Conquête Romaine de la Rhétie et de l'Arc Alpin

Conquête Romaine de la Rhétie et de l'Arc Alpin

Conquête romaine de la Rhétie et de l'arc alpin

Conquête de la Rhétie et des Alpes
Rome Statue of Augustus.jpg
Statue d'Auguste.
Informations générales
Date 16 à 7 av. J.-C.
Lieu Rhétie, Vindélicie, Alpes
Changements territoriaux Soumission de la Rhétie, de la Vindélicie et des régions alpines.
Issue Victoire romaine et organisation des territoires conquis en provinces.
Belligérants
Empire romain Rhétiens et Vindéliciens
Commandants
Silius Nerva, Tibère et Drusus -
Guerres augustéennes

La conquête romaine de la Rhétie et de l'arc alpin des années 16 à 7 av. J.-C. est le prélude à la grande invasion de la Germanie des années 12 à 9 av. J.-C. L'objectif poursuivi est de porter les frontières nord de l'Empire jusqu'à l'Elbe et au Danube.

Sommaire

Guerre d'occupation

Contexte historique

Article connexe : Auguste.

En dépit des revendications de pacifisme d'Auguste, son principat est plus occupé par la guerre que ceux de la plupart de ses successeurs. Seuls les empereurs Trajan et Marc Aurèle luttent simultanément sur plusieurs fronts comme Auguste.

Son règne voit de fait la dilatation de la quasi-totalité des frontières de l'Empire, de la Mer du Nord au rives du Pont, des montagnes de Cantabrie au désert Éthiopien, avec pour visée stratégique l'achèvement de l'établissement de la domination romaine sur l'ensemble de la Méditerranée et de l'Europe, avec le glissement des frontières au nord vers le Danube et à l'est vers l'Elbe (à la place du Rhin)[1],[2],[3].

Les campagnes d'Auguste sont menées en vue de consolider les acquisitions désorganisées de l'époque républicaine, ce qui passe par l'annexion de nombreux territoires. Tandis que la situation en Orient peut être maintenue en l'état où l'ont laissés Pompée et Marc Antoine, en Occident, une réorganisation territoriale entre le Rhin et la Mer Noire apparaît nécessaire de façon à garantir la stabilité interne et, par la même occasion, des frontières plus défendables.

Préparation du conflit

Article connexe : Guerres cantabres.

Auguste se consacre personnellement en priorité, avec l'aide d'Agrippa, à mener à bien, une bonne fois pour toutes, la soumission des « zones internes » à l'Empire non encore totalement conquises. Il procède en premier lieu à la soumission définitive du nord-ouest de la péninsule ibérique, qui constitue un problème depuis des décennies. Ces territoires ne se voient finalement soumis à la domination romaine qu'après une série de difficiles et sanguinaires expéditions militaires en Cantabrie qui durent 10 ans (de 29 à 19 av. J.-C.), avec l'engagement de nombreuses légions (jusqu'à 7) et un nombre tout aussi élevé de troupes auxiliaires, au point que la présence en personne d'Octavien sur le théâtre des opérations s'avère nécessaire (entre 26 et 25 av. J.-C.).

Cette campagne est suivie d'une autre dans les Alpes, dont l'objectif est la sécurisation de la frontière et des routes entre l'Italie et la Gaule :

26-25 av. J.-C. 
Ces deux années de campagne sont consacrées à la soumission des populations installées autour du col du Grand-Saint-Bernard, sous l'action conjointe des généraux Aulus Terentius Varro Murena, qui opère du sud contre le peuple des Salasses, et Marcus Vinicius[4], au nord, en qualité de légat de Gaule chevelue, qui soumet la population du Vallis Poenina (actuel Valais)[réf. nécessaire]. À l'issue des opérations militaires, les 44 000 Salasses survivants sont vendus comme esclaves sur le marché d’Eporedia (Ivrée), alors qu'à l'emplacement de leur forteresse est fondée la colonie d'Augusta Praetoria (Aoste)[5].
23 av. J.-C. 
La cité de Tridentium (Trente) est fortifiée, contribuant à en faire un bastion militaire pour les futures campagnes du général Drusus, quelques années plus tard (voir ci-dessous en 15 av. J.-C.).

Forces en présence

Au cours de deux décennies de guerre entre l'Italie du Nord et la Gaule, Auguste est en mesure de déployer une armée composée de nombreuses légions et unités auxiliaires. À un moment ou un autre, les légions suivantes sont impliquées :

Campagnes militaires

Les conquêtes du principat d'Auguste, parmi lesquelles la Rhétie et la Vindélicie.
16 av. J.-C. 
Tibère, tout juste nommé préteur, accompagne Auguste en Gaule, où il passe les trois années suivantes, jusqu'en 13 av. J.-C., pour l'assister dans l'organisation et l'administration des provinces gauloises[8],[9]. Le princeps emmène également son fils dans une campagne punitive au-delà du Rhin contre la tribu des Sicambres et leurs alliés Tenctères et Usipètes, qui pendant l'hiver 17-16 av. J.-C. ont défait le proconsul Marcus Lollius Paulinus, entraînant la destruction partielle de la legio V Alaudae et la perte de ses insignes[10],[11],[12],[13],[14]. Publius Silius Nerva, gouverneur de l'Illyrie, termine la conquête des Alpes orientales avec l'assujettissement des vallées depuis Côme jusqu'au lac de Garde (y compris les Camunes du Val Camonica), ainsi que les Venostes du val Venosta (dans le Haut-Adige). Profitant de l'absence du Legatus Augusti pro praetore, les Pannoniens et les Noriques envahissent l'Istrie. La réaction du général romain ne se fait pas attendre, avec l'occupation du Norique méridional et l'institution, entre autres, d'une sorte de statut de vassal de la part du royaume de Norique septentrional (peuple des Taurisques)[15].
15 av. J.-C. 
Tibère et son frère Drusus conduisent des opérations contre les Rhètes, installés entre le Norique et la Gaule[16], et les Vindéliciens[17],[18]. Drusus a auparavant coupé les Rhètes du territoire italien, où ils ont mené de nombreux raids, mais Auguste a décidé d'envoyer Tibère pour stabiliser définitivement la situation[19]. Les deux commandants, dans une tentative d'encercler l'ennemi en l'attaquant sur deux fronts sans lui laisser de possibilité de fuir, projettent une prise « en tenaille » que leurs lieutenants mettent en œuvre[20] : Tibère attaque depuis l'Helvétie, tandis que son jeune frère divise don armée partie d'Aquileia vers Tridentum en deux parties. Une première colonne traverse les vallées de l'Adige et de l'Isarco (à la confluence desquels ils édifient le Pont de Drusus, près de l'actuelle ville de Bolzano), pour atteindre l'Inn ; la seconde parcourt ce qui deviendre sous l'empereur Claude la via Claudia Augusta (édifiée par son père Drusus[21], traversant le val Venosta et le col de Resia, pour atteindre elle aussi l'Inn. Tibère, avançant de l'ouest, défait les Vindéliciens aux environs de Bâle et du lac de Constance ; c'est à cet endroit que les armées parviennent à se rejoindre et se préparent à envahir la Vindélicie. Drusus a entretemps soumis les peuples des Breuni et des Genauni[15]. Cette action conjointe amène les deux frères aux sources du Danube, où ils obtiennent la victoire finale et définitive sur les Vindéliciens[22]. Ces succès permettent à Auguste de soumettre toutes les populations de l'arc Alpin jusqu'au Danube, et lui autorisent une nouvelle acclamation en tant qu'Imperator[23], tandis que Drusus, fils préféré d'Auguste, obtiendra plus tard un triomphe pour cette victoire entre autres. Dans les montagnes des Alpes méridionales, près de l'actuelle La Turbie, l'empereur fait édifier le trophée des Alpes pour commémorer ces conquêtes.
14 av. J.-C. 
Les Ligures Comati des Alpes Maritimes sont en partie soumis aux praefecti civitatum, l'autre partie étant annexée au royaume de Cottius, fils d'un potentat local nommé, officiellement, préfet par Auguste[24]. À l'issue des opérations, il semble que deux légions furent laissées pour surveiller les territoires conquis de Vindélicie, une à Dangstetten, et une à Augusta Vindelicorum[24]. La province de Rhétie sera constituée plus tard, sous Claude[25],[26].

Conséquences

Réactions contemporaines

Article connexe : Trophée des Alpes.
Le trophée d'Auguste à La Turbie

Ces succès sont consacrés par le Trophée des Alpes, édifié près de l'actuelle ville de la La Turbie en France pour commémorer la pacification des Alpes de l'est à l'ouest et rappeler les noms de toutes les tribus soumises. Ce monument, érigé dans les années 7-6 av. J.-C. en l'honneur de l'empereur Auguste, contenant les noms de 45 peuples alpins d'Italie, de Gaule Narbonnaise et de Rhétie : Triumpilins, Camunes, Vennonètes, Vénostes, Isarciens, Breunes, Génaunes, Focunates, les quatre tribus des Vindéliciens (Consuanètes, Rucinates, Licates et Caténates), Ambisuntes, Rugusces, Suanètes, Calucons, Brixentes, Lépontiens, Vibères, Nantuates, Sédunes, Véragres, Salasses, Acitavons, Médulles, Ucènes, Caturiges, Brigians, Sogiontiens, Brodiontiens, Némalones, Édénates, Ésubians, Véamins, Gallites, Triulattes, Ectins, Vergunnes, Éguitures, Némentures, Oratelles, Néruses, Vélaunes et Suètres[27].

Impact historique

La conquête définitive du secteur stratégique de la Rhétie et de la Vindélicie est fondamentale pour la construction puis la consolidation du Limes rhénan et danubien. Les armées romaines peuvent dans les années qui suivent mener à bien la soumission et l'occupation des territoires de l'Illyrie et de la Germanie, bien que cette dernière est finalement perdue en l'an 9 après la bataille de Teutobourg. L'objectif final des campagnes d'Auguste en Occident est en fait atteint, mais pour quelques années seulement. Les limites de l'Empire romain sont repoussées au nord et à l'est, du Rhin et des Alpes, vers l'Elbe et le Danube, avec l'espoir de réduire la longueur de frontières continentales à défendre[28].

Annexes

Notes et références

  1. Ronald Syme, L’Aristocrazia Augustea, pp. 104-105.
  2. Anna Maria Liberati et Francesco Silverio, Organizzazione militare : esercito, vol. 5
  3. R. Syme, Some notes on the legions under Augustus, pp. 21-25.
  4. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre LIII, 26 (4-5).
  5. R. Syme, Le Alpi, Cambridge Ancient History, vol.VIII, in L'impero romano da Augusto agli Antonini, pp. 152-153.
  6. Julio Rodríguez González, Historia de las legiones romanas, p. 721.
  7. R. Syme, Some notes on the legions under Augustus, pp. 25 et suivants.
  8. Chris Scarre, Chronicle of the Roman Emperors, p. 29.
  9. R. Syme, L'Aristocrazia augustea, p. 587.
  10. Florus, Abrégé de l’histoire romaine, Livre II, 30 (23-25).
  11. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre LIV, 20.
  12. Velleius Paterculus, Histoire romaine, Livre II, 97.
  13. Suétone, Vie des douze Césars, Auguste, 23.
  14. Tacite, Les Annales, Livre I, 10.
  15. a  et b R. Syme, Le Alpi, Cambridge Ancient History, vol.VIII, in L'impero romano da Augusto agli Antonini, p. 153.
  16. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre LIV, 22 (1).
  17. Suétone, Vie des douze Césars, Tibère, 9.
  18. Suétone, Vie des douze Césars, Claude, 1.
  19. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre LIV, 22 (2).
  20. Dion Cassius, Histoire romaine, Livre LIV, 22 (4).
  21. CIL V, 8002.
  22. Antonio Spinosa, Tiberio, p. 41.
  23. CIL III, 3117.
  24. a  et b R. Syme, Le Alpi, Cambridge Ancient History, vol.VIII, in L'impero romano da Augusto agli Antonini, p. 154.
  25. Davide Faoro, Novità sui Fasti equestri della Rezia, pp. 97-101 et 107.
  26. CIL IX, 3044.
  27. AE 1973, 323.
  28. R. Syme, Le Alpi, Cambridge Ancient History, vol.VIII, in L'impero romano da Augusto agli Antonini, pp. 155-189.

Bibliographie

Sources antiques
Sources modernes italianophones
  • (it) AAVV, Cambridge Ancient History, L'impero romano da Augusto agli Antonini (Vol. VIIIb Ronald Syme, Le Alpi), Milan, 1975.
  • (it) Antonio Spinosa, Tiberio. L'imperatore che non amava Roma, éd. Mondadori, Milan, 1991 (ISBN 88-04-43115-6).
  • (it) Ronald Syme, L'aristocrazia augustea, éd. Rizzoli, Milan, 1992 (ISBN 88-17-11607-6).
  • (it) Davide Faoro, Novità sui Fasti equestri della Rezia, in Quaderni friulani di archeologia, n° XVII, Trieste, 2007.
  • (it) Michael Grant, Gli imperatori romani, éd. Newton & Compton, Rome, 1984. (ISBN 88-7819-224-4).
  • (it) Santo Mazzarino, L'Impero romano (Vol. I), éd. Laterza, Bari, 1976 (ISBN 88-42-02401-5).
  • (it) Howard Scullard, Storia del mondo romano, éd. Rizzoli, Milan, 1992 (ISBN 88-17-11903-2).
  • (it) Antonio Spinosa, Augusto. Il grande baro, éd. Mondadori, Milan, 1996 (ISBN 88-04-41041-8).
  • (it) Antonio Spinosa, Tiberio. L'imperatore che non amava Roma, éd. Mondadori, Milan, 1991 (ISBN 88-04-43115-6).
  • (it) Mario Attilio Levi, Augusto e il suo tempo, Milan, 1994.
  • (it) Anna Maria Liberati et Francesco Silverio, Organizzazione militare : esercito, Museo della civiltà romana, vol. 5.
  • (it) Ronald Syme, L'aristocrazia augustea, éd. Rizzoli, Milan, 1992 (ISBN 88-17-11607-6).
Sources modernes anglophones
  • (en) Chris Scarre, Chronicle of the Roman Emperors, Londres, 1995 (ISBN 0-500-05077-5).
  • (en) Ronald Syme, The Roman Revolution, Oxford, 2002 (ISBN 0-19-280320-4).
  • (en) Pat Southern, Augustus, Londra-N.Y., 2001.
  • (en) Ronald Syme, Some notes on the legions under Augustus, XXIII (1933), in Journal of Roman Studies.
Sources modernes hispanophones
  • (es) Julio Rodríguez González, Historia de las legiones romanas.
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