Louis François de Bourbon-Conti

Louis François de Bourbon-Conti
Louis François de Bourbon-Conti
Gravure de Louis François de Bourbon-Conti, Bibliothèque nationale de France
Gravure de Louis François de Bourbon-Conti, Bibliothèque nationale de France

Pays Royaume de France Royaume de France
Titre Prince de Conti
Grade militaire Maréchal de camp (1734)
Lieutenant général (1735)
Conflits Guerre de Succession d'Autriche
Faits d'armes Bataille de Coni
Distinctions Chevalier de l'ordre du Saint-Esprit
Autres fonctions Grand Prieur de France dans lordre de Saint-Jean de Jérusalem
Biographie
Naissance 13 août 1717
Paris
Décès 2 août 1776
Paris
Conjoint Louise Diane d'Orléans
Liaisons Madame Panneau d'Arty
Comtesse de Boufflers
Madame Dailly
Duchesse de Mazarin
Enfants Louis François Joseph de Bourbon-Conti

Blason Condé-Conti.svg

Louis François de Bourbon-Conti, comte de La Marche puis (1727) prince de Conti, est le 13 août 1717 à Paris dans lhôtel de Conti[1] et mort le 2 août 1776 à Paris.

Bien qu'étant prince du sang, le prince de Conti est l'un des personnages clefs de lopposition princière à Louis XV et un des collectionneurs dart les plus importants de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il joue un rôle central dans la vie de la cour de Versailles dans les années 1740 et 1750 et un rôle ambigu dans la vie de la ville de Paris dans les années 1760 et 1770.

Le prince de Ligne, dans ses Mémoires, donne un portrait mitigé de ce prince du sang, qu'il présente comme un prince fier et ambitieux, qui a reçu une culture et une éducation conformes à un membre de la famille royale, qui peut être « généreux, éloquent et majestueux », mais dont le caractère noble et ambitieux le conduit, en même temps, à travailler avec le Parlement pour « jouer un rôle » dans la plus pure tradition de la Fronde.

Finalement, sans avoir les capacités dêtre roi, il est « propre à tout et capable de rien ».

Sommaire

Biographie

Louis-François dans sa jeunesse
Louise-Diane d'Orléans
Hôtel de Conti, à Saint-Germain

Arrière-petit-fils de Louis XIV, cousin de Louis XV, petit-neveu du régent, Louis-François de Bourbon-Conti est le fils de Louis Armand de Bourbon, prince de Conti[2] et de Louise Élisabeth de Bourbon-Condé; le prince n'est baptisé qu'à l'âge de 4 ans le 23 avril 1721 dans la chapelle du palais des Tuileries à Paris. Il a pour parrain le roi Louis XV et pour marraine la princesse palatine, duchesse douairière d'Orléans, mère du régent.

Il est d'abord élève chez les Jésuites au collège Louis-le-Grand avant de continuer ses études sous la direction d'un précepteur, toujours issu de la Compagnie de Jésus.

Il épouse, le 22 janvier 1732, une de ses cousines, la plus jeune des filles du feu Régent, Louise Diane d'Orléans (1716-1736), qui donne naissance à un enfant en 1734, Louis-François-Joseph, comte de la Marche et le dernier des princes de Conti. La princesse meurt deux ans plus tard à l'âge de 20 ans. Le prince est veuf. Il n'a que 19 ans mais, père d'un garçon, ne contractera pas d'autre union bien que l'on ait prétendu qu'il était un parti possible pour Madame Adélaïde, fille de Louis XV.

En 1743, sa sœur Louise-Henriette de Bourbon-Conti épouse le duc de Chartres Louis-Philippe d'Orléans, neveu de Louise-Diane. Ils seront les parents de Philippe Egalité. La jeune femme se fera remarquer par ses débauches avant de connaître une fin prématurée.

L'année suivant son veuvage, il entame une relation avec la fille illégitime du financier Samuel Bernard, madame Panneau d'Arty, à qui il offre le château de Stors. La fille du financier confie ses biens au prince qui ne tarde pas à dilapider cette fortune. Leur relation prendra fin en 1760. La comtesse de Boufflers succédera à madame d'Arty dans la vie du prince.

D'une liaison avec Mme Dailly, née Marie-Claude Gauché, Le prince a par ailleurs deux fils naturels, reconnus par testament l'avant-veille de sa mort :

  • François Claude Fauste de Bourbon-Conti (1771-1833), dit le marquis de Rémoville, mort célibataire et sans postérité ;
  • Marie François Félix de Bourbon-Conti (1772-1840), dit le chevalier d'Hattonville[3].

D'une liaison avec la duchesse de Mazarin:

  • Amélie Gabrielle Stéphanie Louise de Bourbon-Conti (1756-1825) se prétendit toute sa vie sa fille, née des amours illégitimes du prince et de Louise-Jeanne de Durfort, duchesse de Mazarin. Elle reçut une pension de Louis XVI en 1788. Connue sous le nom de comtesse de Montcairzain (anagramme de Conti et Mazarin), elle obtint l'autorisation du tribunal révolutionnaire de visiter Madame Royale au Temple en 1795. Elle écrivit ses mémoires en 1798[4]. Elle épousa un procureur de Lons-le-Saunier, Antoine Billet.

Une brillante carrière militaire

Le jeune prince Louis-François mène une carrière brillante dans larmée du roi. Il est fait chevalier de l'ordre du Saint-Esprit le 1er janvier 1733. Sous les ordres du maréchal de Berwick, il participe à la guerre de Succession de Pologne en 1733.

Il revient à Paris à l'hiver, puis participe au siège de Philippsburg au printemps 1734 et est nommé maréchal de camp le 15 juin. Il rentre à Paris par permission spéciale du Roi pour assister à la naissance de son fils le 1er septembre. En 1735, il rejoint l'armée d'Allemagne et est promu lieutenant général.

Cruellement éprouvé par la disparition de sa femme en 1736, il se retire dans son château de L'Isle-Adam il passe deux ans, cherchant à tromper son chagrin en s'adonnant à sa passion de la chasse.

Au début de la guerre de Succession dAutriche, il sollicite un commandement mais, faute d'avoir obtenu satisfaction, il part sans autorisation rejoindre l'armée du maréchal de Maillebois. Le Roi, apprenant son insubordination, le fait mettre aux arrêts mais, grâce à l'intervention de sa mère, il est libéré et peut faire la campagne de Bohême comme simple volontaire sans grade. Le 27 mai 1743 à la bataille de Deckendorf, il a son cheval tué sous lui et perd ses équipages. Sa bravoure touche Louis XV, qui lui octroie en récompense une augmentation de 36 000 livres sur son gouvernement du Poitou et le reçoit au château de Fontainebleau le 9 novembre.

Le 1er février 1744, Conti reçoit le commandement d'une armée de 30 000 hommes qui va combattre avec les Espagnols contre Charles-Emmanuel III de Sardaigne. Il rejoint à Aix-en-Provence, le 14 mars, le gendre du roi l'infant d'Espagne, Don Philippe, commandant en chef des deux armées réunies. En avril, Conti occupe le château d'Apremont et Nice. Le 20, il attaque le col de Villefranche et, le 22, prend le fort du Mont Alban sur les hauteurs de Nice ainsi que le Château-Dauphin. Au siège de Demont, il rétorque au général espagnol de la Mina, qui déclare la place imprenable, le mot fameux : « Impossible n'est pas français ! »[réfnécessaire]. De fait, la forteresse est prise le 17 août.

Lors de la bataille de Coni, le 30 septembre, Conti charge à la tête de ses troupes, culbute une colonne ennemie sur une de ses batteries et retourne ses canons contre elle. Il a deux chevaux tués sous lui et la cuirasse percée en deux endroits. Après cette victoire héroïque, qui lui vaut la réputation dun héros, le roi fait chanter en son honneur un Te Deum à Notre-Dame. Mais Conti, en désaccord avec le général espagnol, lève le siège et rentre à Versailles le 9 décembre.

Le succès rend le prince plus ambitieux et plus fier encore. Il réclame au roi des charges militaires de plus en plus importantes, mais celui-ci ne les lui accorde pas toujours. Louis XV nose pas lui confier les plus hautes fonctions dans larmée, car par certains côtés, il craint son cousin. Grâce à sa popularité, le jeune prince, à qui tout semble réussir, est devenu un personnage influent parmi les militaires et la cour.

En 1745, Conti reçoit le commandement de l'armée du Bas-Rhin mais se voit intimer l'ordre de rester sur la défensive. Le 1er mai 1746, il est commandant en chef et prend Mons le 12 juillet et Charleroi le 1er août. En récompense, Louis XV lui concède six pièces de canon, qui orneront l'avant-cour de son château de L'Isle-Adam. Mais, à la suite d'un différend avec le maréchal de Saxe en Flandre en 1746, Conti démissionne avec éclat, vend ses équipages, rentre en France.

Le 15 août 1746, Conti se présente à Versailles devant le Roi. Les retrouvailles sont cordiales et Louis XV lui confère le brevet de généralissime. Mais, le maréchal de Saxe s'étant plaint de la conduite du prince, Louis XV a avec ce dernier une explication orageuse, à la suite de laquelle Conti, ulcéré, décide de se retirer à L'Isle-Adam. Cest donc par une brouille avec le roi que se termine sa brillante carrière militaire. Il a 29 ans.

Courtisan

La duchesse de Châteauroux
La marquise de Pompadour

Les relations du prince de Conti avec Louis XV restent toujours assez difficiles. Le Roi estime son cousin à la fois pour ses qualités en matière politique, militaire et juridique, mais il redoute ses ambitions. Malgré cela, Louis XV, entouré de conseillers qui ne sont pas toujours sans ambitions personnelles non plus, est fatigué, las des intrigues politiques qui se trament autour de lui et recherche en son cousin le confident qui lui manque.

Protégé par la duchesse de Châteauroux, favorite royale, le prince de Conti gagne de linfluence sur Louis XV. Cest ainsi qu'il peut élargir son influence à Versailles jusqu'à la mort de Mme de Châteauroux en 1744. En observant le changement de protection à la cour après la mort de la maîtresse royale, Choiseul remarque :

« [Conti] perdait une protectrice très efficace. Son éloignement lavait préservé de toutes les tracasseries qui avaient régné depuis huit mois ; il avait une espérance certaine que Mme de Châteauroux, son amie, reprendrait son empire sur le Roi, qui se portait bien. M. le prince de Conti avait de grandes vues de gloires et de commandement, et le manque dun appui tel que celui de la maîtresse lui faisait entrevoir quelques obstacles à son roman dambition ; car non seulement, il perdait beaucoup de temps en perdant la dernière maîtresse, mais il était incertain de son crédit vis-à-vis de la prochaine. »

Ce nest pas par hasard si Choiseul parle dun « roman dambition » du prince de Conti. Comme en témoigne le duc, bénéficier de la protection dune maîtresse royale pouvait être décisif à la cour de Versailles. Et Choiseul de se poser la question : Conti pourra-t-il compter sur lappui de la prochaine maîtresse royale ? Effectivement, la marquise de Pompadour, nouvelle maîtresse en titre, ne protégea pas le prince et neut de cesse, au contraire, de diminuer son influence sur le roi. Larrivée de Mme de Pompadour à la cour sonna donc le glas des ambitions politiques de Conti. Elle-même était trop ambitieuse pour accepter dans lentourage du roi un prince du sang investi de missions importantes au service des stratégies européennes de la France. Comme les autres conseillers du roi, la Pompadour craignit lemprise du prince sur le Roi. Elle le desservit donc systématiquement dans lesprit du Roi, une campagne dautant plus efficace quelle savait le Roi hésitant à accorder son entière confiance au prince.

Ministre et diplomate

Cependant, à partir de la fin de 1752, Louis XV prend les conseils de son cousin pour sa correspondance secrète avec les ambassadeurs. Il est associé pendant dix ans à la conduite de la diplomatie française. Ministre sans portefeuille, Conti est placé à la tête du secret du Roi, véritable service despionnage. Il consistait en un réseau dagent secrets qui procurait au roi des informations sur toutes les cours d' Europe. Ce réseau parallèle à la voie diplomatique officielle avait été installé par Louis XV pour deux raisons : il se méfiait de ses propres diplomates et projetait de faire élire le prince de Conti, roi de Pologne comme l'avait été brièvement le grand-père de ce dernier.

En effet, Louis XV se retrouvait dans une situation comparable à celle de son arrière-grand-père Louis XIV, qui cherchait à éloigner de la cour les princes du sang susceptiblescomme au temps de la Frondede se dresser à nouveau contre son pouvoir. À cette fin il avait fait élire le grand-père du prince de Conti, François Louis de Bourbon-Conti, roi de Pologne[5].

Louis XV fait de même : il cherche à satisfaire les ambitions de son cousin avec le trône polonais. En le plaçant à la tête de la monarchie polonaise, il peut tout à la fois conserver un allié important en Europe, bénéficier de son appui et léloigner de la cour. Cette stratégie nest pas partagée par tous les conseillers du roi, qui napprécient pas outre mesure les qualités politiques du prince. Le marquis dArgenson écrit au sujet des négociations entre le prince et les délégués polonais :

« Sitôt après son départ, jappris que M. le prince de Conti songeait sérieusement à la couronne de Pologne ; je navais encore rien vu de si surprenant et de si absurde. Il me vint prôner un soir à Versailles avec beaucoup de mystère un M. Blandowski, gentilhomme polonais. […] Il [Blankowski] trouvait au contraire dans M. le prince de Conti tant de présomption et si peu de fond, tant de paroles et si peu de suite, quil ne pouvait sembarquer sur ses promesses. »

Le cardinal de Bernis, comme beaucoup de gens à la cour, trouve les ambitions du prince « surprenantes et absurdes », une opinion apparemment partagée par les Polonais. En dépit de ses conseillers, Louis XV continue néanmoins de soutenir son cousin en vue du trône polonais pendant les années 1740 et 1750.

Pendant toute cette période, Conti est un véritable « powerbroker » à la cour de Versailles, comme lanalyse John Woodbridge dans son ouvrage sur le prince. La cour de Versailles et surtout les conseillers du roi voient en lui une menace pour leurs propres ambitions. Une opposition interne menée par la marquise de Pompadour contre Conti se crée très vite à la cour. Ainsi, le cardinal de Bernis écrit à propos du prince de Conti :

« Cest un prince qui a beaucoup desprit et de connaissances, mais, à moins que le roi admette dans son conseil un prince de son sang, il sera toujours plus sage de lécarter des grandes affaires. »

Le roi dailleurs est le premier à se souvenir de la Fronde princière du XVIIe siècle, il nignore pas que son cousin ferait nimporte quoi pour satisfaire ses ambitions personnelles. Comme il a déjà été souligné ci dessus, le roi est indécis et demeure partagé sur lattitude quil convient d'adopter envers son cousin. Le prince de Conti avait montré à plusieurs reprises quil nétait pas toujours le plus loyal des princes envers le roi. Quant à ses ambitions, elles ne le portaient pas à se contenter de ne jouer quun petit rôle dans le « théâtre de Versailles ».

Grand Prieur de lordre de Saint-Jean de Jérusalem

Sous linfluence de la marquise de Pompadour, le roi cherche une autre fonction pour le prince, autant pour léloigner de Versailles que pour lui procurer une charge non seulement prestigieuse, mais également lucrative (un aspect non négligeable pour Conti, qui sendettait en permanence). Louis XV intervient auprès du pape Benoît XIV et, le 16 avril 1749, Conti, puisqu'il n'est pas marié, est élu grand prieur de lordre de Saint-Jean de Jérusalem à Paris.

Bien que lordre, dans un premier temps, soit assez sceptique à l'arrivée de ce prince du sang, à la réputation dathée et de libertin, à la tête de leur commanderie, Conti, rapidement, sacquitte fort bien de ses devoirs de grand prieur et contribue à la prospérité de lordre. Il fait construire des nouveaux bâtiments, qui sont loués surtout à des nobles et à des débiteurs dans lenclos du Temple, échappant à la juridiction du roi. Comme grand prieur de lordre, Conti a lusufruit du palais du Temple et jouit des privilèges attachés à la charge, entre autres la franchise, le droit dasile et certaines libertés vis-à-vis de la justice royale. Certes, le prieuré de France nétait pas le trône de Pologne, mais le prince disposait dun véritable petit royaume au cœur de la ville de Paris.

À partir de 1756, Conti sinstalle définitivement dans le palais prieural pour y mener la vie dun prince frondeur, en lutte contre labsolutisme royal quil prétend ressentir comme despotique.

Le frondeur anti-absolutiste

En tant que grand prieur, Conti emploie lavocat janséniste Louis Adrien Le Paige comme bailli du Temple. À côté de ses écrits théologiques, Le Paige est connu pour ses attaques contre le despotisme royalnotamment dans ses « Lettres historiques sur les fonctions essentielles du Parlement, sur le droit des Pairs, et sur les lois fondamentales du royaume de 1753 »et contre les Jésuites dans les Nouvelles ecclésiastiques, qui paraissent à partir de 1727. Il collabore avec Conti pour rédiger des projets de loi et des remontrances, que le prince propose avec une « éloquence mâle et persuasive » devant le Parlement.

Louis XV

Le jansénisme, à lorigine un mouvement théologique au XVIIe siècle, a évolué en un mouvement politique au XVIIIe siècle. Le conflit entre le pape Clément XI et les jansénistesnotamment à propos de la bulle Unigenitus de 1713, rédigée à linitiative de Louis XIV qui envisageait dexcommunier les jansénistes de léglise catholique sils ne renonçaient pas à leurs théoriesest également lié à celui qui oppose ultramontains et gallicans. Il marque le XVIIIe siècle comme aucun autre conflit religieux. Nombreux sont les parlementaires qui, opposés à lintervention du pape dans la politique religieuse conduite en France, affichent leur indépendance en salliant à la cause janséniste. Le roi, quant à lui, reste fidèle au pape et interdit aux parlementaires de se prononcer à ce sujet. À plusieurs reprises, le parlement est exilé. Le désaccord est tel que le prince de Conti, membre de la chambre des pairs du Parlement de Paris de par sa naissance, sert dintermédiaire entre les deux partis jusquen 1756. Il a beaucoup dinfluence et sur le roi et sur le Parlement, et peut ainsi négocier des accords entre ces deux pouvoirs. Ce nest qu'après sa rupture avec le roi que Conti sengage sans ambiguïté du côté des parlements contre le roi. Influencé par les jansénistes, il est persuadé que le roi devait être seulement un primus inter pares, accordant au Parlement le droit de juger les nouvelles lois et aux princes du sang une partie du gouvernement dans le royaume. M. Dutens, diplomate franco-britannique à Paris, nous donne plus dinformation au sujet du prince opposé au roi :

« M. le prince de Conti ensuite se jeta entièrement dans lopposition aux mesures de la Cour, et acquit une telle influence dans le parlement de Paris, quaucune affaire importante ny passoit contre son avis. Connaissant très-bien la Constitution françoise, soutenu par une éloquence mâle et vigoureuse, appuyé de la dignité de son rang, il entraînoit tous les suffrages, et persuadoit les autres princes du sang de sunir à lui. »

Le grand éclat entre le prince et le roi survient en 1756, au début de la guerre de Sept Ans. Auparavant, de grosses difficultés entre le prince et le roi avaient déjà surgi à propos du Renversement des Alliances. La signature dun traité entre lancien allié de la France, la Prusse, et son ancien et futur ennemi, la Grande-Bretagne, donne naissance à une nouvelle réflexion sur le positionnement stratégique de la France en Europe, qui concrètement aboutit à une nouvelle alliance entre la France et lAutriche et, finalement, à une nouvelle guerre. La marquise de Pompadour se montre favorable au renversement des alliances ; quant à Conti, il est contre un changement de la politique extérieure du royaume. Il sétait exprimé sur ce point dans son « Système de politique générale », dans lequel il plaide pour la stabilité des puissances européennes telle que définie dans le cadre des traités de Westphalie de 1648. Suivant en cela la politique que menaient déjà Richelieu et Mazarin, il voulait maintenir lalliance avec les Turcs, les Polonais et la Prusse, contre les Autrichiens. Sous linfluencesurestimée dans lhistoriographiede Mme de Pompadour, le roi qui partageait auparavant lopinion du chef de sa diplomatie secrète, change de politique. Après les traités de Versailles en 1756, la nouvelle alliance avec lAutriche subit sa première épreuve avec la guerre de Sept Ansla France est battue par la Prusse et la Grande-Bretagne. Dès le début de la guerre, Conti, hostile à lalliance avec les Autrichiens contre la Prusse et la Grande-Bretagne, se brouille avec le roi. En 1756 toujours, quand Conti prend position pour le Parlement contre le nouveau vingtième, une énième taxe pour financer la guerre et quand, de surcroît, le roi ne lui accorde aucun commandement dans la conduite de cette guerre, la rupture entre le roi et lui est définitive. Le marquis dArgenson évoque ce moment dans ses Mémoires :

« Lon dit quau lit de justice M. le prince de Conti opina fortement quand M. le chancelier lui demanda son avis, et que le Roi, qui lentendit, le regarda avec des yeux de colère. Le voilà tout à fait brouillé avec le Roi, et voilà un chef tout prêt pour les mouvements de résistance ou de révolte qui pourrait sensuivre. »

Cest donc à partir de 1756 que Conti nest plus admis à la Cour et ne va plus à Versailles. Il se partage entre son château de L'Isle-Adam et le palais du Temple à Paris. Écarté du pouvoir à Versailles, Conti se lance entièrement dans son rôle de prince frondeur, confirmant ainsi les propos du marquis dArgenson qui craignait un « chef tout prêt pour les mouvements de résistance ».

Conti connaît son plus grand succès dopposant après le remplacement du Parlement de Paris par un nouveau parlement, plus favorable au roi, dans ce que les historiens ont appelé plus tard le « coup de Maupeou » en 1770. Cest une nouvelle occasion pour le prince de Conti de sengager ouvertement contre le roi. Il parvient à persuader les autres princes du sang dadresser une note de protestation au roi contre la dissolution du Parlement. En signe de remontrance, ces derniers quittent la cour, à lexception du comte de la Marche, le fils du prince de Conti, brouillé avec son père depuis longtemps. Les princes du sang retournent à Versailles en 1772, mais le prince de Conti ny met plus les pieds jusqu'à la mort de Louis XV, en 1774. Comme le rapporte le baron de Besenval dans ses Mémoires, le prince de Conti se voulait et sérigea défenseur des droits de la patrie contre le despotisme royal :

« M. le prince de Conti qui, dans sa jeunesse, avait étudié pour être roi de Pologne, et qui nétait parvenu, dans sa studieuse retraite, quà être tyran de lIsle-Adam, et par ses lectures quà une nomenclature de mots techniques, dont il surchargeait sa conversation, était, depuis longtemps, brouillé avec la cour, il nallait pas. Il neut garde de ne pas se faire partie de lopposition : il nen avait pas dautre à prendre pour être cité ; et le reste des femmes, quil tenait à sa pension, ainsi que celles, à qui il donnait du thé le dimanche, lappelèrent le défenseur de la patrie. »

Prince éclairé, collectionneur et mécène

Monument funéraire de Louis-François de Bourbon-Conti

Dès 1756, mais surtout après 1770, Conti entre en opposition ouverte avec la politique du roi. Conseillé par sa maîtresse, la Comtesse de Boufflers, il protège les philosophes et tient dans son palais du Temple un salon souvent critique à légard de la cour de Versailles. Il protège Jean-Jacques Rousseau qu'il loge dans son château de Trie. Il verse une pension viagère de 2 000 livres à Beaumarchais. Il est lui-même bon écrivain, bon orateur et habile musicien.

Dans le cadre de sa vie de prince opposant, il donne de grandes réceptions au Temple, emploie un des orchestres les plus réputés de Paris. Tous les lundis, il donne des soupers fameux, représentés par le peintre Michel Barthélemy Ollivier. Il donne également de magnifiques fêtes dans son château de L'Isle-Adam.

Il se met à collectionner toutes sortes d'objets dart et de curiosités et forme une des collections les plus importantes de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

En 1760, il achète à Vosne Romanée en Bourgogne une vigne qui portera son nom : La Romanée Conti produisant un vin mythique et l'un des plus chers au monde.

Ramené à Paris vers la fin de juin 1776, il se réconcilie avec son fils mais refuse de recevoir les secours de la religion et meurt dans l'impénitence deux ans après le roi. Son corps, inhumé provisoirement à L'Isle-Adam, est transféré en 1777 dans la chapelle funéraire construite sur ordre de Louis François Joseph de Bourbon-Conti à l'extrémité nord du transept de l'église de L'Isle-Adam.

Précédé par Louis François de Bourbon-Conti Suivi par
Louis Armand II
Blason Condé-Conti.svg
prince de Conti
Louis François Joseph

Au cinéma

En 1994, Michel Piccoli a endossé le rôle du Prince de Conti dans le film d'Edouard Molinaro Beaumarchais, l'insolent aux côtés de Fabrice Luchini dans le rôle-titre.

Bibliographie

  • « Louis-François de Bourbon Conti (1717-1776: le modèle du prince éclairé ? » in L'Absolutisme éclairé, Centre d'Histoire Judiciaire (CNRS), Actes des journées internationales tenues à Versailles du 1er au 4 juin 2000, Lille, 2002.
  • Les Trésors des princes de Bourbon Conti, catalogue de l'exposition du Musée d'Art et d'Histoire Louis-Senlecq à L'Isle-Adam (28 mai-1er octobre 2000), Paris, Somogy, 2000.
  • Les Collections du prince de Conti par Frédéric Fournis, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Paris IV-Sorbonne, 1993.
  • Les Résidences du prince de Conti par Frédéric Dassas, mémoire de maîtrise d'histoire de l'art, Paris IV-Sorbonne, 1995.
  • Revolt in Prerevolutionay France: the Prince de Conti's Conspiracy against Louis XV, 1755-1757, par John Woodbridge, Londres, 1995.
  • G Capon & R. Yve-Plessis, Vie privée du Prince de Conty, Louis-François de Bourbon (1717-1776) racontée d'après les Documents des Archives, les Notes de la Police des Mœurs et les Mémoires manuscrits ou imprimés de ses contemporains, Coll. Paris Galant au Dix-huitième siècle, Paris, Jean Schemit Libraire, 1907.

Notes

  1. qui se trouvait à lemplacement de lactuel hôtel des Monnaies
  2. À la différence de son père, bossu et déjeté, c'était un fort bel homme, grand et droit, et de nombreux contemporains n'ont pas douté qu'il ait été en réalité le fils de l'amant de sa mère, Philippe Charles de La Fare (1687-1752), futur maréchal de France.
  3. Marie François Félix de Bourbon Conti (1772-1840), dit le chevalier d'Hattonville : à Paris le 22 décembre 1772, il épousa le 20 avril 1828 Angélique Henriette Herminie de La Brousse de Verteillac (1797-1881). Il eut au moins un fils, dit le comte de Beaumont (1835-1915), qui a lui-même eu une descendance multiple. Maréchal de camp, capitaine des chasses du prince de Condé, le chevalier d'Hattonville suivit celui-ci en émigration. Il mourut à Paris le 6 juin 1840. Devenue veuve, sa femme se remaria avec Sosthène de La Rochefoucauld, duc de Doudeauville.
  4. Mémoires historiques de Stéphanie-Louise de Bourbon-Conti - Editions Pierre Horay, Paris 1986
  5. Mais ce dernier, sil avait été élu par les grandes familles polonaises, navait toutefois jamais pu accéder au trône, usurpé par le candidat de la Russie, Auguste le Fort.

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