- Recensement de Quirinius
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Publius Sulpicius Quirinius
Publius Sulpicius Quirinius (synonyme : Cirinus, Cyrénius, en Grec ancien Κυρήνιος ) (? - 21 ap. J.-C.), naquit à Lanuvium (30 km au sud de Rome) [1], général et administrateur romain.
Sommaire
Biographie
Comme nous l'apprend Tacite, Sulpicius Quirinius n'appartenait pas à la famille patricienne des Sulpicii, mais avait des origines plus modestes, il est représentatif de ces notables italiens qui connaissent une ascension sociale forte à la fin de la République et au début du Principat.
La première action que nous connaissons vraiment de Quirinius est la guerre qu'il mena contre les Marmarides lors de son gouvernement de la province de Cyrénaïque. La date en est mal connue mais est généralement placée avant son consulat, vers 20 av. J.-C. ou 15 av. J.-C.[2]. Cette action militaire semble prendre la suite de celle, mieux connue, de Cornelius Balbus contre les Garamantes[3]. Elle lui valut une gloire assez importante et le surnom de Marmaricus (vainqueur des Marmarides).
En 12 av. J.-C., en raison des éminents services, administratifs et militaires, qu'il avait rendus à l'État, César Auguste l'éleva au rang de consul. Il mena ensuite une campagne victorieuse contre une peuplade de Cilicie (située dans l'actuelle Turquie), les Homonades ; l'Empereur l'en récompensa : Quirinius reçut les insignes du triomphe.
En 1 av. J.-C., il fut donné comme conseil, rector, au jeune Caius César.
Lors de l'exil de Tibère à Rhodes, entre 6 av. J.-C. et 2, il semble que Quirinius se soit montré proche de Tibère et lui ait témoigné de son respect. Tibère le loua de cette action à titre posthume lors de la séance du Sénat romain qui décida de ses funérailles publiques.
Entre les années 2 à 4, il épousa Aemilia Lepida, qu'il répudia ensuite, ce qui donna lieu à un procès vingt ans après la répudiation, procès qui nous est connu par Suétone et Tacite. Lépida était une descendante de Sylla et de Pompée.
De 6 à 9, il fut envoyé en Syrie, avec le titre de légat d’Auguste, propréteur (Legatus Augusti), comme gouverneur de cette province impériale consulaire. C'est à cette époque qu'il reçut l'ordre de recenser la Judée, qui venait d'être réunie à la province de Syrie par la déposition d’Archélaos. L'historien Flavius Josèphe (Livre XVIII chap. III) situe Cyrénius gouverneur de Syrie trente-sept ans après la bataille d'Actium qui eut lieu le 2 septembre 31 av. J.-C., ce recensement a donc eu lieu en 6 de l'ère chrétienne. Procéder à un recensement lorsqu'une province tombe sous l'administration directe de Rome est une procédure attestée par ailleurs ; cela provoqua la révolte de Judas le Galiléen (cf. Actes des Apôtres). L'évangile selon Luc[4] parle du recensement de la Judée, qui eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. C'est selon Luc pendant cette période qu'est né Jésus Christ.
En 16, Quirinius est à Rome, où Marcus Scribonius Libo Drusus, son allié par sa femme Aemilia Lepida, présente à Tibère sa demande en grâce[5]. Libo, "aussi stupide que noble" selon Sénèque, était accusé de préparer un coup d'état. Tacite consacre un long développement au procès de ce descendant de Pompée[6]. La grâce ne fut pas acceptée par Tibère qui prétendit s'en remettre au Sénat : Libo finit par se suicider.
En 20 eut lieu l'accusation de Quirinius contre sa femme Lepida. Procès complexe qui lui valut l'impopularité et où ses origines modestes furent rappelées. Lépida était accusée de plusieurs faits graves : adultère, empoisonnement et consultation d'horoscope sur la personne des membres de la famille impériale. Cette dernière accusation était extrêmement grave : la croyance en l'astrologie étant fortement répandue on pensait que consulter l'horoscope du prince revenait à spéculer sur la date de sa mort, les difficultés à venir de son règne et finalement était la première étape d'un complot contre lui. Finalement, Lépida ne fut condamnée qu'à l'exil[7]. Cependant, sa popularité nuisit à Quirinius, déjà méprisé du peuple à cause de son avarice.
Sa mission en Syrie et le recensement en Judée
La date du gouvernement de Syrie de Quirinius soulève un problème chronologique qui a été amplement discuté, puisque le recensement effectué en 6 ne peut correspondre à la date de naissance de Jésus. Pour résoudre cette incohérence chronologique, plusieurs solutions ont été proposées, la plus couramment retenue étant celle d'une erreur de l'évangéliste. Néanmoins, une partie des savants ont avancé, au XIXe siècle, l'idée que Quirinius avait effectué deux gouvernements de Syrie, et qu'il aurait donc procédé à un recensement auparavant. Pour appuyer cette hypothèse, on a attribué à Quirinius une inscription portant un fragment de cursus honorum anonyme, car brisé, trouvée à Tivoli (CIL XIV 3613 = ILS 918 = IIt IV 4, 1) et concernant un personnage ayant gouverné la Syrie. Jusqu'au XXe siècle, on pensait parfois en effet que l'inscription précisait que le personnage avait gouverné deux fois la Syrie, ce qui aurait permis d'expliquer le passage de Luc, mais E.Groag a montré que le sens réel de l'inscription était que le personnage avait reçu deux légations, l'une d'elles étant celle de Syrie ; en aucun cas l'inscription ne peut donc fournir un appui au texte de l'évangéliste. Par ailleurs, si elle est encore parfois proposée, l'attribution de l'inscription à Quirinius n'a pas été la plus couramment retenue et plusieurs autres noms ont été proposés : Marcus Plautius Silvanus, Lucius Calpurnius Piso, Caius Sentius Saturninus[8].
La mission de Quirinius, après la déposition d'Archélaos, consistait à transformer un royaume client en province directement administrée par un gouverneur romain. Pour cela, il procéda au décompte des habitants et à l'évaluation de leur propriété, afin de fixer et répartir le tribut que la province devait à Rome : il continuait en Judée le cens qu'il effectua aussi en Syrie. Une telle pratique était une des innovations du règne d'Auguste, le premier cas attesté étant le cens des provinces des Gaules en -27. Comme en Judée, ce recensement souleva un mécontentement, et c'est aussi à la suite d'une tentative de cens provincial que les Romains perdirent la Germanie en 9. La mission de Quirinius était donc délicate et laissa un souvenir marquant parmi les provinciaux.
C'est sans doute ce souvenir qui explique sa présence dans le texte de l'évangile de Luc. Outre l'incohérence chronologique, le texte de l'évangéliste soulève plusieurs autres problèmes historiques. Selon Luc, le cens aurait concerné la terre entière, appréciation inexacte dans le cas d'un cens qui ne concernait qu'une province, mais qui finalement rend bien compte de la perception qu'eurent les provinciaux des innovations du règne d'Auguste. Pour Fergus Millar cependant, l'usage que Luc fait du cens de Quirinius, pour expliquer comment Jésus est né à Bethlehem, est "totalement trompeur et ahistorique"[9]. Car le cens de Quirinius n'a pas été étendu à la Galilée, où vivait la famille de Jésus, puisque cette dernière était dirigée par Hérode Antipas et ne faisait pas encore partie de la province.
La connaissance que nous avons de la mission de Quirinius nous permet aussi d'assister à la mise en place d'un nouveau type de province romaine, les futures provinces procuratoriennes, dirigé non pas par un sénateur mais par un membre de l'ordre équestre. La province fut d'abord confiée à un préfet (praefectus), le titre de procurator ne se généralisant que plus tardivement, et c'est Quirinius qui accompagna et assista Coponius, le premier préfet, notamment face à la révolte de Judas le Galiléen. Quirinius procéda à la vente des biens d'Archélaos et remplaça le grand prêtre Yoazar par Hanan[10].
Le cens de la province de Syrie nous est connu par une inscription en l'honneur d'un chevalier romain, Quintus Aemilius Secundus, qui fit, en tant que subordonné de Quirinius, le recensement des habitants de la ville d'Apamée, cité qui comptait alors 11 7000 hommes libres[11]. Tacite nous apprend que onze ans plus tard, les provinces de Syrie et de Judée demandèrent une diminution de tribut, Quirinius ayant eu semble-t-il la main lourde[12].
Décès
Quirinius mourut en 21 (an 774 de Rome), assez âgé et sans laisser de descendance. Tibère, toujours débordant de gratitude pour les services qu'il lui avait rendus lors de son exil rhodien, lui accorda des funérailles nationales.
Notes et références
Notes
- ↑ Tacite, Annales, III, 48
- ↑ Florus II, 31 ; Voir R. Syme, La révolution romaine, Paris, 1967, p. 376 et n.50 p.582
- ↑ M. Benabou, La résistance africaine à la romanisation, Paris, 1976, p. 61
- ↑ Luc 2,2
- ↑ Tacite, II, 30
- ↑ Annales II, 27-32
- ↑ Tacite, Annales III, 22-23
- ↑ Voir C. Eilers, "C. Sentius Saturninus, Piso pontifex and the Titulus Tiburtinus : a reply", Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 110, 1996, pp. 207-226 qui propose Calpurnius Piso
- ↑ "wholly misleading and unhistorical", F. Millar, 1994, p. 46
- ↑ Flavius Josèphe, Antiquités…, XVIII, 2, I (26)
- ↑ ILS, 2683
- ↑ Tacite, Annales, II, 42, 7 ; F. Millar, 1994, p. 48
Références
Bibliographie
- PIR2 S 1018
- Fergus Millar, The Roman Near East, Cambridge-London, 1994, pp. 46-48.
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