Simon de trente

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Simon de Trente

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Simon de Trente était un garçon de la ville de Trente, alors dépendante du duc du Tyrol (aujourd'hui en Italie). Il disparait dans des conditions mystérieuses aux alentours de la Pâques juive de 1475, donnant lieu a un des procès les plus connus pour accusation de crime rituel dont ont été victimes les Juifs d'Europe à la fin du Moyen Âge.

Sommaire

Le contexte

La disparition de Simon Unverdorben, connu également sous le nom de Siméon, Simonin ou Simonet, déclencha une accusation de crime rituel. Ces accusations se multiplièrent à travers l'Europe pendant près de cinq siècles. Peu de temps avant la disparition de l'enfant, Bernardin de Feltre, prêcheur franciscain itinérant, avait prononcé à Trente une série de sermons où il disait du mal de la communauté juive locale.

Le 24 mars 1475, un enfant de deux ans, Simon, disparait. Immédiatement, la petite communauté juive de trente est suspectée[1]. L'après midi-même, le père de Simon signale au Podestat de la ville une rumeur qui accuse les Juifs d'enlever et de tuer des enfants chrétiens[2]. Selon lui, ils avaient vidé l'enfant de son sang pour l'utiliser dans la cuisson de leurs matzot de Pâques, et pour des rituels occultes auxquels ils se livraient secrètement. Le 26 mars, le corps sans vie de l'enfant est retrouvé dans un canal sous la maison du Juif Samuel.Huit Juifs sont immédiatement arrétés, 10 le lendemain.

Accusation de meurtre rituel et exécution des Juifs de Trente

Les chefs de la communauté juive sont arrêtés et soumis à la question, c'est à dire à la torture. Samuel, un préteur sur gage, un des hommes les plus en vue de la petite communauté de Trente, est particulièrement suspecté, car le canal où a été retrouvé le corps de jeune garçon passe sous sa maison. Il commence par protester de l'innocence de la communauté, en demandant à ses bourreaux : « Où avez-vous appris que le sang des chrétiens fait du bien et apporte du bien-être ? » mais soumis à des formes toujours plus cruelles de torture, il finit par avouer tout ce qu'on lui demande de répéter. Ses aveux, emprunts des préjugés chétiens envers les Juifs, confirment pour les historiens d'aujourd'hui, la preuve de son innocence. Il raconte en effet que les sages de Babylone avaient autrefois délibérés que « le sang d'un enfant chrétien tué de la sorte [c'est à dire lors de Pessah] serait profitable au salut de l'âme ». Cette phrase qui fait l'analogie entre le sacrifice d'un jeune enfant et la passion du christ semble tout à fait improbable dans la bouche d'un juif. Bonaventura de Mohar, un des autres accusés juifs, commence par dire sous la torture « ne pas savoir ce qu'il doit dire » avant de relater de manière fort détaillée, sous la torture toujours plus insistante, tout ce qu'on lui demande de dire[3].

Pour étayer leurs accusations, les juges de la ville interrogent un juif converti, Giovani da Feltre, alors emprisonné pour des raisons inconnues. Celui-ci, soucieux d'obtenir les bonnes grâces de ses juges, leur donne le récit détaillé d'une crime rituel auquel sont père aurait participé 40 ans plus tôt en Bavière. Il raconte que les Juifs ont l'habitude d'utiliser du sang chrétien aussi bien lors de la Pâque que le lendemain, le mélangeant aussi à du vin[4].

Un premier procès se tient du 28 mars au 22 juin 1475. Il aboutit à l'exécution de neuf juifs : sept sont brûlés et deux décapités parce qu'ils s'étaient convertis au christianisme. Le second procès, entre décembre 1475 et janvier 1476, aboutit à l'exécution de 5 autres Juifs. Le pape est avertit du procès par le duc du Tyrol, lui même alerté par des notables juifs. Il envoie un commissaire apostolique chargé d'enquêter sur la légitimité des procédures suivies. Ce dernier écrit un rapport accablant pour les juges de Trente. Mais comme l'évêque de la ville a de nombreux appuis dans la curie romaine, le rapport n'est pas pris en compte[5].

De l'apparition du culte de Saint Simon de Trente à sa disparition en 1965

Sans attendre les résultats du procès, les habitants de Trente se mettent en quête de preuves de la sainteté du petit Simon. Le premier miracle est enregistré le 31 mars 1475, preuve aux yeux des croyants locaux que l'enfant est bien un martyr, alors que les premiers aveux ne sont extorqués aux malheureux suppliciés qu'à partir du 7 avril[6]. Plus de cent miracles furent directement attribués au « petit saint Simon » dans l’année qui suivit sa disparition. Le culte du jeune Simon de Trente se propagea à travers l'Italie et l'Allemagne et fut confirmé (ce qui équivaut à une béatification) en 1588 par le pape Sixte-Quint, qui le proclame martyr et saint patron des victimes enlevées et torturées. La même année, Sixte V le canonise et approuve qu'une messe spéciale en l'honneur du « petit Simon » soit dite dans le diocèse de Trente[7],[8] .

En 1965, au début du Concile Vatican II, l'Église commence à ré-enquêter sur cette histoire et les dossiers du procès sont rouverts. Après avoir reconnu l'affaire comme frauduleuse, le culte de saint Simon est aboli par le pape Paul VI et l'autel qu'on lui avait élevé est démoli. On le retire du calendrier et il est désormais interdit de le vénérer. Mais cette interdiction n'est pas respectée par tous.

En 2001 les autorités locales de la Province autonome de Trente organisèrent une prière commune des Catholiques et des Juifs à l'emplacement de l'ancienne synagogue juive de Palazzo Salvadori, en signe de réconciliation entre la ville et la communauté juive.

L'Affaire Toaff

En février 2007, le professeur et chercheur israélien Ariel Toaff publie un livre dont le titre est Pasque di sangue: Ebrei d'Europa e omicidi rituali (Pâques sanglantes : Juifs d'Europe et meurtres rituels). Dans ce livre, il avance la thèse que la communauté juive de Trente aurait pu commettre le crime rituel dont elle était accusée, revenant ainsi sur les conclusions de tous les historiens du XXe siècle pour qui les meurtres rituels attribués aux Juifs étaient sans fondement. Toaff ne pense pas que le crime rituel ait été une pratique généralisée, mais il estime que certaines communautés ashkénazes, hantées par le souvenir des massacres lors des croisades et de la peste noire, auraient pu pratiquer ce genre de crime comme une vengeance antichrétienne au moment de la Pâque[9]. Le témoignage de Giovani da Feltre, le procès pour meurtre rituel à Endingen en Alsace en 1470, sont pour lui des indices concordants[10].

Ariel Toaff considère que les aveux, même extorqués sous la torture, peuvent recéler une part de vérité. Celle-ci est mesurable dans l'écart entre les attentes du juge et les réponses des suppliciés. Or, le texte du procès des premiers condamnés du procès de Trente dont les chercheurs peuvent disposer, est composé de copies de l'original, 12 fascicules dont on ne connait pas l'ordre chronologique et dont sont absentes les questions des juges. Il est donc impossible d'en restituer le déroulement et le jeu des questions réponses[11]. Ainsi, le fait que les accusations de meurtres rituels soient fréquentes lorsqu'un enfant était tué, ne prouve en rien qu'elles soient vraies.

Ariel Toaff affirme aussi que les procédures judiciaires de la ville qui autorisaient la torture en présence d'indices graves et fondés, ont été respectées. Cependant l'arrestation des Juifs de Trente repose uniquement sur la croyance en la pratique de crimes rituels par les Juifs, sans aucun indice. De plus, il semble fort improbable qu'une petite communauté (à peine trente personnes) ait pu ainsi se mettre en danger et ait été à ce point inconséquente qu'elle eut dissimulé le cadavre de l'enfant sous une de ses habitations. le commissaire apostolique envoyé a l'époque fit déjà la même remarque dans son rapport[12].

Le livre soulève un grand émoi aussi bien dans le monde des historiens que dans la communauté juive. Les rabbins jugent délirante l’idée que des Juifs aient ainsi usé du sang pour des cérémonies rituelles, pratique condamnée par la Torah. La première édition tirée à 1 500 exemplaires est épuisé en une semaine grâce à la publicité faite par la polémique. L’auteur, très affecté par l’ampleur prise par cette affaire, demande à son éditeur de ne pas procéder à une réimpression. En février 2008, une nouvelle version de son ouvrage est enfin disponible. Dans certaines parties, le conditionnel remplace l'indicatif; certaines pages sont purement et simplement supprimées. Dans la postface l'auteur affirme que: « L'homicide rituel est et demeure un stéréotype relevant de la calomnie »[13].

Voir aussi

Bibliographie

  • Sabina Loriga, L'Affaire Toaff, Annales, volume 63, 1-2008
  • Giovanni Miccoli, Contre-enquête sur les meurtres rituels des Juifs, L'Histoire n°334, septembre 2008, pp 8-17
  • R Po-Chia Hsia, Trent 1475, A ritual murder:jews and magic in reformation Germany, Yale University press, 1992

Liens internes

Notes et références

  1. Giovanni Miccoli, Contre-enquête sur les meurtres rituels des Juifs, L'Histoire n°334, septembre 2008, p. 11
  2. Giovanni Miccoli, p. 13
  3. Giovanni Miccoli, p. 13
  4. Giovanni Miccoli, p. 14
  5. Giovanni Miccoli, p. 11
  6. Giovanni Miccoli, p. 13
  7. A Blood Libel Cult:Anderl von Rinn, d.1462 (Medieval Sourcebook)
  8. (de)Marco Polo und Rustichello: „notre livre“ und die Unfaßbarkeit der Wunder
  9. Giovanni Miccoli, p. 8
  10. Giovanni Miccoli, p. 14
  11. Giovanni Miccoli, p. 11
  12. Giovanni Miccoli, p. 13
  13. Giovanni Miccoli, p. 10

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