil se voyait confronté à dautres problèmes plus urgents. Une épidémie qui semble avoir débuté dans ce qui est aujourdhui lÉthiopie sétendit jusquen Afrique du Nord avant de se propager dans les régions avoisinantes. À lest, les Sassanides poursuivaient leurs attaques contre les provinces romaines; les troupes perses savancèrent en 252 en Mésopotamie romaine et occupèrent lArménie. Pendant ce temps, les Alamans demeuraient actifs dans le nord. Mais Trebonianus Gallus neut guère le temps de faire face à lensemble de ces problèmes : il fut tué lors du coup dÉtat militaire fomenté par Aemilien en 253. Aemilien (253) lui-même ne conserva le pouvoir que quelques semaines. Le commandant Valérien, quAemilien avait appelé à laide, se tourna contre lui en Italie et Aemilien fut assassiné par ses propres troupes. Lavènement du nouvel empereur devait apporter un répit qui ne fut que provisoire. En effet, les problèmes devaient aller en saggravant et conduire lempire vers une profonde crise.

De Valérien à Claude le Gothique : périls extérieurs et soulèvements intérieurs

Valérien et Gallien : la vaine tentative dune stabilisation de lempire

aureus de Valérien
Aureus de Valérien; au verso la déesse Victoire

Valérien (253-260), le nouvel empereur, était issu dune famille sénatoriale en vue. Pourtant on sait peu de choses sur ses relations avec le Sénat[24]. Il passa peu de temps à Rome, consacrant tous ses efforts à la défense des frontières. Les Balkans demeuraient lune des régions les plus menacées de lempire. Les Goths avaient tenté dy pénétrer seuls dabord, puis en salliant aux Boranes et en lançant leurs opérations à partir de la mer. En 254, ils apparurent en mer Égée et abordèrent près de Thessalonique. Les Boranes avaient déjà tenté sans succès en 254/255 de semparer de Pityus du Pont (aujourdhui Pitsounda); ils y parvinrent lannée suivante, après sêtre alliés aux Goths. La prise de cette ville contribua de façon importante à démoraliser les légions romaines dAsie mineure. Puis, ce fut au tour de Trébizonde (aujourdhui Trabzon) dêtre razziée par les pirates. Des villes qui, pendant des siècles, navaient jamais eu besoin de murailles grâce à la Pax Romana devaient maintenant être fortifiées de toute urgence.

La situation savérait plus dangereuse encore en Orient. Les Sassanides qui avaient lancé dès les années 230 de petites offensives contre les Romains commencèrent sous la conduite de Sapor Ier en 252 ou 253 à profiter des troubles de lempire pour lancer une offensive denvergure. Ces évènements nous sont connus grâce à une geste en trois langues intitulée Res gestae divi Saporis[25] que viennent compléter diverses sources occidentales. Les troupes perses réussirent à semparer pendant quelque temps dAntioche, lune des villes les plus importantes et les plus étendues de lempire. Peu de temps après toutefois, Sapor se retira[26]. Sous les attaques perses le système de défense romain en Orient commença à seffondrer. Il était même devenu impossible pour les légions romaines dorganiser une défense coordonnée à tel point que lun des chefs locaux, le roi-prêtre dEmesa, Uranius Antoninus, décida dorganiser lui-même la défense de sa ville contre les Perses, faisant ainsi concurrence de façon plus ou moins ouverte à lempereur légitime[27]. Lépisode neut toutefois pas de répercussion, Uranius Antoninus étant décédé peu de temps après, mais il joua un rôle de catalyse dans les évènements qui mèneront à la création de la principauté séparatiste de Palmyre.

En 256, lannée même les Goths sattaquaient aux côtes de lAsie mineure, une armée perse entra en Mésopotamie. Non seulement sempara-t-elle de la forteresse de Circesium, mais les Perses se rendirent maîtres de Doura Europos quils détruisirent. Or cette ville jouait un rôle clé dans le système de défense romain de lOrient. Les troupes romaines se ressaisirent et parvinrent à empêcher les Sassanides daller plus loin, les forçant même à reculer. Cependant, ces pressions eurent de graves conséquences : plus dune légion sur les fronts nord et est étaient complètement épuisées, même si on avait trouvé une amorce de solution dans la constitution dune force dintervention de réserve à cheval pouvant intervenir sur les points chauds[28].

Lannée suivante vit un retour temporaire au calme sur les frontières. Pourtant, la situation de lempire continuait à être précaire même si, tant sur le Rhin que sur le Danube et en Orient, la menace extérieure sétait éloignée. À lété 257 Valérien, continuant en cela la politique de Dèce, se lança dans une nouvelle persécution contre les chrétiens « pour assurer la protection des dieux sur Rome ». Il sensuivit une série de condamnations à mort aussi bien que dexils et de confiscations qui servaient à point la politique fiscale du gouvernement. Parmi les victimes de cette nouvelle persécution, on compte Cyprien de Carthage. Celle-ci ne parvint pas toutefois à réprimer lavancée du christianisme. Ce fut le fils de Valérien, Gallien, qui devait mettre un terme à cette persécution en 260[29].

Gallien (253-268), qui était devenu coempereur en 253, avait reçu de Valérien la tâche de protéger la partie occidentale de lempire. aussi la situation demeurait des plus tendues comme le démontra une invasion de tribus germaniques. En 257 ou en 259, les Francs atteignirent le territoire du Haut-Rhin et progressèrent jusquen Espagne. Pendant ce temps les Alamans franchissaient la frontière du limes du Haut-Rhin/Rhétie en 259/260 après que les légions romaines qui y avaient été stationnées jusque en aient été presque toutes retirées pour faire face à des conflits intérieurs. Les Alamans savancèrent jusquà la frontière nord de lItalie Gallien vers le milieu de lété 260 les défit aux environs de Milan. Par la suite, les Romains durent toutefois évacuer ce que Tacite appelle les Champs Décumates (correspondant à peu près à lactuel Bade-Wurtemberg). Dimposants groupes de Jutes réussirent également à franchir la frontière avant dêtre arrêtés aux environs dAugsbourg, comme latteste l’ « autel de la victoire dAugsbourg »[30].


En Asie mineure, les Goths recommencèrent à sagiter. En 258, ils semparèrent de plusieurs villes quils pillèrent, dont Chalcédoine, Nicée et Nicomédie[31]. Valérien se mit à leur poursuite dans le nord de lAsie mineure en 259; mais ceux-ci sen étaient déjà retirés. Entre-temps, Valérien planifiait une grande offensive contre les Perses, mais Sapor le devança en 260. Au début de lété, larmée romaine que commandait Valérien en personne fut exterminée lors du désastre dÉdesse; Valérien lui-même fut fait prisonnier et amené en captivité. Pour la première fois, un empereur était capturé, humiliation profonde pour lorgueil romain. On peut lire à ce sujet dans la geste de Sapor :

« Dans la troisième campagne, alors que nous nous dirigions vers Karrhai et Édesse et que nous nous apprêtions à assiéger ces deux villes, lempereur Valérien marcha contre nous avec une armée de 70 000 hommes. Sur le champ de bataille de lautre côté de Karrhai et dÉdesse, il y eut un grand combat et nous fîmes prisonnier lempereur Valérien de nos propres mains et ce qui restait, le préfet du prétoire, des sénateurs et des commandants, tous ceux qui commandaient des troupes, tous nous les fîmes prisonniers et les déportâmes en Perse[32]. »

Valérien fut déporté de même que de nombreux autres prisonniers romains et mourut en captivité. Cette défaite catastrophique eut de terribles répercussions, puisquil ne restait guère darmée romaine pour sopposer aux Perses en Mésopotamie, sauf quelques petites unités. Les Perses étaient libres denvahir les provinces orientales. Manifestement, Rome avait perdu temporairement le contrôle de cette importante partie de la frontière[33]. De nombreuses sources de lantiquité tardive (sauf toutefois lHistoria Augusta proche du Sénat), sont très critiques à lendroit de Valérien. La tâche qui attendait son successeur, Gallien, était colossale.

Gallien seul empereur : lapogée de la crise

buste de l'empereur Gallien
Buste de l'empereur Gallien, Altes Museum

La période de 260 à 268 pendant laquelle Gallien régna seul marqua lapogée de la crise. Sa marge de manœuvre était extrêmement limitée, car tant les frontières occidentales quorientales de lempire se trouvèrent menacées presque en même temps[34]. Après que Valérien eût été fait prisonnier, la défense des frontières orientales sécroula presque entièrement. Des révoltes conduisirent à des tentatives de coup dÉtat, cependant rapidement réprimées. Macrien fut acclamé empereur par les armées de lest mais fut défait en 261 par des troupes loyales. Si lon se fie aux sources, Gallien ne fit rien pour faire libérer son père. Celui-ci finit ses jours en prison, empereur déjà oublié. La persécution des chrétiens cessa et Gallien en revint aux principes de Trajan qui, sil faisait du christianisme, en théorie du moins, un crime punissable demprisonnement nallait pas jusquà persécuter les chrétiens. Pourtant le calme ne revint pas à lintérieur et des soulèvements eurent lieu : en 260, Ingenuus se souleva dans les Balkans et Regalianus dans la région du Danube; ces deux tentatives furent réprimées. Ces tentatives de coup ainsi que dautres à caractère plus local et moins étendu mais qui nen monopolisaient pas moins les troupes mettaient en lumière lun des principaux problèmes du régime des empereurs-soldats, particulièrement à partir des années 250. Ceux-ci demeuraient à la merci des troupes qui les avaient acclamés et pouvaient être renversés aussi facilement quils avaient été élus, si bien que peu dentre eux moururent de mort naturelle. Le système dacceptation sur lequel était fondé le principat savérait de plus en plus problématique. Puisque les règles de succession nétaient pas définies par le droit, la légitimité de chaque princeps reposait essentiellement sur le bon vouloir de larmée, du Sénat et du peuple de Rome[35]. Pour peu que lempereur du moment ne vienne à perdre quelques batailles, il était presque certain quun usurpateur tenterait de le renverser. Alors que lon en était arrivé à un stade larmée constituait pratiquement le seul organe de décision, les troupes allaient rivaliser entre elles et mettre de lavant plusieurs candidats. Les zones de combat devenaient ainsi une occasion de se saisir du trône. Il suffisait que lempereur soit occupé à un autre endroit, pour que les troupes acclament leur général victorieux en tant que nouvel empereur, donnant naissance à des guerres civiles dont ne pouvaient que profiter les ennemis de lextérieur, au courant des dissensions internes de lempire. Celui qui sortait vainqueur de la guerre civile ne pouvait à son tour soccuper que dun certain nombre de problèmes et se voyait contraint de déléguer une large autorité à ses commandants sur le terrain qui, sils sortaient victorieux des conflits dans lesquels ils étaient engagés, navaient de cesse daspirer au pouvoir suprême[36]. Le danger venait ainsi principalement des légions situées sur le Rhin, le Danube et lEuphrate, voir même de Bretagne. Cest contre ces menaces réelles aussi bien quappréhendées que dut lutter Gallien pour stabiliser son pouvoir.

Les tentatives de Rome pour repousser les Perses qui avaient à nouveau repris le contrôle dAntioche en 260, savérèrent inefficaces jusquà ce que lexarque (et plus tard, prince) de Palmyre, Odénat, se voit confier le commandement suprême en Orient. Celui-ci avait déjà tenté de parvenir à un accord avec Sapor, mais sans succès[37]. Gallien linvestit de limperium majus pour lest et, en le créant corrector totius Orientis, en fit dans les faits son représentant dans la région[38]. Gallien navait guère le choix, car il ne disposait pas des ressources nécessaires pour combattre à la fois les Germains, lempire sécessionniste gaulois (voir ci-après) et les Perses. En fait, les forces de Palmyre avaient réussi à repousser les Perses affaiblis par les combats précédents et ne sattendaient pas à une attaque en provenance de cette direction; en 262/263, Odénat savança jusquà la capitale des Perses, Ctésiphon. Il semble bien que, pendant cette campagne qui avait pour premier but de reconquérir les quelque provinces perdues par Rome, les troupes régulières se mirent également sous son commandement. Les troupes perses durent reculer. Palmyre, ville de commerce, se révéla dès lors à la fois un des rares facteurs de stabilité sur la frontière orientale de Rome et une force rivale. Les succès dOdénat contre les Perses renforcèrent si bien son pouvoir quil prit le titre de rex regum (« Roi des rois »), une allusion évidente au titre des Sassanides, Sahan Sah et aux victoires dOdénat contre Sapor. Parallèlement, lautorité de Rome sur la région sen trouvait de plus en plus ébranlée. En 267, Odénat entreprit une nouvelle campagne contre les Perses mais fut détourné de son objectif après être tombé sur des Goths dans le nord de lAsie mineure. La même année, Odénat tomba, victime de lun de ses proches; il nest pas impossible que ce meurtre ait été commandité par Gallien qui ne pouvait voir sans crainte le pouvoir croissant dOdénat[39]. Après sa mort, son épouse, Zénobie, assuma la régence et profita de la faiblesse de Rome en Orient. Tour à tour, plusieurs secteurs de diverses provinces romaines dOrient tombèrent temporairement au pouvoir de Palmyre, parmi lesquels la Syrie et, en 269/270, la riche province dÉgypte. Ainsi naquit la principauté autonome de Palmyre qui savéra être à la fois un facteur de stabilité dans la défense de lempire contre les Perses[40] en même temps quune alternative permettant de ne pas remettre en question lautorité de lÉtat romain dépassé par les évènements. Cet état de fait fut considéré favorablement par plusieurs en Orient comme, par exemple, le Grec Nikostratos de Trébizonde qui écrivit une histoire de cette période qui na pas été conservée mais qui glorifiait les faits darmes dOdénat[41]. Lorateur et historien Kallinikos de Petra fit de même en dédiant son Histoire dAlexandrie à Zénobie.

carte de l'empire des Gaules
En vert, l'empire des Gaules en 260

Déjà en 260, une grande partie des provinces occidentales avait fait sécession pour constituer « lempire gaulois » ou Imperium Galliarum, qui ne létait toutefois que de nom et qui, pendant un certain temps du moins, comprendra outre les Gaules, lEspagne et la Bretagne[42]. À lété 260, le commandant militaire Postumus avait remporté une victoire sur quelques tribus germaniques. Mais une querelle au sujet du partage des dépouilles séleva entre lui et le césar Salonin, un fils de Gallien, envoyé par ce dernier en Gaule comme son représentant. Suite à quoi Postumus assiégea Cologne séjournait Salonin. Celui-ci fut finalement remis entre les mains de Postumus avec son conseiller Silvanus et tous deux furent exécutés. Postumus fut alors acclamé empereur par ses troupes et établit sa résidence à Cologne ou à Trèves. Postumus et son successeur établirent jusqu'en 274 leur pouvoir sur une importante partie de lOccident et enregistrèrent divers succès dans la défense des frontières. Gallien retenu par une succession de crises, ne put que relativement tard prendre action contre Postumus. En 265 (certains chercheurs avancent même 266 ou 267), il déclencha une offensive contre lempire gaulois. À partir de 269 toutefois, lautorité de Postumus commença à être remise en question dans lempire gaulois même et il fut assassiné peu après avoir étouffé une tentative dusurpation. Tout comme lui, son successeur eut à faire face à des tentatives semblables dans lesquelles les questions économiques durent jouer un rôle important comme lindique la diminution du contenu en métal fin des pièces de monnaie.

La création de lImperium Galliarum suivie un peu plus tard par celle de la principauté de Palmyre ne laissait plus en 267/268 que lItalie, la région des Balkans (y compris la Grèce), la province dAfrique de même quune partie de lAsie mineure sous le contrôle effectif de Gallien. Ces tendances centrifuges au sein de lempire étaient une conséquence directe du manque defficacité de ladministration qui devait conduire plus tard à une réaction inverse vers la centralisation de cette même administration de même quà lépuisement de larmée. Il arrivait de plus en plus souvent que lon doive retirer une partie des troupes dune région frontalière, laquelle se retrouvait ainsi sans protection, pour aller au devant des attaques ennemies dans un autre endroit. Larmée narrivait plus à assurer la protection des frontières; des milices locales devaient éventuellement prendre le relais, ce qui était déjà arrivé en Orient après la capture de Valérien. La même chose se produisit en Grèce lors de linvasion des Hérules en 267/268[43]. Après que les Goths dès 262 eussent franchi une nouvelle fois le Danube et se soient dirigés vers lHellespont avant de traverser en Asie mineure, ils semparèrent de nombreuses petites villes, ce fut au tour des Scythes dattaquer à nouveau en 267 et de piller la côte nord de lAsie mineure. Également en 267, les Hérules firent voile vers la mer de Marmara et la mer Égée pour finalement atteindre la Grèce. Ils réussirent à semparer et à piller nombre de villes comme Byzance, Argos et Athènes. À leur retour dAttique, ils furent attaqués par une milice locale. Cest pendant cette bataille que se distingua lhistorien Dexippe[44]. Un fragment de la Skythika de Dexippe, consacré à ces évènements est parvenu jusquà nous. Il sagit de lune des rares sources contemporaines de lépoque et son contenu est riche en renseignements car il atteste du fort patriotisme des Grecs et permet un retour tangible sur cette période de lhistoire du pays :

«  […] lissue de la guerre fut décidée aussi bien par notre calme que par la loi du nombre. Nos forces sont loin dêtre méprisables. Nous avons pu réunir deux mille des nôtres et notre garnison est bien protégée. Cest de cette garnison que nous devons sortir pour battre nos ennemis pendant que attaquons de petits groupes et tendons des embuscades lorsquils passent à notre portée. […] La mort frappe en effet tous les hommes, mais perdre la vie au combat pour sa patrie comble dhonneur : Rome léternelle. Ainsi parla-t-il. Les Athéniens puisèrent grand courage dans ces paroles […] et partirent au combat, le cœur plein de force[45]. »

Gallien, qui avait planifié une campagne contre Postumus et sétait arrêté en Italie, rassembla des troupes aussitôt quil apprit lattaque des Hérules et les vainquit lors dune importante bataille au printemps 268 près du fleuve Nestos dans les Balkans. Lempire romain se retrouvait de facto divisé en trois parties, lesquelles devaient chacune assurer la défense de sa frontière fluviale (Rhin, Danube, Euphrate).

Les problèmes militaires nétaient toutefois pas les seuls auxquels lempire était confronté. Les problèmes structurels étaient tout aussi importants. La rapidité avec laquelle se succédaient les souverains ne permettait pas la conduite dune politique à long terme. De plus, les empereurs-soldats dépendaient tellement du bon vouloir de leurs troupes quil leur était impossible dy maintenir la discipline. À partir de 268, bon nombre des derniers empereurs-soldats seront originaires dIllyrie, un terrain de choix pour le recrutement de larmée, et seront dorigine sociale modeste. Dès 260, parallèlement à un déclin économique, on assiste à des changements structurels dans larmée de même que dans les administrations centrale et provinciales. Déjà sous Gordien III, des soulèvements avaient eu lieu aux confins de lempire, comme en Afrique, pendant quau Sénat et dans larmée, le mécontentement allait en saccroissant et que les chevaliers remplaçaient les sénateurs dans ladministration. Cependant, lempire ne se disloqua pas et, dans ses grandes lignes, ladministration tant civile que militaire demeura intacte en Occident. Il nen fut pas de même de léconomie qui dut faire face à une crise majeure. On assista à une forte dépréciation de la monnaie parce que les ressources nécessaires au financement de larmée et de ladministration nétaient plus suffisantes de telles sorte quà partir de 270 linflation ne cessa daugmenter.

Pour faire face à ces difficulté, Gallien prit diverses mesures qui laissent déjà prévoir celles de Dioclétien et de Constantin tout en constituant une rupture avec ce qui sétait fait depuis le début de lempire. Ainsi, il décida bien quil ait été lui-même lun des derniers empereurs à appartenir à ce que lon peut appeler la noblesse, denlever aux sénateurs le commandement des légions. À leur place, les chevaliers et les militaires eux-mêmes purent accéder aux plus hauts postes jusque réservés aux sénateurs. Gallien espérait sans doute que ceux qui lui devraient ainsi leur avancement feraient montre dune plus grande loyauté que cela navait été le cas avec les ambitieux sénateurs. Son intention était vraisemblablement de confier ces postes à des militaires de carrière. Dans les faits, ces mesures venaient sceller lérosion des pouvoirs du Sénat et mettre un terme à une période pendant laquelle, depuis la fin de la république, le Sénat constituait le prestigieux cénacle de lélite civile et militaire. En 260, Gallien créa une unité de réserve formée de cavaliers qui devait servir dexemple pour larmée mobile de lavenir. Cest ainsi que les légions du Danube sur lesquelles sappuyait lempereur prirent de plus en plus dimportance. En dépit de toutes ces mesures, Gallien ne réussit pas à imposer son pouvoir à la grandeur de lempire. En 267 ou 268, Aureolus, lun de ses généraux, se révolta dans le nord de lItalie : au cours du siège de Milan, en août ou septembre 268, Gallien mourut assassiné[46].

Le bilan du règne de Gallien, le plus long règne des empereurs-soldats, diffère selon les sources consultées. Les sources écrites latines sont assez négatives alors que les grecques portent un jugement beaucoup plus positif, reflet sans doute de lintérêt que Gallien porta toujours à la culture grecque quil tenta de promouvoir. En dépit dune situation difficile, Gallien réussit à remporter quelques succès militaires et à mettre en œuvre un certain nombre de réformes qui, quoique peu systématiques, constitueront les premières étapes dune solution à la crise qui atteint son paroxysme durant son règne. Il est également vrai quun certain nombre de facteurs hors de son contrôle comme les invasions et les tentatives dusurpation pesèrent lourdement sur son administration.

Les efforts pour sortir de la crise

Claude le Gothique et les débuts de la stabilisation

monnaie de Claude le Gothique
Monnaie de Claude II "le Goth"

Claude le Gothique (268-270), successeur de Gallien, se trouva confronté dès son accession au problème des frontières qui nétait toujours pas résolu[47]. Son règne et celui de son successeur, Aurélien (tous deux étant portés au nombre des « empereurs illyriens », constituèrent un point tournant dans la période des empereurs-soldats. Alors quavant eux lempire avait continuellement été sur la défensive, ces deux empereurs réussirent à endiguer le péril germanique et à récupérer les provinces perdues tant à lOuest quà lEst. En 268, les Alamans franchirent à nouveau le Danube, manifestement dans lintention de sattaquer à lItalie. Claude réussit à arrêter les envahisseurs près du lac de Garde. Au printemps de lannée suivante, les Scythes (entendre les Goths, les Hérules et autres groupes) décidèrent de lancer une grande offensive, par mer cette fois[48]. La flotte quitta la mer Noire pour se rendre en mer Égée; une partie des troupes débarqua près de Thessalonique devant laquelle on mit le siège sans succès. Cette expédition semble avoir rencontré des difficultés considérables. Les attaques répétées ne permirent pas de semparer des villes. Lorsque Claude voulut se porter à la rencontre des envahisseurs, ceux-ci se dérobèrent et battirent en retraite. Ils furent toutefois arrêtés à lété 269 près de Niš. Cest que Claude rencontra son grand succès grâce surtout à la cavalerie et quil reçut le surnom de « le Goth » (entendre « qui a vaincu les Goths »). Le deuxième groupe devait être battu sur mer lété suivant au cours de diverses batailles navales.

Sur le plan de la politique intérieure, Claude fit une large place aux chevaliers dont plusieurs lui durent leur montée fulgurante. Si, jusquen 268, la majorité des commandants étaient des sénateurs, ce nétait déjà plus le cas. Claude et ses successeurs se dispenseront même, semble-t-il, de se voir formellement remis par le Sénat les pleins pouvoirs que leur conféraient limperium proconsulare maius et la potestas tribunicia, lacclamation par les troupes étant dorénavant suffisante. Il semble également ne pas sêtre occupé des deux territoires séparatistes des Gaules et de Palmyre, à la fois parce que ceux-ci constituaient une zone tampon utile contre les ennemis de lextérieur et parce quil ne voulait pas utiliser ses ressources limitées pour monter une offensive contre eux. De même, après la mort de Postumus, il put annexer de nouveau lEspagne qui revint sous la juridiction impériale. Le gros des efforts fut plutôt consacré à la défense de la région danubienne. Toutefois une épidémie de peste se déclara dans les Balkans en 270 et lempereur fut au nombre des victimes. Ses relations avec le Sénat qui lui décerna les plus grands honneurs semblent avoir été bonnes. Dans les annales sénatoriales, il fut classé parmi les héros, ce à quoi lon doit le rapprochement généalogique fictif entre Claude et Constantin le Grand[49]. En dépit de sa brièveté, ce court règne est à classer parmi les plus remarquables du temps des « empereurs-soldats ».

Quintillus et Aurélien

monnaie d'Aurélien
Monnaie d'Aurélien

Après la mort de Claude, son jeune frère Quintillus (270) fut proclamé empereur. Mais en septembre 270, les légions du Danube acclamèrent comme empereur Aurélien (270-275), un commandant expérimenté appartenant à lordre des chevaliers[50]. Rapidement, Aurélien marcha sur Rome. Quintillus, que ses troupes avaient abandonné, se suicida ou fut tué par ses propres soldats. Il appartint à Aurélien de surmonter la crise, du moins en partie, en ayant recours à des troupes dont certains empereurs comme Gallien avaient commencé à améliorer le professionnalisme[51]. Aurélien dut repousser une série dattaques de grande envergure de la part des barbares. Cest ainsi que dès lété 270 il réussit à vaincre les Jutes qui avaient franchi le Danube. Au printemps suivant, il dut faire face aux invasions des Vandales en Pannonie, lesquels finirent par demander la paix et se retirèrent. Peu après il repoussa bien quavec de grandes difficultés une attaque conjointe des Jutes et des Alamans en Italie. Une tentative de coup de la part de deux usurpateurs, Septimius et Urbanus, fut rapidement réprimée[52]. Une révolte à Rome causée par lavancée des Jutes fut refoulée dans le sang, ce dont lui feront grief plus tard de nombreux historiens. Par la suite, Aurélien tenta de maintenir de bonnes relations avec le Sénat. Il érigea le mur qui porte son nom pour protéger Rome; cétait la première fois que lon prenait sérieusement en considération la possibilité que la capitale soit menacée par un ennemi de lextérieur. Sur le front du Danube, la situation demeura agitée. Dans la deuxième moitié de 271, Aurélien dut se rendre sur le front oriental afin de mettre un terme à une mobilisation de Goths, mais il dut abandonner la province de Dacie, située au nord du Danube qui était trop exposée aux invasions.

En 272, Aurélien se tourna vers lest. Au printemps, il entra en campagne contre Palmyre dont le régime avait tenté en vain depuis 270 dobtenir la reconnaissance officielle de Rome. Offusqué, le fils de Zénobie, Wahballat, avait pris le titre dempereur, se rendant ainsi coupable dusurpation. En juin ou juillet 272, le souverain de Palmyre fut défait et lempereur put faire son entrée dans la ville sans combat le mois suivant. Contrairement à ce que prétend lHistoria Augusta, il ny eut pas de siège de la ville; il est probable quun « parti de la paix » ait eu le dessus dans la ville-oasis. Zénobie se retrouva en prison. Lempereur fit montre dune politique de clémence à lendroit de la noblesse du pays dont il obtint la coopération. Lexécution du philosophe Longinos, qui avait été lun des conseillers de Zénobie, demeura lexception. Aurélien réussit ainsi à ramener la partie orientale de lempire sous le contrôle de ladministration centrale sans grande difficulté. Un soulèvement à Palmyre, lannée suivante, fut rapidement réprimé. Peu de temps après Aurélien entreprit également de reprendre le contrôle de lempire des Gaules. Au printemps 274, il défit les troupes gauloises aux Champs Catalauniques : ce fut la fin de lempire des Gaules et les provinces séparatistes revinrent sous la juridiction de Rome.

Vers la fin de lété 274, Aurélien retourna en triomphe à Rome pour mettre en œuvre une série de réformes intérieures[53]. Il établit une nouvelle religion dÉtat, celle du dieu soleil, qui sous le nom de Sol Invictus devait être considéré comme « le souverain de lempire romain » et le protecteur de lempereur[54]. Indubitablement, il sagissait dune tendance théocratique vers la légitimation du pouvoir. Aurélien fut le premier empereur à ceindre un diadème et à se revêtir de vêtements dor. Ses mesures religieuses reflétaient un mouvement qui se faisait sentir vers le monothéisme ou lhénothéisme (forme de croyance ni proprement monothéiste, ni proprement polythéiste un dieu joue un rôle prédominant par rapport aux autres, ce qui lui vaut un culte préférentiel) que favorisait, surtout en Orient, la progression du christianisme. Dans les derniers mois de son règne, Aurélien se tourna contre les chrétiens alors quil avait jusque répondu à leurs demandes (voir Paul de Samosate). Léconomie montra des signes de reprise évidente après que les provinces dOrient et dOccident eussent été réintégrées à lempire, mais Aurélien échoua dans sa tentative de réaliser une réforme monétaire.

Aurélien, qui se trouvait alors en Thrace, périt en septembre ou octobre 275, victime dune conspiration ourdie par le secrétaire impérial Eros dont le comportement répréhensible risquait dêtre sévèrement puni. Sa mort toutefois ne mit pas un terme à la reprise qui, graduellement, saffirmait. Lhéritage dAurélien fut dès lors constitué par le retour des provinces dOrient et dOccident et la sécurisation des frontières, héritage qui, dans lÉpitomé de Caesaribus, écrit dans lantiquité tardive, fut comparé à celui dAlexandre et de César[55].

Les derniers empereurs-soldats : de Tacite à Carinus

Buste de l'empereur Marcus Claudius Tacitus, Musée du Louvre

Le successeur dAurélien, Marcus Claudius Tacite (275-276), venait de la vieille noblesse sénatoriale[56]. Nous navons que peu dinformation à son sujet et encore certaines sont peu crédibles. La plupart des informations plus ou moins dignes de foi nous viennent dune Histoire des Empereurs, favorable au Sénat. Tacite qui avait déjà atteint un âge avancé lorsquil fut proclamé empereur avait probablement été candidat à ce poste dans le passé. Il semploya à asseoir son pouvoir par des distributions dargent et loctroi de postes. Il tenait par-dessus tout à sassurer des bonnes grâces du Sénat comme en témoigne ses pièces de monnaie qui portent en exergue resitutor rei publicae, entendre restaurateur de la république sénatoriale bien quil se fût agi dune illusion et non dune réalité. Tacite se vit attribuer le surnom dempereur-sénateur et, de fait, il attacha beaucoup dimportance à une véritable coopération avec cette institution ce qui explique sans doute sa bonne réputation dans les sources pro-sénatoriales. Pourtant, peu après quil eut remporté la victoire sur des envahisseurs goths et hérules, il mourut en 276, vraisemblablement victime dun complot.

Son frère, Florien (276) lui succéda contre qui se forma rapidement une conspiration en Orient. Probus (276-282), commandant expérimenté originaire de Sirmium, fut proclamé empereur par ses troupes[57]. Florien se porta au devant de Probus avec de fortes unités, mais ce dernier eut le dessus; Florien fut assassiné en aout de la même année à Tarse dans le sud-est de lAsie mineure et Probus lui succéda[58]. Probus neut guère de temps pour affirmer son pouvoir; déjà, comme tous les soldats-empereurs, les problèmes le rappelaient aux frontières. En Gaule, les Alamans et les Francs avaient percé la ligne de défense du Rhin et sétaient lancé dans une campagne de pillage à grande échelle. Probus répliqua par des campagnes en 277 et 278 il remporta divers succès. Même si les sources exagèrent notablement, il est certain quil réussit à stabiliser la frontière du Rhin[59]. Au printemps 278, il se dirigea vers le Danube et aussi reprit le contrôle de la situation. À son retour, il vainquit Burgondes et Vandales, succès dont témoignent diverses pièces de monnaie.

Presque en même temps, en Égypte, les Blemmyes venus à nouveau menacer la frontière sud de la région du Nil furent vaincus contribuant ainsi à stabiliser une autre frontière. Les relations avec les Sassanides au contraire semblent avoir été tendues mais aucun conflit denvergure néclata[60]. En Asie mineure, une bande de voleurs conduite par un dénommé Lydios faisait la loi et put être éliminée même si, comme en Égypte, lempereur ne prit pas lui-même part à lexpédition. Il semble que Probus se soit retiré à Rome à lété 279[61]. Plusieurs tentatives infructueuses de coups dÉtat eurent lieu durant son règne. En 280 ou 281 un usurpateur dont le nom est resté inconnu se leva en Bretagne[62]. En même temps eut lieu le soulèvement de Proculus et de Bonosus en Gaule (vraisemblablement à Cologne) de même enfin que celui de Julius Saturninus en Syrie[63]. Toutes furent rapidement réprimées, celle de Saturnius layant été par ses propres troupes sans que Probus eut à intervenir. En 281, Probus célébra son triomphe sur les Blemmyes et les Germains et fit des distributions dargent au peuple. On pense quil planifiait une campagne contre les Perses lorsquil fut assassiné par des troupes mécontentes à Smyrne en septembre ou octobre 282[64]. La raison de ce mécontentement réside probablement dans la discipline de fer quil maintenait parmi ses troupes. Il semble avoir été aussi bon administrateur que commandant militaire. Son règne est lobjet de commentaires élogieux dans les sources on le décrit comme un souverain équitable qui continua avec rigueur la politique de consolidation amorcée par Aurélien.

monnaie de bronze de Dioclétien
Monnaie de bronze de l'empereur Dioclétien

Le nouvel empereur, Carus (282-283) venait du sud de la Gaule. Déjà acclamé comme empereur du temps de Probus, il ne lui restait en 282 quà faire légitimer son autorité[65]. Peu après, Carus éleva ses deux fils Carin (283-285) et Numérien (283-284) à la dignité de coempereurs. En 283, il remporta la victoire sur les Sarmates qui avaient franchi le Rhin pour envahir les territoires dempire. Suite à quoi il nomma Carin comme son représentant en Occident, pendant que lui-même accompagné de Numérien lançait une campagne contre les Sassanides en Orient. On ignore quelle fut la cause de cette campagne, mais il peut sêtre agi dune agression perse ayant eu lieu précédemment. Quoi qu'il en soit, cette invasion prouve que la puissance de frappe de lempire sétait améliorée au point lon croyait pouvoir reprendre loffensive en Orient. Loccasion semblait favorable : le roi perse Bahram II, tenu en alerte par une rébellion dans son propre royaume, fut pris totalement par surprise par lattaque des troupes romaines qui purent avancer jusquà la résidence des Sassanides, Seleukia-Ctésiphon. Si elles prirent la ville, des attaques subséquentes neurent pas le même succès. Carus mourut subitement près de Ctésiphon à la fin-juillet 283. Il nest pas évident quil se soit agi dune mort violente. Laffirmation que lon trouve dans plusieurs sources à leffet quil ait été frappé par la foudre ne fait que traduire la surprise causée par une mort inattendue que lon aurait attribué à une intervention divine[66].

Larmée décida après la mort de Carus de battre en retraite et élut durgence Numérien lequel mourut en novembre 284 sur le chemin du retour dans des circonstances qui nont pas été éclaircies. Larmée choisit alors comme nouvel empereur le commandant de la garde, Diocles, qui prit le nom de Dioclétien (284-305). En chemin, il se heurta à Carin qui sétait entre-temps battu avec succès contre les Germains. La rencontre eut lieu dans les Balkans. Carin fut finalement défait à la fin de lété ou au début de lautomne 285, victime dune intrigue les conspirateurs se rangèrent du côté de Dioclétien. Celui-ci disposait dorénavant seul du pouvoir et entreprit une série de réformes en profondeur, dont les détails font lobjet de controverses parmi les chercheurs, mais qui transformèrent lempire[67]. Dioclétien imposa un nouveau système de taxation (capitatio-iugatio) et divisa larmée entre comitatenses ou armées de campagne ou daccompagnement et limitanei ou armées de protection des frontières. Lempire était enfin parvenu à surmonter cette période de crise quelle avait connue pendant près dun demi-siècle, bien que plusieurs des réformes mises en place à ce moment aient trouvé leur origine dans diverses mesures prises par quelques-uns des « empereurs-soldats » comme Gallien et Aurélien.

Caractéristiques de lépoque

Les historiens de la deuxième moitié du IVe siècle qui ont écrit lhistoire du siècle précédent ont, de façon presque unanime, porté sur celui-ci un jugement négatif. Leurs critiques les plus vives se concentrèrent sur les règnes des empereurs Valérien et Gallien. Eutrope par exemple parle de cette époque comme de celle «  lempire romain fut anéanti »[68]. Aurelius Victor et lauteur anonyme de lHistoria Augusta sexpriment en termes à peine différents. Les annales sénatoriales reflètent avec rigueur les évènements du milieu du IIIe siècle, alors que lempire devait se battre sur toutes ses frontières et quà lintérieur les usurpateurs tentaient, lun après lautre, de renverser les empereurs régnants. Limage qui se dessine des recherches des siècles antérieurs ne fait que reprendre en bonne partie ce quen disaient les sources elles-mêmes. La recherche contemporaine pour sa part est plus nuancée et a tendance à reconsidérer plusieurs points jusque acceptés sans discussion[69].

La première caractéristique de lépoque réside dans la succession rapide des souverains[70]. Sil est vrai que sous les Sévères tout comme dans lantiquité tardive on assiste à de nombreuses tentatives de renversement du pouvoir établi, contrairement à lépoque des « empereurs-soldats », celles-ci restaient pour la plupart infructueuses. Un autre trait dominant est que pour la plupart, les souverains de lépoque nappartenaient pas à la classe sénatoriale. Les empereurs-soldats étaient souvent de simples soldats, sans beaucoup dinstruction et dorigine modeste. Le premier empereur, Maximin, constitue en cela un exemple typique. Il nest pas étonnant que les écrivains de lépoque, lesquels appartenaient pour la plupart à la classe sénatoriale aient vu sans grand plaisir la marginalisation du Sénat et le peu dimportance que certains empereurs, Maximin en tête, attachaient à maintenir de bonnes relations avec cette institution. Pourtant, le Sénat ne jouait pratiquement plus de rôle dans la conduite des affaires de lÉtat et même son acceptation des nouveaux empereurs finira par disparaître[35]. La période des empereurs-soldats correspond à une crise institutionnelle la stabilité et la légitimité du régime sont continuellement en jeu. Certains empereurs tenteront de résoudre ce dilemme en donnant à leur régime un caractère religieux (comme le culte du dieu-soleil sous Aurélien); dautres tenteront de justifier leur prise du pouvoir en invoquant le principe de la succession dynastique[71]. Ce nest quà lépoque de Dioclétien et de Constantin que le dilemme pourra se résoudre[72]. Même sil nexiste pas de portrait uniforme de lempereur-soldat, tous auront en commun de détenir leur pouvoir de la volonté des armées et d'assurer leur légitimité et leur maintien au pouvoir grâce à leurs succès militaires.

carte de l'empire sassnide
L'empire sassanide à son apogée

Une deuxième caractéristique de cette époque est le danger général et permanent que représente la menace de lextérieur. Il se double en même temps d'un renforcement considérable des forces de lennemi. Dans les régions du Rhin et du Danube, de nouvelles tribus germaniques forment des confédérations leur donnant ainsi une force dattaque beaucoup plus considérable. À lEst se lève lempire des Sassanides qui à plus dun titre est légal de Rome et qui mènera une politique expansionniste agressive. Vers le milieu du IIIe siècle, on assiste ainsi à une pression considérable sur les frontières et lempire essuie défaite après défaite. La capture de Valérien par les Perses en 260 et les évènements qui sensuivirent (les attaques de plus en plus fréquentes des Syrtes, la sécession de Palmyre et de lempire gaulois), marqueront lapogée de la crise. Mais il faut en même temps remarquer que cette crise ne sétend pas à tous les secteurs de la vie quotidienne, ni à toutes les régions de lempire.

En dépit des symptômes de crise auxquels on assiste sur les plans politiques et militaires, en particulier du temps de Gordien III et de ses successeurs, crise dont les causes principales doivent être recherchées dans les menaces extérieures, léconomie de lempire semble sêtre maintenue en meilleure position quon ne laffirme généralement. Les recherches antérieures avaient tendance à suggérer quau IIIe siècle des provinces entières sétaient appauvries, que les infrastructures sétaient écroulées et que la pression de lÉtat sur les simples citoyens sétait considérablement accrue conduisant à un appauvrissement des populations et à une fuite hors des villes et des villages. Le troc avait fait sa réapparition alors que diminuait léconomie monétaire[73]. Les recherches plus récentes présentent un portrait quelque peu différent. Il est vrai que la détresse apportée par les invasions entraîna une augmentation des dépenses militaires de lÉtat constatée par la dévaluation de la monnaie et laugmentation des impôts. Toutefois la pression des impôts ne se fit sentir quà partir de léchec des réformes du système monétaire sous Aurélien, lesquelles conduisirent à un problème structurel pour lÉtat et à une augmentation sans précédent de linflation. Mais on ne peut constater son apparition avant les années 270 à la lecture des sources qui nous viennent dÉgypte, lieu de production principal des articles usuels et de lindustrie[74]. Les chercheurs sont également divisés sur la question de savoir sil se produisit une diminution véritable de la population[74].

Il en va de même de la question épineuse de savoir si lesclavage a joué pour léconomie de lempire le rôle que lui attribuait la recherche antérieure et si la réduction de lesclavage a vraiment conduit, comme on le croyait jusquà présent, à une crise économique. Létude des sources ne permet pas une telle conclusion de telle sorte quon peut se demander si la productivité des esclaves était vraiment plus élevée que celle des hommes libres ou semi-libres et si, par conséquent, la réduction de lesclavage a été une véritable cause de déclin économique[75]. Il est vrai que les impôts se sont accrus en particulier pour les décurions (lélite locale des villes) et en particulier pour les couches les moins favorisées de la population, mais on ne peut généraliser cette affirmation à la grandeur de lempire dautant plus que le niveau de vie variait dune région à lautre. Il est également vrai que la situation économique a souffert des disputes constantes entre militaires de lépoque et que linflation des années 270 a conduit à de dramatiques revers mais on ne peut conclure à un effondrement économique vu la diversité des situations à travers lempire. Au contraire, les recherches récentes ont démontré que certaines régions, comme lÉgypte, lAfrique de même que lEspagne, ont au contraire connu une certaine prospérité. Même en Asie mineure on devait faire face aux dangers des invasions, on ne peut constater de malaise économique généralisé[76]. Alors que commerce et industrie florissaient dans plusieurs régions particulièrement ils nétaient pas entravés par les combats, dautres provinces faisaient face à des difficultés très sérieuses, comme on le constate par les stocks amassés dans les provinces du nord-ouest de lempire. On ne peut donc parler de crise économique ni dans lensemble de lempire, ni pour toute la période des empereurs-soldats[77]. Dautres affirmations acceptées par la recherche ancienne sur la base de sources aussi bien païennes que chrétiennes et faisant croire à une crise économique généralisée sont aujourdhui remises en question[78]. Il ne peut en effet être question de déclin généralisé dans les espoirs quentretenait le peuple[79].

En ce qui a trait aux villes, celles-ci continuèrent à sadministrer elles-mêmes et on ne peut parler dun déclin généralisé, même si la construction se concentra sur les régions menacées et fut constituée surtout par des travaux défensifs. Certes, les campagnes de pillage menées par divers envahisseurs ont contribué ici et à un déclin culturel que lon constate jusque dans le domaine des arts. On assiste ainsi à un déclin culturel dAthènes après linvasion des Hérules en 267. Pourtant, la ville est demeurée, même pendant la crise du IIIe siècle un centre denseignement important, à linstar de Rome, Carthage, Alexandrie et Antioche.

Autre transformation, les développements du IIIe siècle ont également permis à des personnes dorigine modeste de se tailler une carrière prestigieuse dans larmée. Ces nouveaux venus de même quune nouvelle génération de dirigeants municipaux remplacèrent graduellement lancien système de valeurs en donnant une importance nouvelle à linstruction. Dans le domaine de la philosophie Plotin, Porphyrios et Longinos sillustrèrent, le néo-platonisme apporta un courant revendicateur nouveau conforme à lesprit du temps. Dans le domaine religieux, le christianisme gagna en influence pendant que les cultes des dieux traditionnels eurent tendance à se concentrer sur une divinité unique (christianisme) ou à tout le moins supérieure (hénothéisme). De plus, une nouvelle religion aux prétentions universelles, le manichéisme, sétendit de lOuest de lempire jusquen Asie centrale[80].

Il faut donc éviter de faire des généralisations hâtives à partir de quelques symptômes de crise ou de surévaluer ceux-ci. On peut même se demander si, au plus fort de la crise, on pouvait vraiment parler de crise existentielle[81]. Même si lempire était sérieusement affaibli, les empereurs réussirent chaque fois à reprendre le contrôle de la situation, à passer à loffensive et à réunir les parties de lempire qui, tant à lOuest quà lEst, cherchaient à se séparer. Les différents angles sous lesquels la recherche moderne a étudié cette période permettent de porter un jugement densemble fort différent. Cest ainsi entre autres que lon prend maintenant mieux en considération le fait que ce sont les amorces de réformes entreprises sous lempereur Gallien qui porteront leurs fruits sous les empereurs subséquents et jusque dans lantiquité tardive.

Lère de la « crise de lempire » peut ainsi se subdiviser en trois périodes. La première comprend les années qui vont depuis la fin de la dynastie des Sévères (235) jusquà 253, période pendant laquelle lempereur cherche à conserver les traditions du principat telles quétablies par les Sévères. La deuxième qui comprend les règnes de Valérien et de Gallien présente divers symptômes dune crise qui atteint son apogée au milieu du IIIe siècle. Mais il faut en même temps considérer que ces deux empereurs comprenaient ces problèmes et sefforçaient dy remédier. La troisième phase qui débute en 268 se caractérise par un rétablissement graduel qui trouvera son aboutissement dans les réformes en profondeur de lépoque de Dioclétien et de Constantin. De telles sorte que lépoque des empereurs-soldats fut surtout lépoque qui verra la transformation du principat du Haut-Empire vers celle de lempire héréditaire du Bas-Empire.

Les sources

La question des sources concernant « la crise de lempire » est une des plus complexes de lhistoire ancienne, en grande partie parce quil nexiste pas dhistoire générale qui relieraient les faits les uns aux autres[82]. La biographie des empereurs écrite par Marius Maximus ne sétend que jusquà Elagabal. Lœuvre de Cassius Dion se termine avec lannée 229 alors que celle dHérodien, qui dépend en plusieurs endroits de Cassius Dion, Histoire de lempire jusquà Marcus ne va que jusquen 238 et nest pas très abondante en renseignements. Pour le reste de ce siècle allant jusquà la période de Dioclétien et de Constantin, il nexiste pas de description générale des évènements qui ait été écrite par un contemporain.

LHistoria Augusta, rédigée pendant lantiquité tardive, constitue une collection latine de biographies dempereurs. Contrairement aux indications quelle contient, elle na pas été écrite par six auteurs différents dans les années 300, mais bien par un seul auteur païen, demeuré anonyme, écrivant autour de lannée 400. Bien quelle contienne dabondants détails sur la vie des divers empereurs-soldats, une bonne partie de ceux-ci savère ou bien fausse ou bien fort douteuse. La description de certaines vies sont cependant complètes[83]. Également dans le monde latin, divers résumés historiques connus sous le nom de bréviaires, rédigés au IVe siècle sont dignes de mention. Citons parmi ceux-ci, les Caesares dAurélius Victor, le Breviarum dEutrope, lœuvre de Rufius Festus de même que lœuvre anonyme, Épitomé de Caesaribus. Les auteurs de ces bréviaires utilisent comme source importante, et parfois unique, une histoire des empereurs, aujourdhui perdue, appelée en français Histoire impériale dEnmann (du nom du linguiste allemand qui a démontré que ces divers fragments avaient bien été rédigés par un seul auteur). Celle-ci semble avoir traité de divers tyranni (usurpateurs) avec abondance de détails et contient des informations relativement dignes de confiance. Dautres sources latines qui nous donneraient de plus abondantes informations sur la période des empereurs-soldats ont été perdues, comme les passages concernant cette période du dernier historien important de lantiquité, Ammianus Marcellinus, qui traite du IIIe siècle dans différentes parties de son œuvre, ou les Annales de Virius Nicomachus Flavianus[84]. On ne peut donc parler dune abondance de sources en ce qui concerne le IIIe siècle. Des auteurs latins plus tardifs sappuient sur des comptes-rendus du Sénat ou des ouvrages en grec; divers spécialistes soutiennent quil y aurait probablement eu dautres ouvrages historiques rédigés en latin[85].

Contrairement au monde latin, lhistoriographie grecque était florissante au temps des empereurs-soldats. Nikostratos de Trébizonde écrivit un ouvrage qui couvre la période de 244 jusquà la capture de Valérien par les Perses; la guerre avec les Perses est également le sujet de commentaires de Philostrate d'Athènes. Ephoros le Jeune écrivit avec force détails sur le règne de Gallien et lHistoire des empereurs dun certain Eusebios traita de la période allant jusquà Carus. De ces ouvrages, on ne connait guère que le nom des auteurs; seuls des fragments des Histoires de Philostratos et dEusebios sont parvenus jusquà nous. Il en va de même de lHistoire millénaire de Rome et de lHistoire des Parthes dAsinus Quadratus dont seulement certaines citations par des auteurs postérieurs sont conservées. Les fragments des œuvres historiques de Dexippe donnent quelques lueurs despoir; sa Chronique en douze volume couvre la période jusquen 270, alors que sa Skythika, dépeint les combats contre les Germains de 238 à 270/274 dans un style qui se veut une imitation de Thucydide[86]. Cependant on ne doit pas perdre de vue à quel point la transmission des sources concernant cette période est pauvre, non pas que la production littéraire (du moins dans le monde grec à lEst de lempire) se soit tarie, mais celle-ci sera perdue par la suite[87] .

Des historiens postérieurs purent toutefois sappuyer sur ces ouvrages comme Zozime (aux environs de 500) ou divers auteurs byzantins, lesquels eurent à leur disposition ou bien les œuvres originales ou bien des sources intermédiaires. Parmi eux on peut mentionner lAnonymus post Dionnem (pratiquement identique aux Histoires de Petros Patrikios aujourdhui perdu), le chroniste Jean Malalas, Jean d'Antioche, Georges le Syncelle et Jean Zonaras. La qualité de leurs écrits varie bien quils nous donnent des informations abondantes et en partie dignes de foi, tout comme lAnonymus post Dionnem et Zonaras; ce dernier reprend également la soi-disante Leoquelle. On doit aussi mentionner les œuvres dhistoriens ecclésiastiques comme Lactance et Eusèbe de Césarée, également appelé le père de lhistoire de lÉglise, de même que des auteurs chrétiens postérieurs comme Origène et Cyprien de Carthage. Le romanisant Jordanès le Goth qui écrivit au VIe siècle en sappuyant dans son Histoire des Goths sur des sources qui ont disparu relate aussi des évènements ayant appartenu au temps des empereurs-soldats, même sil nest pas toujours fiable. De nombreuses autres œuvres en latin et en grec certes, mais aussi en syrien, en arabe, en arménien ou en perse nous apportent dautres informations utiles pour reconstruire lépoque des empereurs-soldats même si elles ne peuvent compenser la perte dune historiographie continue pour le IIIe siècle.

Cest pourquoi les sources non littéraires prennent une importance considérable pour cette période, quil sagisse de la numismatique (ne serait-ce que comme pièces justificatives pour plusieurs empereurs dont lexistence même pourrait être mise en doute), la papyrologie (pour clarifier certaines questions de chronologie), les inscriptions (comme celles de lAutel de la victoire dAugsbourg) ou les trouvailles archéologiques. Il demeure toutefois que les sources de ce genre sont souvent dune interprétation laborieuse ou difficiles à replacer dans le contexte de lhistoire de lempire[88].

Historique de la recherche

Edward Gibbon
Edward Gibbon dont "Le déclin et la chute de l'empire romain" fut l'un des premiers ouvrages à traiter des causes de la chute de Rome

Sil est difficile de porter un jugement général sur cette époque, il lest tout autant de la délimiter avec exactitude. La majorité des historiens de lantiquité font appel au verdict bien connu de Cassius Dion selon lequel un âge dor aurait pris fin avec la mort de Marc-Aurèle pour laisser place à une époque de fer et de rouille[89] qui aurait débuté avec lavènement de Septime Sévère et des empereurs-soldats. Il sensuivit que lon ne fit pratiquement pas de différence entre la période des empereurs-soldats et celle de la véritable « crise de lempire ». De nos jours, on sentend de façon générale pour faire débuter respectivement la période des empereurs-soldats et celle de la crise de lempire (employée ici seulement pour désigner une époque) avec lan 235 et la faire terminer avec lavènement de Dioclétien en 284/285[90].

Lère de « la crise de lempire » avait déjà été traitée dans des ouvrages classiques comme lHistoire de empereurs et autres princes qui ont régné pendant les six premiers siècles de lÉglise de Louis-Sébastien le Nain de Tillemont à la fin du XVIIe siècle ou dans lHistory of the Decline and Fall of the Roman Empire dEdward Gibbon dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, Gibbon sappuyant souvent sur le matériel de Tillemont. Mais il faudra attendre le XIXe siècle pour voir se développer une recherche que lon peut qualifier de vraiment scientifique[91]. Déjà Gibbon en sappuyant sur le jugement de Cassius Dion caractérisait la période qui suivit le règne de Septime Sévère de « régime militaire » et décrivait les années 248 à 268 pendant lesquelles les invasions de lempire se multiplièrent et les Romains subirent des revers de plus en plus nombreux de « twenty years of shame and misfortune »[92]. Jacob Burckhardt dans son classique The age of Constantine the Great (1853) consacre le premier chapitre à « The Imperial Power in the Third Century ». Burckardt utilise pour caractériser cette période des notions comme celle dempire des soldats-empereurs et de crise, tout comme Gibbon considérait lempereur illyrien comme le sauveur de lempire. Le jugement très largement négatif porté sur cette période résulte ainsi des biographies des empereurs de la fin du XIXe et du début du XXe siècle[93].

On doit principalement à trois érudits le développement de la recherche dans la première moitié du XXe siècle : Michael Rostotzeff, Andreas Alföldi et Franz Altheim[94]. Leur personnalité était fort différente lune de lautre. Rostovtzeff était marqué par les suites de la révolution russe de 1917, Alföldi par la période de la monarchie austro-hongroise, alors que Altheim, qui se démarquait par loriginalité de sa pensée, se laissa entrainer par lidéologie nationale-socialiste; les premières amorces de leurs recherches devaient lêtre tout autant. Rostovtzeff qui parlait de la période suivant 235 comme dune « anarchie militaire », partait de considérations économico-sociales pour affirmer lexistence dun antagonisme entre citadins et paysans de lépoque. Il publia de nombreux travaux sur la période de la crise de lempire, parmi lesquels deux imposants articles dans le douzième volume de la Cambridge Ancient History, qui marqua un tournant décisif dans la recherche de lépoque et qui est encore utile de nos jours. Alföldi était davis que les symptômes de crise aussi bien à lintérieur quà lextérieur saggravèrent au cours du troisième siècle et quon ne trouva personne pour prémunir lÉtat contre eux. Alföldi voyait aussi dans lempereur illyrien le sauveur de lempire qui introduisit les réformes nécessaires à son relèvement. Altheim consacra aussi plusieurs travaux aux empereurs-soldats, concept quil contribua à rendre familier dans le public, et établit lannée 193 comme début de cette période. Dans son livre, Die Soldatenkaiser (1939), qui fut publié grâce à une financement de la maison Das Ahnenerbe proche des SS, Altheim mettait de lavant la thèse de lopposition entre les régions pendant lépoque des empereurs-soldats, par exemple au sein de larmée entre Illyriens et Germains. Le concept du souci de lempire perdit de plus en plus de partisans jusquà ce quil simpose à nouveau au temps de Gallien. Ce point de départ fondé sur le concept de race poussa Altheim à tenter de démontrer la « germanité » de Maximin le Thrace. Ceci lui valut les critiques de Wilhelm Enßlin, lui-même actif en Allemagne pendant la période nazie, qui sinterrogea sur le rôle quun tel concept pouvait jouer. Altheim, dont les considérations, comme celles de Rostovtzeff, étaient fortement influencées par son époque voulut voir dans la période des empereurs-soldats le point daboutissement dune période de crise larvée dans laquelle Rome sétait laissé engouffrer. Ce nest cependant que plus tard, dans des éditions remaniées de son œuvre que le concept de « crise de lempire » joua un rôle. En dépit de plusieurs points problématiques, voire insoutenables, on doit reconnaitre à Altheim le mérite davoir présenté avec plus de force que ce nétait le cas dans le passé le rôle joué par les régions limitrophes de lempire.

Lintérêt pour la période de la crise de lempire ne se relâcha pas pendant la deuxième moitié du vingtième siècle[95]. Dimportants articles parurent suite aux travaux de Géza Alföldy qui était dopinion que lon pouvait déjà discerner la conscience dun état de crise chez divers contemporains de cette période comme dans lœuvre dHérodien. David S. Potter pour sa part était davis que de larges secteurs de la population nétaient que peu concernés par la crise et que de nombreuses réformes des empereurs-soldats laissaient prévoir celles qui seraient adoptées pendant lère de Dioclétien et de Constantin. Klaus-Peter Johne fait une distinction entre la crise militaire et une crise à plus long terme. Karl Strobel et Christian Witschel suivront la même voie. Ces deux derniers ne sont pas daccord avec le modèle traditionnel de crise qui ne peut expliquer les développements du IIIe siècle. On ne peut parler de crise tous azimuts, encore moins de « crise mondiale » comme on lavait cru précédemment. Ils en veulent comme preuve que plusieurs régions de lempire prospérèrent durant cette période et ne furent guère touchées par les menaces militaires. Witschel, qui ébaucha plusieurs modèles de crise, soutint le point de vue quil sagissait de crises ponctuelles, de nature locale et limitées dans le temps, qui finirent par être surmontées grâce à des réformes appropriées. Elles nauraient représenté en fin de compte que les manifestations passagères dune transformation sur une très longue période. Strobel, se fondant également sur les changements structurels du IIIe siècle, nie lexistence dune « conscience de crise » correspondant à cette période pendant laquelle on aurait rassemblé de nombreux problèmes individuels et catastrophes régionales pour en dresser une image globale. Toutefois, il existe encore de nombreux spécialistes, parmi lesquels Lukas de Blois, pour partir du point de vue quil y a bel et bien eu une crise globale qui a atteint son point culminant aux environs de 250.

Le jugement porté sur la période des empereurs-soldats sest le plus souvent avéré négatif et fut présenté comme le parallèle dune crise de lempire. Plusieurs spécialistes considéraient comme fondamentaux les signes de déclin à lintérieur de lempire que nauraient simplement que renforcés les menaces de lextérieur (Gibbon, Rostovtzeff) pendant que dautres considèrent la menace extérieure comme primordiale (Altheim). Une telle présentation reposant sur une cause unique, tout comme du reste lhypothèse soutenue par de nombreux chercheurs marxistes à leffet que le problème à lintérieur de lempire pouvait se réduire à une crise de l’ « économie desclavage », a depuis été abandonnée comme nétant guère plausible[96]. Depuis les années 1990, les jugements se font nettement plus nuancés. La recherche contemporaine semble montrer que tenants et opposants du concept de crise ne sont plus très loin les uns des autres, comme le suggèrent pour linstant du moins, les apparences. Il nest plus guère contesté que plusieurs régions prospérèrent pendant la soi-disant période de crise de lempire, même si au même moment lempire devait faire face à des difficultés très sérieuses. La différence réside en dernière analyse dans la pondération que lon accorde à chacun de ces différents facteurs[97].

Chronologie

Liste des principaux évènements de cette période

235 Mort de lempereur Sévère Alexandre et fin de la dynastie des Sévères; début du règne du premier empereur-soldat, Maximin le Thrace.

238 Année des six empereurs et début de linvasion des Scythes (Goths et autres tribus germaniques actives dans la région du Danube et de la mer Noire).

244 Échec de la campagne de lempereur Gordien III contre les Perses; défaite des Romains lors de la bataille de Mesiche et mort de lempereur.

257 Début de la persécution de Valérien contre les chrétiens dont la première phase se terminera en 260.

260 Les Sassanides capturent Valérien; la crise atteint son apogée. Dans les années 260 se forment les États séparatistes de Palmyre et des Gaules.

267 Campagne de pillage des Hérules et autres tribus germaniques en mer Égée. Athènes et de nombreuses villes sont ravagées.

268/269 Victoires des Romains contre les Alamans et les Goths.

270 Aurélien est proclamé empereur. Dans les années subséquentes, il mettra fin à la sécession de Palmyre et de lempire gaulois. Toutefois, lempereur abandonne la Dacie, trop exposée aux invasions.

285 Lempereur Carinus est victime dun complot. Lannée précédente, le général Dioclétien était acclamé empereur. Il devient bientôt seul souverain et amorce des réformes en profondeur qui transformeront lempire.

Liste des empereurs

Des vingt-et-un empereurs qui se succéderont de 235 à 284, deux seulement, Claude et Tacite, mourront de cause naturelle; Dèce sera tué dans une bataille aux frontières et Valérien sera prisonnier et tué par les Sassanides; tous les autres seront déposés par leurs soldats ou ceux dun rival[98] .

Empereur Règne Méthode d'accession Cause du décès
Maximin le Thrace 235-238 élu par l'armée tué par l'armée
Gordien Ier et Gordien II 238 élus par le Sénat tués pendant la guerre civile
Balbin et Pupien 238 élus par le Sénat tués par la garde
Gordien III 238-244 héritier dynastique tué par la garde
Philippe lArabe 244-249 élu par la garde tué pendant la guerre civile
Dèce 249-251 élu par larmée tué pendant une guerre contre les Goths
Trebonianus Gallus 251-253 élu par larmée tué pendant la guerre civile
Émilien 253 élu par larmée tué par larmée
Valérien 253-260 élu par le Sénat et larmée mort en captivité
Gallien 253-268 héritier dynastique tué par larmée
Claude le Gothique 268-270 élu par larmée mort de la peste
Quintillus 270 élu par le Sénat suicide ou tué par ses troupes
Aurélien 270-275 élu par larmée tué par son garde du corps
Marcus Claudius Tacite 275-276 élu par le Sénat tué par larmée
Florien 276 élu par larmée tué par larmée
Probus 276-282 élu par larmée tué par larmée
Carus 282-283 élu par larmée mort naturelle (?)
Numérien 283-284 héritier dynastique tué par le préfet
Carin 283-285 héritier dynastique tué pendant la guerre civile

Notes et références

Notes

Références

  1. Pour un bon survol de cette période allant de Commode à Septime Sévère, voir Potter, Roman Empire at Bay, p. 85 et sq.
  2. Sur Maximin, voir le survol de Ulrich Huttner, « Von Maximin Thrax bis Aemilianus », dans Johne et alii, Soldatenkaiser, p. 161 et sq; comparer à Henning Börm, « Die Herrschaft des Kaisers Maximin Thrax und das Sechskaiserjahr 238 » dans Gymnasium 115 (2008), pp. 69-86. Pour un survol des évènements au temps des empereurs-soldats, voir John Drinkwater, « Maximin to Diocletian » dans Bowman et alii, The Cambridge Ancient History, 2e édition, vol. 12, p. 28 et sq, Potter, Roman Empire at Bay, AD 180-395, p. 167 et sq. On pourra également consulter dans la première édition de The Cambridge Ancient History : Wilhelm Enßlin, « «The Senate and the Army ». Dans The Cambridge Ancient History, vol. XII, "The Imperial Crisis and Recovery A.D. 193-324", edition S.A. Cook, F.E. Adcock et alii, Cambridge 1939, p. 72 et sq. Voir aussi Karl Christ, Geschichte der römischen Kaiserzeit, 4e édition, München, 2002, p. 634 et sq.; Michael Sommer, Römische Geschichte II. Rom und sein Imperium in der Kaiserzeit, Stuttgart, 2009, p. 261 et sq.
  3. Voir Jan Burian, « Maximinux Thrax: Sein Bild bei Herodian und in der Historia Augusta », Philologus 132 (1988), pp. 230-244.
  4. Il nest pas assuré que, comme le laisse entendre lhistorien Hérodien dans Kaisergeschichte 7,1, la famille soit dorigine thrace. Voir Huttner, « Von Maximinus Thrax bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 161.
  5. Huttner, « Von Maximinus Thrax bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 166.
  6. Huttner, « Von Maximinus Thrax bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p. 173.
  7. Voir à ce sujet, Adreas Goltz, « Die Völker an der nordwestlichen Reichsgrenze » dans Johne et al., Soldatenkaiser, pp. 449 et sq. Pour une analyse plus complète, voir Walter Pohl, Die Germanen, München, 2004.
  8. Pour une histoire générale des Goths, voir Herwig Wolfram, Die Goten, 4e édition, München, 2001, p. 53 et sq. Pour le récit des invasions, voir aussi Andreas , “The Invasions of Peoples from the Rhine to the Black Seadans The Cambridge Ancient History. Vol. XII, “The Imperial Crisis and Recovery A.D. 193324”, editions S.A. Cook, F.E. Adcock, Cambridge 1939, p. 138 et sq; Andreas Goltz, “Die Völker an der mittleren und nordöstlichen Reichsgrenzedans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 456 et sq.
  9. Voir en ce qui concerne la description traditionnelle de lhistoire, Millar, P. Herennius Dexippus et Potter, Roman Empire at Bay, p. 241 et sq.
  10. Dexippe, Skythika, Fragment 20 (= Historia Augusta, Maximus et Balbinus 16,3).
  11. Pour une introduction à ce sujet, voir Josef Wiesehöfer, « Das Reich der Sasaniden » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 531 et sq. Pour une analyse plus approfondie, voir James Howard-Johnston, East Rome, Sasanidian Persia and the End of Antiquity : Historiographical and Historical Studies (Collected Studies). Aldershot 2006; Klaus Schippmann, Grundzüge der Geschichte des sasanidischen Reiches. Darmstadt 1990; Josef Wiesehöfer, Das antike Persien. Aktual Aufl. Düsseldorf, 2005.
  12. Voir larticle les guerres perso-romaines
  13. Voir à ce sujet: Erich Kettenhofen, “Die Eroberung von Nisibis und Karrhai durch die Sasaniden in der Zeit Kaiser Maximins, 235/236 n Chr.” dans Iranica Antiqua 30 (1995), pp. 159-177. Pour les combats précédents entre Rome et les Perses, Peter M. Edwell, Between Rome and Persia. The Middle Euphrates, Mesopotamia, and Palmyra under Roman Control. London u.a. 2008, p. 149 et sq, ainsi que Erich Kettenhofen, Die römisch-persischen Kriege des 3. Jahrhunderts n. Chr. Nach der Inschrift Sähpuhrs I. an der Kabe-ye Zartost (SKZ), Wiesbaden 1982; Karin Mosig-Walburg, Romer und Perser vom 3. Jahrhundert bis zum Jahr 363 n. Chr. Gutenberg 2009; Potter, Roman Empire at Bay, p. 217 et sq. On trouvera la traduction de certaines sources dans Michael H. Dodgeon, Samuel N.C. Lieu, The Roman Eastern Frontier and the Persian Wars (AD 226-363). London-New York 1991.
  14. Huttner, « Von Maximus Thrax bis Aemilianus » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 179 et sq.
  15. Josef Wiesehöfer, « Die Anfänge sassanidischer Westpolitik und der Untergang Hatras » dans Klio 64 (1982), pp. 437-447.
  16. Voir Cassius Dion 80,4 de même que Hérodien 6,2.
  17. Voir à ce sujet, Erich Kettenhofen, « Die Einforderung des Achämeniderbes durch Ardasir : eine interpretation romana » dans Orientalia Lovaniensia Periodica 15 (1984) pp. 177-190. Philip Huyse propose une nouvelle approche : « La revendication de territoires achéménides par les Sassanides : une réalité historique ? » dans Philip Huyse éditeur, Iran : Questions et connaissances I : Études sur lIran ancien, Paris 2002, pp. 294-308.
  18. Plusieurs sources affirment que Philippe lArabe a assassiné Gordien, ce dont on peut douter sur la foi dautres sources. Il nexiste pas de réponse définitive à ce sujet. Voir David MacDonald, « The death of Gordian IIIanother tradition » dans Historia 30 (1981), pp. 502-508; Potter, Roman Empire at Bay, p. 232 et sq.
  19. Concernant le paiement par les Romains de tributs aux Perses, voir Henning Börm, « Anlässe und Funktion der persischen Geldforderungen an die Römer (3. bis 6. Jh.) dans Historia 57 (2008), pp. 327-346. Pour le règne de Philippe, voir Christian Körner, Philippus Arabs. Ein Sodatenkaiser in der Tradition des antoninisch-severischen Prinzipats. Berlin, 2002; Huttner, « Von Maximin Thrax bis Aemilianus»dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 188 et sq; Potter, Roman empire at Bay, p. 236 et sq.
  20. Zozime 1,23. À lexemple de sa source, vraisemblablement Dexippe, Zozime appelle les Goths « Scythes ». La recherche contemporaine est en désaccord sur les raisons qui ont véritablement causé ces invasions quoique la soif de butin ait certainement joué un rôle. Voir Körner, Philippus Arabs, p. 135, remarque 63.
  21. Dexippe, contemporain des évènements, parle dun assaut réussi des Romains (Skythika, fragment 25.)
  22. Jordanès, Getica, 16, 89.
  23. Pour lhistoire de son règne, voir Huttner, « Von Maximin Thrax bis Aemilianus » dans Johne & al., Sodatenkaiser, p. 201 et sq. Pour lhistoire de cette période, Andreas « The Crisis of Empire » dans The Cambridge Ancient History. Vol. XII « The Imperial Crisis and Recovery A.D. 193-324 ». Ed. S.A. Cook, F.E. Adcock, Cambridge 1939, p. 165 et sq; Potter, Roman Empire at Bay, p. 241 et sq.
  24. Concernant les règnes de Valérien et de son fils, Gallien, voir Andreas Goltz/Udo Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, pp. 223-295.
  25. On consultera à ce sujet Philip Huyse, Die dreisprachige Inschrift Šabuhrs I. an der Kaba-i Zardušt (ŠKZ), 2e vol., Londres 1999.
  26. La date de la [première] conquête dAntioche demeure controversée comme la plupart des autres dates de la chronologie de cette période. Nous nous en remettons ici à largumentation présentée dans le manuel de Johne et al.
  27. Concernant loffensive perse de 253, voir Huttner, « Von Maximin bis Aemilianus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, pp. 218-221.
  28. Voir le résumé dans Potter, Roman Empire at Bay, p. 251 et sq.
  29. Sur les persécutions, voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al., Soldatenkaiser, pp. 240 à 242 ainsi que 251 et sq.
  30. Voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, pp. 244-246; Egon Schallmayer (éd), Der Augsburger Siegesaltar. Zeugnis einer unruhigen Zeit. Saalburgmuseum Bad Homburg v.d. H. 1995.
  31. Voir Zosime, 1,34. Les dates sont contestées; il est vraisemblable que ces attaques débutèrent en 259. Voir à ce sujet, Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 247, note 135.
  32. SKZ, paras 18-22, selon le texte grec. La traduction suit Engelbert Winter, Beate Dignas, Rom und das Perserreich, Berlin, 2001, p. 98. Cette description propagandiste est confirmée par quelques sources occidentales comme Eutrope (9,7) et des historiens postérieurs comme le Byzantin Johannes Zonaras (12,23) bien que dautres sources soutiennent que Valérien aurait demandé une trêve pour conférer avec Sapor et quil aurait été fait prisonnier au cours de lentretien. Voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Galllienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 250 et sq.
  33. Pour une vue générale, Andreas Luther, « Roms mesopotamische Provinzen nach der Gefangennahme Valerians (260) » dans Josef Wiesehöfer, Philip Huyse (éd), Eranud Aneran. Studien zu den Beziehungen zwischen dem Sasanidenreich und der Mittelmeerwelt. Stuttgart, 2006, pp. 203-209.
  34. Sur la période de Gallien, seul empereur, voir Goltz/Hartmann, « Valerianus und Gallienus » dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 250 et sq.
  35. a et b Pour de plus amples informations sur le système dacceptation, voir Egon Flaig, Den Kaiser herausfordern. Die Usurpation im Römischen Reich. Frankfurt am Main-New York, 1992.
  36. Sur ce problème sans issue, voir Felix Hartmann, Herrscherwechsel und Reichskrise. Frankfurt am Main, 1982.
  37. Petros Patrikos, fragment 10.
  38. Voir également à ce sujet, David Potter, « Palmyra and Rome : OdaenathusTitulature and the Use of the Imperium Maius » dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 113 (1996), pp. 271-285. À lencontre de cette thèse, Swain a tenté de prouver quen fait Odénat ne sétait vu conférer aucune fonction officielle de la part de Rome. Simon Swain, « Greek into Palmyrene : Odaenathus asCorrector totius Orientis’ ?” dans Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik 99 (1993), pp. 157-164.
  39. Daprès Anonymus post Dionnem, fragment 7. Voir Hartmann, « Das palmyrenische Teilreich » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 218 et sq.
  40. Voir à ce sujet, Hartmann, « Das palmyrenische Teilreich » dans Johne et al. Soldatenkaiser, pp. 343 et sq.
  41. Voir Hartmann, « Das palmyrenische Teilreich » dans Johne et al., Soldatenkaiser, p.306.
  42. Voir Drinkwater, "The Gallic Empire et Andreas Luther", « Das gallische Sonderreich » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 325 et sq. Les chercheurs ne sentendent guère pour savoir sil faut voir ici une simple question dusurpation ou une tentative volontaire de faire sécession de lempire.
  43. Voir Erich Kettenhofen, « Die Einfälle der Heruler ins Römischer Reich im 3. Jh. n. Chr. » dans Klio 74 (1992), pp. 291-313. Également, Millar, P. Herennius Dexippus, p. 26 et sq.
  44. Bien que certains chercheurs contestent que Dexippe ait lui-même pris part à la bataille, il est vraisemblable quil soit identifié au narrateur mentionné dans le « discours du commandant ». Voir Gunther Martin. Dexipp von Athen, Edition, Übersetzung und begleitende Studien, Tübingen, 2006, p. 37 et sq.
  45. Dexippe, Skythika, Fragment 28a (daprès Felix Jacoby, Die Fragmente der griechischen Historiker, Nr. 100); aussi Fragment 25 (Martin, Dexipp von Athen). On doit la traduction fortement abrégée à lédition de Gunther Martin, Dexipp von Athen, pages 118, 121, 123.
  46. Pour la toile de fond du meurtre de Gallien voir Goltz/Hartmann "Valerianus und Gallienus" dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 289 et sq. Comparer avec l'analyse de Hartmann: Udo Hartman, "Der Mord an Kaiser Gallienus" dans Johne (éd.)Deleto paene imperio Romano, p. 81 et sq..
  47. Sur Claude II, voir Udo Hartmann, « Claudius Gothicus und Aurelian » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 297 et sq.
  48. Cette campagne doit être clairement distinguée de lattaque des Hérules en 267/268, mentionnée plus haut, ce qui nétait pas évident dans le passé. Voir à ce sujet Erich Kettenhofen, « Die Einfälle der Heruler ins Römische Reich in 3. Jr. n. Chr. » dans Klio 74 (1992), pp.291-313, p. 305 et sq.
  49. Voir à ce sujet Aldof Lippold, « Kaiser Claudius II. (Gothicus), Vorffahr Konstantins d. Gr., und der römische Senat. » dans Klio 74 (1992), pp. 380-394. Les tentatives de Lippold pour faire dater lHistoria Augusta du temps de Constantin ont échoué.
  50. Et non au printemps comme l'affirmaient les recherches antérieures. Voir Udo Hartmann, "Claudius Gothicus und Aurelian", dans Johne et al. Soldatenkaiser, p. 308 et sq.
  51. Pour Aurélien, voir Udo Hartmann, « Claudius Gothicus und Aurelian » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 308 et sq.
  52. Zozims, 1,49.
  53. Udo Hartmann, « Claudius Gothicus und Aurelian » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 319 et sq.
  54. . Pour la question complexe de lorigine et des formes de ce culte, consulter Steven E. Hijmans, « The Sun which did not rise in the East. The Cult of Sol Invictus in the Light of Non-Literary Evidence » dans Babesch. Bulletin Antieke Beschaving 71, 1996, pp. 115-150 et spécialement les pages 119 et sq.
  55. Épitomé de Caesaribus, 35,2.
  56. Au sujet de cet empereur, voir Klaus-Peter Johne « DerSenatskaiserTacitus » dans Johne & al. Soldatenkaiser, pp. 379-393.
  57. Au sujet de Probus, voir Gerald Kreucher, Der Kaiser Marcus Aurelius Probus und seine Zeit. Stuttgart 2003; également Gerald Kreucher, « Probus und Carus » dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 395 et sq. On ignore quel rang détenait Probus au sein de larmée, mais on sait quil sagissait dun officier supérieur (Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 126).
  58. Il se peut que Probus ait lui-même fait assassiner son concurrent; voir Zonaras, 12, 29. Au sujet de Florien et de la guerre civile, voir Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 122 et sq.
  59. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 133 et sq.
  60. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 155 et sq.
  61. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 162.
  62. Zosimos, 1,66; Zonaras, 12,29. Daprès Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 146.
  63. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 164 et sq.
  64. Kreucher, Probus und seine Zeit, p. 179 et sq.
  65. Pour Carus, voir Kreucher, « Probus und Carus », dans Johne & sq. Soldatenkaiser, p. 415 et sq.
  66. Voir à ce sujet John Matthews, The Roman Empire of Ammianus, Londres, 1989, p. 133 et p. 498, remarque 8.
  67. Pour la période marquant la fin des empereurs-soldats, voir Kreucher, « Probus und Carus » dans Johne & al. Sodatenkaiser, p. 419 et sq. Pour Dioclétien, voir principalement Wolfgang Kuhoff, Diokletian und die Epoche der Tetrarchie. Das römische Reich zwischen Krisenbewältigung und Neuaufbau (284-313 n. Chr.) Frankfurt am Main, 2001; Potter, Roman Empire at Bay, p. 280 et sq.; Roger Rees, Diocletian and the Tetrarchy, Edinburgh, 2004.
  68. "Deleto paene imperio Romano" (Eutrope. 9,9
  69. Voir plus bas, le chapitre sur létat de la recherche.
  70. Sur ce point, consulter également Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches im 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1025 et sq. Hekster présente aussi un rapide survol dans Rome and its Empire, p. 3 et sq.
  71. Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches in 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1026 et sq.
  72. Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches im 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1041 et sq.
  73. Survol par Kai Ruffing, « Die Wirtschaft », dans Johne & al., Soldatenkaiser, pp. 817-819; voir aussi limpression négative laissée par Géza Alfödy, Römische Sozialgeschichte, 3e édition, Wiesbaden, 1984, p. 133 et sq.
  74. a et b Ruffing, « Die Wirtschaft » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 821 et sq.
  75. Ruffing, « Die Wirtschaft » dans Johne & al., Sodatenkaiser, p. 828.
  76. Voir le résumé de Kai Ruffing, « Wirtschaftliche Prosperität im 3. Jahrhundert : Die Städte Ägyptens als Paradigma ? » dans Johne (éd.) Deleto paene imperio Romano, p. 223 et sq. de même que larticle dans le même livre de Christian Witschel, « Zur Situation im römischen Africa wärhend des 3. Jahrhunderts », p. 145 et sq.
  77. Voir aussi Kai Ruffing, "Die Wirtschaft" dans Johne & al. Soldatenkaiser, p. 817 et sq. Comparer à Hekster, Rome and its Empire, p. 31 et sq.
  78. . Par exemple celles que lon trouve dans Géza Alföldy, « The Crisis of the Third Century as Seen by Contemporaries » dans Greek, Roman and Byantine Studies 15 (1974), p. 89 et sq.
  79. Pour plus de détails, voir Strobel, Dans Imperium Romanum in 3. Jahrhundert. Strobel soutient que même on peut raisonnablement croire les affirmations des sources comme en ce qui a trait à lÉgypte, il est impossible de conclure à une crise prolongée (ibid., p. 285.).
  80. De façon générale, sur la dimension religieuse, voir Johne et al., Soldatenkaiser, p. 927 et sq.
  81. Voir le survol de Johne/Hartmann, « Krise und Transformation des Reiches im 3. Jahrhundert » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 1031 et sq.
  82. On trouvera un bon résumé de cette question dans le manuel de base de Johne et al., Soldatenkaiser, p. 15 et sq. Concernant la question spécifique de la façon dont lhistoire fut écrite, voir Udo Hartmann, « Die Geschichtsschreibung » dans Jonhe et al., Soldatenkaiser, p. 893 et sq.
  83. Sur lHistoria Augusta, une des sources contestées de lantiquité, voir lintroduction de Klaus-Peter Johne, « Die Historia Augusta » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 45 et sq.
  84. Il nest pas certain toutefois si Flavianus écrivit sur la République ou lEmpire puisque rien ne nous est parvenu; tout porte à croire cependant quil sagissait de la deuxième période. Voir Bruno Bleckmann, « Bemerkungen zu den Annales des Nicomachus Flavianus » dans Historia 44 (1995), pp. 83-99; Udo Hartmann, « Die literarischen Quellen » dans Johne & al., Soldatenkaiser, pp. 36-38; Jörg A. Schlumberger, Die Epitome de Caesaribus. Untersuchungen zur heidnischen Geschicthsschreibung des 4. Jahrhunderts n. Chr., München, 1974, passim.
  85. Voir Bruno Bleckmann, « Überlegungen zur Enmannschen Kaisergeschichte und zur Formung historischer Traditionen in tetrarchischer und konstantinischer Zeit » dans Giorgio Bonamente, Klaus Rosen (éds), Historiae Augustae Colloquium Bonnense, Bari, 1997, pp. 11-37 et spécialement p.21 et sq.
  86. Pour une introduction à Dexippe et à lhistoire de son temps, on consultera avec profit Millar, P. Herennius Dexippus. Voir aussi Gunther Martin, Dexipp von Athen, Tübingen, 2006.). Dexippe, sur lequel enchaine la chronique dEunapios de Sardes, est souvent décrit comme lhistorien le plus remarquable de son temps, ce qui est certainement exact en ce qui concerne les sources (86. Millar, P., Herennius Dexippus, p. 21 et sq.; Potter porte un jugement plutôt négatif dans Roman Empire at Bay, p. 233.
  87. Voir à ce sujet, Pawel Janiszewski, The Missing Link : Greek Pagan Historiography in the Second Half of the Third Century and in the Fourth Century AD, Varsovie, 2006.
  88. Survol dans Johne & al., Soldatenkaiser.
  89. Cassius Dion 72,36,4.
  90. Sur la problématique de la délimitation voir entre autres Matthäus Heil, « Soldatenkaiser als Epochenbegriff » dans Johne (éd.) Deleto paene imperio Romano, p. 411 et sq.
  91. Sur le traitement de ce sujet, voir Thomas Gerhardt, « Recherches » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 125 et sq.
  92. Gibbon, Decline and Fall of the Roman Empire, chapitre 10.
  93. Voir Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 130.
  94. Sur ce thème, voir encore Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 132 et sq.
  95. Voir Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 144 et sq.
  96. Voir par exemple Elena Michajlovna Schtaerman, Die Krise der Sklavenhalterordnung im Westen des Römischen Reiches. Berlin 1964. Comparer avec le survol de Géza Alföldy, Römische Sozialgeschichte, 3e édition, Wiesbaden 1984, p. 136, p. 194.
  97. Gerhardt, « Forschung » dans Johne & al., Soldatenkaiser, p. 157.
  98. Tableau traduit de langlais dans Stephen Williams, Diocletian and the Roman Recovery, Routledge, New York, 1997, Appendix III.

Voir aussi

Bibliographie

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  • Bleckmann, Bruno: Die Reichskrise des III. Jahrhunderts in der spätantiken und byzantinischen Geschichtsschreibung. Untersuchungen zu den nachdionischen Quellen der Chronik des Johannes Zonaras. München 1992
  • Henning Börm: "Die Herrschaft des Kaisers Maximinus Thrax und das Sechskaiserjahr 238. Der Beginn der 'Reichskrise'?" Gymnasium 115, 2008, p. 69-86.
  • Alan Bowman, Averil Cameron, Peter Garnsey (eds.): The Cambridge Ancient History vol. 12 (The Crisis of Empire, AD 193337). Cambridge 2005.
  • Stephanie Brecht: Die römische Reichskrise von ihrem Ausbruch bis zu ihrem Höhepunkt in der Darstellung byzantinischer Autoren. Rahden 1999.
  • Michel Christol et Daniel Nony: Des origines de Rome aux invasions barbares. Hachette 1974. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Michel Christol: L'empire romain du IIIe siècle. Histoire politique (de 192, mort de Commode, à 325, concile de Nicée). Paris 1998.
  • John F. Drinkwater: The Gallic Empire. Separatism and Continuity in the North-Western Provinces of the Roman Empire A.D. 260274. Stuttgart 1987.
  • Olivier Hekster, Gerda de Kleijn, Danielle Slootjes (eds.): Crises and the Roman Empire. Proceedings of the seventh workshop of the International Network Impact of Empire (Nijmegen, June 2024, 2006). Leiden 2007.
  • Klaus-Peter Johne, Thomas Gerhardt, Udo Hartmann (eds.): Deleto paene imperio Romano. Transformationsprozesse des Römischen Reiches im 3. Jahrhundert und ihre Rezeption in der Neuzeit. Stuttgart 2006.
  • Klaus-Peter Johne (ed.): Die Zeit der Soldatenkaiser. 2 vols. Berlin 2008.
  • Paul Petit: Histoire général de l'Empire romain, T. 2: La crise de l'Empire. Paris 1974. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • David S. Potter: The Roman Empire at Bay. AD 180395. London 2004.
  • Roger Rémondon. La crise de l'empire romain, de Marc-Aurèle à Anastase, Presses Universitaires de France, Paris, 1970.
  • Michael Sommer: Die Soldatenkaiser. Darmstadt 2004.
  • Chester G. Starr, The Roman Empire 27 B.C.-A.D. 476, A Study in Survival. Oxford University Press, Oxford, 1982, ISBN 0-19-503130-X (pbk).
  • Karl Strobel: Das Imperium Romanum im 3. Jahrhundert. Modell einer historischen Krise?. Stuttgart 1993.
  • Paul Veyne: L'Empire gréco-romain, Paris 2005.
  • Christian Witschel: Krise - Rezession - Stagnation? Der Westen des römischen Reiches im 3. Jahrhundert n. Chr., Frankfurt/Main 1999.

Sources latines et grecques (Historiographie latine)

  • Anonyme, Histoire Auguste, Robert Laffont coll. Bouquins, 1984 et dans Wikisources
  • Eutrope, Abrégé de l'histoire romaine dans [1]
  • Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, Cerf, 2003.
  • Hérodien, Histoire des empereurs romains de Marc Aurèle à Gordien III dans [2]

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