Conflit armé

Conflit armé

Guerre

Ancien monument soviétique à la gloire de la force armée
Une tombe improvisée après le débarquement en Normandie le 6 juin 1944.

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Voir « guerre » sur le Wiktionnaire.

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Voir sur Wikisource : Guerre.

La guerre est un conflit armé opposant au moins deux groupes militaires organisés réguliers [1]. Elle se traduit ainsi par des combats armés, plus ou moins dévastateurs et implique directement ou indirectement des tiers. Elle qualifie donc tous les conflits, qui ont pour principales caractéristiques, la force physique, les armes, la tactique, la stratégie ou la mort de certains de ses participants (soldats, résistants, Franc-tireur etc.) ou de tiers (civils, employés et membres des associations d'aide humanitaire, etc.).

Le sens commun veut que la guerre soit aussi vieille que l'humanité. Certains estiment[réf. nécessaire] que chez l'Homme, la guerre est une forme extrême de communication, un « commerce » dans sa signification profonde ou exacte de mise en commun, de partage et d'échange (ici d'agressivité), la guerre économique pouvant alors, sous une apparence plus socialement et éthiquement acceptable, satisfaire d'autres appétits de pouvoirs que ceux qui animaient les auteurs des guerres ethniques, de religions, de classe, etc. Les armes des nouveaux conflits seraient alors la capacité à trouver et manipuler l'argent, l'influence et l'information.

Dans le contexte du droit international les belligérants combattant des groupes irréguliers (rebelles, armée illégale...) remplacent souvent le terme guerre par conflit armé, grande opération de police, lutte contre le terrorisme, pacification, etc.

Toutes les guerres laissent des séquelles, socio-psychologiques, économiques et environnementales qui souvent constituent le germe ou le ferment d'une prochaine guerre, produisant un cercle vicieux entretenu par la haine, le non-respect, la peur de l'autre ou de l'avenir, et la difficulté à négocier.

Sommaire

Définitions et explications de la guerre

En anthropologie

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Pour l'anthropologue René Girard la guerre est une forme de rivalité mimétique entre groupes, dans laquelle la violence est orientée vers l'extérieur de la communauté. L'anthropologue Marvin Harris [2] de la Columbia University a proposé une théorie sur les origines de la guerre dans les sociétés non-étatiques, tribales et villageoises. L'idéologie dominante dans notre société tend à blâmer l'individu pour la guerre sur la base supposément biologique d'une « violence innée » de la « nature humaine » (le péché originel) ou de l'« instinct de mort ». C'est un point de vue simple et simpliste qui nous lave de toute responsabilité dans notre conduite envers autrui. Si la guerre était naturelle, il n'y aurait pas besoin de tant d'efforts de propagande pour dresser les uns et les autres à s'entretuer. Le dressage ici se rapporte à ce que l'Anglais nomme par « basic training » dès l'enfance dans la famille, la parenté, l'école, le milieu social et à travers les jeux et les divertissements apparemment les plus inoffensifs, le rejet et le déni de l'autre, la compétition et la coopération.

Harris répertorie quatre théories, selon lui les plus communes sur l'origine de la guerre :

  1. la guerre comme solidarité,
  2. la guerre comme jeu,
  3. la guerre comme nature humaine
  4. la guerre comme continuation de la politique (Cf. Clausewitz entre autres).

Dans cette perspective et en couvrant à la fois les sociétés non-étatiques et les sociétés étatiques, la guerre apparaît comme la forme et le moment (à la fois comme instant et comme rapport de forces) de violence extrême d'un vol organisé dont l'objet peut être physique, imaginaire ou symbolique.

La guerre comme facteur de cohésion sociale

Tant du point de vue de l'attaquant que de l'attaqué, la guerre semble pouvoir contribuer à maintenir ou restaurer la cohésion sociale d'un groupe ou pays. Car le fait est que dans l'Histoire, nombre de guerres furent déclenchées sous un prétexte dans le but unique (et souvent réussi) de resserrer les rangs derrière le destin supérieur de la patrie en cherchant l'« union sacrée », et soutenir celui qui apparait alors comme son meilleur défenseur : le chef. Ainsi Otto von Bismarck qui rêvait de l'unité allemande incita t-il la guerre franco-allemande de 1870. Rappelons que l'Allemagne n'était à l'époque qu'une confédération d'États indépendants, et que la guerre permit d'unifier l'Empire allemand sous la couronne prussienne, ce qui fut l'avènement de l'Allemagne bismarckienne qui domina seule l'Europe continentale pendant près de trente ans.

La guerre comme jeu

Harris veut démontrer que les gens, les hommes surtout, sont élevés dans le culte et la croyance de la guerre comme une activité anoblissante, flamboyante et glorieuse, avec un substitut qui est la compétition sportive collective. L'histoire montre qu'on peut être élevé à prendre plaisir à pourchasser d'autres personnes et à les tuer, à les détester et les haïr ou bien à se révolter contre les résultats de tels actes. Si on croit que les valeurs belliqueuses sont sources des guerres, alors le problème crucial et critique devient celui de spécifier les conditions dans lesquelles des personnes sont amenées à valoriser et à révérer la guerre. La théorie de la guerre comme jeu trouve là sa limite. Comme activité ludique, le jeu est une représentation du type « théâtral » et prépare à la guerre en la glorifiant et en la valorisant.

La guerre comme nature humaine

Du point de vue de la nature humaine décrite par ses “pulsions” d'origines génétiques, biologiques et/ou culturelles acquises, la pulsion de meurtre pourrait ou voudrait expliquer, au-delà de la pulsion de mort que l'humain est programmé pour tuer. « Instinct », comme ailleurs « Dieu » seraient alors des principes explicatifs passe-partout pour justifier absolument et définitivement ce que nous ne comprenons pas.

La théorie de l'instinct de mort ou pulsion de mort néglige (aussi bien dans la signification française de « ne pas savoir » que dans la signification anglaise de « ne pas vouloir savoir ») l'environnement bio-physico-chimique et le contexte culturel, historique et social dans lesquels les tueries et les guerres prennent place. L'argument de la « nature humaine », réincarnation du déterminisme génétique de la sociobiologie qui va aussi loin que proclamer le viol comme un acte logique dans l'intérêt du « succès reproductif » du violeur, se contredit lui-même car guerre et tueries ne sont pas universellement et de tous les temps admirées et pratiquées par les humains.

De plus, il y a d'énormes distinctions entre les « lois de la guerre » (à différentes époques et dans différentes sociétés) et, par ailleurs la quantité de violences distribuée. La théorie d'un universel « instinct de meurtre » est insoutenable même dans une société en guerre.

L'être humain est bien entendu capable de devenir dangereusement agressif en apprenant à jouir et à se réjouir de la guerre et de l'exercice de la cruauté. Mais, « comment et quand nous devenons agressif sont plutôt sous le contrôle de nos cultures que de nos gènes » écrit Harris (p. 54), dans le vieux débat scientifique entre l'inné et l'acquis (ou du déterminisme génétique contre le déterminisme culturel).

Conflit et métaphores dans le monde animal

De nombreux animaux grégaires ont des comportements d'agression qui, lorsqu'ils s'expriment collectivement, peuvent évoquer la guerre. Il s'agit généralement d'animaux territoriaux qui disposent aussi parfois de comportements évoquant la négociation. Ainsi certains insectes sociaux (fourmis, termites, etc) vivant en colonies forment de véritables armées, disposant d'individus que nous nommons "soldats" chargés de défendre la colonie, puis attaquent leurs ennemis dans des combats violents. Les rapports entre fourmilières voisines ne sont pas toujours très harmonieux. Des luttes territoriales terribles opposent des combattants sans pitié. Un chercheur néerlandais, Mabelis, s’est passionné pour les guerres que se livrent des colonies de fourmis rousses. Au printemps, quand le nid sort de sa torpeur hivernale, les ouvrières fourrageuses vont explorer les environs. Quand elles rencontrent un nid voisin apparenté, de type super-colonie, des échanges de nourriture ou des transports de matériaux peuvent s’effectuer entre les nids. Mais s’il s’agit d’une colonie étrangère, des combats éclatent entre les ouvrières. L’intensité du combat va crescendo car chaque colonie recrute au fur et à mesure de nouvelles combattantes. Les combats durent toute la journée et se soldent par la mort de milliers de fourmis. C’est au cours de telles guerres que les territoires des colonies évoluent. D’après certains biologistes, ces guerres entre fourmis permettraient aux colonies de se procurer des protéines à une époque où les proies sont encore très rares. Les arts martiaux se sont en Asie beaucoup inspiré des attitudes et moyens de défense des animaux. Cependant, le sentiment durable de vengeance, qui a chez l'Homme entretenu des guerres durant des siècles ou décennies leur semble inconnu.

Définition classique

Jacques-Louis David: Le Serment de l'armée fait à l'Empereur le 5 décembre 1804. Dans tous les régimes, le pouvoir politique est au centre de la force militaire. Aujourd'hui en France, le chef des armées reste le Président de la République

Selon le théoricien prussien Carl von Clausewitz (1780-1831) :

« la guerre est le prolongement de la politique par d'autres moyens. »

Cette théorie pose qu'un conflit armé est « la suite logique d'une tentative d'un groupe pour protéger ou augmenter sa prospérité économique, politique et sociale au dépens d'un autre ou d'autres groupe(s) » (Harris, p. 54). C'est la définition de la guerre impériale ou étatique, où l'attaquant se battrait pour élever son niveau de vie au détriment des autres (les intérêts économiques sous-jacents peuvent être enfouis et cachés derrière et par des alibis politiques, raciaux et religieux). Dans cette approche l'État n'existerait que par son organisation politique - impérialiste à l'usage interne ou externe - capable de réaliser des guerres de conquête territoriale, d'agencement économique et de colonisation. Par cette continuité politique, la guerre est aussi un élément incontournable des relations humaines, et donc une chose à laquelle il faut être prêt, ce que traduit le proverbe romain : Si vis pacem, para bellum (Si tu veux la paix, prépare la guerre), ou bien l'aphorisme de Nicolas Machiavel : « une guerre prévisible ne se peut éviter, mais seulement repousser ». Cette définition rejoint les antiques idées de la civilisation chinoise : la guerre n'est qu'un des moyens pour imposer sa volonté à un groupe ou à l'inverse y résister. Comme ce moyen est le plus risqué et le plus coûteux, la victoire la plus intéressante est celle qui ne se voit pas, l'adversaire n'ayant pas perdu la face, ce qui pourrait être une des définitions de la diplomatie. La guerre est souvent une façon de ressouder une communauté contre un ennemi commun, de justifier une forte discipline, voire d'acquérir ou conserver une gloire politiquement nécessaire à un pouvoir se voulant charismatique . Ces raisons rendent la guerre fréquente dans les dictatures et les États où les hommes voient leurs certitudes troublés par une brutale évolution politique (ethnique), économique ou technique. Il arrive cependant, bien que ce soit plus rare, que des démocraties se fassent la guerre entre elles aussi (voir théorie de la paix démocratique).

Les formes de la guerre

Les guerres intraétatiques

Les guerres civiles

Article détaillé : guerre civile.
Le génocide au Rwanda opposa les deux ethnies principales du pays en 1994, et fit 800 000 morts en une centaine de jours

Les guerres internes à un pays en cause mettant aux prises une partie de la population contre l'autre sont qualifiées de guerres civiles. Chacun voit dans son ennemi, et même en celui qui voudrait rester neutre, un traître avec lequel il n'est plus possible de cohabiter et avec lequel aucun compromis territorial n'est possible (comme cela serait possible avec un ennemi étranger). C'est pourquoi l'unique issue envisagée est bien souvent l'anéantissement de l'autre et de ses alliés réels ou potentiels (y compris femmes et enfants), avec emploi de la terreur, ce qui rend ces guerres meurtrières et sans merci. Le statut juridique d'une guerre civile ne permet pas aux puissances étrangères et aux institutions internationales, comme l'ONU d'intervenir, comme la France pour les « intelligence » ou Guerre d'Algérie pour régler les différends. Inversement, une guerre étrangère est déguisée en guerre civile pour masquer l'agression étrangère, comme la France a déguisé sa reconquête coloniale en guerre civile avec la création d'Un État vietnamien indépendant en 1948, durant la Première Guerre d'Indochine d'indépendance et comme les États-Unis qui ont « aidé » la République du Viêt Nam en lutte contre la République Démocratique du Viêt Nam pendant la Deuxième Guerre d'Indochine ou Guerre du Vietnam de réunification.

Il faut et il suffit simplement de fabriquer un gouvernement à sa solde qui demande l'aide pour intervenir en toute légalité dans les affaires intérieures d'un État souverain.

Autres formes de conflit

La structure d’un conflit

La guerre n'est pas une simple manifestation de la violence humaine, elle est un fait social, qui demande une organisation des hommes, une convergence de leur force, vers un objectif unique. Comme toute organisation de la société, elle est hiérarchisée, et se décompose donc en une structure à deux niveaux principaux : le niveau politique qui initie la guerre lorsqu'on la juge souhaitable ou du moins nécessaire, et le niveau tactique, celui de la bataille et du rapport de force qui, par la fortune des armes, donnera raison politiquement à celui des deux belligérants qui aura su faire fléchir l'autre. Par sa violence, son inhumanité, son coût qui peut condamner à la misère des générations, la guerre imposa le niveau intermédiaire qu'est la stratégie, pour rendre plus efficace et plus soutenable le terrible effort de guerre, pour le rationaliser et le rendre plus « rentable ». Un conflit se décompose donc ainsi :

  1. Le niveau politique. Lorsqu'elle ne peut tolérer une situation, et ne peut obtenir satisfaction, la politique décide de l'entrée en guerre, de manière à obtenir la décision (l'acceptation par l'adversaire des termes qu'on veut lui imposer).
  2. Le niveau stratégique. Parce que la guerre est un phénomène extrêmement grave et ne peut être laissé au hasard, elle se doit d'être pensée, ce que fait la stratégie en planifiant, organisant et rationalisant l'utilisation des forces.
  3. Le niveau tactique. Alors que le rôle de la stratégie est d'apporter à la politique le moyen le moins coûteux d'accéder à la décision (en indiquant la façon dont on use de la diplomatie, de l'économie, de la politique, de la force), celui de la tactique est réaliser ce que lui ordonne la stratégie pour obtenir cette décision. Pour simplifier, la tactique est l'art de gagner les batailles, alors que la stratégie est l'art de savoir gagner la guerre, en décidant quand, où et comment faire les batailles.

Le niveau politique

Si l'on soustrait de la guerre l'aspect psychologique de la haine et de la violence (ce que l'on fait, comme vu plus haut, dans la théorie classique), la volonté politique précède nécessairement la volonté de violence elle-même, et plus encore la réalisation de cette violence. La guerre commence alors bien avant qu'on l'imagine pouvoir éclater, puisqu'elle nait en amont sur le papier, d'ambitions et de nécessités rationnelles.

« La guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens »

— Général Carl von Clausewitz

La violence est donc un outil dont dispose la politique pour arriver à ses fins. Généralement elle n'est qu'un dernier recours dans le cadre d'une stratégie plus globale (regroupant tous les moyens d'action), car l'objectif du stratège est d'imposer sa volonté, et non pas de gagner des batailles[3]. C'est ce que défend Sun Zi :

« L'idéal est que votre adversaire se plie à votre volonté sans que vous ayez à utiliser la force »

— L'Art de la guerre

et à Clausewitz de surenchérir :

« Le conquérant aime toujours la paix ; il entre volontiers tranquillement dans notre pays [même s'il n'a pas à faire la guerre] »

Dans les pays développés et démocratiques, où l'État se caractérise de plus en plus par sa fonction abstraite "d'administrateur de la société", on peut effectivement penser que cette appréciation de la guerre comme calcul froid de la nécessité politique correspond à la réalité. Cependant, lorsque la pouvoir se confond avec la personnalité de celui qui l'exerce, la rationalité de la volonté politique à tendance à laisser place à l'irrationalité de l'autocratie, car un despote sera beaucoup plus enclin à considérer la guerre comme une affaire personnelle. Mais l'on remarque que même dans ce dernier cas, on ne peut affirmer que la politique n'est pas à l'initiative du conflit, puisqu'en dictature la volonté personnelle devient la substance même de la politique.

« La guerre éclate lorsque les États n'ont plus une conscience claire de leurs devoirs, une intelligence nette de leurs droits, une notion exacte de leurs intérêts respectifs. Ils ne peuvent plus arriver à une entente commune, ils ne peuvent plus accepter les lois que leur traçait le droit des gens en temps de paix : ils s'y soustraient. La guerre est l'acte politique par lequel des États, ne pouvant concilier ce qu'ils croient être leurs devoirs, leurs droits et leurs intérêts, recourent à la lutte armée, et demandent à cette lutte de décider lequel d'entre eux étant le plus fort pourra en raison de sa force imposer sa volonté aux autres »

— Funck-Brentano et Sorel, Précis du droit des gens, Paris, Plon, 1900, p. 74

Stuka survolant les ruines de Varsovie lors de son soulèvement en 1944. La ville sortira rasée à 85%, meurtrie par la guerre totale.

Par sa nature destructrice, la guerre implique un coût très important, et il faut des motivations conséquentes et suffisantes pour initier un conflit. Comme tous les phénomènes sociaux extrêmes, ces motivations sont en bonne part de nature psychologique, mais la volonté de destruction s'est peu à peu rationalisée au cours du temps pour devenir un outil au service de la volonté politique. Celles-ci peuvent-être :

  • l'agrandissement de la nation ou le renforcement de sa puissance : par la conquête territoriale, la guerre coloniale
  • l'affaiblissement voire l'anéantissement d'une nation ou d'un groupe humain jugé fondamentalement hostile ou nuisible : la guerre d'extermination, le génocide
  • l'accès ou la défense d'intérêts vitaux : ressources précieuses ou indispensables telles que l'eau, le pétrole ; des villes ou régions productives ou peuplées ; des voies de communications comme les détroits, les canaux, des débouchés sur la mer
  • la défense d'une morale, d'une justice ou d'un droit international : obtenir par la force le respect d'accords internationaux, ou du droit international (depuis la création de la SDN et de l'ONU), porter secours à un État "injustement" attaqué (en honorant un pacte d'alliance par exemple), porter secours à des populations victimes de leur État ou que leur État ne peut protéger (principe du droit d'ingérence, guerre humanitaire)
  • l'affirmation ou la défense d'une idéologie, d'une religion ou d'un mode de vie (culturel) : ériger un système politique, social ou culturel présenté comme le meilleur.

À ces motivations matérielles et réfléchies qui peuvent encourager le recours à la force, s'ajoute d'autres motivations d'origines psychologiques et plus instinctives, d'autant plus courantes que le pouvoir est personnalisé :

  • renforcer le prestige de la nation
  • obtenir réparation d'un affront, porté à l'encontre du dirigeant, de l'État ou la nation
  • comme vu plus haut, renforcer la cohésion du groupe ou de la nation grâce à la création d'un ennemi commun. En éliminant les divisions, le consensus national peut légitimer un pouvoir charismatique (cas de la Junte argentine qui déclenche opportunément la Guerre des Malouines), ou faire oublier une impasse politique sans la régler (éventuellement inconsciemment et ce qui serait pour Jean Jaurès : « naturel au capitalisme »).

Analyse logique de l'origine de la violence en politique

On peut décrire l'origine de la violence en politique de la manière logique grâce au schéma suivant : quand la politique souhaite obtenir quelque chose d'un groupe social sur lequel elle n'a pas autorité (ce peut être un autre État), il lui faut son acceptation, ce que l'on nomme la décision en stratégie. La seule et unique manière d'y parvenir est de convaincre (voir la section niveau stratégique) l'autre qu'il est de son intérêt de répondre favorablement aux demandent qui lui sont faites :

  • soit par des propositions attrayantes (influence positive)
  • soit par la menace (influence négative) qui, elle, vise à faire comprendre qu'un refus serait désavantageux

Dans les deux cas le but est de rendre rentable l'acceptation des conditions imposées, et si la réponse est négative, c'est que le refus semble préférable. Si l'argument de la menace lui-même ne fait pas son effet, deux solutions se présentent alors :

  • soit le statu quo parce que mettre les menaces à exécution imposerait un coût plus important que le gain espéré ("le jeu n'en vaudrait pas la chandelle")
  • soit le conflit car il semble rentable malgré les coûts, il y a alors confrontation

Il faut donc en conclure, et c'est essentiel, que lors d'un litige entre des entités politique indépendantes, toute décision et toute situation qui résultera de la confrontation de leurs volontés respectives, y comprit l'usage de la violence, aura été considérée par tous les protagonistes comme étant le choix le meilleur.

Le niveau stratégique

Article détaillé : Stratégie.

La stratégie est selon le Général André Beaufre :

« l'art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflit. »

— Introduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, p. 34

Alors que le niveau politique formule une volonté, le rôle de la stratégie est de réfléchir au moyens d'amener l'adversaire à y répondre favorablement, ce que l'on nommera la décision. Pour le Général Beaufre, dans la dialectique des volontés, la décision est un événement d'ordre psychologique que l'on veut produire chez l'adversaire : le convaincre qu'engager ou poursuivre la lutte est inutile[4]. Le but de la stratégie est donc:

« d'atteindre la décision en créant et en exploitant une situation entrainant une désintégration morale de l'adversaire suffisante pour lui faire accepter les conditions qu'on veut lui imposer. »

— Introduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, p. 36

On admet généralement que le but de la stratégie est ni plus ni moins que de "gagner la guerre", d'où la formule prêtée à Clausewitz de "la décision par la bataille victorieuse". La réalité est plus subtile : n'oublions pas que la décision est psychologique, et qu'il faut "convaincre qu'engager ou poursuivre la lutte est inutile", d'où cette réflexion de Lénine analysant Clausewitz : "retarder les opérations jusqu'à ce que la désintégration morale de l'ennemi rende à la fois possible et facile de porter le coup décisif". Ainsi, il ne suffit pas d'être le plus fort pour gagner la guerre, mais de démoraliser le pouvoir adverse et c'est ce qu'apprirent à leurs dépens les États-Unis lors des guerres du Viêt Nam, de Somalie, d'Afghanistan ou encore d'Irak. D'ailleurs, la stratégie dans les guerre insurrectionnelles devient de plus en plus un cas d'école, et elle sera présentée ci-après.

Les moyens de la stratégie

L'art de la stratégie réside précisément dans la subtile confrontation entre d'une part, les capacités d'influence sur l'adversaire, positives ou négatives, et d'autre part, l'évaluation des coût inhérents aux moyens à disposition pour effectuer cette influence. L'influence peut être négative pour l'adversaire : destruction de ses forces et de ses biens, ou peut être positive : proposition de traité de commerce, négociation avantageuse ; la conjonction de ces moyens d'influence doit permettre une meilleure efficacité au rapport des coût qu'impliquent chaque combinaison possible, entre techniques d'influence négative et positive, c'est donc "jouer de la carotte et du bâton", en fonction des prix et de l'efficacité de la carotte et du bâton. Pour l'exemple, on peut imaginer qu'une phase destructrice qui apparaisse catastrophique à l'ennemi, soit suivie d'une proposition de paix dotée d'avantages inattendus, proférant alors un caractère providentiel à ce qui ne sont que des exigences. Nous voyons qu'ici, la stratégie tient à un choix subtil, émanant d'une réflexion qui vise à faire converger vers un objectif des moyens parfois contradictoires, ce choix constitue l'art de la stratégie.
Là est donc l'intelligence de la stratégie, ses moyens sont de complexes combinaisons de techniques d'influence, mais pour les élaborer, il faut analyser l'effet moral décisif et savoir qui on veut convaincre[5]. Dans le cas d'un gouvernement central, on peut choisir d'agir directement sur ses dirigeants et sur ce qui fait leur capacité d'influence (attaquer ou arrêter les personnes dirigeantes, leur administration, ou plus souvent leur propre capacité d'action : l'armée ennemie), ou bien sur un tiers qui a une influence sur eux (une organisation internationale comme l'ONU, des alliés influents, ou la population : solution particulièrement efficace dans une démocratie ou une société très divisée politiquement ou ethniquement). S'il faut convaincre non pas un gouvernement unique et centralisé, mais une constellation de personnalités ou un groupe (population, ethnie, groupe religieux, mouvance idéologique...), la stratégie comporte d'autant plus de variables et de complexité que le pouvoir adverse est décentralisé voir totalement explosé, car dans ce cas la décision doit être obtenue d'un ensemble d'individus, avec tout l'arc en ciel de sensibilité et d'intelligence stratégique qui le compose.

Les modèles stratégiques

Il y a victoire de la stratégie lorsque l'adversaire décide de stopper ou de ne pas engager le combat, c'est-à-dire, dès lors qu'il y a démoralisation de son pouvoir décisionnaire. Or, suivant qu'un conflit est interétatique ou insurrectionnel, qu'il est de l'ère pré-nucléaire ou post-nucléaire, les moyens susceptibles d'arriver à cette fin sont très différents.

David Petraeus avec ses hommes en Irak, 2 août 2003. La guerre en Irak était au départ un conflit entre deux États (États-Unis contre État irakien dirigé par le dictateur Saddam Hussein), mais s'est muée peu à peu en guerre insurrectionnelle, lorsque la population refusa ce qu'elle considérait comme une occupation étrangère. Incapable d'analyser le changement de stratégie de l'ennemi, l'armée américaine, pourtant d'une puissance tactique inégalée, fut plusieurs années considérée comme perdante au niveau stratégique.

Le paradigme de la guerre industrielle entre États monopolise grandement la réflexion stratégique encore aujourd'hui. Car il est tentant de penser que disposer d'une armée "puissante" selon les critères traditionnels (une armée de masse) autorise à se sentir prémuni de tous les types de guerre. L'armée américaine, de très loin la plus puissante au monde selon la définition classique, ne peut pourtant se permettre d'obtenir la décision que très rarement et difficilement dans les conflits insurrectionnels, autrement dit, elle ne peut pas gagner une guerre non conventionnelle avec des stratégies conventionnelles. Et c'est ce qu'a démontré le Général Petraeus à travers ses réflexions sur la guerre contre-insurrectionnelle.

Les raisons de ce paradoxe encore mal compris sont les suivantes : la capacité des armées et plus généralement des politiciens à obtenir la décision a subi des mutations considérables au cours de l'histoire, en particulier en raison de l'évolution des possibilités opérationnelles qui résultaient de l'armement, de l'équipement (évolutions des technologies) et des méthodes de guerre et de ravitaillement, mais surtout à cause des stratégies préférées par l'adversaire en fonction de ses propres caractéristiques politiques et sociales. Or cette évolution inéluctable fut rarement comprise, au contraire, l'évolution à généralement surpris les deux adversaires, qui durent en tâtonnant rechercher les solutions nouvelles menant à la décision. De là vient l'idée que "les stratèges se préparent toujours pour la guerre précédente". L'exemple le plus surprenant pourrait être celui de la ligne Maginot, gigantesque structure à objectif défensif héritée des dogmes de la Première Guerre mondiale (guerre défensive de position), totalement incapable de protéger la France de la stratégie de guerre éclaire offensive des armées nazies (guerre offensive et décisive très dynamique, mécanisée et aéroportée).
L'évolution la plus importante de ces dernières décennies parait être l'apparition de la force nucléaire, dont les caractéristiques foudroyantes ont totalement bouleversées les lois de la guerre, d'où la naissance d'une nouvelle stratégie ; mais l'atome n'est pas la seule révolution, et stratégie de guérilla, utilisée par le terrorisme, est elle aussi capable de mettre en échec des armées industrielles conventionnelles.

Sont analysées ci-dessous les trois stratégies principales, s'adaptant chacune aux moyens dont on dispose et à l'ennemi à combattre. Aucune n'est meilleure que l'autre dans l'absolu, et aucune ne peut s'adapter à toutes les situations.

Stratégie militaire classique
Napoléon sut mettre en déroute la plupart des armées européennes et fit de la France un empire pour quelques années, grâce à son génie militaire et une armée plus nombreuse qu'aucune autre. Ses stratégies furent analysées et théorisées par Carl von Clausewitz, général de l'armée prusse battue par la France. Les stratégies issues de l'ère napoléonienne furent longtemps enseignées au sommet de l'apprentissage des écoles militaires.

Dans la stratégie militaire classique, la guerre fut toujours comprise comme un rapport de force interétatique. Ainsi Hegel, contemporain des guerres napoléoniennes qui devaient redessiner la carte de l'Europe, comprend la dynamique des rapports de forces entre nations comme la matière même de l'histoire. L'histoire est alors le théâtre de la lutte des États pour l'hégémonie, où chacun se doit d'être le plus fort sous peine de disparaitre.
Nation contre nation, front contre front, stratèges contre stratèges, la guerre interétatique a cette caractéristique jusqu'à la Seconde Guerre mondiale de voir se répondre en miroir des logiques de guerre pratiquement symétriques. La décision à l'état pur est celle qui résulte de la bataille victorieuse[6], et toute la stratégie classique a pour objectif de gagner la guerre en terrassant l'ennemi sur le champ de bataille. Dans cette logique d'équilibre des forces, une faiblesse, un calcul qui s'avère faux, ou une manœuvre inventive et décisive, peut décider du sort de la guerre, tout l'art de la stratégie classique est un jeu d'équilibriste où chacun s'efforce de pallier ses points faibles et de gagner en supériorité.
Le général Beaufre examine les solutions principales employées dans le jeu de la stratégie, il en dénombre trois[7] :

  • Lorsqu'existent des moyens supérieurs et une capacité offensive suffisamment assurée, la campagne visera offensivement la bataille décisive. C'est la stratégie offensive d'approche directe où doit se réaliser la concentration du maximum de moyens visant la masse principale ennemie. Cette solution est largement préférée dans les guerres interétatiques, c'est celle qui fit la grandeur de Napoléon.
  • Lorsque la supériorité est moins évidente, deux solutions apparaissent :
    - soit d'user l'adversaire par une défensive exploitée par une contre-offensive. C'est la stratégie directe défensive offensive
    - soit de dérouter l'adversaire par une action offensive excentrique avant de chercher à le battre. C'est la stratégie directe d'approche indirecte. Cette dernière possibilité rejoint la stratégie d'approche indirecte de Liddell Hart.
  • Lorsque les moyens militaires sont insuffisants pour atteindre le résultat escompté, l'action militaire ne joue plus qu'un rôle auxiliaire dans le cadre d'une manœuvre de stratégie totale sur le mode indirect où la décision résultera d'actions politiques, économiques ou diplomatiques convenablement combinées. Dans ce cas, on parle généralement pas de guerre, mais peut-être de confrontation diplomatique ; celles-ci sont si nombreuses depuis la guerre froide qu'elles sont presque devenues l'état normal des relations internationales.

Le paradigme de la guerre interétatique conçoit la puissance comme synonyme de masse. Tout doit être massifié, densifié, les armes comme les hommes. Dès l'Antiquité, les armées se battaient en rangs serrés pour plus d'efficacité, à la fois tactique, mais aussi logistique (resserré autour de son chef, le groupe entendait ses ordres et agissait comme un seul homme avec une grande cohérence). Et ce fut donc naturellement que la guerre devint industrielle au XIXe siècle, lors de la révolution industrielle. Les armes sont fabriquées en très grand nombre, et leur mécanique est grandement améliorée (mitrailleuse, canon rayé), parallèlement à leur efficacité sur le champ de bataille. De même, les moyens de transports tels que le train et les navires à vapeur permirent la massification des troupes en des temps records sur des théâtres d'opérations très éloignés. En 1904, la Russie transporta sur rail une armée de plusieurs centaines de millier d'hommes sur 6500 kilomètres par delà les espaces perdus et démesurés de Sibérie, afin de rencontrer les armées japonaises de Mandchourie[8].

« La planète entière, au début du XXe siècle était devenue une seule entité maillée par les réseaux de transports et de transmissions, des chemins de fer, des navires à vapeur et des télégraphes. Et à l'intérieur de cette entité, les structures civiles et militaires de chaque nation sont devenues étroitement interconnectées. En temps de guerre, les chemins de fer seraient réquisitionnés et les hommes mobilisés. Les nations étaient mûres pour les guerres mondiales »

— Général Sir Rupert Smith,L'utilité de la force, Economica, p. 69, ISBN : 978-2-7178-5366-7

Stratégie indirecte et stratégie insurrectionnelle

Nous avons vu ci-dessus que l'approche indirecte était parfois préconisée par des théoriciens classiques, puisque le Général Beaufre la citait parmi ses solutions préférées, car elle a l'avantage de dérouter l'adversaire avec peu de moyens[9] : « l'idée centrale de cette conception est de renverser le rapport des forces opposées par une manœuvre et non par le combat. Au lieu d'un affrontement direct, on fait appel à un jeu plus subtil destiné à compenser l'infériorité où l'on se trouve » . L'approche indirecte était alors un outil subtil mis à disposition de la stratégie classique, mais « a trouvé son application en stratégie totale sous une forme différente dans tous les conflits où l'un des adversaire [...] avait des moyens inférieurs à ceux qui pouvaient lui être opposés. » Autrement dit, la stratégie indirecte est l'arme du pauvre, et celle préférée par l'insurgé.

La stratégie classique fut théorisée à l'ère napoléonienne, puisque que c'est l'empereur qui lui donna ses lettres de noblesse. Mais la stratégie de ce que le jargon militaire nomme les conflits de basse intensité, c'est-à-dire les conflits où ne s'opposent pas deux armées centralisées et symétriques, mais où au moins un belligérant (voire les deux) se constitue d'individus émanant directement de la société civile menant plus une guérilla qu'une véritable guerre, vit ses premières manifestations sérieuses en Espagne en luttant justement contre les troupes de l'Empire, entre 1808 et 1814. Le peuple appelait ça la « petite guerre », de guerra (nom pour guerre) et illa (suffixe diminutif). On voit donc la guérilla, seule solution des peuples face à la force classique, se développer et remporter des succès précisément au moment où cette dernière montre tout son prestige.

Un insurgé à Mossoul (Irak) en 2004 après une attaque. Pour ne pas avoir à combattre frontalement et constamment, l'insurgé doit pouvoir éviter le combat dès que la situation n'est pas favorable. La cagoule permet d'être non reconnaissable et redevenir un civil ordinaire à la première occasion, pour se rendre ainsi invisible à l'ennemi (chose impossible à une armée classique).


Le général Sir Rupert Smith dit à ce sujet :

« [...] des groupes de combat, petits, mobiles et souples, issus de la population, cachés et soutenus par celle-ci, s'ingéniaient à harceler les armées ennemies supérieures en force, tout en évitant toute confrontation sur une grande échelle. Par la poursuite de cette guerre, l'objectif politique était de conserver l'identité politique de la population, même sous occupation, en soutenant sa volonté de continuer à combattre et à résister.[...]Privées de la force du nombre, et des armes pour s'opposer à une armée en campagne, les guérillas préfèrent éviter les batailles rangées. L'embuscade et le raid représentent leur modes de combats favoris. »

— L'utilité de la force, p. 153

Cette stratégie est une réponse à la faiblesse tactique des guérilléros (peu d'hommes, peu d'entrainement, peu d'armes), et la règle d'or jamais démentie de tout combattant insurgé vise à palier cette faiblesse : toujours éviter de se trouver dans une position dans laquelle l'ennemi pourrait nous forcer à combattre. Il convient donc d'éviter d'occuper des infrastructures, des positions visibles, ou même simplement du terrain (choses que convoite généralement une armée classique) de façon à ne pas se trouver encerclé et de ne pas avoir à lutter sur un front fixe à homme contre homme.

Stratégie atomique et dissuasion nucléaire
l'extraordinaire capacité destructrice de l'arme nucléaire rend impossibles car insoutenables les guerres paroxystiques entres puissances comme par le passé, elle remodèle à elle seule les lois de la guerre.

L'imaginaire collectif considère encore aujourd'hui l'arme atomique comme une menace pour la paix, mais si le risque de prolifération nucléaire vers des pays irresponsables et à craindre, il est absolument nécessaire de comprendre que dans toute l'histoire de la guerre (dont les conflits furent de plus en plus terribles et meurtriers au fur et à mesure de l'évolution des techniques de combats), aucune stratégie n'a autant œuvré pour la diplomatie et le statu quo, et contre la violence, que la dissuasion nucléaire. La bien nommée Guerre Froide, qui avait tous les ingrédients (situation géopolitique, détestation mutuelle, rapport de force idéologique...) pour dégénérer en conflit mondial, fut un exemple de guerre impossible.
Pour comprendre pourquoi l'apparition de l'arme nucléaire a nécessité l'invention d'une nouvelle approche stratégique, il faut rappeler en quoi elle détruit le paradigme de la guerre classique :

  1. Le première caractéristique est la puissance de feu en elle-même : une petite bombe thermonucléaire de 1 MT correspondrait à une salve de 200.000.000 de canons de 75[10], soit plus que la totalité des capacités d'une armée. Il fallut pendant la Seconde Guerre mondiale près 3000 avions pour détruire la ville d'Hambourg (voir Opération Gomorrhe), alors qu'aujourd'hui une seule action individuelle aurait des conséquences bien plus destructrices (voir la Tsar Bomba, d'une puissance potentielle de 100 MT).
  2. la deuxième caractéristique est la mobilité et la fluidité d'utilisation presque totale de ces armes grâce à leurs vecteurs : il fallait auparavant envoyer des milliers d'hommes sur le lieu de l'action, avec tous les délais et difficultés logistique que cela comportait, la guerre était uniquement frontale entre des murailles humaines qui se faisaient face ; à présent, une seule fusée atteint en quelques dizaines de minutes n'importe quel point du globe, une bombe larguée depuis un avion (comme à Hiroshima et Nagasaki), pouvait dès son invention en 1945 frapper un territoire ennemi en son centre.

Du fait de cette double caractéristique, l'arme atomique produit deux phénomènes entièrement nouveaux :

Vue aérienne de Nagasaki, avant et après l'explosion nucléaire. Les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki imposèrent la fin de la Seconde Guerre mondiale signée moins d'un mois plus tard par la capitulation sans condition du Japon.
  1. il n'y a plus de rapport direct entre l'effort de guerre et la capacité destructrice (détruire un pays ne coûte en soi que le prix de la technologie, et non une mobilisation totale du pays attaquant)
  2. aucun effort de guerre autre que technologique ne peut sauver une nation de la destruction en cas d'attaque. Posséder une armée conventionnelle n'est d'aucune protection contre un conflit de type nucléaire.

On dénombre habituellement quatre types de protection possibles contre ce danger sans précédant :

  1. la destruction préventive des armes adverses pour prévenir un risque d'offensive (moyen offensif direct), qui suppose des moyens de destruction très puissants et perfectionnés, donc nucléaires
  2. l'interception des armes atomiques au moment de l'offensive (moyen défensif)
  3. la protection physique contre les effets des explosions (moyen défensif)
  4. la menace de représailles (moyen offensif indirect), qui suppose de disposer soi-même de moyens nucléaires

Ces quatre directions furent exploitées concurremment avec des fortunes diverses et ont fini par se combiner dans des formules stratégiques très compliquées, mais on peut dire que celle qui semble, et de loin, la plus dissuasive est sans conteste la quatrième (menace de riposte nucléaire en cas d'offensive), à tel point qu'on la nomme précisément la dissuasion nucléaire.
Le principe de la dissuasion nucléaire est fort simple : toute agression trop directe envers une puissance nucléaire expose l'agresseur à une riposte cataclysmique et absolument insoutenable, un pays non-nucléaire ne peut donc en aucun cas s'attaquer frontalement à une telle puissance. On nomme également équilibre de la terreur ou MAD en anglais (Mutually Assured Destruction ou « Destruction mutuelle assurée ») une situation plus précise : lorsque deux puissances sont nucléaires, toute agression atomique de l'une expose l'agresseur à une riposte destructrice d'une ampleur au moins équivalente, ainsi le déclenchement des hostilités est a priori impossible. Car le fait d'être agresseur ne profère aucun avantage particulier comme ce pouvait être le cas dans la stratégie classique, être attaquant ou attaqué signifie de toute façon la destruction, d'où l'exigence constante de garantir la paix.
Et la solution la plus efficace trouvée pendant la Guerre Froide pour garantir la sécurité du monde, fut justement, par le Traité ABM (ABM pour anti-missiles balistiques) signé en 1972, de limiter non pas les capacité offensives de chacun des deux camps, mais de limiter les capacités défensives. En effet, le meilleur gage de paix était de préserver à tout prix la destruction mutuelle assurée, et ainsi d'interdire l'utilisation généralisée de ces nouvelles technologies des années soixante-dix des missiles intercepteurs. Ceci montre à quel point la très contre-intuitive dissuasion nucléaire est l'une des meilleures assurances imaginable pour sécurité du monde, y compris lorsque celui-ci était divisé par la confrontation est-ouest.

Le niveau tactique

Article détaillé : Tactique.

Les représentations de la guerre

Représentation de la guerre dans l'art

Dans la peinture et les arts graphiques

L'apothéose de la guerre, Vasily Vereshchagin 1871

Dans la littérature

Réflexion sur la guerre en philosophie

Pour paraphraser Paul Valery- la guerre est un conflit social opposant des hommes qui ne se connaissent pas aux dépens d'homme qui ne se connaissent que trop bien sans jamais s'être vraiment battu.

Les responsables des nations ont considéré depuis longtemps que l'éventualité des guerres étant fréquente, il convenait de s'y préparer. La préparation de ces guerres se fait le plus souvent par l'entraînement d'une ou plusieurs armées. Après la deuxième guerre mondiale, les états ont créé l'ONU qui développe par la coopération et la diplomatie des stratégies de préparation et de maintien de la paix (avec, l'aide de contingents de casques bleus lorsque le stade du conflit armé est atteint).

Depuis l'histoire de la libération de l'Inde, qui s'est terminée au milieu du XX siècle, le Mahatma Gandhi a fait école auprès de certains courants minoritaires qui réfléchissent à des moyens «non-violents» pour régler les conflits entre nations. Ils cherchent à réformer les réflexes ancestraux des nations et des peuples vis-à-vis des guerres.

John Foster Dulles, alors Ministre des Affaires étrangères du Président Eisenhower, a déclaré qu'il y eût deux moyens pour soumettre un pays, par la force des armes et par le contrôle de son économie.

Jacob Bronowski - mathématicien, philosophe et poète réfugiés en Angleterre et aux États-Unis durant les années 1930-40 a estimé que la guerre était le résultat de la conjonction d'une technologie appropriée et de la logique du pillage. L'agriculture avec la domestication des animaux et des plantes a fait sortir l'humanité de l'errance perpétuelle. La domestication du cheval s'insèrerait alors dans cette logique du pillage, le cheval permettant à des nomades de faire des razzias chez des cultivateurs fixés à leurs terres, et aux temps des semailles et des récoltes et voler le fruit de leur travail. La frayeur suscité par ces cavaliers serait la source de la légende du « centaure ». Une tradition de pillage et d'ailleurs de guerre par des cavaliers a persisté en de nombreux lieux et époques, en Afrique, Amérique et Asie.

On peut même considérer que l'état de guerre est naturel, et que c'est la paix qui résulte d'une construction, motivée par les plus grands gains d'un mauvais compromis que de la plus grande victoire. La régulation et le traitement de la guerre sont l'un des sujets majeurs pour les acteurs politiques et religieux et depuis quelques années par l'Organisation des Nations unies et d'autres institutions internationales et des organisations non gouvernementales.

  • En 1933, à l'initiative de la Société des nations, Albert Einstein a questionné Sigmund Freud :"Pourquoi la guerre ?"[11] et, au terme d'une longue réponse, Freud conclut son courrier "Tout ce qui travaille au développement de la culture travaille aussi contre la guerre".

Des théoriciens ont émis l'hypothèse que la guerre était aussi une nécessité naturelle pour réguler la population humaine. C'est une idée qui semble assez communément partagée, qui voudrait que malgré son « intelligence » l'humanité ne saurait se réguler autrement, mais cette théorie est infirmée par au moins deux faits ;

  1. les guerres même les plus sanglantes ont eu un impact provisoire et limité sur la démographie humaine (la dernière guerre mondiale ayant même suscité un baby boom).
  2. Quand le niveau de vie augmente, la population se stabilise, et en Europe depuis la période de paix (interne au moins), la démographie s'est rapidement stabilisée.

Opinion d'André Maurois

Dans Les silences du colonel Bramble André Maurois voit la guerre comme aussi inévitable que les mouvements d'un dormeur dans son sommeil : suite à un immobilisme prolongé, des parties du corps éprouvent des soucis qui se cumulent avec le temps d'approvisionnement en ressources, et la souffrance engendrée déclenche une tentative de retournement brutale. Après s'ensuit un nouveau calme, temporaire, à l'issue duquel le cycle recommence.

Opinion de Rosa Luxemburg

« Les guerres sont un phénomène barbare, profondément immoral, réactionnaire et contraire aux intérêts du peuple » - Déclaration devant le tribunal de Francfort, février 1914.

La guerre dans les religions et la mythologie

Les politiques de la guerre et de la paix dans l'histoire et aujourd'hui

Les organisations militaires et les politiques de coopération internationales

Promotion de la paix au niveau et son Conseil de sécurité des Nations unies

Ils ont cherché des moyens nouveaux moyens de résolution non-violente des conflits, s'appuyant notamment sur la polémologie et la signature et ratification de traités de paix et de conventions internationales. Mais ces outils restent fragiles.
Les principes du développement durable visent par un partage des ressources, en amont et plus solidairement, à atténuer les tensions entre groupes. Ils dépendent cependant du bon vouloir et des possibilités qu'ont les pouvoirs et les habitants à les appliquer.

La convention de La Haye

La convention de La Haye interdit l'incorporation dans les armées de la population d'un territoire occupé. Le pouvoir nazi a donc fait usage d'une ruse : à partir du 25 août 1942, il a conféré la citoyenneté allemande à un nombre croissant de Français d'Alsace et de Moselle à commencer par les hommes (les Malgré-nous).

Les conventions de Genève du 12 août 1949 dont la troisième relative au traitement des prisonniers de guerre

Article détaillé : Conventions de Genève de 1949.

Droit de la guerre (jus in bello) et dommages de guerre

Le philosophe Hugo Grotius s'est penché sur le sujet de la guerre juste et a publié le livre De jure belli ac pacis (Le droit de la guerre et de la paix) qui explique que pour qu'une guerre soit juste, elle doit être en accord avec les conditions suivantes:

  1. Jus ad bellum (Droit à la guerre):
  • déclarée
  • menée pour une juste cause
  • dans une intention juste
  • en utilisant des moyens qui soient proportionnés aux fins (à l'agression)
  • avec un espoir raisonnable de succès
  • constitue le dernier recours
  1. Jus in bello (Droit dans la guerre)
  • proportionnalité
  • discrimination
  1. Jus post bellum(Droit à la sortie de la guerre)

Notes et références

  1. Selon Karl Von Clausewitz ou une adaptation de Raymond Aron?)
  2. (Marvin Harris, 1977, p. 47-64, Cannibals and Kings. The Origins of Culture, Vintage, New York)
  3. Thierry de Montbrial, dans l'avant-propos du livre Introduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, p. 35 ISBN 978-2-01-278902-9
  4. Général André BeaufreIntroduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, p. 35 ISBN 978-2-01-278902-9
  5. Général André Beaufre, Introduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, P.37 ISBN 978-2-01-278902-9
  6. Général André Beaufre, Introduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, P.75 ISBN 978-2-01-278902-9
  7. Général André BeaufreIntroduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, p. 95 ISBN 978-2-01-278902-9
  8. Général Sir Rupert Smith,L'utilité de la force, Economica, p. 69, ISBN : 978-2-7178-5366-7
  9. Introduction à la stratégie, P.146
  10. Général André BeaufreIntroduction à la Stratégie, Armand Colin, 1963, p. 100 ISBN 978-2-01-278902-9
  11. "Pourquoi la guerre ?" (1933), Ed.: Rivages, 2005, ISBN 2-7436-1364-5

Annexes

Bibliographie

  • Carl von Clausewitz De la guerre, traduction de Nicolas Waquet, Éditions Rivage poche, 2006, ISBN : 2743615168 .
  • Carl von Clausewitz Théorie du Combat, préface de Thomas Lindemann, Economica (1998), ISBN : 2717837361.
  • Antoine-Henri de JominiPrécis de l’art de la guerre, éditions Ivrea, 1994 ; Les guerres de la Révolution, Hachette, 1998.
  • Victor Davis Hanson, Carnage & Culture, Doubleday, 2001, ISBN 2-7028-7924-1
  • John Keegan, Histoire de la guerre, Dagorno, 1996, ISBN 2-910019-32-2
  • Fabio Maniscalco, World Heritage and War - monographic series "Mediterraneum", vol. VI, Naples, 2007, ISBN 88-89466-07-3
  • Anthony Wilden, The Rules are no Game. The Strategy of Communication, Routledge & Kegan Paul, London & New York, 1987.
  • Anthony Wilden, Man and Woman, War and Peace. The Strategist’s Companion, Routledge & Kegan Paul, London & New York, 1987.
  • Jean Doise Du Combat antique au Combat moderne : Les réalités du terrain, ADDIM 1999, 223p.ISBN 2-907341-96-0.
  • Carl Schmitt, Le nomos de la Terre, (1988, Berlin), PUF, Paris, 2001,
  • Jean Doise Histoire militaire de l'Alsace : La défense du Pays ; première partie : De la guerre de Trente ans à Napoléon, Saisons d'Alsace, Revue Trimestrielle no 84, 1984, 103p.ISSN 0048-9018.
  • Jean Doise et Maurice Vaïsse) Diplomatie et outil militaire. Politique étrangère de la France : 1871-1969, Imprimerie Nationale, collection Politique étrangère de la France1987, 546p.ISBN 2-11-080924-8. Nouvelle éd., Diplomatie et outil militaire. Politique étrangère de la France : 1871-1991, Le Seuil, collection Points Histoire, 1992, 749p.ISBN 2-02-014159-0.
  • Sun Zi L'Art de la guerre.

Articles connexes

Bataille de Crécy, enluminure du XVe siècle

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