- Abbaye de Leffe
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Abbaye Notre-Dame de Leffe
L’Abbaye Notre-Dame de Leffe (ou simplement Abbaye de Leffe) est une abbaye de l’ordre des Prémontrés, sise à Leffe, un quartier de Dinant (Belgique), sur la rive droite de la Meuse. Fondée en 1152 elle est toujours habitée d’une communauté de chanoines norbertins.
Sommaire
Fondation
Comme son père Godefroid, fondateur de l’abbaye de Floreffe, Henri l’Aveugle, comte de Namur, est un ami des chanoines de Saint Norbert. Il souhaite les voir prendre en charge la paroisse de Leffe sur des terres qu’il vient de recevoir en fief. Lorsque l’abbé de Floreffe Gerland marque son accord, Henri l’Aveugle donne aux prémontrés l’église Sainte-Marie de Leffe, avec ses revenus et dépendances. La charte de fondation date de 1152. Les chanoines occupent bientôt les lieux et établissent un prieuré qui est approuvé par le pape Adrien IV en 1155.
Les recrues sont nombreuses si bien que dès l’an 1200 le prieuré est érigé en abbaye par Jean d’Auvelais, abbé de Floreffe. Wéric, prieur de Floreffe est consacré premier abbé de Leffe.
Histoire
XIIIe et XIVe siècles
L’abbaye prospère, matériellement et pastoralement. Le domaine de l’abbaye s’agrandit et de nombreuses paroisses des environs (Dinant, Waha, Awagne, Jassogne, Courrière, etc) sont desservies par les chanoines de Leffe. Quatorze abbés se succèdent en une centaine d’années. Suivant la tradition prémontrée il n’est pas exclu que l’abbé de Leffe soit élu abbé à Floreffe, nécessitant son départ et remplacement à Leffe.
XVe siècle
Le XVe siècle est beaucoup plus difficile. Il s’ouvre avec une épidémie de peste : en septembre 1400 sept religieux et l’abbé sont victimes du fléau. En 1408, une profonde crise de gouvernement mine l’abbaye. Elle reste sans abbé pendant de long mois et est en conflit avec l’abbaye-mère de Floreffe. Le 7 août 1460 c’est la Meuse qui sort de son lit provoquant de graves inondations et détruisant l’église. Le père-abbé, Jean Ghorin, y perd la vie, noyé et les dégâts sont considérables.
Six ans plus tard, en 1466, lorsque les Dinantais (avec le peuple liégeois) se révoltent contre le prince-évêque de Liège, Louis de Bourbon, l’abbaye est saccagée et brûlée car, située hors les remparts de la ville, elle avait le malheur d’être le quartier général de Charles le Téméraire venu assiéger la ville. Lorsque Dinant se rend (23 août 1466) c’est le pillage : la bibliothèque est perdue, le monastère saccagé et l’église incendiée. Plusieurs chanoines et le père abbé sont faits prisonniers. Une importante rançon ayant été payée, le père abbé et ses confrères sont libérés et reviennent à Leffe : après six mois d’abandon l’abbaye reprend vie, même si ruinée.
XVIe et XVIIe siècles
La renaissance du monastère s'esquisse à la fin du XVe siècle ; de nouvelles donations sont reçues. Mais surtout les moulins à eau placés sur la rivière, le ‘Fonds de Leffe’ qui traverse l’abbaye, deviennent sources d’importants revenus. De petites industries s’installent. Une nouvelle prospérité, pour les chanoines comme pour les habitants de Leffe, se dessine et va augmentant jusque vers 1583. Une nouvelle instabilité politique s’installe dans la région et les Pays-Bas cependant. Des armées, amies ou ennemies, circulent. Les conflits entre les ‘grandes puissances’, France, Espagne et Autriche ont des conséquences dans les Pays-Bas méridionaux. Les trêves sont courtes.
Au début du XVIIe siècle, l’abbé Georges de Terne entreprend la reconstruction de l’abbaye. Projet ambitieux qu’il mène à bien malgré quelques calamités naturelles. Il survit de cette époque l’hôtellerie actuelle qui porte le millésime de 1604. À partir de 1617, nouvelle épidémie de peste qui sévit jusque dans les années 1630 : en 1636 l’abbé même, Jean Noizet, en est la victime. Désiré Gouverneur lui succède, et à sa mort en 1653 : Perpète Noizet qui semble avoir été très populaire. Remarqué dans l’ordre prémontré il obtient la mitre et les insignes épiscopaux (même si pas évêque). Une aile du bâtiment actuel date de son époque (1661).
Un excellent administrateur (ancien maître des novices) succède à Perpète Noizet: Pierre Lefevre. Il fait face avec sagesse et diplomatie aux impôts qui sont imposés, d’abord en 1683 par Charles II d'Espagne, et ensuite, après la défaite de Fleurus de 1690 par les Français victorieux. Il en obtient un allégement par intervention directe auprès de Louis XIV. Poussé par un grand sens de la solidarité il partage volontiers les biens matériels de Leffe avec d’autres abbayes prémontrées en difficulté.
XVIIIe siècle
Perpète Renson est abbé de 1704 à 1743. Il introduit un renouveau dans la vie canoniale de Leffe, avec une tendance à plus d’austérité, surtout en ce qui concerne le vœu de pauvreté et le style de vie. Il est également bâtisseur : le dortoir est restauré (1705) le jardin agrandi et embelli (1707) et une nouvelle église est construite en cinq ans. Première pierre en 1714 et dédicace solennelle le 23 juillet 1719, par l’évêque de Namur. Le portail de l’église est encore visible. C’est sous son abbatiat que Madame de Maintenon fit une visite à Leffe. Elle en écrivit une lettre (11 juillet 1705) très élogieuse sur Leffe et son abbaye.
Augustin Lambreck a un bref abbatiat : de 1743 à 1747. Son souvenir est lié au palais abbatial qui porte le millésime 1747 et sa devise pax huic domui.
Fin de l’abbaye
En 1789 les Dinantais se joignent aux Liégeois qui se révoltent contre le Prince-Evêque. Le 1er janvier 1793 la république est proclamée dans la Collégiale Notre-Dame de Dinant. L’abbé de Leffe Frédéric Gérard est arrêté, et comme il refuse de révéler où se trouve le trésor de l’abbaye, il est gardé en prison. Séquestration pénible et interrogatoire serré. La cachette est révélée et le trésor - des croix et objets liturgiques de grande valeur - est confisqué. Lorsque les troupes françaises quittent Dinant, l’abbé Gérard est libéré, et le 28 mai 1794 les chanoines abandonnent l’abbaye.
Leur départ permet le pillage des bâtiments : meubles, livres, cuivres, cloches etc. tout ce qui peut l’être est emporté. Le 1er septembre 1796, comme les autres communautés religieuses de Belgique l’abbaye cesse officiellement d’exister. Tous ses biens, meubles et immeubles, sont confisqués et mis en vente. Les religieux ont droit à un bon de 15 000 francs pour subvenir à leurs besoins.
XIXe siècle
Le dernier abbé prémontré, Frédéric Gérard, meurt en 1813 en léguant ses biens personnels à sa nièce avec mission de restaurer l’abbaye dès que ce serait possible. Par ailleurs deux religieux, avec le soutien de bienfaiteurs tentent d’abord de racheter l’abbaye à titre privé. Ils y parviennent, mais comme le rétablissement de la vie religieuse tarde, certains revendent les biens. C’est le cas pour l’église qui est alors démolie et ses pierres réutilisées ailleurs. Seule en subsiste son portail d’entrée.
Les autres bâtiments vendus en 1816 sont convertis en verrerie. Lorsque la société fait faillite (1830) c’est une papeterie qui s’y installe, puis une fabrique de lin. Les dépendances (ferme, brasserie, étables) et corps de logis sont aménagés comme logements pour les ouvriers. En 1844 le dernier chanoine survivant de Leffe meurt dans une des paroisses avoisinantes de Dinant. En 1883 nouvelle vente et démembrement des anciens biens de l’abbaye. Tout semble bien fini.
Rétablissement de l’abbaye
De vente en héritage l’abbaye arrive entre les mains de Henri Collard qui la revend en 1902 aux chanoines prémontrés de l’abbaye du Frigolet en Avignon qui cherchent un refuge lorsque la loi Combes expulse de facto les ordres religieux de France. Une soixantaine de religieux arrivent en avril 1903. De grands travaux doivent être réalisés. L’évêque de Namur, Mgr Thomas Heylen, lui-même prémontré de Tongerlo leur vient en aide. La grange de 1710 est transformée en église.
Journées tragiques pour les chanoines que celles de la première guerre mondiale. Lors du ‘massacre de Dinant’ par l’armée allemande (22 au 24 août 1914) qui voit la mort ou l’exécution de pas moins de 624 dinantais, plusieurs chanoines perdent la vie. 43 hommes sont fusillés sur la place de l’abbaye ; 17 chanoines partent comme prisonniers en Allemagne. En 1919 les religieux ne sont plus que 30. L’année suivant les chanoines retournent à Frigolet en Provence qui rouvre ses portes. Le père Léon Perrier reste à Leffe.
Lorsque en 1929 l’abbaye de Tongerloo est victime d’un incendie dévastateur le père Perrier invite immédiatement les religieux à venir s’installer à Leffe. Avec l’intervention de Mgr Thomas Heylen, ancien abbé de Tongerloo, l’offre est acceptée et un groupe de 35 novices avec quelques prêtres prémontrés arrivent à Leffe et lui donnent une nouvelle jeunesse. Même s’ils retournent à Tongerlo l’année suivante des liens ont été créés et Leffe est officiellement cédée à l’abbaye de Tongerlo en 1930. Des religieux flamands sont restés, et en 1931 par un décret du pape Pie XI Leffe retrouve son autonomie. Joseph Bauwens est élu 53e abbé de l’abbaye Notre-Dame de Leffe.
Sans faire de très grands travaux (la situation financière de l’abbaye ne le permet pas) l’abbé Bauwens aménage les lieux de manière pratique et agréable. Quelques chefs-d’œuvre (dont un tableau de Hugo van der Goes) confiés à l’abbaye lui redonnent un certain prestige.
Seconde Guerre mondiale (1940-1944) : de nombreux pères partent au front comme aumôniers ou officiers. D’autres partent en exil en France. Sinon les bâtiments de l’abbaye, confiés à deux frères convers, ne subissent que des dégâts mineurs. Pour des raisons de santé Joseph Bauwens démissionne en 1944 et l’abbé émérite de Tongerlo, Hugues Lamy originaire de Fosses-la-Ville, lui succède à comme abbé prémontré de Leffe. Il le sera jusqu’à sa mort en 1949.
Historie récente et contemporaine
Le père Cyrille Nys est élu abbé en 1950. Il reste dans l’histoire de Leffe comme celui qui en a relancé la brasserie. Il obtient le concours d’Albert Lootvoet, un brasseur d’Overijse, qui respectant les procédés anciens relance la tradition brassicole de l’abbaye. Les revenus du succès commercial que rencontre la bière de Leffe consolident une situation financière qui était toujours précaire. L’abbaye compte alors 47 membres.
Article détaillé : Leffe (bière).Après l’abbé Nys ce furent les pères abbés Marc Mouton (élu en 1963) et François Maertens (élu en 1981). Depuis 1989 Bruno Dumoulin est abbé de Leffe. Fidèle à la tradition et vocation prémontrée la communauté (14 prêtres et 4 étudiants) continue son travail pastoral dans les paroisses des environs, Bouvignes, Leffe ou plus lointaines, Couthuin, Burdinne et d’autres.
Liens internes
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