Gedhun Choekyi Nyima

Gedhun Choekyi Nyima
Réincarnation du panchen-lama
Xe et XIe Panchen Lama, gouache du peintre Claude-Max Lochu (Représentation artistique de la succession du Xe Panchen Lama selon le gouvernement tibétain)
Gedhun Choekyi Nyima
Nom de naissance
Nom de réincarnation Gedhun Choekyi Nyima
Prédécesseur Choekyi Gyaltsen
Successeur
Date de naissance 1989
Lieu de naissance Tibet

Gendhun Choekyi Nyima, (tibétain : དགེ་འདུན་ཆོས་ཀྱི་ཉི་མ་ ; wylie : dge ’dun chos kyi nyi ma), né le 25 avril 1989 de Kunchok Phuntsok et Dechen Choedon à Lhari, Nagchu, Tibet, est, selon le gouvernement tibétain en exil, la 11e réincarnation du panchen-lama, désigné par le 14e dalaï-lama le 14 mai 1995. Trois jours plus tard, il disparaissait, enlevé et retenu prisonnier par le gouvernement chinois. Il n'a jamais été revu depuis.

Sommaire

Conflit sur le choix du panchen-lama

Malgré une déclaration du 10e panchen-lama citée dans une publication officielle chinoise affirmant que : « selon l'histoire tibétaine, les réincarnations du dalaï-lama et du panchen-lama doivent être mutuellement reconnues. »[1], la République populaire de Chine, se référant aux coutumes de la dynastie Qing fondée par les Mandchous, soutient que le panchen-lama doit être désigné par un tirage au sort effectué dans une urne d'or avant d'être reconnu par le gouvernement central[2].

Refusant de reconnaître Gendhun Choekyi Nyima comme successeur du 10e panchen-lama, le gouvernement chinois mit en place un tirage au sort dans une urne d'or au monastère de Jokhang à Lhassa et désigna ainsi, le 29 novembre 1995, son propre candidat, Gyancain Norbu, nommé Erdini Qoigyijabu. Erdini est un terme mongol qui signifie précieux joyau, titre offert en 1713 par l'empereur Kangxi au 5e panchen-lama. Il s'agit en fait d'un titre élogieux partagé par de nombreux lamas mongols[3].

Arrière-plan historique

Les empereurs mandchous de la dynastie Qing, qui vénéraient les dalaï-lamas en tant que guides spirituels, leur offraient leur soutien dans l'esprit du rapport prêtre-patron (Chö-yon) caractéristique du gouvernement tibétain. En 1792, en réponse à la demande des Tibétains, l'empereur mandchou envoya une force importante pour les aider à repousser les envahisseurs Gorkha[4]. Cette même année, un événement en Mongolie où le Tibet avait une grande influence spirituelle amena l'instauration d'un système de tirage au sort pour choisir les réincarnations de hauts lamas. En effet, à la mort du lama mongol Erdini Pandita Khutuktu, un conflit avait surgi au sujet du choix de sa réincarnation. C'est afin d'éviter de telles complications à l'avenir que le tirage au sort fut introduit[3].

Il n'y a cependant aucune preuve historique démontrant que le tirage au sort ait été établi pour choisir les réincarnations des dalaï-lamas et panchen-lamas. Par ailleurs, les Mandchous étaient un peuple distinct des Hans, l'ethnie chinoise majoritaire, et s'emparèrent de la Chine en puissance étrangère. Ainsi, en 1911, quand la révolution nationaliste renversa l'empire, le Dr. Sun Yat-sen désigna les Qing comme la seconde puissance étrangère ayant occupé la Chine après les Yuan. C'est pourquoi le gouvernement tibétain en exil n'accepte pas la prétention du gouvernement chinois de se poser en successeur des Mandchous, anciens patrons des hiérarques gelug[3].

La succession du 10e panchen-lama

Le 28 janvier 1989, dans son monastère de Tashilhunpo à Shigatsé, le 10e panchen-lama, Lobsang Trinley Lhündrub Chökyi Gyaltsen, mourut d'une crise cardiaque à l’âge de 50 ans. Les Tibétains disent qu'il a été empoisonné quelques jours après son discours historique critiquant la politique chinoise et affirmant sa loyauté envers le dalaï-lama [5]. Il avait notamment déclaré [Quand ?] que le progrès apporté au Tibet par la Chine ne saurait compenser la somme de destructions et de souffrance infligée au peuple tibétain.

Après sa disparition, le Parti communiste chinois chargea Chadrel Rinpoché, responsable du monastère de Tashilhunpo qu'il croyait, selon Tashi Wangdi, lui être favorable[6] de trouver la réincarnation du panchen-lama. Le dalaï-lama proposa au gouvernement de Pékin de dépêcher une délégation de hauts dignitaires religieux pour « assister » Chadrel Rinpoché, mais l’offre fut rejetée par la Chine, qui la qualifia de « superflue ». Le dalaï-lama et les autorités tibétaines commencèrent à organiser les recherches de leur côté suivant les traditions tibétaines. Au Tibet, Chadrel Rinpoché retint trois enfants aux qualités remarquables, dont le petit Gendhun Choekyi Nyima, fils de nomades tibétains. Selon Tempa Tsering, les communications entre le Dalaï Lama et Chadrel Rinpoché étaient officielles et utilisait les canaux de l'ambassade de Chine en Inde, ou l'association Bouddhiste de Chine[7]. Lors de l'examen, Gendhun reconnut sans hésiter les biens du défunt lama. Il avait d'ailleurs déclaré à ses parents : « Je suis le Panchen Lama, mon monastère est le Tashilhunpo. »[8]. Le 14 mai 1995, ce jeune garçon de 6 ans fut officiellement reconnu par le Dalaï Lama comme étant le 11e Panchen Lama.

Disparition ?

Photo de manifestants portant le drapeau du Tibet et un poster du 11e panchen-lama, Gendhun Choekyi Nyima lors du Relais de la flamme olympique 2008 à San Francisco

Trois jours après sa désignation officielle, le 17 mai 1995, Gendhun Choekyi Nyima et ses parents furent portés disparus, selon Seth Faison, il a été placé en détention par les autorités chinoises[9]. Le même jour, Chadrel Rinpoché fut arrêté et emprisonné pour avoir informé le dalaï-lama[10].

Selon Interfaith International, une association suisse, la Chine a d'abord démenti avoir détenu Gendhun et sa famille[11].

Un an plus tard, Pékin avouait détenir le panchen-lama, ce qui en fait, selon des associations défendant les droits de l'homme, le plus jeune prisonnier politique au monde[12],[13],[9].

Le 28 mai 1996, son cas fut examiné par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU dépendant du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, et les autorités chinoises admirent pour la première fois avoir « pris l'enfant pour sa sécurité »[14]. Le porte-parole chinois Wu Jianmin a déclaré au Comité : « puisque les séparatistes cherchaient à enlever l’enfant, ses parents se sont inquiétés pour sa sécurité et ont demandé la protection du gouvernement chinois, qui leur a été fourni. L’enfant habite avec ses parents dans de bonnes conditions »[11]. Le Comité demanda à rendre visite à Gendhun Choekyi Nyima, mais les autorités chinoises ne donnèrent jamais suite et le dossier n'a pas avancé depuis, malgré un appel lancé régulièrement par près de 400 personnalités et associations réclamant cette visite. Onze lauréats du Prix Nobel ont notamment signé cet appel coordonné par l'association France-Tibet Ile-de-France[15]. Il s'agit des Prs Günter Blobel, Claude Cohen-Tannoudji, Christian de Duve, Pierre-Gilles de Gennes, Roger Guillemin, Dudley Robert Herschbach, François Jacob, Eric R. Kandel, Jean-Marie Lehn, Norman Foster Ramsey et David Trimble.

En 2002, Amnesty International a demandé au président américain George Bush de demander au président chinois Jiang Zemin des informations sur l'enfant et sa famille, et la levée de toute restriction de leur liberté de mouvement[16].

Une alerte AMBER mondiale a été lancée par le monastère Tashilhunpo, siège d'exil en Inde du panchen-lama, et une récompense est offerte à toute personne fournissant une information permettant d'entrer en contact avec lui[17].

Le 11e panchen-lama, Gendhun Choekyi Nyima

Aujourd'hui, Gendhun Choekyi Nyima et ses parents seraient toujours détenus par les autorités chinoises. Selon certaines informations, ils seraient en résidence surveillée à Pékin[14].

Le 25 avril 2008, la République populaire de Chine n'a pas répondu à Mme Asma Jahangir, rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de croyance du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, à propos du Panchen Lama[18].

En juillet 2010, Tseten Samdup Chhoekyapa, le représentant du dalaï-lama à Genève, s'est déclaré particulièrement inquiet au sujet de Gedhun Choekyi Nyima car n'ayant pas de nouvelles de lui depuis son arrestation[19].

« Citoyen ordinaire du Tibet » ?

Bien qu'il soit pour les Tibétains et les pratiquants du bouddhisme tibétain l'un des plus hauts dignitaires religieux, en 2005, Gendhun Choekyi Nyima menait, selon le gouvernement chinois, une vie normale et serait scolarisé, sa localisation étant gardée secrète pour des raisons de sécurité[20].

En avril 2006, dans un communiqué remis à l'agence de presse Reuters, le gouvernement chinois démentait qu'il était retenu en tant que prisonnier politique, précisant que Gedhun Choekyi Nyima, «  loin d'être la réincarnation du panchen lama », n'était «  qu'un garçon comme les autres » qu'il «  menait une vie normale et heureuse et recevait une bonne éducation »[21].

En mars 2010, Padma Choling, président tibétain du gouvernement régional du Tibet, a indiqué que le garçon vivait maintenant comme citoyen ordinaire du Tibet. « Ses frères et sœurs cadets vont à l'université ou ont déjà commencé à travailler », a-t-il indiqué. « Ce garçon est une victime. Lui et sa famille ne veulent pas être dérangés et souhaitent mener une vie ordinaire »[22]. C'est aussi la raison invoquée par Hao Peng, un responsable du parti communiste de la région autonome du Tibet, pour expliquer pourquoi l'on ne peut lui rendre visite[23].

Bibliographie

Notes et références

  1. (en) Panchen Lama, On Tibetan Independence, China Reconstructs (actuellement appelé China Today), vol. 37, 1988, No. 1 (janvier), p. 8–15.
  2. Gyancain Norbu
  3. a, b et c (en) Xinhua's allegations baseless claims.
  4. (en) Tibet is rightfully an independent state.
  5. (en) BBC NEWS | Asia-Pacific | Profile: Hu Jintao.
  6. (en) Thubten Samphel, Chadrel Rinpoche stripped of more posts (CTA), 25 mai 1996.
  7. (en) Tibetan government-in-exile condemns sentencing of Chadrel Rinpoche, Press Trust of India, 9 mai 1997.
  8. (en) The Panchen Lama's recognition process.
  9. a et b (en) Seth Faison, Beijing Seems to Lose Battle Over Who Is the Real Lama, 9 juillet 1999, The New York Times, reproduit sur le site d'ICT [1] « The boy, Gedhun Choekyi Nyima, disappeared later that year into the custody of Chinese authorities, prompting accusations from exiled Tibetan activists that he had become the youngest political prisoner in the world. »
  10. (en) TCHRDChadrel Rinpoche released from prison but under house arrest.
  11. a et b (en) Interfaith International, Interfaith International - WS on Panchen Lamas Case.« Until the UN Committee on the Rights (CRC) of the Child formally requested information about him, China denied that it held Gedhun Choekyi Nyima and his family. »
  12. (en) World's youngest political prisoner turns 17.
  13. (en) Thomas Laird, The Story of Tibet: Conversations with the Dalai Lama, Grove Press, N.Y., 2006, p. 374 (ISBN 978-0-8021-1827-1).
  14. a et b TCHRDGedhun Choekyi Nyima: the XIth Panchen Lama of Tibet.
  15. France-Tibet Ile-de-France.
  16. (en) International Campaign for TibetAmnesty Asks Bush to Raise Panchen Lama Issue with President Jiang, 25 octobre 2002
  17. Alerte Amber
  18. (en) China Fails to Respond to UN Rights Expert's Question on Panchen Lama.
  19. (en) Exiled Tibetans: China Can't Pick Next Dalai Lama « We're exceptionally worried about him, as we haven't heard anything since he and his family were arrested. »
  20. (en) Xizang-zhiye, April 27, 2005.
  21. (en) Prisoners of Tibet 2006 Special Report : « In a written statement to Reuters, the authorities claimed that the Gedhun Choekyi Nyima was “no reincarnation of the Panchen Lama” but “just an ordinary boy” who “lives a normal happy life and is receiving a good cultural education” » (“China says boy not political prisoner”, Reuters, 28 Avril 2006, Beijing).
  22. Tibet : modernisation pour promouvoir le touristique, xinhua, 15/03/2010, reproduit sur le site Tourisme islamique, 17/03/2010.
  23. (en) In search of the real Panchen Lama « "The young Tibetan person … is studying and living in quite good condition," said Hao Peng, who is simultaneously deputy head of the Communist Party and executive vice-chairman of the Tibet Autonomous Region, in answer to a question from the Herald on a government-organised foreign media tour this week. "He and his family members do not want to be disturbed so we have to respect their wishes and we cannot arrange a visit" ».


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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Choekyi Gyaltsen
11e Réincarnation du panchen-lama
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