Revenu garanti

Revenu garanti

Allocation universelle

L'Allocation universelle désigne le versement d’un revenu unique à tous les citoyens d'un pays, quels que soient leurs revenus, leur patrimoine, et leur statut professionnel : ce revenu permettrait à chaque individu de satisfaire ses besoins primaires (se nourrir, se loger, se vêtir, voire acquérir certains biens culturels de base), et laisserait l'individu libre de mener ensuite sa vie comme il l'entend.

Il est parfois aussi appelé « revenu social garanti », « revenu universel », « revenu d'existence », ou revenu citoyen lorsqu'il est financé par la redistribution des revenus issus des ressources naturelles comme c'est le cas en Alaska depuis 1976.

Sommaire

Principe

L'allocation universelle est un revenu de base versé à tous, sans aucune obligation d'activité, et d'un montant permettant d'exister et de participer à la vie de la société. Tous les autres revenus individuels (en grande majorité les revenus du travail) se rajoutent à ce revenu minimal.

Ce revenu serait :

  • inaliénable et inconditionné (contrairement au workfare conditionnant l'allocation à la recherche d'un emploi)
  • cumulable avec des revenus issus du travail ;
  • versé aux personnes et non au ménage, ce qui favoriserait l'autonomie de l'élément le plus faible dans le ménage, contrairement aux minima sociaux.

Sous cette forme l'allocation universelle s'inspire du dividende monétaire autrement nommé dividende social ou crédit social qui sont des mécanismes de création monétaire démocratiquement distribuée basés sur une mesure de la croissance des biens et des services, dont la contre-partie monétaire est créée et distribuée à tous les citoyens de la zone monétaire concernée.

A noter que la définition du dividende universel proposé par Christine Boutin n'est pas un processus de création monétaire et se rapproche plus des RMI et RSA qui ne sont pas de même nature et ne créent aucune monnaie.

Fonctionnement

Sur les revenus

La situation des personnes bénéficiant actuellement d’aides sociales serait peu modifiée : ces personnes payeraient désormais des impôts, d’un faible montant, et toucheraient une allocation un peu supérieure à leurs revenus d'assistance actuels. L’imposition pesant sur le reste des individus augmenterait, mais le revenu total de ces individus augmenterait également avec la perception de l’allocation universelle, pour un effet assez neutre.

Traitement de la pauvreté

Par rapport aux aides du type revenu minimum, l'allocation universelle permet au bénéficiaire d'obtenir des ressources sans avoir à justifier de sa situation auprès de l'administration. L'allocation universelle est soutenue par des arguments moraux. Ses partisans invoquent la dignité humaine, qui serait mieux préservée.

L’allocation universelle permettrait de transformer l’aide aux pauvres. Cette aide est organisée aujourd’hui de deux façons : soit on subventionne des services destinés aux pauvres, par application du principe selon lequel l’État saurait mieux que les pauvres ce dont ils ont besoin, soit on accorde des allocations aux pauvres à la condition qu’ils accomplissent certaines tâches, par application du principe selon lequel l’État saurait mieux que les pauvres ce qu’ils doivent faire. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme d'infantilisation, c'est-à-dire un mépris des pouvoirs publics envers la sagesse des citoyens, comme si les citoyens n'étaient que des moutons destinés à être dirigés par un bon berger (à savoir l'administration publique).[non neutre]

Bas revenus

Revenu disponible en fonction du salaire brut

Le cumul de l'allocation universelle avec les revenus implique qu'une tranche de la population bénéficiera de cette aide tout en travaillant, mais ne sera pourtant pas ou peu imposable. Selon la situation antérieure, ce fait mène à un surcoût que détaille le schéma ci contre :

  • y+ représente, avant allocation universelle, le revenu brut maximal non imposable. Au-delà de ce seuil de revenus les travailleurs participent à la collecte nationale par le biais de l'impôt sur le revenu.
  • la droite rouge représente la situation des revenus après mise en place de l'allocation. Si des travailleurs bénéficient de revenus tout en jouissant de cette aide universelle, ils pourront bénéficier d'un revenu net qui dans la situation antérieure aurait été imposé. Tant que leurs revenus ne dépassent pas y*, le revenu net (salaire + allocation - impôts) sera supérieur au salaire brut.

Cela entraînerait une augmentation relative des bas revenus et donc un tassement de la hiérarchie des salaires. Une diminution du seuil d’exonération fiscale pourrait limiter cet effet

Hauts revenus

La mise en place de l'allocation universelle coïncidera (selon les schémas envisagés) avec une augmentation des impôts versés par les plus riches [réf. nécessaire], qui au final ne verront donc pas leurs revenus augmenter.

Sur l'emploi

Le concept d'allocation universelle est né d'une réflexion philosophique face au défi posé par la pensée libertarienne à la Théorie de la justice (1971) soutenue par John Rawls[1]. L'un de ses défenseurs, Philippe Van Parijs, affirme ainsi qu'elle est un moyen de soutenir, d'un point de vue de gauche, une position « réal-libertarienne » qui défendrait une liberté réelle (et non pas simplement formelle comme elle le reste pour les auteurs libertariens classiques) maximale pour tous, c'est-à-dire, en accord avec le principe rawlsien de différence, avec la liberté réelle maximale pour les plus faibles[1]. Selon Van Parijs, elle permettrait à chacun de disposer des libertés possibles les plus étendues qu'il soit, en permettant à la fois à chacun de se vendre sur le marché du travail s'il le désire ou d'agir autrement s'il le préfère[1].

Le principal atout du concept d'allocation universelle est en effet de supprimer d'une part les effets de trappe à inactivité, et d'autre part, en étant inconditionné, de ne pas restreindre la liberté individuelle de ne pas travailler et, en accord avec le principe du respect de soi de Rawls, de ne pas stigmatiser les bénéficiaires de l'allocation. Des allocations telles que le revenu de solidarité active (RSA) permettent, en principe, d'éviter les effets de seuil conduisant à des situations de working poor, mais n'évitent pas le second écueil, puisqu'elles portent atteinte, selon Parijs, au respect de soi et à la liberté individuelle en obligeant son bénéficiaire à chercher un travail, et donc à se dédier à des activités rémunérées par le marché du travail plutôt qu'à d'autres activités bénévoles ou jugées non rentables.

Suppression des désincitations au travail

Article connexe : Trappes à inactivité.

L'un des effets de l'allocation universelle serait de réduire les effets désincitatifs des systèmes actuels d'assurances ou prestations sociales, ou « trappes à inactivité », qui découragent les individus de chercher un emploi rémunéré lorsque le montant des rémunérations est inférieur au « salaire de réserve ». En effet, les prestations sociales actuelles sont diminuées voire supprimées lorsque les revenus du travail augmentent, pouvant conduire dans certains pays (en France par ex.) à des situations absurdes où l’individu a parfois financièrement intérêt à ne pas accepter un travail (cas principalement des emplois à temps partiel). L'effet réel de ces supposées trappes à inactivité est toutefois contesté, d'abord parce que l'intérêt économique n'est pas le seul mobile gouvernant la recherche d'un emploi (qui permet aussi de se sentir « inséré », etc., et qui obéit donc à des enjeux de reconnaissance sociale). Ainsi, selon Yannick L’Horty (2000), professeur d’économie à l’université d’Évry « un tiers des bénéficiaires du RMI qui reprennent un emploi n’y ont pas intérêt », économiquement parlant, et le font pour d'autres raisons [2]. Pour la sociologue Dominique Méda, la seule prise en compte de l'intérêt économique dissimule d'autres aspects du problème, tels que les « contraintes « familiales », dues notamment à l’absence de modes de garde proposées aux allocataires de l’Allocation Parents Isolés (60% déclarent connaître des difficultés dans leur démarche de recherche d’emploi parce qu’ils et plus souvent elles ne peuvent faire garder leur enfant), contraintes de santé, contraintes de transport, absence d’accompagnement vers et dans l’emploi… » [3].

Effet sur l'inactivité choisie

Une proportion plus ou moins grande de la population déciderait que l'allocation universelle leur suffit et cesserait de chercher un emploi, favorisant ainsi le temps libre et les activités artistiques, philosophiques voire scientifiques, ainsi que le bénévolat. Cela permettrait également, puisque travailler est une contrainte moins forte, une réduction du temps de travail pour ceux qui le souhaitent et une mise en valeur des horaires réduits.

Economiquement, cette modification du coût d'opportunité entraînerait la réduction de l'offre de travail (c'est-à-dire de la quantité de personnes, qui, au sein de la population en âge de travailler, souhaitent travailler), et donc la diminution du niveau de PIB. La conséquence directe est que les demandeurs d'emplois seraient moins en compétition, pourraient trouver plus facilement du travail et seraient plus en position de force, voire à égalité, dans les négociations avec le patronnat.

Sur un plan plus moral, cela pose le risque d'institutionnalisation d'une culture de paresse et la remise en cause de la valeur travail. Les opposants à l'allocation universelle arguent ainsi que chacun a le devoir de contribuer dans le cadre de ses possibilités et aptitudes personnelles au bien-être de la société, et voient dans l’allocation universelle, si elle est trop élevée, une exhortation à l’inactivité et à l’égoïsme. Certains libéraux jugent donc immoral le concept de revenu versé sans réciprocité[4]. Les partisans de l'allocation universelle plaident en faveur de la prise en compte des activités non-professionnelles (bénévolat, développement individuel, création artistique, philosophique… qui selon eux prendraient part au développement collectif) dans la notion de progrès de la société. Selon eux, la société aurait tout intérêt à parier sur la participation des individus à son progrès en leur libérant du temps pour leurs activités personnelles et en leur garantissant les moyens de subsister, considérant que l'activité salariée n'est pas tout dans l'évolution de la société.

Organisation du travail

En réduisant l’incertitude sur les revenus futurs, l’allocation universelle jouerait selon certains de ses partisans comme un filet de sécurité favorisant la prise de risque individuelle, et le lancement dans des projets non-rentables à court terme[5].

Cette situation entraînera une évolution de la relation contractuelle entre les salariés et leur employeur, plus aucun salarié n'étant dans la situation de devoir accepter n'importe quel emploi pour gagner de quoi vivre : les salariés peuvent plus librement négocier leur contrat, ce qui conduirait à la suppression des « mauvais emplois » [6]

Le complément de revenu offert par l'allocation permettrait aux employeurs de diminuer les bas salaires, ce qui en fait une subvention du travail peu qualifié.

Sur l'État

Services publics

Consistant, comme d'autres formes d'aide sociale à exercer la solidarité par l'attribution d'un pouvoir d'achat plutôt que la fourniture de services publics, le versement de l'allocation conduit à confier à des institutions privées des prestations qui auraient été gérées par l'administration[7].

Prestations sociales

L’allocation universelle a, selon la majorité de ses défenseurs, vocation à remplacer toutes les aides sociales.

L'allocation universelle mettrait fin par exemple au problème des personnes en « fin de droits » d’allocations chômage et à la surveillance des personnes bénéficiant de ces allocations (pour vérifier que la personne cherche effectivement un emploi), qui peut être vécue comme une atteinte à la vie privée pouvant provoquer des humiliations et du stress[8].

Elle entraînerait la suppression des postes de fonctionnaires chargés du contrôle de la situation des bénéficiaires: aucun critère n'étant requis pour en bénéficier, ces postes deviennent inutiles. D'où soit réduction du nombre de fonctionnaires, soit ré-assignation de ceux-ci à d’autres tâches.

Financement

Plusieurs modèles d'allocations de base sont envisageables, permettant de satisfaire une quantité de besoins plus ou moins grande. On pense généralement à des montants compris entre 100 et 1 000 euros par mois. On avance en Allemagne des montants allant jusqu’à 2 000 € par mois[9]. Le montant de l'allocation universelle ne peut atteindre la valeur du PIB par habitant, ni même s’en rapprocher (en France, de l'ordre de 2 300 euros par mois en 2006[10]). En effet, on ne peut redistribuer qu'une somme inférieure, et même très inférieure, à celle de la richesse produite dans le pays, ainsi que le montre la courbe de Laffer.

Certains[réf. souhaitée] considèrent que l’allocation universelle devrait être alimentée par un prélèvement économiquement le plus neutre possible, en particulier pour ne pas peser de façon trop ciblée sur le coût du travail, afin de préserver la compétitivité de la zone concernée. Le financement d’une allocation universelle telle qu’elle est présentée ci-dessous ne serait pas problématique.

Le financement de cette allocation universelle se ferait notamment par une imposition sur les revenus et sur la consommation (TVA). Ainsi, tous les ménages, y compris les plus pauvres, payeraient un impôt. D'une manière générale, il n'y a pas de raison de créer un impôt spécifique pour financer l'allocation universelle : il suffit de la faire financer par l’État selon le principe de non affectation des ressources aux dépenses.

Marc de Basquiat[11] développe une proposition selon laquelle l'allocation universelle prend la forme d'une réforme de l'impôt sur le revenu qui serait transformé en IURR (Impôt Universel de Redistribution des Revenus). Les 280 milliards d'euros de la redistribution actuelle seraient redirigés vers un impôt négatif versé à tous, avec un montant variable selon l'âge, financé par un prélèvement uniforme de 30% sur tous les revenus.

En Allemagne, selon le modèle du président du conseil des ministres de Thuringe, Dieter Althaus (CDU), l'allocation universelle coûterait annuellement à l’État 583 milliards d'euros alors que le système actuel d'aide sociale coûte 735 milliards. Donc l'allocation universelle selon le modèle "althausien" serait moins coûteuse pour les finances publiques que le système actuel[12].

Les partisans de l'allocation universelle qui souhaitent lui attribuer un montant faible veulent qu'elle soit identique pour tous les êtres humains résidents, alors que ceux qui souhaitent lui attribuer un montant très élevé ne visent qu'une partie de la population (généralement les seuls adultes), ou prévoient plusieurs montants différents, par exemple en fonction de l'âge, le montant indiqué étant le plus élevé de la liste.

Jean-Pierre Llabrés s'oppose à ce que l'Allocation Universelle consiste en la redistribution d'un prélèvement (fiscal, parafiscal) sur l'économie. Il conçoit l'Allocation Universelle comme le rendement de l'investissement d'un capital dans l'économie de marché afin de ne pas grever celle-ci de charges nouvelles (fiscales, parafiscales). Il propose la création du Parti Capitaliste Français (PCF) ayant pour objectif, grâce à une phase d'épargne préalable, de générer un fonds souverain associatif capable, à terme, de servir à tout citoyen français, même mineur, un Revenu d'Existence évolutif. [5]

Justice sociale

Équité horizontale

L'aide sociale actuelle est destinée surtout à venir en aide aux personnes qui sont pauvres car elles ne sont plus productives (les vieux et les infirmes). En revanche, il n'existe pas réellement de dispositif pour aider ceux qui sont pauvres parce qu'ils ne sont pas encore productifs (les jeunes et les immigrés peu qualifiés), alors que selon les économistes, il serait profitable pour le pays de permettre leur entrée sur le marché du travail. Les revenus issus du système d’aide sociale actuel varient ainsi en fonction de particularités individuelles ; en France, on ne peut pas toucher le RMI avant l’âge de 25 ans, l'accès aux habitations à loyer modéré (HLM) est très disparate et répond davantage à des logiques électoralistes des maires et députés qu’à une prise en compte des véritables besoins.

Vu l'absence de prise en compte des situations individuelles, l'aide étant universelle et inconditionnelle, l'allocation universelle n'a pas l'effet pervers de tous ces systèmes, c'est-à-dire l’existence d'ayants droit ne touchant pas l'aide parce qu'ils ignorent l'existence de celle-ci, ou ne sachant pas qu'ils y ont droit, ou étant dans l'incapacité de prouver que leur situation leur donne droit à l'aide ; par ailleurs, la sphère privée en serait protégée.

C'est ce caractère universel, inconditionné et individualisant de l'allocation universelle qui la distingue de l'impôt négatif proposé par Milton Friedman. Selon Ph. Van Parijs,

« Il est important, par conséquent, que le revenu minimal garanti puisse assurer la maximisation de la liberté réelle dans ses dimensions de revenu et de pouvoir sans porter atteinte à ce respect de soi, minutieusement décrit dans la Théorie de la justice (section 67) comme le contraire de la honte. Pour cela, il est essentiel qu'il soit attribué sous une forme qui n'en stigmatise pas, n'en humilie pas les bénéficiaires et qui se fasse donc, en particulier, sans contrôle des ressources (contrairement à ce qui se passe, par définition, en cas d'impôt négatif) et sans contrôle de la vie privée (requis pour vérifier, par exemple, le statut d'isolé ou de cohabitant.[13] »

L'allocation permettrait par exemple une plus grande égalité des chances entre étudiants, si certains doivent travailler pendant leurs études.

Mais pour Aristote «Il n'y a pire injustice que de traiter également des choses inégales». C'est ainsi que l'uniformité de ressources financières ne résolvant pas la prise en considération de cas d'espèces (handicapés…), des systèmes compensatoires de prestations sociales ou subventions resteraient nécessaires. De même elle ne tiendrait pas compte des différences de pouvoir d'achat au sein d'un même État. Vivre avec 2 000 € à Paris n'implique pas le même niveau de vie que vivre avec cette même somme en Auvergne.

Entre les ménages

Beaucoup de pays appliquent une aide économique aux personnes pauvres qui tient compte de la situation familiale de la personne en difficulté (cas du RMI pour la France, qui varie fortement). Ainsi, proportionnellement, la personne en couple touche moins d'aides que la personne seule, en raison des économies d'échelles réalisées par la vie en ménage.

Ces effet sont pris en compte par la notion d'unité de consommation (UC) qui permet de comparer le niveau de vie de ménages de structures différentes. Il existe différentes échelles, celle définie par OCDE affecte 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,3 UC par enfant de moins de 14 ans et 0,5 UC pour les autres personnes[14].

Selon la définition de l'allocation universelle, elle est versée à chaque individu sans considération de sa situation matrimoniale. Les couples seraient donc avantagés par rapport aux célibataires. Cet effet peut être corrigé par une modification du taux d'imposition des ménages en fonction de leur caractéristique, le surcoût ne perdurerait donc que pour les ménages non imposables. On peut aussi considérer que la cohabitation (que ce soit en couple ou en collocation) est un choix de vie personnel, qui n'a pas à être favorisé ou sanctionné par les pouvoirs publics. Par ailleurs les femmes au foyer disposeraient d'un revenu propre qui ne serait pas dépendant de celui de leur conjoint, acquisition d'une certaine indépendance de ces dernières dans le ménage et d'un vrai statut social reconnu, même sans accéder à l'emploi.

Pour les familles avec enfants, l'allocation universelle aurait vocation à se substituer aux allocations familiales. Si les mineurs ne perçoivent pas d’allocation universelle les familles seraient défavorisées par rapport aux personnes sans enfants. À contrario, si l'allocation était identique pour les enfants et les adultes, celles-ci verraient leur pouvoir d'achat surévalué, les coûts d'un enfant étant plus faibles que ceux d'un adulte. Le montant de l'allocation versés aux mineurs devra donc être fixé en fonction de la politique familiale poursuivie. Par exemple une allocation élevée pourra être motivée par une relance de la natalité, dans le cas des pays développés à la démographie vieillissante, l'allocation étendue aux enfants assurerait alors un revenu supplémentaire aux familles. L'allocation universelle a vocation à remplacer le système du quotient familial[réf. souhaitée]. En effet, ce système permet aux familles d’avoir, pour un nombre donné d'enfants, une réduction de leur impôt sur le revenu d’autant plus élevée en valeur que leurs revenus et donc leurs impôts sont élevés. Cette réduction d’impôts équivaut en fait à une allocation, laquelle profite en valeur absolue davantage aux familles riches, même si ce n'est pas en proportion des impôts payés.

Dans le cas où le niveau d'aide économique reçu par un foyer monoparental est inchangé, la mise en place de l'allocation universelle augmenterait surtout les revenus des foyers biparentaux pauvres. Les familles biparentales seraient favorisées par rapport aux familles monoparentales.

Histoire

Le concept d'une allocation universelle est défendue par des économistes et des philosophes appartenant à tous les bords politiques, des libertariens aux écologistes et aux socialistes.

Cette idée est connue sous le nom de crédit social ou dividende social depuis 1920, par les travaux de H.C.Douglas, et soutenue par le seul Prix Nobel d'économie Français Maurice Allais.

Il ne s'agit pas de le financer par de la dette ni de lui allouer une valeur fixe, mais qu'il soit versé en création monétaire par la Banque Centrale pour assurer la création monétaire nécessaire en rapport avec la croissance de l'économie. Ainsi il doit être nul en cas de décroissance.

L'allocation universelle pourrait dans ce cadre être un complément au dividende universel qui crée de la monnaie, et pourrait ne pas avoir à être payée si le dividende calculé lui est supérieur.

Origine

Le sénateur brésilien Eduardo Matarazzo Suplicy (PT) cite comme ancêtres de ce concept Thomas More, l'auteur d'Utopia (1516), son contemporain Juan Luis Vives dont la réflexion inspira les Poor Laws, Thomas Paine, instigateur du salaire minimum de vie (SMIV), à l'époque de la Révolution américaine, et l'anglais Thomas Spence, qui mêla les réflexions de Paine à celles du socialiste utopique Charles Fourier [15]. Dans son livre Agrarian Justice (1796), Paine évoqua l’idée d’une dotation inconditionnelle pour toute personne (homme ou femme) accédant à l’âge adulte et d’une pension de retraite inconditionnelle à partir de 50 ans. Une autre description connue de l'allocation universelle date de 1848 avec la publication de la Solution du problème social ou constitution humanitaire du philosophe belge Joseph Charlier, inspiré par Fourier [15]. L'utilitariste John Stuart Mill a aussi défendu le concept d'une allocation universelle, dans sa seconde édition des Principes d'économie politique, de même que Condorcet, Bertrand Russell ou le Prix Nobel James Edward Meade [15].

On a souvent justifié l'allocation universelle comme contrepartie à la propriété privée de la terre. Le philosophe anglais John Locke justifiait en effet l'appropriation de biens communs (comme la terre) et donc le droit de propriété en déclarant, entre autres, que seul un propriétaire privé aurait intérêt à la mettre en valeur, puisque selon Locke, le droit de propriété s'applique uniquement au produit de son travail. Cependant, privatiser une terre implique d'exclure les autres êtres humains de l'accès aux ressources naturelles, si bien que, selon la « clause lockéenne », la justice commande d'indemniser les gens pour la perte de leur droit à se livrer à des activités telles que la chasse, la pêche, la cueillette ou encore l'extraction des ressources naturelles minérales.

En effet, la « clause lockéenne » exige que, lorsque quelqu'un s'approprie un objet, il doit en rester, selon la formule de Locke, « suffisamment et en qualité aussi bonne en commun pour les autres » [16]. En d'autres termes, quelqu'un n'a pas le droit de s'approprier l'unique source d'eau dans un désert. Pour contourner ce problème, Robert Nozick affirme ainsi que, dans un tel cas, l'appropriation originelle d'un bien commun ne peut se faire qu'à condition de compenser les autres utilisateurs « de telle sorte que leur situation ne se détériore pas par elle-même » [17].

Partisans

L’allocation universelle est « défendue sous des appellations et pour des motifs divers par des universitaires et des militants, des hommes d’affaires et des syndicalistes, des formations politiques de droite et de gauche, des mouvements sociaux et des organisations non gouvernementales, l’allocation universelle a bénéficié de l’appui d’étranges coalitions et suscité de féroces oppositions. »[18] Elle est défendue aussi bien par des altermondialistes que par des libertariens.

Aux Etats-Unis

Le Prix Nobel d'économie Milton Friedman, fondateur du monétarisme et critique du keynésianisme, défendait l'idée dans Capitalisme et liberté (1962). Il s'agissait pour lui d'éviter l'effet pervers de la solution – dirigiste, bureaucratique et peu transparente dans ses utilisations – d'un empilement d'allocations sociales créant, selon lui, un esprit d'« assistanat », voire de mendicité, plutôt que de matérialiser un droit inhérent de la personne. Il proposait de mettre en place cette proposition par l'introduction de l'impôt négatif sur le revenu, couplé à un impôt à taux unique[19].

En 1968, Robert Lampman, Harold Watts, James Tobin, John Kenneth Galbraith, Paul Samuelson et plus de 1 200 économistes de bords politiques différents ont envoyé au Congrès américain une pétition en faveur d'un programme de revenu garanti [15]. Une loi faillit passer sous Nixon [15], et la mesure était aussi défendue par Martin Luther King [15]. Le rival de Nixon à la présidentielle de 1972, George McGovern, conseillé par James Tobin et Robert Solow, proposait aussi d'instaurer un revenu inconditionnel [15]. Un impôt négatif, attribué aux seules familles qui travaillaient, a été mis en place en 1974 [15]. Le Royaume-Uni a fait de même en 2000 avec le Family Tax Credit [15].

En France

Le revenu universel garanti est soutenu aussi bien à droite qu'à gauche, les modalités de sa mise en œuvre distinguant les diverses propositions. La droite propose notamment un revenu nettement inférieur à celui proposé à gauche.

  • L'artiste art-psy propose un revenu de 600 € par mois et un logement de 15 m2 par personne dans le cas de non travail ou de revenus insufissant pour subvenir à ses besoins… voir [6]
  • Alternative libérale défend ce concept[5] en y voyant un moyen de faciliter « la prise de risque, l’initiative », et de supprimer le système actuel d’aide social « absurde et inefficace » qui favorise le clientélisme électoral. Il s'agit d'une des propositions majeures du parti, qui reprend dans ses grandes lignes la conception hayekienne. Le programme d'Alternative libérale précise que le montant du « revenu d'existence » sera mensuellement de 100 euros pour un mineur et de 500 pour un majeur. Alternative libérale défend ainsi l'idée d'un montant différencié pour les majeurs et les mineurs.
  • Le « dividende universel » est une proposition prioritaire du programme politique de Christine Boutin. La formule était « du berceau à la tombe[20] » et le montant de 300 euros par mois.
  • Le mouvement politique transpartis "Utopia" promeut le "revenu universel citoyen" ou "allocation universelle". (Manifeste Utopia, Ed Parangon)
  • Le Parti fédéraliste français indique à l'article 1er de sa charte[21] « Considérant que toute personne a droit à un revenu minimum vital, nous sommes partisans de la mise en place d'un revenu universel de citoyenneté ».
  • Le journaliste Ignacio Ramonet a parlé, en 2000, de la nécessité d'« établir un revenu de base inconditionnel pour tous », couplé à l'instauration de la taxe Tobin et du démantèlement des paradis fiscaux[22].
  • L'écologiste André Gorz, après y avoir été opposé, s'est rallié à cette idée dans ses tous derniers ouvrages[24]. L’allocation universelle serait basée en partie sur le concept de revenu citoyen.
  • L'écologiste Yves Cochet a inscrit l'établissement d'un revenu d'existence dans la profession de foi de sa candidature à l'investiture pour l'élection présidentielle française de 2007[25]. Il précise : « Le revenu d’existence est universel, reçu par tous sans plafond de ressources, mais imposable et donc entièrement récupérable sur les riches par la fiscalité ».
  • Jacques Duboin a proposé un revenu universel mais dépendant de l'âge de la personne.
  • Jean-Pierre Llabrés propose la création du Parti Capitaliste Français (PCF) ayant pour objectif, grâce à une phase d'épargne préalable, de générer un fonds souverain associatif capable, à terme, de servir à tout citoyen français, même mineur, un Revenu d'Existence évolutif. [7]
  • L'économiste Yoland Bresson, président de l'Association (AIRE), propose l'Instauration d'un Revenu d'Existence.
  • Trazibule, propose cette allocation universelle intégrée dans une organisation économique complète, [26] où l’allocation universelle devient outil de régulation de la monnaie.[27]

En Allemagne

L'un des grands défenseurs de cette idée en Allemagne n'est autre que Götz W. WERNER, le PDG de DM Drogeriemarkt (chaîne de magasins en parapharmacie), donné comme 77e fortune allemande. Il est également professeur d'économie à Karlsruhe.

En Belgique

Le parti politique belge Vivant propose un revenu de base inconditionnel et complétable pour tout le monde.[28]

Internationalement

Le Parti humaniste, internationaliste et présent dans plus de 40 pays, affirme dès sa création en 1984 le droit pour chacun de "vivre avec ou sans travail". Il s'agit de libérer l'être humain de toute aliénation par le travail, considérant que par le seul fait de naître humain, tout individu a droit à la santé, à l'éducation, à un logement et à construire son avenir. C'est par son activité librement choisie qu'il participera au véritable progrès humain vu comme dépassement de la douleur et de la souffrance humaines.[29]

Applications

Alaska

L'Alaska a mis en place une forme, très particulière, d’allocation universelle, le revenu citoyen, basé sur les revenus miniers et pétroliers de la région.

Royaume Uni

Projets gouvernementaux

  • Au Brésil, la loi 10 835, approuvée sous le gouvernement Lula, prévoit d'étendre progressivement l'application du Bolsa Familía Program (créé en 2003) jusqu'à instauration complète d'une allocation universelle [15][28] ; en février 2008, près d'un tiers de la population brésilienne bénéficiait de ce programme [28]
  • Le gouvernement catalan en étudie la faisabilité[réf. souhaitée] ;
  • Des membres du Congrès américain ont proposé la mise en place d’un tel revenu, en Irak, sur le modèle de l'Alaska Permanent Fund [28]. Soutenu par l'envoyé de l'ONU Sérgio Vieira de Mello et la Banque mondiale, la mesure a été suspendue depuis la mort de Mello [15].
  • Le dispositif est expérimenté en Namibie [30].
  • Il a aussi été expérimenté dans les années 1970 à Dauphin-ville (Manitoba) au Canada [31].

Notes et références

  1. a , b  et c Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste ? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, pp. 211-239 (en particulier pp.211-216), « L'allocation universelle la plus élevée possible ».
  2. Le mythe de la « trappe à inactivité », L'Humanité, 4 novembre 2000
  3. Dominique Méda, Le Revenu de Solidarité Active en question, La vie des idées, 24 avril 2008
  4. L’Immoralité de l'allocation universelle, Alain Wolfesperger, professeur à Sciences Po.
  5. a  et b Programme économique, Nouvelle donne sociale, section Pour un revenu de liberté.
  6. [L'allocation universelle par Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs], Alternatives économiques, mai 2005
  7. Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l'impôt p227, Michel Bouvier 2007, (ISBN 978-2275030968)
  8. interview de Yannick Vanderborght, rédacteur de L'allocation universelle
  9. voir (de) Sozialhilfe (Deutschland) et assistance chômage type II
  10. 1792 milliards d'euros pour 65 millions d'habitants
  11. voir la modélisation complète sur www.allocationuniverselle.com
  12. « Allemagne : allocation citoyenne demandée par Dieter Althaus », article sur Wikinews
  13. Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, pp. 214 (section « L'allocation universelle la plus élevée possible »). Van Parijs indique, en note, que « les atteintes à la dignité impliquées par un système de revenu minimal garanti impliquant pareils contrôles sont bien mises en lumière par François Ost », in « La théorie de la justice et le droit à l'aide sociale », section II.2, in Individualisme et justice sociale. A propos de John Rawls (C. Audard, J.-P. Dupuy et R. Sève éd.), Paris, Editions du Seuil, 1988, pp.245-275
  14. http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/unite-consommation.htm
  15. a , b , c , d , e , f , g , h , i , j , k  et l Eduardo Matarazzo Suplicy (sénateur du PT-SP), Citizen’s Basic Income: The Answer is Blowing in Wind, 2006
  16. Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, p.142
  17. Robert Nozick, Anarchie, État et utopie, 1974, p.178 éd. originale, 223 trad. française, cité par Van Parijs, 1991, p.143
  18. présentation du livre L'allocation universelle.
  19. Milton Friedman, Capitalisme et liberté, chap. 12
  20. Le Figaro 2003-09-30
  21. Charte du Parti fédéraliste
  22. Ignacio Ramonet, « L’aurore », Le Monde diplomatique, janvier 2000
  23. « Garantir le revenu », Multitudes, n°8, 2002 et « Bioéconomie, biopolitique et biorevenu. Questions ouvertes sur le revenu garanti », Multitudes, n°27, 2007
  24. André Gorz, « Revenu garanti et postfordisme », Ecorev, 1er décembre 2006.
  25. Profession de foi d'Yves Cochet et Question débattue chez les Verts
  26. [1]
  27. [2]
  28. a , b , c  et d [3]
  29. [4]
  30. Basic Income Grant Coalition in Namibia
  31. Researchers examine 'town without poverty', CBC, 5 décembre 2005

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Yannick Vanderborght, Philippe Van Parijs, L'allocation universelle, Éditions La Découverte, 2005 (ISBN 2707145262)
  • Jean-Marc Ferry, L'Allocation Universelle : pour un revenu de citoyenneté, Cerf, 1995 (ISBN 2204052051)
  • Antonella Corsani, « Quelles sont les conditions nécessaires pour l’émergence de multiples récits du monde ? Penser le revenu garanti à travers l’histoire des luttes des femmes et de la théorie féministe », in Multitudes, no 27, 2007[1].
  • Yoland Bresson, "Une Clemente Economie ; Au-Dela Du Revenu D'Existence", Éditions L'Esprit Frappeur, 2008 (ISBN 2844052339)

Notes et références

Liens externes

  • Portail de l’économie Portail de l’économie
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