- Dadaisme
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Dada
Pour les articles homonymes, voir Dada (homonymie).Dada, dit aussi dadaïsme, est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui, entre 1916 et 1925, se caractérisa par une remise en cause, à la manière de la table rase, de toutes les conventions et contraintes idéologiques, artistiques et politiques.
Malgré la Première Guerre mondiale, Dada connut une rapide propagation internationale.
Ce mouvement a mis en avant l'esprit d'enfance, le jeu avec les convenances et les conventions, le rejet de la raison et de la logique, l'extravagance, la dérision et l'humour. Ses artistes se voulaient irrespectueux, extravagants, affichant un mépris total envers les "vieilleries" du passé comme celles du présent qui perduraient. Ils recherchaient la plus grande liberté de créativité, pour laquelle ils utilisèrent tous les matériaux et formes disponibles. Ils recherchaient également cette liberté dans le langage, qu'ils aimaient lyrique et hétéroclite.
Sommaire
Historique
Création de Dada
Dada est né le 5 février 1916 à Zurich (Suisse) par la grâce des poètes Hugo Ball, Richard Huelsenbeck, Tristan Tzara et des peintres Jean Arp, Marcel Janco, Sophie Taeuber-Arp. Ils investissent une grande taverne,celle de la Spiegelstrasse, la transforment en café littéraire et artistique et la rebaptisent « Cabaret Voltaire ».
La version la plus courante quant à l'origine du mot est celle du hasard ludique : un dictionnaire ouvert au hasard et un coupe-papier qui tombe sur le mot « dada ». En réaction à l'absurdité et à la tragédie de la Première Guerre mondiale, ils baptisent le mouvement qu'ils viennent de créer en ce nom et aussi en opposition avec tous les mouvements se finissant en -isme. Dada n'est « ni un dogme, ni une école, mais plutôt une constellation d'individus et de facettes libres », précisait à l'époque Tristan Tzara. Hétéroclite et spontané, Dada s'est aussi imposé comme un mouvement sans véritable chef de file. Tous les dadaïstes étaient présidents.
Selon Giovanni Lista, il s'agirait plutôt d'une volonté délibérée d'ancrer le mouvement dans un retour aux valeurs de l'enfance :
- À la fin du XIXe siècle, lors de la polémique sur la représentation exacte du cheval dans l'art, le peintre Paul Gauguin avait déclaré : « Quant à moi, j'ai reculé dans mon enfance jusqu'à mon dada ».
- Hugo Ball, le fondateur du mouvement déclara, avant guerre, qu'il devait « sauver le petit cheval de bois ». Ce qui l'incitera à donner ce nom au mouvement. Il note dans son journal à la date du 18 avril 1916 : "Dada signifie « oui, oui » en roumain, « cheval à bascule » et « marotte » en français. Pour les Allemands, c'est un signe de naïveté un peu folle, de lien très étroit entre la joie de la procréation et la préoccupation pour la voiture d'enfant."[1]
Développement de Dada
Un peu avant la fin de la guerre, des mouvements Dadas sont créés dans les grandes villes allemandes Berlin, Hanovre et Cologne. Les différents « Manifestes » parviennent à Paris, malgré la censure et le "bourrage de crâne" contre tout "germanisme".
Succédant à des révoltes individuelles et solitaires contre la civilisation occidentale — Arthur Rimbaud a « assis la beauté sur ses genoux et l'a trouvée amère » —, cristallisée par l'épreuve du conflit de 1914-1918, la contestation culturelle de Dada se manifeste par la truculence provocatrice et la dérision, souvent au cours de manifestations publiques. Hannah Höch qui dessinait des patrons de couturier pour une revue, les utilisait en découpage sauvage pour en faire des collages politiques.[réf. nécessaire]
Pour la première fois, les femmes sont acceptées comme artistes à part entière, camarades de jeu et complices des manifestations, « traitées comme des collègues »[réf. nécessaire] et non plus seulement comme des amantes, des « amatrices douées » ou des « objets de sublimation dans l'art ».[réf. nécessaire]
La fin de Dada
En France, à partir de 1920, Dada s'essouffle, André Breton trouve que « Dada tourne en rond ». Louis Aragon, dans son Projet d'histoire littéraire contemporaine, fait mourir dada dès 1921-1922. Il dit aussi que les « Vingt-cinq poèmes » de Tristan Tzara « l'avaient saoûlé toute sa vie ». En novembre 1921, la revue belge Ça Ira !, dans un numéro dirigé par Clément Pansaers proclame que Dada est mort.
Selon l'historien Marc Dachy, le procès contre Maurice Barrès marque la décomposition véritable des dadaïstes. La "Mise en accusation et jugement de Maurice Barrès pour crime contre la sûreté de l'esprit" n'était pas sans déplaire à Tzara, Francis Picabia, Georges Ribemont-Dessaignes, Erik Satie, ou Clément Pansaers, qui s'opposaient à l'idée d'un tribunal, et plus particulièrement d'un tribunal révolutionnaire. Tzara n'intervient que comme témoin, laissant à Breton le soin de diriger le procès. Le procès tourne rapidement en plaisanterie, ce qui n'était pas le souhait de Breton.
- - Tzara s'exclame : « Je n'ai aucune confiance dans la justice, même si cette justice est faite par Dada. Vous conviendrez avec moi, monsieur le Président, que nous ne sommes tous qu'une bande de salauds et que par conséquent les petites différences, salauds plus grands ou salauds plus petits, n'ont aucune importance. »
- - Breton intervient : « Le témoin tient-il à passer pour un parfait imbécile ou cherche-t-il à se faire interner ? »
- - Tzara répond : « Oui, je tiens à me faire passer pour un parfait imbécile et je ne cherche pas à m'échapper de l'asile dans lequel je passe ma vie. »
Le fondateur du mouvement quitte violemment la salle, aussitôt suivi par Picabia et ses amis, au moment où Aragon commence son plaidoyer, plus contre le tribunal que contre Barrès, qui fut d'ailleurs condamné à vingt années de travaux forcés.
Au mois de juin suivant, le salon Dada organisé par Tzara à Paris est dédaigné par André Breton et Marcel Duchamp refuse tout envoi pour cette exposition, à l'exception d'un télégramme avec les deux mots : "Pode Balle".
La soirée Dada[2] du 6 juillet 1923 organisée par Tristan Tzara au théâtre Michel[3] marque la rupture définitive entre Dadaïstes et surréalistes (André Breton, Robert Desnos, Paul Éluard et Benjamin Péret). Face aux violentes interruptions des surréalistes : Breton d'un coup de sa canne casse le bras de Pierre de Massot, Tzara appelle à la police. La soirée prévue le lendemain est annulée.[4]
L'art Dada
Artistes Dadas
Article détaillé : Artistes Dada.Offre un recensement et une biographie résumée des artistes qui ont participé plus ou moins directement à Dada.
Œuvres Dadas emblématiques
Écrivains, peintres, plasticiens, cinéastes, photographes et même quelques musiciens, Dada a traversé toutes les expressions artistiques de son temps [5].
- Symétrie pathétique broderie d'après un dessin de Jean Arp.
- Fleur-marteau
- Roue de bicyclette (1915), première œuvre du ready-made, il s'agit d'une roue de bicyclette fixée sur un tabouret.
- Fontaine (1917), l'urinoir qui a ouvert la voie de la théorie du ready-made, concernant des objets du quotidien qui ne sont pas fondamentalement de l'art, mais le deviennent si on le décide.
- L.H.O.O.Q. (elle a chaud au cul) (1919, désacralisant la Joconde, avec moustache, barbiche...
- Tu m' (1920) voir.
- Rotative plaques verre (1920), art pré-psychédélique voir.
- Marcel Duchamp as Belle Haleine (1921), photographie en collaboration avec Man Ray voir.
- Disques avec spirales (1923), art pré-psychédélique voir.
- La Mariée mise à nu par ses célibataires, même d(1923) voir.
- Flacon de parfum Belle Haleine avec Rrose Sélavy (Éros c'est la vie) sur l'étiquette.
- La Chute d'eau
- Le Gaz d'éclairage
- Ariette. D'oubli de la chapelle étourdie (1920).
- Ready-made malheureux de Marcel (1919), traité de géométrie à suspendre à son balcon.
- La bicyclette graminée garnie de grelots, les grisons grivelés et les échinodermes courbants l'échine pour quêter des caresses (1920-1921).
- Remember Uncle August, the Unhappy Inventor (1919).
- L'Esprit de notre temps, (Der Geist unserer Zeit), tête mécanique (1919).
- Paire de mariés bourgeois (1927), huile sur toile représentant un mannequin en bois habillé de voile blanc aux côtés d'un marié en frac.
- Da-Dandy, collage.
- Almanach Dada, traduit de l'allemand par Sabine Wolf, notes de Sabine Wolf et Michel Giroud, édition bilingue, Paris, Champ Libre, 1980.
- Bar Nicanor, et autres textes Dada, établis et présentés par Marc Dachy, illustrations, Paris, éditions Gérard Lebovici, 1986.
- Jeune fille (1920), une encre sur papier.
- Volucelle II (1922).
- Dresseur de chien (1923) qui annonce le Dresseur d'animaux (1937).
- Lettres à Christine (1945-1951), suivi de Ennazus, édition établie par Jean Sireuil, présentation de Marc Dachy, Paris, éditions Gérard Lebovici, 1988.
- Lautgedicht (1924).
- Dada, Manifestes, poèmes, nouvelles, articles, projets, théâtre, cinéma, chroniques (1915-1929), nouvelle édition revue et présentée par Jean-Pierre Begot, Paris, éditions Champ Libre, 1978.
- Merz Picture 46 A (The Skittle Picture) (1921), un cadre et des petits objets fixés.
- Gardes (1918), une sculpture articulée évoquant l'univers des marionnettes.
- Triptyque abstrait (1918), une huile sur toile avec application de feuilles d'or.
- Masque de Janco (1918), masque.
- Tête dada (1918).
- Composition abstraite (1919), un collage
- Un peu d'eau dans du savon (1917), collage loufoque avec un dessin de femme nue dont le sexe est caché sous un vrai savon.
- Tzara, Janco et Huelsenbeck
- L'amiral cherche une maison à louer (1916), poème simultané en français, anglais et allemand caractéristique et très fidèle à la philosophie Dada.
Principaux foyers Dadas
- Zurich (1915-1919), avec notamment Tristan Tzara, Jean Arp, les poètes allemands Hugo Ball et Richard Huelsenbeck, le peintre roumain Marcel Janco, le peintre et cinéaste allemand Hans Richter, Sophie Taeuber-Arp ;
- New York (1915-1921), avec Marcel Duchamp, Francis Picabia, Man Ray ;
- Berlin (1917-1923), avec Richard Huelsenbeck, George Grosz, Raoul Hausmann(l'un des créateurs du photomontage, suivi par John Heartfield), Johannes Baader, Hannah Höch ;
- Cologne (1919-1921), avec Jean Arp, Max Ernst (aux collages inventifs), Johannes Theodor Baargeld ;
- Hanovre avec Kurt Schwitters et son mouvement Merz;
- Paris, de 1920 à 1923. La première manifestation Dada a lieu en janvier 1920, quelques jours après l'arrivée de Tristan Tzara. Dada connaît son apogée en tant que mouvement, avec Tristan Tzara, Francis Picabia, Man Ray, André Breton, Paul Éluard, Louis Aragon, Philippe Soupault et sa fin avec la naissance du surréaliste.
La culture Dada
Dada et l'humour
Après la Première Guerre mondiale, les jeunes ont besoin d'exprimer leur jubilation d'être en vie, la fin de la guerre et la paix retrouvée. La vie a vaincu la mort, la paix a vaincu la guerre, l'enfance et l'insouciance sont de retour et vont pouvoir s'exprimer. En 1963, Tristan Tzara a dit : « Dada n'était pas seulement l'absurde, pas seulement une blague, dada était l'expression d'une très forte douleur des adolescents, née pendant la guerre de 1914. Ce que nous voulions c'était faire table rase des valeurs en cours, mais, au profit, justement des valeurs humaines les plus hautes. »
Dada et l'érotisme
En 1920, Tristan Tzara nomme des « présidentes dada », les plus anticonformistes possibles et à l'originalité débridée. Les « jeunes filles dada », les « Dada's girls » dansent en solo avec ou sans masque, comme Sophie Taeuber. Elles font tourner les têtes et suscitent l'enthousiasme, mais aussi les huées. Emmy Hennings, compagne de Hugo Ball, fonda avec lui, le cabaret Voltaire à Zurich, dont elle devint l'âme en animant ses soirées, par la danse, le chant et la poésie.
L'américaine Clara Tice, peintre caricaturiste et poète, horrifie la prude société américaine avec ses dessins de femmes nues accompagnées d'animaux, illustrant de manière érotique les Fables de La Fontaine. Ses œuvres seront confisquées par la police. Une autre américaine, Beatrice Wood réalise aussi des œuvres à forte connotation érotique.
Valeska Gert créée ses « danses » lors de certaines soirées berlinoises. Bien loin du classique Lac des cygnes, elles ouvrent la voie à la libération du corps des femmes et au nudisme. Renée Dunan, élevée au couvent, mais grande admiratrice du marquis de Sade, se libère, se proclame « dadaïste de la première heure », et défraie la chronique, sous divers pseudonymes, dont « Marcelle La Pompe » et « M. de Steinthal », en hommage à Stendhal et à l'écrivain aventurier Casanova de Seingalt.
Bibliographie
- Publications par les Dadas
- Sept Manifestes Dada de Tristan Tzara - 1924 Cet ouvrage est publié alors que Dada est officiellement mort. La publication est une sorte de concurrence avec le surréalisme naissant (Manifeste du surréalisme, André Breton, 1924).
- Fac-similés
- Tristan Tzara :
- « La Première Aventure céleste de Mr Antipyrine », illustré par Marcel Janco, reprint 2005 de l'édition originale de 1916
- « Cinéma calendrier du cœur abstrait. Dessins de Jean Arp », reprint 2005 de l'édition originale de 1920
- « Sept manifestes Dada et quelques dessins de Francis Picabia », reprint 2005 de l'édition originale de 1924
- Richard Huelsenbeck : Almanach Dada, édition bilingue, traduit de l'allemand par Sabine Wolf, éd. Champ Libre, 1980 (ISBN 2-85184-117-3) / Les Presses du réel, coll. « L'écart absolu », Dijon, 2006 (ISBN 9782840661443). Édition originelle de 1916, c’est le premier livre dada.
- Kurt Schwitters, Merz, écrits choisis et présentés par Marc Dachy suivi de Schwitters par ses amis. Ursonate, fac-similé de la typographie originale. Enregistrement de son interprétation par son auteur (CD). Textes allemands traduits par Marc Dachy et Corinne Graber. Textes anglais traduits par Marc Dachy, Paris, éditions Gérard Lebovici, 1990 (ISBN 2-85184-225-0)
- Publications critiques
- François Buot, Tristan Tzara, Paris, Grasset.
- Marc Dachy, Journal du mouvement Dada 1915-1923, Genève, Albert Skira, 1989 (Grand Prix du Livre d'Art, 1990)
- Marc Dachy. Tristan Tzara Dompteur des Acrobates, Dada Zurich. Textes de Richard Huelsenbeck & Emil Szittya. Lettres de Guillaume Apollinaire & Hugo Ball, Paris, L'Echoppe, 1992.
- Marc Dachy, Dada & les dadaïsmes, Paris, Gallimard, "Folio Essais", n° 257, 1994.
- Marc Dachy, Dada au Japon, Paris, PUF, "Perspectives critiques", 2002.
- Marc Dachy, Dada, la révolte de l'art, Paris, Gallimard / Centre Pompidou, "Découvertes" n° 476 , 2005.
- Marc Dachy, Archives Dada / Chronique, Paris, Hazan, 2005.
- Gérard Durozoi, Dada et les arts rebelles, Paris, Hazan, "Guide des Arts", 2005
- Laurent Le Bon (sous la direction de), Dada, catalogue d'exposition, Centre Pompidou, 2005.
- Maurice Lemaître, Le Lettrisme devant dada et les nécrophages de dada, Centre de Créativité, Paris 1967.
- Maurice Lemaître, Le Théâtre dadaïste et surréaliste, Centre de Créativité, Paris 1967. Fondation Bismuth-Lemaître, 13, rue de Mulhouse, 75002 Paris.
- Serge Lemoine, Dada, Paris, Hazan, coll. L'Essentiel.
- Giovanni Lista, Dada libertin & libertaire, Paris, L'insolite, 2005.
- Christian Niquaise, Tristan Tzara : les livres, Rouen, L'Instant perpétuel, Rouen, 2005.
- Michel Sanouillet, Dada à Paris, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1965, Flammarion, 1993, CNRS, 2005
- Aurélie Verdier, L'ABCdaire de Dada, Paris, Flammarion, 2005.
Chanson
Bernard Lavilliers a composé une chanson nommée "Chanson Dada" présente sur l'album-concert Escale au Grand Rex dont le texte peut être qualifié de dada. Il s'y affirme lui-même comme "dadaïste"
Autre article
Notes et références
- ↑ Laurent Le Bon, op. cité, p. 220
- ↑ Dite du "Cœur à barbe" pour la postérité.
- ↑ L'affiche de la manifestation est conçue par Illia Zdanevitch. Au programme : projection du film de Charles Scheeler « Fumées de New York », représentation du « Cœur à barbe » de Tzara dont les costumes sont de Sonia Delaunay.
- ↑ Marguerite Bonnet « André Breton, œuvres complètes, tome 1 », Gallimard, La Pléiade, Paris, 1988, page XLVI, Le Bon, op. cité, p. 269 & Michel Sanouillet « Dada à Paris », éd CNRS 1965-2005, p. 333
- ↑ L'exposition 2005 du Centre Georges-Pompidou a présenté plus de deux mille pièces
Liens externes
- Art DaDa
- Digital Dada Library
- L'exposition Dada en janvier 2006 au Centre Georges-Pompidou rassemblait plus de 1000 œuvres de 50 artistes en provenance de collections publiques et privées.
- The Essential DADA - An Online Compendium
- Dada et la politique [1]: la revue Dissidences a consacré sur son site un dossier complet sur Dada et la politique avec des articles de Iveta Slavkova-Montexier, Florent Schoumacher et Frédéric Thomas.
- Dossier : Dada, exposition au Centre Pompidou, 2006
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