Legende des crimes rituels

Legende des crimes rituels

Légende des crimes rituels

La légende des crimes rituels (les Anglais disent blood libel) attribue à des minorités déterminées et socialement rejetées des meurtres contre les membres du groupe majoritaire, le plus souvent des enfants. Calomniant ceux qu'elle proclame les auteurs, elle provoque et justifie oppression et persécution. Ses colporteurs profitent des enlèvements qu'on n'a pu éclaircir, des accidents et des décès et pour les expliquer ils proposent des boucs émissaires. De telles légendes ne sont pas seulement le résultat de légendes populaires, enracinées dans la superstition, mais, dans un but de propagande, elles sont aussi construites et utilisées de façon réfléchie par des groupes d'intérêts religieux, politiques, régionaux ou locaux. Des pogroms, des lynchages et des meurtres camouflés en jugements en sont souvent le résultat.

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Des accusations d'infanticides rituels et de cannibalisme ont été souvent soulevées par différents peuples et différentes religions de l'Antiquité contre les minorités ethniques et religieuses étrangères, que ce soit par xénophobie ou pour justifier des poursuites judiciaires.

Aux yeux des juifs, infanticide et cannibalisme caractérisaient les peuples étrangers idolâtres. Dans l'hellénisme, les Grecs et les Romains instruits rapportaient contre le judaïsme des rumeurs analogues, qui se sont plus tard appliquées au christianisme. Dans le christianisme, des reproches semblables ont d'abord été adressés à certaines sectes gnostiques ou chrétiennes comme les montanistes. Envers les juifs, le reproche ne s'entendait que très rarement dans l'Antiquité tardive et alors il faisait allusion au dogme déjà établi du déicide.

C'est seulement depuis le haut Moyen Âge que des accusations de meurtres rituels se sont propagées dans l'Europe dominée par l'Église catholique et sont devenues alors l'élément principal permettant de poursuivre les autres convictions religieuses : le plus souvent des Juifs, plus rarement aussi de prétendus hérétiques et des sorcières. Plus tard les catholiques ont attribué également aux protestants et aux francs-maçons de telles pratiques, et les Puritains de leur côté en croyaient les catholiques capables.

Le reproche de meurtre rituel que les chrétiens adressaient aux Juifs se développa au XIIe siècle. La prétendue soif du sang d'enfants chrétiens dont les juifs auraient eu besoin pour leurs matzoth à Pessa'h afin de s'en servir pour leur médecine ou leur magie, voilà qui fait partie des stéréotypes les plus tenaces de l'antijudaïsme chrétien. De telles accusations étaient le plus souvent fatales pour les accusés, pour leurs familles et pour leur communauté. Cette légende tirait sa force d'une combinaison de l'endoctrinement religieux, de la superstition, de la misère économique, de l'insatisfaction sociale et de peurs apocalyptiques.

Depuis l'Angleterre, en passant par l'Espagne et la France, la légende antijuive parvint au XIIIe siècle dans l'espace germanophone. De là elle gagna l'Italie, la Pologne et la Lituanie (XVIe siècle), finalement elle passa en Russie (XVIIIe siècle) et dans l'Empire ottoman (XIXe siècle). Elle survécut à l'époque des Lumières et, parallèlement à l'antisémitisme, connut un nouvel élan de 1800 jusqu'à 1914 en Europe centrale et en Europe de l’Est. Les nationaux-socialistes l'utilisaient pour exciter systématiquement le peuple dans la préparation de l'holocauste. À présent, elle reste vivante, surtout, dans la propagande arabe islamique contre des Juifs.

Si l'on considère qu'il s'agit probablement d'un trucage, l'Affaire Mohammed al-Durah pourrait bien s'inscrire dans la lignée de ces accusations de meurtre rituel, que l'on s'est empressé d'accepter parce qu'elle rappelle le mythe du "meurtre des innocents" et les autres mythes antijuifs.

Des bruits de meurtre de rituel étaient également répandus au (XIXe siècle en Chine, en Inde et à Madagascar) contre des Européens. Aujourd'hui, outre les Juifs - le plus souvent c'est le fait des intégristes chrétiens aux États-Unis – ils visent les satanistes et les partisans de l'avortement.

En 2007, Ariel Toaff a écrit un livre prêtant une certaine crédibilité aux récits. Il cite notamment le Talmud, qui contient des passages appelant au meurtre des non-juifs. Il s'est toutefois ultérieurement rétracté, surtout vu la façon barbare dont les aveux avaient été obtenus et les critiques sur sa méthode. Par ailleurs, une réfutation minutieuse comprenant des interviews des principaux érudits italiens a paru le 11 février 2007 dans le journal italien Corriere della Sera

Antiquité

Les Israélites de l'époque du premier Temple connaissaient probablement résiduellement le sacrifice du premier né (2. Chr 33,6; 2. Rois 23,10), puisque la Tora prend soin à plusieurs reprises de le condamner de façon absolue (Ex 13,2.12 et suiv.; 22,28 et suiv.; 34,19 et suiv.; Nom 3,1 et suiv.; 18,15; Dtn 15,19) en menaçant de mort ceux qui s'y livrent (Lev 20,2-5). Les prophètes dénonçaient les sacrifices humains comme une forme d'idolâtrie (Is. 57,5; Jér 7,31; 32,35; Éz 16,20; 23,37) ce qui en faisait des sacrilèges. La Sagesse de Salomon, apocryphe du Ier siècle av. J.-C., s'appuyait sur eux pour justifier l'extermination des Cananéens (12,4 et suiv. entre autres). Il est possible que dès le temps des patriarches, en 1200 avant Jésus-Christ et au plus tard en 800, la religion d'Israël (ancêtre de ce qui ne deviendra que bien plus tard la religion juive) ait remplacé la victime humaine par une victime animale. Mais même ce sacrifice est strictement règlemente et la Tora interdit entre autres choses aux juifs la consommation du sang, puisque c'est là que réside la vie et que le sang en conséquence appartient exclusivement au dieu créateur JHWH (Gen 9,4; Lév 3,17; 7,26 et suiv.; 17,10-14). On affaiblissait ainsi une des raisons principales du sacrifice - le fait de prendre et de s'incorporer une force de vie étrangère. On n'avait pas pourtant fait entièrement disparaître ces représentations archaïques qui attribuaient au sang et à certaines parties du corps des forces magiques ; on les retrouve entre autres dans le culte chrétien des reliques et dans les accusations ultérieures de meurtres rituels.

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