- Constance de Salm-Dyck
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Constance de Théis
Constance Marie de Théis, née à Nantes le 7 septembre 1767 et morte le 13 avril 1845, par son mariage Pipelet de Leury, puis comtesse (1803) puis princesse de Salm-Dyck (1816), est une poétesse et femme de lettres française.
Sommaire
Biographie
Issue d'une famille originaire de Picardie, fille de Marie Alexandre de Théis (1738-1796), juge-maître des Eaux et Forêts de la ville et du comté de Nantes, et frère d'Alexandre de Théis, Constance de Théis reçut une excellente éducation et se fit connaître dès l'âge de dix-huit ans par des poèmes publiés dans l’Almanach des Muses, notamment une romance intitulée « Bouton de Rose »[1], qui eut un succès durable. Dès lors, elle ne cessa, jusqu'à sa mort, d'écrire des poèmes. Sa tragédie mêlée de chants, Sapho (1794), sur une musique de Martini, obtint un grand succès. En revanche Camille (1800), drame en vers, ne réussit pas.
Elle fut surnommée par Marie-Joseph Chénier, « la Muse de la Raison », et également surnommée « le Boileau des femmes ». Première femme admise au Lycée, elle y lut plusieurs éloges en prose, notamment ceux de Sedaine (1797), de Gaviniès (1802) et de Lalande (1809). Elle publia des Poésies (1811, 1814, in-8 ; 1825, 2 vol. in-18) parmi lesquelles on remarque des Épîtres, notamment l'« Épître aux femmes » (1797), les six « Épîtres à Sophie » (1801) et l'« Épître sur l’esprit et l’aveuglement du siècle » (1828) ; un roman remarqué et loué par Beyle comme un « petit bijou » : Vingt-quatre heures de la vie d'une femme sensible (1824, in-8) ; un recueil de Pensées (Aix-la-Chapelle, 1829, in-12 ; rééd. par Pongerville, 1846, in-8).
Elle épousa en 1789 un chirurgien riche et distingué du nom de Pipelet[2] de Leury, et s'établit à Paris. Elle quitta la capitale sous la Terreur en 1793, pendant environ un an, qu'elle mit à profit pour étudier les mathématiques. Vers 1800, Stendhal l'évoque dans la Vie de Henri Brulard, après avoir été conduit par son cousin Pierre Daru à une séance d'une société de poésie que Constance Pipelet présidait : « Il était sept heures et demie du soir et la salle était fort illuminée. La poésie me fit horreur. Quelle différence avec l'Arioste et Voltaire ! Cela était bourgeois et plat (Quelle bonne école j'avais déjà !), mais j'admirais avec envie la gorge de Mme Constance Pipelet qui lut une pièce de vers. Je le lui ai dit depuis ; elle était alors la femme d'une pauvre diable de chirurgien herniaire et je lui ait parlé chez Mme la comtesse Beugnot quand elle était princesse de Salm-Dyck, je crois. Je conterai son mariage, précédé par deux mois de séjour chez le prince de Salm avec son amant, pour voir si le château ne lui déplairait point trop ; et le prince nullement trompé, mais sachant tout et s'y soumettant, et il avait raison. »
En 1802, les époux Pipelet divorcèrent et l'année suivante, Constance épousa Joseph de Salm-Reifferscheidt-Dyck, comte de Salm-Dyck et du Saint-Empire jusqu'à la paix de Lunéville, et fait prince de Salm par le roi de Prusse en 1816.
Le comte et la comtesse de Salm-Dyck s'installèrent en 1809 dans l'hôtel de Ségur, au numéro 97 de la rue du Bac. Ils firent décorer l'appartement du premier étage (antichambre, salon, bibliothèque) en style Empire (v. 1810) par l'architecte Antoine Laurent Vaudoyer et le peintre Jean-Jacques Lagrenée. La comtesse y tint jusqu'en 1824 un salon littéraire très brillant. Elle était liée avec son cousin Paul-Louis Courier, qui lui avait dédié en 1803 son premier ouvrage, un Éloge d'Hélène, traduit d'Isocrate. Elle recevait également Alexandre Dumas, La Fayette, Talma, Jussieu, Alexander von Humboldt, des artistes comme Girodet, Grétry, Houdon, Augustin Pajou, Pierre-Narcisse Guérin, Carle Vernet, etc. Très mélangé, son salon était ouvert aux Idéologues comme aux libéraux de La Décade philosophique, le faubourg Saint-Germain y croisait la noblesse d'Empire, et beaucoup de francs-maçons de la « loge des Neuf Sœurs » s'y retrouvaient.
Son portrait est aujourd'hui à l'Art Institute of Chicago. Son tombeau est au cimetière du Père-Lachaise à Paris (26e division, chemin Monvoisin).
Estampe
Une soirée chez la princesse Constance de Salm en 1806. Estampe montrant 39 personnages identifiés par un numéro et une légende :
- 1 Mme la Psse de Salm / 2 Mlle sa fille / 3 Le Pce de Salm / 4 Vigée / 5 Martini / 6 Mentelle / 7 Pinkerton / 8 Langlois / 9 Breguet / 10 Preny / 11 La Lande / 12 Thurot / 13 Clavier / 14 Gohier / 15 Andrieux / 16 Lemontey / 17 Courrier / 18 La Chabeaussière / 19 Lantier / 20 Ginguené / 21 Mme Dufresnoy / 22 Rabeteau / 23 Gudin / 24 Millin / 25 Talma / 26 Houdon / 27 Girodet / 28 Say / 29 Naigeon / 30 Guérin / 31 Laya / 32 Pajou / 33 Vernet / 34 H. Duval / 35 Ale Duval / 36 Amaury Duval / 37 De Humboldt / 38 Decandelle / 39 de Jussieu.
Œuvres
- Sapho, opéra, musique de Jean Paul Égide Martini, Paris, Théâtre-Louvois, 14 décembre 1794.
- Épître aux femmes, 1797.
- Rapport sur les fleurs artificielles de la citoyennes Roux-Montagnac, 1798.
- Camille, ou Amitié et imprudence, drame en 5 actes, en vers, Paris, Théâtre-Français, 1800.
- Rapport sur un ouvrage du Citoyen Théremin, intitulé : De la condition des femmes dans une république, 1800.
- Épître à un jeune auteur sur l'indépendance et les devoirs de l'homme de lettres, 1806.
- Précis de la vie de Sapho, 1810.
- Poésies, 1811, in-8.
- Poésies, 1814, in-8.
- Vingt-quatre heures de la vie d'une femme sensible, roman, 1824, in-8.; rééd. en 2007 aux Editions Phébus (ISBN 2752902484)
- Poésies, 1825, 2 vol. in-18.
- Fragment d'un ouvrage sur l'Allemagne, 1826.
- Pensées, Aix-la-Chapelle, 1829, in-12 ; rééd. par Jean-Baptiste Sanson de Pongerville, 1846, in-8.
- Mes Soixante ans, Paris, Didot, 1833.
- Œuvres, Paris, Didot, 1835.
- Œuvres complètes, Paris, 1842, 4 vol. in-8.
Citations
- « Nous aimons la morale quand nous sommes vieux, parce qu'elle nous fait un mérite d'une foule de privations qui nous sont devenues une nécessité. » (Pensées)
- « La conversation des femmes, dans la société, ressemble à ce duvet dont on se sert pour emballer les porcelaines : ce n'est rien, et sans lui tout se brise. » (Pensées)
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- Qu'est-ce donc que la rime ? Une chaîne légère
- Que s'impose l'esprit, que l'école exagère ;
- Un charme à la mesure ajouté savamment,
- Mais qui ne doit gêner l'art ni le sentiment. (1812)
Bibliographie
- Robert Bled, « Le Rôle d'un salon littéraire au début du XIXe siècle : les amis de Constance de Salm », Revue de l'Institut Napoléon, n° 113, pp. 121-160
- G. Castil-Cagarriga, « Madame la princesse de Salm », Revue des deux mondes, mai-juin 1957, pp. 317-322
- L.-M. de F***, Notice sur la vie et les travaux littéraires de Mme la princesse de Salm-Dyck, Paris, 1843, in-8
- Philippe Jullian, « 150 ans après la Princesse de Salm », Connaissance des arts, juin 1976, pp. 84-89
- J.-M. Quérard, La France littéraire, Paris, 2e éd., tome VIII, pp. 414-418
- Martine Lauzon, Une moraliste féministe : Constance de Salm, Mémoire de maîtrise, Montréal, Université McGill, Juillet 1997
- Jeanne Pouget-Brunereau, "Presse féminine et critique littéraire [Texte imprimé]: leurs rapports avec l'histoire des femmes de 1800 à 1830", Paris, Bibliothèque Marguerite Durand, 2 vol., 1994, cote 4° 1414 1415, (suite d'une thèse soutenue en 1993), t. 1: pp.104-105 et t. 2: pp.437-448. (Étude de la critique littéraire dans des journaux de presse féminine et de son importance sur l'histoire des femmes pendant les trente premières années du XIXe siècle, avec Annexes intéressantes). Cette étude a été imprimée en 2000 et se trouve à la BnF mais les Annexes et la Bibliographie ont été écourtées par l'éditeur.
- Jean-Baptiste Sanson de Pongerville, « Préface » de son édition des Pensées (V. supra)
- Catriona Seth, « Les Muses de l'Almanach. La poésie au féminin dans l'Almanach des Muses », Masculin/Féminin dans la poésie et les poétiques du XIXe siècle, sous la direction de Christine Planté, Lyon, PUL, 2002, p. 105-119.
- Évelyne Sullerot, Histoire de la presse féminine, Paris, 1966, p. 94
- G. Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, tome II, p. 1812
- Biographie universelle..., éd. augmentée, 1854-1865, tome 37, pp. 526-528
- Nouvelle Biographie générale, 1867, tome 43, pp. 196-198
- Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1865-1876, tome XIV, p. 128
Notes
- ↑ Publiée en 1785 dans l’Almanach des Grâces.
- ↑ C'est d'après ce nom, sous lequel elle intervenait au Lycée, qu'Eugène Sue forma le mot pipelette pour désigner une femme bavarde, imaginant dans Les Mystères de Paris un couple de concierges nommés Alfred et Anastasie Pipelet.
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