Bouddhisme en Chine

Bouddhisme en Chine
Temple du cheval blanc de Luoyang, site du premier temple bouddhiste en Chine
Fresque du temple de Shaolin

Introduit en Chine au milieu du Ier siècle, le bouddhisme y est devenu à partir de la fin du IIIe siècle l’un des trois principaux courants idéologiques et spirituels (les Trois écoles, sānjiào 三教) avec le confucianisme et le taoïsme, tout en y poursuivant son évolution. À l'exception de certaines influences vajrayana (bouddhisme tibétain) ou hinayana, les principaux courants actuels des bouddhismes japonais, coréen et vietnamien proviennent d'écoles mahayana qui sont nées ou ont pris leur essor en Chine.

Sommaire

Introduction

La mission diplomatique menée par Zhang Qian, en ouvrant la route de la soie entre -138 et -126, devient sans doute l’événement décisif qui déclencha l’introduction du bouddhisme en Chine en favorisant les échanges avec l’Asie centrale. C’est en effet plus souvent de ces régions, et non directement de l’Inde, que parviendront en Chine moines et soutras. Une légende probablement sans fondement fait de l’empereur Wu des Han (Wudi) un des premiers à adorer le Bouddha.

Le premier témoignage historique de sa présence en Chine provient du Livre des Han postérieurs qui mentionne des envoyés Yuezhi bouddhistes prenant un élève à la capitale en -2. La même source mentionne l’intérêt de l'empereur Mingdi (58-75) pour le bouddhisme. Il aurait rêvé d’un homme doré à la tête auréolée. Un conseiller lui ayant dit que c’était là la description d’un dieu occidental nommé Bouddha, Mingdi expédia des envoyés vers Tiānzhú 天竺 (Nord-Ouest de l’Inde) pour en rapporter des effigies.

Le conseiller sera désigné comme Zhong Hu, et la délégation, composée de 18 personnes, aurait été menée par Cai Yin, Qin Jing et Wang Zun. Selon certaines sources, ce seraient eux qui auraient ramené en 67 de l’Afghanistan les deux moines Kasyapamatanga et Dharmavanya /Dharmaraksa (ou Moton / Jiāshè Móténg 迦葉摩騰 et Chufarlan /Zhú Fǎlán 竺法蘭) avec des effigies et quarante-deux citations bouddhiques constituant le Sūtra en quarante-deux sections 《四十二章經》. Premier texte bouddhique parvenu en Chine selon la tradition, il est considéré comme apocryphe par quelques spécialistes.

En 68, l’empereur Mingdi patronna la fondation du Temple du Cheval blanc (Báimǎsì 白馬寺), premier temple bouddhiste en Chine, que Yang Xuanzhi (VIe siècle) situe au sud de l’avenue impériale de Luoyang, à trois lis de la porte de Xiyang. La légende prétend que les soutras étaient portés par un cheval blanc, et que l’emplacement du temple fut choisi par l’animal qui s’arrêta net peu avant la capitale, refusant d’aller plus loin.

Le bouddhisme commence à se propager au nord de la rivière Huai, et se trouve immédiatement mêlé à la politique, le prince Liu Ying, frère de Mingdi, premier bouddhiste chinois éminent, fut banni pour ses prétendues ambitions politiques. Vers la fin du IIe siècle, existait une importante communauté bouddhiste à Péngchéng 彭城 , actuelle Xuzhou, Jiangsu. La première statue chinoise de bouddha, dans laquelle on reconnaît l’influence du style du Gandhara, provient d’une tombe Han (IIe siècle) au Sichuan. Les autres représentations conservées sont en général des pendentifs accrochés aux « arbres d’argent », objet décoratif.

Premières traductions

Les premières traductions des soutras en chinois attestées ont lieu vers 148 sous la direction du missionnaire parthe An Shigao, capturé, dit la légende, lors d’une expédition kouchanaise dans le Bassin du Tarim. Il traduit à Luoyang 35 textes théravada. Le kouchanais Lokaksema arrive à son tour à la capitale en 150 et y traduit entre 178 et 189 plusieurs textes mahāyāna.

Nouveau venu face au confucianisme et au taoïsme

Cette nouvelle religion présentait des caractéristiques en désaccord avec l’idéal moral et social façonné par le confucianisme. Ainsi, le célibat monastique adopté en vue du perfectionnement spirituel individuel contrevenait au devoir de contribuer de façon productive à la famille et à l’empire, au détriment de l'accomplissement personnel si nécessaire. Il répondit en mettant en avant des sources indiennes, à l’origine mineures, présentant son utilité sociale et promouvant la piété filiale. On vanta l’efficacité des prières des moines pour délivrer, le cas échéant, ses parents de l’enfer, notion que le bouddhisme dota d’éléments indiens et d’une riche iconographie. Dès lors, dans l’ensemble syncrétique de la religion chinoise, les rites mortuaires feront souvent appel à lui.

Avec le taoïsme il offrait des similitudes extérieures. Au début, il en fut parfois considéré comme une forme, et le vocabulaire taoïste servit à traduire celui des soutras. Certaines notions se confondirent au point qu’il est parfois impossible de démêler précisément les deux influences. Une tradition ancienne prétendant que Lao Zi partit vers l’ouest à la fin de sa vie donna naissance à la légende taoïste qui affirme qu’il est en fait le Bouddha ; elle sera utilisée comme propagande quand les deux courants deviendront concurrents. Le taoïsme développa son monachisme pour imiter les grands monastères bouddhistes. Néanmoins, les contacts et échanges entre les deux religions ne cessèrent jamais ; on les trouve réunis dans la religion populaire, certaines formes du Chan, les courants syncrétistes nés sous les Song et les nouveaux courants religieux apparus au XIXe siècle.

Du IIIe au VIe siècle

Bodhisattva ; Qi du Nord

L’histoire a surtout gardé la trace de ses relations avec le pouvoir et de sa pénétration dans les couches supérieures de la société. Subissant parfois des rejets violents, il y fait de plus en plus d’adeptes, qui d’ailleurs n’abandonnent pas forcément pour autant leurs autres pratiques religieuses. Il séduit selon diverses modalités en fonction des circonstances : nouveauté par rapport à l’offre religieuse habituelle, talent personnel ou savoir-faire des moines, intérêt philosophique des théories.

Sous les Han et les Trois royaumes, malgré ses lents progrès, le bouddhisme manquait de soutien institutionnel. L’avènement dans le Nord de la Chine, particulièrement à partir du IVe siècle, de royaumes dits dynasties du Nord fondés par des non-Hans ou d’anciens Hans « barbarisés », moins attachés au confucianisme ou au taoïsme que les royaumes du Sud, donna à des moines l’occasion de devenir conseillers –voire magiciens- au service des souverains, parfois considérés comme des bodhisattvas. Certains, missionnaires étrangers, furent chargés de traductions. Le royaume des Wei du Nord (386-534) fut le premier à faire du bouddhisme une religion d’État, à l’exception il est vrai d’un épisode (446-452) d’interdiction pour soutien à une rébellion, ordonnée par Taiwudi, durant lequel des moines furent exécutés (ce sera la seule répression sanglante). Son successeur abolit la mesure et le bouddhisme retrouva sa position ; l'empereur Xianwendi abdiqua même en 471 pour se consacrer à son culte.

Néanmoins, le Sud n'était pas totalement en reste. Mingdi (322-325) des Jin orientaux fut même le premier souverain converti officiellement. L’empereur Wu des Liang du Sud (502-549) fut également un ardent promoteur du bouddhisme. Confucianisme, Taoïsme et bouddhisme se mélangeaient déjà sans heurt dans les familles aristocratiques, comme le montre l’exemple de Tao Hongjing. Les moines célèbres du Sud, plus souvent chinois que missionnaires étrangers contrairement au Nord, tenaient à leur indépendance et n’étaient en général pas membres de l’administration. Au début du Ve siècle, Huiyuan, fondateur de l'école de la Terre Pure (Jingtu), répondit à une question de l’empereur sur la position du moine vis-à-vis du pouvoir par une épître intitulée « Un moine ne s’incline pas devant le souverain ».

Les monastères, dont certains sont immenses, comme le Jingming de Luoyang qui contient 1 000 cellules, bénéficient directement ou indirectement de mesures fiscales favorables et prospèrent, d’autant qu’ils servent aussi de banques et d’entrepôts, ou de refuge lors des périodes de troubles. Les donations confèrent du prestige social. Les falaises du Henan et du Shanxi se couvrent d’une incroyable quantité de sculptures payées sur fonds publics ou par des dons. En 420, on compte 1 768 monastères et plus de 24 000 moines et nonnes dans le Sud ; au VIe siècle on trouve 1 367 monastères à Luoyang.

Le succès a aussi ses revers. La richesse de certaines institutions irrite, d’autant que tout le monde n’apprécie pas cette religion encore étrangère ; l’empereur Wu (561-578) des Zhou du Nord l’interdit en même temps que le taoïsme à partir de 574. C’est la seconde répression depuis l’interdiction de Taiwudi. Ces crises alimentent la pensée millénariste qui prévoit le déclin du bouddhisme pendant une période souvent évaluée à dix mille ans, jusqu’à ce que la transmission du dharma s'interrompe totalement. Ce sera alors le temps de l’avènement de Maitreya, le prochain bouddha, l'un des thèmes récurrents de l'iconographie du bouddhisme médiéval.

Traductions et voyages d’étude

Maitreya sur une pièce d’autel, 524 (Wei du Nord), Hebei

À partir du Ve siècle, de nombreux moines viennent en Chine d’Asie centrale ou d’Inde diffuser la doctrine, apportant avec eux de nouveaux textes. Certains sont mis à la tête d’équipes poursuivant un intense travail de traduction commandité par les souverains. L'un des plus connus est Kumarajiva, disciple de Fotucheng, actif à partir de 401 sous les Qin postérieurs. Il dirigea de nombreuses traductions, dont il reste une cinquantaine qui font encore autorité. Le moine chinois Faxian (Fǎxiǎn 法顯) entame en 399 un pèlerinage vers l’Inde qui durera 15 ans, dont il a laissé le récit chargé d’informations précieuses.

Naissance des premières écoles

À partir des Jin orientaux, des écoles naissent autour des premiers soutras traduits. La Transmission et la Propagation du Bouddhisme dans les trois contrées, (Inde-Chine-Japon) écrit en 1311 par le moine Kegon Gyonen, en mentionne treize du Ve au IXe siècle. Les premières nées disparaitront de Chine ou seront supplantées par de nouveaux courants proposant des théories plus complètes.

  • École Sanlun (Sānlùnzōng 三論宗) ou des Trois traités, fondée sur le Śatika śāstra (Bǎilùn 《百論》), le Madhyamika śāstra (Zhōnglùn 《中論》) et le Dvadaśamukha śāstra (Shí'èrménlùn 《十二門論》) traduits par Kumarajiva. Fondée par ses disciples, elle constitue la branche chinoise du madhyamika. Elle connaîtra un certain développement en Corée et au Japon (Sanron).
    • Une école des Quatre traités (Sìlùnzōng 四論宗), qui avait ajouté à son Canon le Mahāprajñāpāramitā upadeśa (Dàzhìdùlùn 《大智度論>), eut une brève existence.
  • École Chengshi (Chéngshizōng 成實宗) ou Perfection de la vérité, fondée sur le traité du même nom de Harivarman. Rattachée au hīnayāna, elle a donné l’école japonaise Jojitsu.
  • École Jushe (Jùshèzōng 俱舍宗) ou Kośa en sanskrit; elle semble avoir appartenu au courant hīnayāna.
  • École Pitan (Pítán 毘曇) ou Abhidharma, fondée sur le Trésor de l’abhidhamma de Vasubandhu.
  • École Shelun (Shèlùnzōng 摂論宗), fondée sur le Mahāyāna-saṃgraha d'Asanga, commenté par Vasubandhu ; ce texte sera retraduit sous les Tang par Xuanzang, dont un disciple fondera l’école Faxiang (法相宗) qui remplacera Shelun.
  • École Niepan (Nièpánzōng 涅槃宗) ou Nirvāna, fondée sur le soutra du même nom présenté comme l’enseignement ultime du Bouddha jusqu’à ce que Tiantai (天臺宗) impose le Sūtra du Lotus et la supplante.
  • École Dilun (Dìlùnzōng 地論宗) ou Daśabhūmikā fondée sur le Traité des dix terres de Vasubandhu ; elle sera supplantée au VIIe siècle par Huayan, dont le soutra de référence (Sūtra Avatamsaka) comprend le Traité des dix terres comme l’un de ses chapitres.
  • École Lü ou Vinaya (Lǜzōng 律宗) ; elle maintient que l’observance stricte d’une vie monastique est primordiale.

Certaines écoles connaîtront un grand développement :

  • École Huayan (Huáyán 華嚴) fondée sur le Sūtra Avatamsaka ; le bodhisattva Manjushri, l’une de ses figures principales, devient objet de dévotion, particulièrement au royaume de Qi (551-577) où un prince s'immole en son honneur. Le mont Wutai au Shanxi, où il apparaitrait, devient lieu de pèlerinage, premier mont bouddhiste.
  • École de la Terre Pure ou Jingtu (Jìngtǔzōng 淨土宗), fondée sur le Soutra de la vie infinie ; elle est surtout remarquable par ses pratiques de récitation et de dévotion au bouddha Amitābha. Ce courant est resté l’un des principaux du bouddhisme contemporain.

Dynasties Sui et Tang

Bouddha géant de Lèshān, Sichuan, Patrimoine mondial

La période s’étendant du début du VIIe siècle à 845 est considérée comme l’âge d’or du bouddhisme. Le premier exemplaire connu d’impression au bloc est un Sūtra du Diamant datant de 868 découvert dans les grottes de Mogao en 1907. Sous les Sui (581-618), le bouddhisme devient religion d’État. Chang'an remplace Luoyang et Jiankang comme le plus grand centre bouddhique de Chine. Les empereurs Tang (618-907) adoptent le taoïsme, mais le bouddhisme conserve leur soutien et les théories des différentes écoles passionnent l’aristocratie cultivée. Le soutien impérial implique un certain contrôle sur le fonctionnement des institutions.

Des oppositions à la nouvelle religion subsistent néanmoins. Le coût financier et social de l’entretien des monastères et celui de la vie des moines et nonnes sont considérés prohibitifs par certains. L’impératrice Wu Zetian, qui tente d’établir sa propre dynastie, fait souffler le chaud et le froid, appuyant le bouddhisme ou confisquant ses biens selon l’intérêt politique. En 845 l’empereur Wuzong, fortement hostile aux religions étrangères (bouddhisme, nestorianisme, zoroastrisme), les interdira totalement. 4 600 monastères et 40 000 temples seront confisqués, 260 500 moines et nonnes renvoyés à la vie civile. La mesure sera levée au bout d’un an mais portera un coup fatal à de nombreuses écoles.

Écoles et courants

Bodhisattva (Tang)
Avalokiteshvara dans la religion populaire : la déesse Guanyin (ici en protectrice des navigateurs)

On assiste au développement de nouveaux courants, alors que le bouddhisme chinois se diffuse vers la Corée, le Japon et le Vietnam. Un corpus important ayant déjà été traduit, les Chinois cherchent à résoudre les contradictions entre les différents textes d’origine géographique, d’époque et d’écoles différentes, s’efforçant d’échafauder des systèmes cohérents intégrant les concepts philosophiques et religieux locaux. Les deux synthèses principales sont proposées par les écoles Tiantai et Huayan, dont la pensée exercera une grande influence. L’intérêt de l’aristocratie vis-à-vis du bouddhisme est en partie lié à l’engouement des classes cultivées pour ces théories brillantes et nouvelles.

Cinq nouveaux courants apparaissent :

  • L’école Sanjie (Sānjiējiào 三階教) occupe une place à part ; elle n’a pas droit au titre respectable de zong car elle fut mise à l’index à partir de 600, avant d’être définitivement interdite. Née à la fin des dynasties du Nord et du Sud, c'est sous les Sui qu'elle prend son essor. Son nom, « trois stades », signifie que la transmission de la doctrine doit tenir compte de l'époque. Durant les deux premières périodes de cinq cents ans après la mort du Bouddha on pouvait distinguer des individus capables et leur adresser un enseignement adapté, mais sous les Sui-Tang, plus de mille ans après la mort de Gautama, l'humanité est tellement déchue que seul un enseignement généraliste convient. C’est un courant charismatique influencé, comme beaucoup d’autres à cette époque, par la théorie du déclin du bouddhisme. Il considère que la nature de bouddha existe en chacun, opinion partagée sous une forme ou une autre par tous les courants mahayana. Il promeut les activités charitables pour lesquelles sont fondés des sortes de banques-entrepôts les « magasins inépuisables » 無尽藏院. Le mouvement connaît au début de la dynastie une période de prospérité pendant laquelle il recueille des fonds importants et possède cinq temples notoires. Différents facteurs finiront par causer sa perte : accumulation de richesses ; opinion par principe négative du gouvernement considéré comme forcément incapable et décadent ; rivalité constante avec d'autres courants, en particulier l'école de la Terre Pure qui elle aussi se pose en solution en période de décadence. Alors que la dernière propose Amitabha comme secours, Sanjie avance Ksitigarbha.
  • L'école Tiantai (Tiāntánzōng 天臺宗), fondée sur le Sūtra du Lotus, propose comme Huayan une théorie synthétique du bouddhisme, qui exercera une grande influence sur l'ensemble du bouddhisme extrême-oriental. Elle inspirera le courant Tendai japonais.
  • L’école tantrique, (Mìzōng 密宗) ou secrète est le terme général donné au bouddhisme vajrayana qui pénètre au début du VIIIe siècle, en particulier grâce au missionnaire et traducteur indien Amoghavajra. L’école Zhenyan qu’il contribue à fonder disparaitra vite, mais s’implantera au Japon sous le nom de Shingon, avec le Soutra Mahāvairocana Mahāvairocanasūtra et le Soutra du pic du vajra Vajrasekhara ; elle influencera aussi Tendai.
  • L’école Weishi 唯識 ou Fǎxiàng 法相 qui développe la théorie yogacara est fondée par Xuanzang et son disciple Kuiji 窺基. Xuanzang part en 629 en Inde aux sources de la tradition cittamatra ; il y étudie dans la prestigieuse université de Nalanda et revient chargé de textes une quinzaine d’années plus tard. Son périple inspirera des œuvres de fiction, dont Le Voyage en Occident (Xīyóujì 《西遊記》).
  • L’école Chan dite « du Sud » apparaît à partir du milieu du VIIIe siècle. Il s’agit d’un courant parfois iconoclaste, qui prétend se passer de support textuel au contraire des autres courants. Toujours important au XXIe siècle, il est à l'origine des écoles Zen.

Par ailleurs, les écoles Huayan et Terre Pure continuent sur leur lancée. La branche Nanshan de l’école Lü (Vinaya) est la plus florissante.

Cette phase de multiplication des écoles s’achève en 845 avec d’interdiction totale des religions étrangères, qui malgré sa courte durée changera définitivement le paysage bouddhiste chinois.

Après 846

Bodhisattva, dynastie Song

Après la persécution, ne subsistent de façon visible que les courants Chan et Terre Pure. Les écoles célèbres pour leurs brillantes théories n’ont pas retrouvé leur public. Leur mode auprès des élites intellectuelles toujours en quête de nouveauté n’aurait de toute manière pas duré, d’autant que leur déclin a pour toile de fond celui de la dynastie entière. Les pratiquants isolés ou en petit groupe, nombreux dans le Chan, ont mieux résisté que les grands monastères. Quant au courant Terre Pure, il était depuis ses débuts moins axé sur la théorie que sur des pratiques qui furent empruntées très tôt par des moines d’autres courants, voire des laïques ; il avait donc une large implantation.

La diminution brutale du nombre d’écoles témoigne plus d’un regroupement que d’une réduction idéologique car les pensées Tiantai et Huayan conservent une influence certaine, leurs traités servant souvent de base à l’enseignement dans les monastères Chan. Selon la tradition religieuse chinoise où la généalogie prime sur l’idéologie pour la détermination de la dénomination, tout abbé qui peut faire remonter sa lignée à un maître Chan, quelle que soit la nature de ses pratiques, est en droit de se réclamer de ce courant, où dominent après 846 deux branches : Linji (臨濟) qui remonte à Línjì Yìxuán 臨濟義玄 ( ? -866) et Caodong (曹洞) qui remonte à Dòngshān Liángjiè 洞山良价 (? – 869). Elles deviendront au Japon Rinzai et Sōtō.

Pendant la période troublée (907-960) s’étendant des Tang aux Song, le royaume de Wúyuè 吳越國 (893-978), ilot de prospérité couvrant le Zhejiang, le Sud du Jiangsu et le Nord du Fujian, joua un rôle important dans la transmission du bouddhisme. Il fut en particulier un havre pendant la persécution de Shizong (954-959) des Zhou postérieurs ; ses souverains firent rechercher des soutras perdus ou détruits. Comme sous les Tang, les empereurs exerçaient un contrôle important sur la religion, dont ils influencèrent les pratiques en imposant l’association des temples ancestraux aux temples bouddhistes.

Lorsque la Chine est réunifiée, pour éviter les dérives des dynasties Sui et Tang, le gouvernement Song n’accorde pas d’exemption d’impôt aux institutions bouddhiques. Au début de la dynastie, l’école Tiantai, revigorée par les souverains de Wuyue, tente une dernière fois, mais en vain, de concurrencer l’école Chan.

À l’avènement des Yuan (1234), le Chan, représenté par Zhōngfēng Míngběn 中峰明本 (12631323), jouit un temps des faveurs du Khan, l'empereur mongol, mais en 1269 Kubilai accorde le contrôle de l’ensemble des bouddhistes au chef de la lignée Sakyapa, une des quatre écoles du bouddhisme tibétain. La position se transmettant d’oncle à neveu, les lamas finirent par se trouver mêlés aux intrigues de cour. Le vajrayana (Mizong), quasiment disparu à la fin des Tang après une première tentative d’implantation, refait donc son apparition chez les Chinois non-Hans du Nord (les mongols, ou les Mandchous ?), tandis que Chan et Jingtu (Terre Pure) continuent de dominer l’ensemble Han. Il aura aussi la faveur de la cour des Qing.

Syncrétisme et bouddhisme populaire

Yama en Yanluowang, dieu chinois des enfers

À partir des Song (960-1279), la tendance au syncrétisme confucianisme-taoïsme-bouddhisme, qui s'était manifestée dès le début, se généralise. Les échanges entre Chan et Terre Pure s’intensifient aussi et se renforceront encore à partir du XVIe siècle à la (dynastie Ming). Quatre maîtres éminents encouragent le rapprochement : Yúnqī Zhūhóng 雲棲袾宏 (1535 -1615), Zǐbó Dáguān (ou Zǐbó Zhēnkě) 紫柏達觀 (真可) (1544-1604), Hānshān Déqīng 憨山德清 (1546-1623) et Ouyì Zhìxù 蕅益智旭 (1599-1655).

Cette tendance s’accompagne de la sinisation, généralisation et laïcisation accrue du bouddhisme. Sous les Song naît l’École du lotus blanc, qui donnera naissance dans les siècles suivants à une multitude de sectes pas vraiment bouddhiques. Sous les Ming apparaît le mouvement Wúwéi 無為教 (ou secte Luo) fondé par le moine Chan Luó Qīng 羅清 (1443-1527). D’emblée syncrétique puisqu’il révère une divinité taoïste, il est à l’origine du zhāijiào 齋教 , bouddhisme laïc d’ailleurs déjà préconisé par le Lotus blanc. La religion populaire continue d’absorber des éléments bouddhiques ; Avalokiteshvara, Ksitigarbha et même Yama sont aussi des divinités populaires.

Renaissance des études bouddhiques

L'Empereur Qianlong en costume bouddhiste, Puning si, c. 1758, par un artiste anonyme. Thangka, couleur sur tissu. Le Musée du Palais, Pékin

Tandis que le bouddhisme confirme sa place dans la culture populaire, d’aucuns déplorent le lent déclin des études textuelles et philosophiques. Une réaction a lieu vers la fin des Qing, à laquelle participent également des laïcs comme Yang Wenhui 楊文會 (18371911) issu d’une famille de mandarins. Il fonde la Section d’imprimerie de soutras à Jinling 金陵刻經處 et encourage les échanges internationaux. On fait venir de nombreux textes du Japon où ils avaient été préservés, et l'intérêt renaît vis-à-vis de courants disparus ou peu développés comme Sanlun, Weishi ou le bouddhisme tantrique. Cette renaissance sera interrompue par les guerres et l'arrivée au pouvoir des communistes.

Après 1949

Chine populaire

L’Association bouddhique patriotique fut fondée en 1953 à Pékin avec pour président Maître Yuányīng 圓瑛法師, et pour objectif de faciliter le contrôle des autorités communistes sur l’ensemble des activités monastiques. Après une période de restriction progressive des activités religieuses à partir de la fin de la Campagne des Cent Fleurs, suivie d’un arrêt total pendant la Révolution culturelle. Ainsi, au XXe siècle, entre les années 1950 et 1960, les ordres bouddhistes disparurent presque intégralement de Chine. Depuis la fin des années 1970, le bouddhisme connaît, comme les autres religions, une phase d’expansion sous un contrôle étroit du gouvernement de la République populaire de Chine.

Il existerait actuellement en Chine populaire de 70 à 150 millions de bouddhistes appartenant aux trois courants, l’immense majorité se rattachant au mahayana. Selon un recensement effectué dans les années 1990, le vajrayana (bouddhisme tibétain) comprendrait plus de sept millions de pratiquants, vivant essentiellement au Tibet, les régions tibétaines (Yunnan, Sichuan, Qinghai, Gansu), la Mongolie-Intérieure et aussi au Xinjiang. C’est la religion la plus répandue chez les nationalités tibétaine, mongole, Yugur, Monba, Lhoba et Tu ; l'école la plus présente est gelugpa dont le Dalaï lama s’exila en Inde en 1959. Le gouvernement chinois contrôle actuellement les deux candidats à la succession du précédent Panchen lama : Gyancain Norbu, un enfant qui fut désigné par Pékin et Gedhun Choekyi Nyima, un enfant qui fut désigné par le Dalaï lama, et enlevé 3 jours plus tard par les autorités chinoises en 1995.

Le bouddhisme hinayana compte pour sa part plus d’un million de pratiquants vivant au Yunnan : ethnies Dai, Achang, Blang, Wa, Derung et Jingpo.

Avant 1949, il existait de grands temples publics accueillant tous ceux qui venaient se consacrer à l’étude et à la pratique à l’écart du monde, et des temples privés abritant souvent d’autres dieux, dont les moines ou nonnes fournissaient de nombreux services religieux à la population. De nos jours, tous les temples doivent subvenir à leurs besoins, grâce au tourisme par exemple, et se montrer utiles à la société. Certains ont été restaurés à l’aide de dons provenant de temples japonais.

Taïwan

Article détaillé : Bouddhisme à Taïwan.
ONG bouddhiste Tzu Chi, Taïwan

À Taïwan où le bouddhisme n’a jamais été réprimé, on constate un recentrement sur l’étude des soutras et une certaine orthodoxie, ainsi que le désir de se démarquer de la religion populaire pour être partie prenante de la communauté bouddhique internationale. Ces tendances sont favorisées par l’élévation générale du niveau d’éducation. D’après la revue jésuite China News analysis, le nombre de ceux qui choisissent la vie monastique est en augmentation, particulièrement parmi les jeunes diplômés de l'université. Il aurait augmenté de 700% au cours des années 1980 selon une estimation communiquée en 1992 au ministère de l’Intérieur par Maître Zhàohuì 照惠法師. À titre d’exemple, la communauté qui entourait Maître Wéijué 惟覺法師 en 1995 était composée de 264 personnes dont 67% de femmes ; 40% avaient au moins une licence ; 37 membres avaient moins de 21 ans, 174 entre 21 et 40 ans, et 53 ont plus de 40 ans.

On dénombrait en 1989 quatre millions et demi de bouddhistes dans l’ile, soit 20% de la population[1]. Ces statistiques sont néanmoins difficiles à interpréter, de nombreux pratiquants de la religion populaire étant comptés parmi les bouddhistes.

À partir des années 1980, le courant encourageant l’implication du bouddhisme dans l’activisme social, héritier du réformateur Tàixū 太虛法師 (1890-1947), a pris de l'importance. Maître Hsing-Yun (xīngyún) 星雲法師 fonde l'Association du Mont de la Lumière du Bouddha Fo Guang Shan (Fóguāngshān 佛光山), grande organisation culturelle, éducative et charitable ; Maître Sheng-yen (Shèngyán 聖嚴法師 milite pour la protection de l'environnement; Maître Cheng-yen (Zhèngyán) 證嚴法師 crée la Fondation des Aides Charitables (Tzu Chi, Cíjì 慈濟基金會).

Contribution artistique

Le bouddhisme a laissé en Chine un important héritage artistique dont une partie appartient au Patrimoine mondial de l’ UNESCO : grottes de Mogao, grottes de Longmen et grottes de Yungang, sculptures rupestres de Dazu, Paysage panoramique du mont Emei, et le paysage panoramique du Bouddha géant de Leshan datant du VIIIe siècle, le plus grand au monde. Le Palais du Potala construit par le Lobsang Gyatso est un exemple d'architecture spécifiquement tibétaine.

Notes

  1. (zh) 中華佛學學報第八期 1995.07

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Wright, Arthur F., Fo T'u Teng.... A Biography (佛圖澄), Harvard Journal of Asiatic Studies (11) 1948, p.312-371
  • (zh) 佛教入中國後之變遷及其特質 姚寶賢 現代佛教學術刊第 5 冊大乘文化基金出版 1980年10月初版 頁67-77

Liens externes


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