Cantiones natalitiæ

Cantiones natalitiæ

Les Cantiones Natalitiæ sont des chants de Noël polyphoniques du XVIIe siècle des Pays-Bas espagnols.

Sommaire

Origines et contexte

Cantiones natalitiæ (chants de Noël) polyphoniques pour chanteurs et instruments de Joannes Berckelaers ; ouvrage publié à Anvers auprès des héritières de Pierre Phalèse en 1670

Les cantiones sont en néerlandais ou en latin. Le nom latin cantio natalitiæ (littéralement chant de nativité) fut probablement emprunté au dictionnaire néerlandais Etymologicum de 1598 du célèbre lexicographe Cornelius Kiliaan, dans lequel le mot néerlandais leijsen est ainsi traduit en latin. Les documents historiques nous informent de la façon dont ces chants furent exécutés par des chanteurs professionnels, le chœur de l’église et les enfants de chœur, accompagnés de l’orgue. Bien que les chants de Noël ne fussent guère des chants liturgiques, ils furent chantés pendant ou immédiatement après la messe, notamment après la louange à Marie. Les premiers chants de cette espèce furent d’ailleurs inclus dans le recueil de cantiques de Marie « Laudes vespertinæ B[eatæ] Mariæ Virginis, item hymnus Venerabilis Sacramenti, et humni sive cantiones natalitæ, quatuor, quinque et sex vocum » (Louanges du soir pour Notre Dame, ainsi que l’hymne du Saint-Sacrement et les hymnes ou chants de Noël, à quatre, cinq ou six voix), publié à Anvers en 1604. Aux harmonisations polyphoniques des antiennes de la Vierge Marie, les Ave Maria et les hymnes du sacrement furent ajoutés six chants de Noël en latin. Ils sont désignés sur la page de titre comme cantiones Natalitiæ. Ces chants de Noël non liturgiques ont apparemment gardé leur place au sein du répertoire ecclésiastique de Noël ; ceci bien que le Concile de Trente eût introduit, dans l’esprit de la Contre-Réforme, l’uniformité des chants liturgiques de l’église catholique et quoique les autorités ecclésiastiques pussent veiller plus attentivement sur l’application des règles depuis qu’Anvers était devenu le siège d’un épiscopat, ne dépendant dorénavant plus du diocèse éloigné de Cambrai. En ce qui concerne l’époque antérieure au XVIIe siècle, en particulier le XVe siècle et le XVIe siècle, le répertoire connu de chants de Noël comprend surtout des chansons monophoniques latines et néerlandaises, dont furent souvent notées que les paroles, et un nombre moins élevé de chansons polyphoniques, rarement mises en musique à plus que deux voix.

Fonction dans la célébration de Noël

Ces chants seraient également exécutes à l’église lorsqu’on y berça soit des poupées soit de vrais bébés, mis dans un berceau, branlé à l’exemple du prêtre. L’auteur anticatholique Walich Sylvaerts nous laissa en 1604 une description de cette coutume. Le jour de Noël, une petite crèche fut installée à l’autel principal avec une figurine représentant l’enfant dans les langes. Les parents emmenèrent leurs enfants à l’église ; chaque enfant ayant un petit berceau auquel fut attaché une clochette. Lorsque, dans la messe, le prêtre commença à bercer l’enfant sur l’autel en chantant d’« eia, eia, eia », tous les enfants bercèrent leurs poupées à leur tour en chantant d’« eia ». Ceci alla de pair avec un fracas énorme et la sonnerie des clochettes. Les « eia », « sus sus », « na na na kindeken » et « wij wiegen » de certaines cantiones se réfèrent probablement à ces pratiques.

De nombreux cantiones ont pour sujet les évènements à l’étable. Le contraste entre les conditions pitoyables entourant la crèche et l’omnipotence du jeune enfant fut vivement salué, comme le miracle de l’Immaculée Conception. Sous l’influence de la mode Pastorale, les bergers reçurent des noms classiques, tels que Tyter ou Corydon.

Évolution stylistique

Sources

Concernant la composition des cantiones natalitiæ, trois centres s’avèrent d’importance considérable, bien que les éditeurs de ce répertoire musical fussent, en première instance, les héritiers anversois de Pierre Phalèse :

Joannes Berckelaers (fonction inconnue)
Oliverius le Fèvre (chanteur de l’église Saint-Jaques de cette ville)
Henricus Liberti (organiste de la cathédrale Notre-Dame d'Anvers)
Joannes Loots (chanteur de l’église Saint-Georges de cette ville)
Guilielmus Messaus (maître de chant de l’église Sainte-Walburge de cette ville)
Philippus van Steelant (organiste de l’église Saint-Jacques de cette ville)
  • Bruxelles (Brabant) avec des compositeurs tels que:
Guilielmus Borremans (maître de chant de l'église Saint Géry de cette ville)
Joannes Florentius a Kempis (organiste de l’église Notre-Dame de la Chapelle de cette ville)
Gaspar de Verlit (maître de chant de l'église Saint-Nicolas de cette ville)
Petrus Hurtado (maître de chant de la cathédrale Saint Bavon de cette ville)
Joannes vander Wielen (maître de chant à l’église Saint-Jacques de cette ville)

1604-1648 : Harmonisations simples et contrafactums

Initialement, les musiciens d’église arrangèrent seulement des chants de Noël monophoniques populaires : entre autres des chants de Noël ayant appartenu depuis un bon bout de temps au répertoire comme Met desen nieuwen Jaere (En ce Nouvel An) et Puer nobis nascitur). Les jésuites avaient adaptés quelques chants de Noël plus anciens qui reçurent des airs plus contemporains, comme Dies est laetitiae en Het viel eens hemels dauwe (La rosée tombait). Certains chants sont des contrafactums, comme O quam amabilis, O salich heylich Bethlehem (Ô, Bethléem, ville bénite et sacrée), Lof sy dat soete kindeken cleyn (Louanges aux doux petit enfant) et O wonder onverwacht (Ô, miracle inattendu), dont les mélodies sont d’origine française, ou O Herders laet uw' boxkens en schapen (Ô, bergers, abandonnez donc vos boucs et moutons) dont les paroles furent mises sur l’air d’une courante connue également par le répertoire de danse du recueil Terpsichore du compositeur allemand Michael Praetorius.

1648-1695 : Variantes stylistiques : Anvers/Gand versus Bruxelles

Vers le milieu du XVIIe siècle, des musiciens d'église flamands commencèrent à composer des airs nouveaux pour leurs cantiones natalitiæ. Les chants simples en couplets s’étendirent et devinrent pourvus, par exemple, de ritournelles instrumentales et de passages alternants pour solistes et chœur, touchant alors au genre des cantates par leur étendue et par leur style. Le compositeur le plus prolifique de ce dernier genre est Joannes Berckelaers, de qui on ne sait rien sauf qu’il était aveugle.

Il y a également une différence entre les cantiones natalitiæ des compositeurs d’Anvers et de Gand d’un côté, et de ceux de Bruxelles de l’autre. Dans la variante bruxelloise du genre, la mélodie est placée à la voix supérieure, tandis que le praecentus double le cantus. Vraisemblablement, le soliste chantait à l’avant-plan alors que le chœur se trouvait à l'arrière-plan, ce que la façon d’éditer semble confirmer. Il n’est pas exclu que le praecentus chantât les couplets entièrement ou pour la moitié, afin que le chœur puisse les répéter. Cette méthode d’interprétation est registrée de façon précise pour quelques pièces plus anciennes. Vu que le doublement du cantus par un praecentus apparaît sans doute, à part dans le recueil du compositeur Borremans, dans deux autres recueils de compositeurs bruxellois, cette forme semble spécifique pour la variante bruxelloise de ce genre. Il y a davantage de variation lorsque chaque couplet commence par un passage solo chanté par le praecentus avec basse continue, suivi d’un refrain pour chœur, appelé reprise. Cette méthode, avec des passages solo et en chœur, apparaît pour la première fois dans une collection non datée, vraisemblablement d’environ 1645. La méthode de composition comprenant des reprises a été fréquemment employée par des compositeurs actifs à Anvers et à Gand.

Les façons anversoise et gantoise de composer différèrent encore dans la mesure où on voit surgir dans les compositions des Gantois des parties solo pour le praecentus et la basse continue sans exception, alors que les pièces anversoises furent chantées par deux solistes ; le praecentus chante la mélodie et le praecentus bassus suit la ligne mélodique de la basse continue.

Après le XVIIe siècle

Les cantiones natalitiæ du XVIIe siècle demeurèrent apparemment assez populaires et apparurent encore dans des recueils de chansons du XVIIIe siècle ; ces chansons ont été géographiquement repérées même jusque dans la République des Sept Pays-Bas-Unis. Deux chants de Noël de Hurtado, Illibata ter beata et Sus kintjen sus en crijt niet meer, ont été découverts parmi les indications de « voix » (ou mélodies) des chansons du poète réformé utrechtois Jodocus van Lodensteyn (1676). Un nombre de cantiones natalitiæ sont incluses dans les livres de carillon, les versteekboeken, alors que d’autres, arrangées pour le clavier, furent incluses dans des manuscrits pour clavecin. Certaines chansons, restées populaires jusqu’au XIXe siècle, furent récoltées par les collectionneurs de chansons populaires auprès du peuple flamand dans des versions corrompues, comme est le cas de Laet ons gaan om te besoecken de Berckelaers ou de Herders hy is gheboren d’un compositeur anonyme. Le compositeur flamand François-Auguste Gevaert, connaisseur éminent de l’histoire de la musique, se rappela du genre dans sa propre composition d’un Canticum Natalitiæ bilingue (latin-néerlandais).

Recueils comprenant des cantiones natalitiæ, et leur année de publication

  • 1604 : Laudes vespertinæ (+6 cantiones natalitiæ)
  • 1629 : Laudes vespertinæ (+26 cantiones natalitiæ, de Cornelis Verdonck, Guilielmus Munninckx et Guilielmus Messaus parmi d’autres)
  • 1645 (ca.) : Cantiones natalitiæ
  • 1648 : Laudes vespertinæ (+39 cantiones natalitiæ, de Guilielmus Messaus parmi d’autres)
  • 1651 : Cantiones natalitiæ (de Joannes Loisel parmi d’autres)
  • 1654 (réimprimé en 1667) : Cantiones natalitiæ (Godefridus Carmelita)
  • 1655 : Cantiones natalitiæ (Petrus Hurtado)
  • 1657 : Cantiones natalitiæ (Joannes Florentius a Kempis)
  • 1658 : recueil (entre autres œuvres de Oliverius le Fèvre)
  • 1660 : Cantiones natalitiæ (Guilielmus Borremans)
  • 1660 : Cantiones natalitiæ (Gaspar de Verlit)
  • 1665 : Cantiones natalitiæ (Joannes van der Wielen)
  • 1667 : Cantiones natalitiæ (Joannes Berckelaers)
  • 1670 : Cantiones natalitiæ (Joannes Berckelaers)
  • 1675 : Cantiones natalitiæ (Franciscus Loots)
  • 1679 : Cantiones natalitiæ (Joannes Berckelaers)
  • 1688 : Cantiones natalitiæ (Joannes Berckelaers)
  • 1695 (ca.) : Cantiones natalitiæ (Joannes Berckelaers)

Sources

Liens externes


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