Phénylcétonurie

Phénylcétonurie
Phénylcétonurie
Classification et ressources externes
CIM-10 E70.0
CIM-9 270.1
OMIM 261600

261630

DiseasesDB 9987
MedlinePlus 001166
eMedicine ped/1787  derm/712
MeSH D010661

La phénylcétonurie est une maladie génétique rare et grave en relation avec un trouble du métabolisme de la phénylalanine (acide aminé d'origine alimentaire).

Elle affecte un nouveau-né sur 16 000 et est responsable d'une arriération mentale (oligophrénie phénylpyruvique) progressive en l'absence de traitement approprié. En France et dans de nombreux pays, on procède à la naissance à un dépistage systématique de la phénylcétonurie.

Sommaire

Historique

La phénylcétonurie a été découverte par le médecin norvégien Ivar Asbjørn Følling, en 1934, lorsqu'il a observé que l'hyperphénylalaninémie (HPA) était associée à un retard mental[1]. En Norvège, cette maladie est appelée maladie de Følling, d'après celui qui l'a découverte, le Dr Følling, qui fut un des premiers médecins à étudier la maladie au moyen d'une analyse chimique minutieuse. Ayant analysé ainsi l'urine d'un frère et d'une sœur retardés mentaux, il demanda à un grand nombre de médecins près d'Oslo de tester l'urine d'autres patients retardés mentaux. Cela amena à découvrir la même substance que celle qu'il avait trouvée chez 8 autres patients. Cette substance ne put être analysée chimiquement que de façon beaucoup plus rudimentaire qu'on ne peut le faire aujourd'hui. Ses tests lui montrèrent que les réactions donnaient naissance à du benzaldéhyde et de l'acide benzoïque, ce qui l'a mené à la conclusion que ce composé contenait un anneau de benzène. Des essais supplémentaires montrèrent que le point de fusion était le même que celui de l'acide phénylpyruvique, ce qui indiquait que c'était la substance qui se trouvait dans l'urine.

C'est en 1953 que Horst Bickel propose un traitement par régime alimentaire[2]. Robert Guthrie créé son test permettant le dépistage de masse chez le nouveau-né en 1963[3].

Génétique

Dans les cellules du foie, une enzyme, la PAH (phénylalanine hydroxylase), permet de transformer la phénylalanine en excès en tyrosine (autre acide aminé). Chez les individus phénylcétonuriques, le gène responsable de la PAH est défectueux. C'est un trait héréditaire autosome récessif. Il existe une variante plus rare, dans laquelle la PAH est normale, mais où son cofacteur, la tétrahydrobioptérine (BH4) n'est pas synthétisé par le patient[4]. Cette variante est détectée par un test en charge de BH4 permettant la normalisation totale ou partielle du taux de phénylalanine[5].

Chez les phénylcétonuriques, la transformation de la phénylalanine ne peut se produire et la phénylalanine s'accumule alors dans le sang alors que le taux de tyrosine est abaissé. L'excès de phénylalanine dans le sang est toxique pour le système nerveux, et perturbe le développement du cerveau de l'enfant, entraînant un retard mental. L'abaissement des taux de tyrosine entraîne un abaissement de la production de mélanine, ce qui fait que les enfants atteints ont tendance à avoir des cheveux, un teint et des yeux pâles. L'excès de phénylalanine est converti en phénylcétones (en particulier l'acide phénylpyruvique) qui seront excrétés dans l'urine, d'où le nom de la maladie. La sueur et l'urine de l'enfant atteint ont alors une odeur typique due à la présence de cétones.

Le gène détenant l'information sur la fabrication de la PAH présente dans l'espèce humaine plusieurs allèles. Il est localisé sur le chromosome 12 en 12q24.1. Plus de 500 mutations ont été identifiées sur le gène, représentant autant d'allèles différentes[6], codant pour une enzyme plus ou moins fonctionnelle, entraînant ainsi une maladie plus ou moins grave. Le type prédominant de mutation dépend de la localisation géographique[7].

Physiopathologie

La phénylalanine, en excès, pénètre dans le cerveau, provoquant des anomalies de la substance blanche à type d'atteinte de la myéline, ce qui pourrait provoquer des troubles neuropsychologiques[8]. Elle pourrait, de même, diminuer la synthèse de certaines protéines cérébrales[9].

Épidémiologie

Sa prévalence est comprise entre un cas pour 3 000 et un cas pour 30 000[10]. La Turquie fait partie des pays ayant un taux élevé[11]. La maladie semble être, au contraire, exceptionnelle en Finlande[12] ou en Thaïlande[13].

Diagnostic

Test de Guthrie sur un nouveau né de 2 semaines permettant de détecter une phénylcétonurie.

Le problème est aisément détectable dans les jours qui suivent la naissance grâce au prélèvement d'un petit échantillon de sang : le test de Guthrie du nom de Robert Guthrie, le médecin qui mit ce test au point. Pour cela, le dépistage de la phénylcétonurie est pratiqué en routine dans la plupart des pays industrialisés (combiné en général avec l'examen de la fonction thyroïdienne et d'autres maladies métaboliques).

Autrefois le diagnostic se faisait par la constatation de certains symptômes et la présence dans l'urine de produits alternatifs du métabolisme. Aujourd'hui, la recherche de la présence d'une phénylcétonurie constitue l'exemple type d'un dépistage raisonnable, c'est-à-dire d'un examen de dépistage pour reconnaître de façon précoce une maladie. Le test de Guthrie est ainsi un examen simple, sans complication, bon marché et rapide, qui conduit à diagnostiquer de façon certaine et à temps une maladie grave mais pour laquelle il existe une stratégie de traitement appropriée et bien nette. Ce qui est essentiel, c'est que tous les nouveau-nés soient examinés dès les premiers jours de vie. Ce dépistage pour nouveau-nés est en usage en Autriche depuis 1966 et chaque année de 8 à 10 nouveaux cas sont diagnostiqués et peuvent recevoir le traitement correspondant. En Allemagne, le test de Guthrie a été depuis remplacé par la spectrométrie de masse en tandem qui permet d'élargir le dépistage des nouveau-nés aux autres désordres du métabolisme des acides aminés ainsi qu'à différentes autres maladies congénitales et curables.

Après avoir constaté le résultat par le dépistage, on procède encore à une définition par chromatographie sur colonne de la concentration de phénylalanine pour confirmation. Avant de commencer un régime, il faut d'abord un test de charge de tétrahydrobioptérine, un contrôle dans l'urine de la bioptérine et de la néopterine ainsi qu'une définition de l'activité de l'enzyme dihydroptéridinereductase (DHPR) dans les globules rouges (érythrocytes) pour exclure une phénylcétonurie atypique, puisque celle-ci réclame une autre thérapie.

Un diagnostic prénatal qui consiste en un examen du liquide amniotique (amniocentèse) permet dès la grossesse de constater chez des mères présentant une phénylcétonurie si l'enfant à naître est lui-même porteur de ce défaut du métabolisme. Puisque la maladie se transmet de façon récessive, un père sain peut être porteur de cette mutation génétique. En pareil cas il y aurait pour l'enfant, au cas où la mère serait atteinte, un risque de 50% de contracter la maladie d'après le phénotype, puisque l'enfant recevra automatiquement la tare de sa mère, et avec une probabilité de 50% celle du père hétérozygote.

Données

Taux de phénylalanine dans les urines et dans le sang
Phénylalanine (mg/100ml) Concentration normale Concentration chez un malade
Dans le plasma 1 à 10 15 à 63
Dans les urines 30 300 à 1000

La gravité de la phénylcétonurie augmente avec le taux de phénylalanine sanguine. Elle peut être également stratifiée suivant la dose de phénylalanine tolérée dans le régime alimentaire[14].

Traitement

L'enfant atteint peut vivre avec un développement cérébral normal, en suivant un régime pauvre en phénylalanine ; le but est d'obtenir une concentration de phénylalanine sanguine entre 2 et 5 mg/100 ml en-dessous de l'âge de 8 ans. Par après, le taux conseillé est de rester en-dessous de 14mg/100ml. Chez la femme enceinte ou voulant être enceinte, atteinte de la maladie déclarée, cela est différent, le taux ne doit absolument pas dépasser les 2mg/100ml ce avant la grossesse et durant la grossesse pour éviter toute anomalie pour le bébé. Le développement cérébral est d'autant plus normal que le régime est rigoureux avec un taux sanguin de phénylalanine bas[15]. La performance aux test neuropsychologiques dépend également de ce même paramètre[16].

Il s'agit d'un régime dans lequel on supprime toute viande, poisson, œuf, laitages, légumes féculents (haricots, petit pois), chips, frites, mayonnaise, pain, pâtes, céréales,etc., c'est-à-dire tout aliment pouvant contenir une protéine comportant la phénylalanine. Cependant, il faut ajouter à ce traitement des comprimés d'Acides aminés essentiels contenus dans ce type de nourriture, pour éviter un manque de ces acides. En bref, ne sont autorisés que fruits et légumes, bonbons gélifiés. Les produits interdits sont remplacés par des substituts peu ressemblants. Ce régime est donc particulièrement sévère et, souvent, difficile à suivre rigoureusement.

Suivant le résultat du test en charge de BH4, l'administration de ce dernier peut permettre un régime moins strict.

D'autres voies sont en cours de test : charge en acides aminés neutres permettant, théoriquement, de diminuer le passage de la phénylalanine dans le système nerveux central[17] ou augmentation de la dégradation de la phénylalanine par administration d'une enzyme, la phénylalanine ammonia lyase[18]. La thérapie génique est une piste importante et les tests chez des modèles animaux sont prometteurs[19].

Phénylcétonurie chez la mère

Quand des femmes souffrent de phénylcétonurie, il est essentiel pour la santé de leur enfant de maintenir des niveaux de phénylalanine bas avant et pendant la grossesse. Bien que le fœtus en développement puisse n'être qu'un vecteur du gène de phénylcétonurie, l'environnement intra-utérin peut comporter des niveaux de phénylalanine très élevés, capables de traverser le placenta. Le résultat est que l'enfant peut présenter une embryofœtopathie associant une maladie congénitale du cœur, un retard de croissance (hypotrophie), une microcéphalie, des malformations osseuses et oculaires, et un handicap intellectuel[20] à type d'arriération mentale. Les femmes atteintes de phénylcétonurie elles-mêmes ne sont pas menacées de complications supplémentaires pendant la grossesse.

Dans la plupart des pays, on conseille aux femmes atteintes de phénylcétonurie et qui veulent avoir des enfants d'abaisser leurs niveaux de phénylalanine dans le sang avant qu'elles deviennent enceintes et de contrôler soigneusement leurs niveaux de phénylalanine pendant toute la grossesse. On le fait par des analyses régulières de sang et par un régime à suivre plus strictement, en général sous le contrôle quotidien d'un diététicien spécialiste du métabolisme. Quand les niveaux de phénylalanine sont maintenus bas pendant la durée de la grossesse le risque d'anomalies congénitales n'est pas plus élevé que dans le cas d'un bébé d'une mère non atteinte de phénylcétonurie. Les bébés atteints de phénylcétonurie peuvent boire du lait maternel. Certaines recherches ont montré qu'une alimentation au sein exclusive pour les bébés atteints de phénylcétonurie peut compenser les effets de la déficience, même si pendant l'allaitement la mère doit maintenir un régime strict pour conserver des bas niveaux de phénylalanine. D'autres recherches sont nécessaires.

Notes et références

  1. Fölling A, Über Ausscheidung von Phenylbrenztraubensäure in den Harn als Stoffwechselanomalie in Verbindung mit Inbicillität, Ztschr Physiol Chem, 1934;227:169
  2. Bickel H, Gerrard JW, Hickmans EM, Influence of phenylalanine intake on phenylketonuria, Lancet, 1953;2:812-819
  3. Guthrie R, Susi A, A simple phenylalanine method for detecting phenylketonuria in large populations of newborn infants, Pediatrics, 1963;32:338-343
  4. Thöny B, Blau N, Mutations in the BH4-metabolizing genes GTP cyclohydroalse I, 6-pyruvoyl-tetrahydropterin synthase, sepiapterin reductase, carbinolamine-4a-dehydratase, and dihydropteridine reductase genes, Hum Mutat, 2006;27:870-878
  5. Blau N, Belanger-Quintana A, Demirkol M et Als. Management of phenylketonuria in Europe: survey results from 19 countries, Mol Genet Metab, 2010;99: 109-115
  6. Scriver CR, The PAH gene, phenylketonuria, and a paradigm shift, Hum Mutat, 2007;28:831-845
  7. Zschocke J, Phenylketonuria mutations in Europe, Hum Mutat, 2003;21:345-356
  8. Anderson PJ, Wood SJ, Francis DE et Als. Are neuropsychological impairments in children with early-treated phenylketonuria (PKU) related to white matter abnormalities or elevated phenylalanine levels?, Dev Neuropsychol, 2007;32:645-668
  9. Hoeksma M, Reijngoud DJ, Pruim J et Als. Phenylketonuria: high plasma phenylalanine decreases cerebral protein synthesis, Mol Genet Metab, 2009;96:177-182
  10. Loeber JG, Neonatal screening in Europe; the situation in 2004, J Inherit Metab Dis, 2007;30:430-438
  11. Ozalp I, Coskun T, Tokatli A et Als. Newborn PKU screening in Turkey: at present and organization for future, Turk J Pediatr, 2001;43:97-101
  12. Guldberg P, Henriksen KF, Sipila I, Guttler F, de la Chapelle A, Phenylketonuria in a low incidence population: molecular characterisation of mutations in Finland, J Med Genet, 1995;32:976-978
  13. Pangkanon S, Charoensiriwatana W, Janejai N, Boonwanich W, Chaisomchit S, Detection of phenylketonuria by the newborn screening program in Thailand, Southeast Asian J Trop Med Public Health, 2009;40:525-529
  14. Blau N, van Spronsen FJ, Levy HL, Phenylketonuria, Lancet, 2010;376:1417-1427
  15. Waisbren SE, Noel K, Fahrbach K et Als. Phenylalanine blood levels and clinical outcomes in phenylketonuria: a systematic literature review and meta-analysis, Mol Genet Metab, 2007;92:63-70
  16. Albrecht J, Garbade SF, Burgard P, Neuropsychological speed tests and blood phenylalanine levels in patients with phenylketonuria: a meta-analysis, Neurosci Biobehav Rev, 2009;33:414-421
  17. Matalon R, Michals-Matalon K, Bhatia G et Als. Double blind placebo control trial of large neutral amino acids in treatment of PKU: effect on blood phenylalanine, J Inherit Metab Dis, 2007;30:153-158
  18. Sarkissian CN, Gamez A, Wang L et Als. Preclinical evaluation of multiple species of PEGylated recombinant phenylalanine ammonia lyase for the treatment of phenylketonuria, Proc Natl Acad Sci USA, 2008;52:20894-20899
  19. Rebuffat A, Harding CO, Ding Z, Thony B, Comparison of AAV pseudotype 1, 2, and 8 vectors administered by intramuscular injection in the treatment of murine phenylketonuria, Hum Gene Ther, 2010;21:463-477
  20. Lenke RR, Levy HL, Maternal phenylketonuria and hyperphenylalaninemia: an international survey of the outcome of untreated and treated pregnancies, N Engl J Med, 1980;303:1202-1208


Liens externes


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