- Chanson Française
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Chanson française
La chanson française désigne un genre musical à part entière, l’adjonction de l’adjectif « française » au terme « chanson » tendant à signifier une particularité propre à cette forme d’expression musicale en langue française et dans le champ culturel francophone.
Ce genre existe et s’est défini au moment de la constitution de l’industrie du disque comme marché culturel de masse (à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale). Il repose sur des particularités culturelles et esthétiques : la « chanson française » s’inspire de la littérature classique de langue française (en particulier la poésie), et se nourrit d’un désir de résistance linguistique et culturelle à une forme de domination économique, linguistique, et esthétique.
L’expression « chanson française » désigne donc depuis 1945 un genre musical qui se définit par l’usage de la langue française, la référence à des maîtres et modèles hérités de la littérature poétique de langue française, et par opposition, ou par différenciation aux formes dominantes, anglo-saxonnes, de l’industrie musicale.
Sommaire
Les sources
Les grands poètes-souches
On peut considérer que Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, sont trois sources littéraire essentielles pour la chanson francophone moderne. D'abord, par leur travail sur la musicalité des mots, et le format court de nombre de leurs textes, ils inventent, en quelque sorte tels des "musiciens sans guitare", un format qui deviendra celui de la chanson. Dans leurs poèmes on trouve des textes dans lesquels le mot "chanson" figure ("chanson d'automne"[1], ou "chanson d'après-midi"[2]). En outre, leur esthétique poétique fait la part belle à la musicalité et aux sonorités des mots, comme en témoigne la célèbre phrase de Verlaine : "De la musique avant toute chose"[3] Ces poètes ont été mis en chanson par de nombreux artistes, tels que Léo Ferré[4], ou Jean-Louis Murat plus récemment, pour ne citer que les plus célèbres. Leur influence continue de marquer la chanson française actuelle. La tradition littéraire dans son ensemble offre bien d'autres exemple de réécritures poétiques : il suffit de songer par exemple à Jean de La Fontaine, pastiché, parodié par Pierre Perret par exemple[5], ou à l'univers de Thomas Fersen, avec la présence marquée d'un bestiaire merveilleux, emprunté sans aucun doute au grand auteur classique : la chanson intitulée "Les malheurs du lion"[6] paraît être calquée sur "Le lion et le moucheron"[7] D'autres poètes ont nourris la créativité des chanteurs de langue française : Charles Cros, Louis Aragon, Jacques Prévert, et bien d'autres encore.
L'héritage des formes
La chanson française comme genre se constitue sur un terreau vivace et riche, également sur le plan de ses origines musicales : c'est dans les formes de musique classique ou savante qu'elle va s'ancrer, empruntant certaines petites formes à des formats musicaux plus importants. C'est le cas par exemple d'une chanson à succès des années 1930, "Couchés dans le foin", composée par Mireille[8] pour une opérette, puis extraite de cette opérette, pour devenir un tube. D'autres chanteurs à succès sont tout droit issus des formes classiques d'expression lyrique : Luis Mariano vient de l'opérette, Tino Rossi a des atouts de ténor lyrique classique, et les progrès techniques (usage du micro sur scène pour la première fois par Jean Sablon, fabrication et diffusion des 78 tours) permettent à de nouvelles figures d'entrer sur la scène naissante de la chanson. La chanson se diffuse également grâce à des lieux, tels que le cabaret, où on peut se détendre sans subir la forte pression sociale et les inégalités : ces lieux deviennent des terreaux dans lesquels les chansonniers peuvent diffuser leurs œuvres, et acquérir de la renommée (Aristide Bruant par exemple au "chat noir"). Le cabaret a son équivalent anglicisé dans le terme bien connu de "music-hall"[9], littéralement une grande salle dédiée au spectacle musical. Il s'agit d'un endroit plus vaste que le cabaret, où on donnait des spectacles dits "de variétés", proposant de nombreux numéros, un peu sur le modèle du cirque, et notamment des numéros vocaux et chantés. C'est donc dans la conjugaison de ces endroits nouveaux et libres propices à la création, et d'une culture musicale plus classique, héritée des formes savantes mais aussi populaires de l'art lyrique, que vont naître et croître la tradition de la chanson française et la figure du chanteur.
Les grandes figures tutélaires du début du siècle
Charles Cros, Gaston Couté, Pierre-Jean de Béranger, Aristide Bruant, Vincent Scotto
Les héritages musicaux exogènes
tango, paso doble, biguine, cabaret berlinois, jazz et musiques noir américaines (Mistinguett et Josephine Baker), musiques africaines et musiques du monde.
Petite chronologie chansonnière
De l'avant-guerre à la libération
naissance d’un genre. Yves Montand, Charles Trenet, Jean Sablon... entre la dérision et l’esprit de révolte, une tradition de rire et de panache. construction du mythe de la femme française qui chante : Edith Piaf... C'est la naissance des premières grandes Stars du "Music Hall", dont certaines, comme Maurice Chevalier, auront des difficultés à se justifier de leur compromission avec l'occupant allemand.
La génération relais
Elle est constituée de chanteurs qui étaient déjà là avant-guerre, et qui font perdurer, dans une tonalité compréhensible de joie et de gaité, la tradition du chansonnier à la française.
La révolution des années 1950
C'est l'heure du retour aux sources littéraires. Primauté au texte, engagement, figures solaires des auteurs compositeurs interprètes. (Charles Aznavour, Jacques Brel, Georges Brassens, Léo Ferré,Jean Ferrat, Anne Sylvestre, Barbara...)
Les années 1960 : cheveux courts contre idées courtes
La chanson française face à la première révolution économique de l’industrie du disque : yéyé, rock and roll, variétés, « cheveux courts contre idées courtes ».
Années 1980 : entre déprime et croisade
Les années 80 marqueront un tournant dans la chanson française car plusieurs chanteurs et chanteuses ainsi que plusieurs groupes marieront un courant musical d'influence anglo-saxonne (guitares électriques, synthétiseurs, solos de guitares ou de saxophone, ...), des paroles engagées et se positionnant en héritiers des grands textes de la chanson française passée. Cette génération est aujourd'hui citée comme modèle par énormément de chanteurs d'horizons divers (nouvelle scène française, rap, slam, ...).
Citons, entre autres, Jean-Jacques Goldman, Michel Berger, Téléphone, Daniel Balavoine, Renaud, France Gall, Francis Cabrel, Indochine, Mylène Farmer ...Dans la continuité des années 60 et 70, dont les chansons étaient surtout axées sur la musique et dont textes étaient plus simples on retrouve Jeanne Mas, Julie Pietri, Stéphanie de Monaco...
Les années 1990 comme une renaissance
La Renaissance de la « chanson française » : retour des textes et crise du disque. (on appelle cela la « nouvelle scène française », mais elle renaît avant que cette expression ne soit inventée, et se nourrit de la crise de l’industrie du disque, des compromissions esthétiques des médias de masse, du retour des personnalité scéniques et du show). Moins de son, plus de sens. Cette renaissance se fait un peu en réaction contre une certaine dérive que ces nouveaux auteurs jugent trop "légère", la dérive "variété". C'est dans ce sens que Dominique A, par exemple, revendique des influences plutôt anglo-saxonnes (le Velvet Underground par exemple) et refuse de façon catégorique le cliché. Cette attitude esthétique radicale, va contribuer aussi à l'émergence d'univers musicaux particuliers, qui vont eux aussi infléchir la perception d'une particularité française de la chanson dans les années 1990.[10]
La chanson française aujourd'hui
Persistance de la bipolarité du genre : entre veine lyrique et fibre partisane
La veine lyrique
On retrouve ici des figures d’artistes dont la recherche esthétique, par les textes et par la création musicale, vise à conquérir les territoires du registre lyrique. C'est pêle-mêle ce qu'on appelle les chanteurs et chanteuses "à voix", ou les artistes dont le but est avant tout de créer un univers à l'esthétique musicale, dans lequel le sens et l'écriture poétique ne sont pas le but essentiel recherché. Ils ou elles chantent en Français, mais parfois leurs textes n'ont pas d'autre ambition que reprendre des thèmes universels, ou manipuler efficacement des stéréotypes - ce qui n'empêche pas une chanson d'être réussie.On y trouvera également les artistes dont les œuvres cherchent à divertir le public, en les emportant dans un univers musical propice à l'évasion ou à la rêverie. Ils cultivent souvent une certaine légèreté de propos et de forme.
Des groupes
Kat Onoma, Louise Attaque, Tarmac, Manau (tendance folk épique), Les Valentins, Superbus, Paris Combo, Astonvilla, Matmatah, Tanger Téléphone , Rita Mitsouko , Tryo , Rue Kétanou
Des voix féminines
- Patricia Kaas, Mylène Farmer, La Grande Sophie, Helena Noguerra, Juliette, Maurane, Vanessa Paradis, Céline Dion, Hélène Ségara, Coralie Clément, Daphné[11], Barbara Carlotti, Emily Loizeau, Oshen, Keren Ann, Carla Bruni, Agnès Bihl, Camille, Jenifer, Elodie Frégé, Clarika, Axelle Red, Pauline Croze, Jane Birkin, Françoise Hardy, Agnès Soral, Nolwenn Leroy, Chimène Badi, Lorie, Shy'm, Alizée
Des voix masculines
M, Daniel Lavoie, Bruno Maman, Jean-Jacques Goldman, Daniel Balavoine, Francis Cabrel, Pascal Obispo, Florent Pagny, Yannick Noah, Sinclair, Christophe Mae, Christophe Willem, Alex Beaupain, Da Silva, Bastien Lallemant, Franck Monnet, Sébastien Martel, Martin Rappeneau, Albin de la Simone, Sebastien Tellier, Alexandre Varlet, Bertrand Burgalat, Pierre Bondu, Calogero, Chet, Corneille, Garou, Faudel, Alexis HK, Raphaël, Sanseverino, MC Solaar, Art Mengo, Silvain Vanot, Emmanuel Moire, Les Fatals Picards,Bénabar
La fibre engagée
Des groupes
bérurier noir,La Mano Negra, les Têtes Raides, La Rouille, Massilia Sound System, Mickey 3D, Ministère Amer, Noir Désir, Tue-Loup, Tryo, Zebda
Des femmes
Diams, Véronique Pestel, Jeanne Cherhal, Zazie
Des hommes
Christophe Miossec, Sarclo, Mano Solo, Anis, Grand Corps Malade, Abd Al Malik, Jamait, Cali, Disiz la peste, Damien Saez
Des artistes-mondes
Appelons-les ainsi pour rendre tangible leur côté inclassable : on ne peut pas les réduire aisément à une veine lyrique ou à un « engagement » : leur style musical, leur grain de voix, leurs textes font qu’ils apportent à la fois une créativité lyrique, et un propos fort sur le monde et leur temps. Cette catégorie peut paraître un peu subjective, mais elle regroupe des figures de chanteurs qui savent (pour certains depuis de nombreuses années, tracer un chemin très personnel, construisant une œuvre originale tant par son propos que par sa, ou ses formes. Camille[12], par exemple, fabrique album après album, un univers vocal, retournant presque aux sources purement lyriques de l'art de chanter, avec un esprit human beat box pour les tenants d'un langage contemporain à la mode, a capella pour les plus anciens, dans lequel elle parvient à allier une démarche jouissive de plaisir vocal pur, et un propos fort sur des questions sociales ou psychologiques. Sur l'album intitulé le Fil, et sorti en 2006, « il n'y a aucun instrument, juste des bruits de bouche ou de main, bidouillés sur ordinateur, pour assurer la rythmique, derrière sa voix espiègle et surprenante »[13]. Thomas Fersen, quant à lui, dessine depuis plusieurs disques une œuvre forte où se mélangent un univers de fabuliste (histoires un peu décalées, personnages de doux dingues ou héros improbables, bestiaire fantasque, poésie du quotidien, volonté d'intégrer des thèmes peu séduisants au premier abord, le tout dans une recherche musicale constante, alliant des éléments très acoustiques à des effets plus électriques (mariage de l'ukulélé et de la guitare électrique). Florent Marchet, pour en citer un dernier, construit de son côté une œuvre discographique sans pareille, parce qu'il a su s'affranchir des circuits classique de production, pour se permettre de proposer au public des albums "concepts" audacieux : Rio Baril, publié en 2007, raconte l'histoire d'un jeune homme d'origine rurale, qui sort d'une enfance difficile, grandit, entre dans le monde des adultes, et finit sa course de manière pitoyable, dans un fait-divers peu reluisant, le tout en une douzaine de plages musicales reliées entre elles par ce fil rouge narratif. Il sort ensuite en 2008 un autre « objet musical non identifié », ou tout au moins difficile à classer, intitulé Frère animal : il s'agit d'un livre-disque co-écrit avec Arnaud Cathrine, romancier, et mettant en scène sur un ton satirique radical, le monde de l'entreprise et ses excès. Camille, Thomas Fersen, Vincent Delerm, Mathieu Boogaerts, Dominique A, Didier Super, Jean-Louis Murat, Dionysos, Les Wampas, Katerine, Marcel Kanche, Jean-Louis Murat, Florent Marchet, Benjamin Biolay, Yann Tiersen, Anne Sylvestre, Alain Souchon.
La chanson francophone extra-métropolitaine
outremer et ancienne colonies françaises
Outremer
On peut ajouter Kaar Kaas Sonn, originaire du Tchad, qui se joue des mots contre des maux. Une sorte de Brassens. Un griot qui associe merveilleusement l'oralité africaine et le tradition littéraire française.
Jann Halexander, franco-gabonais, né en 1982 à Libreville, auteur de A Table, Le Mulâtre, Déclaration d'amour à un vampire. Surnommé par certains médias le Jean Guidoni métis.
outre-atlantique : héritage de la chanson française américaine
Alexandra Hernandez
Belgique et ailleurs
Notes et références
- ↑ Paul Verlaine, Poèmes Saturniens, 1866
- ↑ Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857
- ↑ "Paul Verlaine, "Art poétique", in Jadis et Naguère, 1881
- ↑ Leo Ferré, Les Fleurs du Mal, volume 1 et 2, en 1958, chez Odeon, puis un autre volume en 1964
- ↑ parodie de la cigale et la fourmi, dans Pierre Perret, Le petit Perret des Fables, tome 1
- ↑ Thomas Fersen, 4, 1999
- ↑ Jean de La Fontaine, Fables, 1668
- ↑ Qui deviendra plus tard la directrice du fameux ["Petit conservatoire de la chanson"|http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=dossier&id=94]
- ↑ une des salles de music-hall parisienne les plus connues est l'Olympia, construit par Joseph Oller et inauguré en 1893
- ↑ "Dominique A, le dépouillement élégant", Véronique Mortaigne, Le Monde, 18 mai 1995, page 28
- ↑ gagnante du "prix Constantin" 2008
- ↑ Gagnante du Prix Constantin en 2006.
- ↑ L'Odyssée de la chanson française, sous la direction de Gilles Verlant, éditions Hors collection, Paris, 2006, p. 393.
Voir aussi
Liens externes
- Site sur le patrimoine de la chanson française
- Site avec des fiches de présentation individuelles
- Site patrimonial sur la période précédant la Seconde Guerre mondiale. Beaucoup de fiches biographiques.
Bibliographie
- Chantal Brunschwig, Louis-Jean Calvet et Jean-Claude Klein, 100 ans de chanson française 1880 - 1980, Seuil, Paris, 1981.
- Ludovic Perrin, Une nouvelle chanson française, éditions Hors collection, Paris, 2005.
- Yann Plougastel et Pierre Saka, La chanson française et francophone, Larousse, Paris, 1999.
- Lucien Rioux, 50 ans de chanson française de Trenet à Bruel, éditions de l'Archipel, Paris, 1991.
- Gilles Verlant (dir.), L'Odyssée de la chanson française, Hors collection éditions, 2006.
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