- Les langues, la littérature et le Jaïnisme
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Apport du jaïnisme aux langues et à la littérature indiennes
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Il est certain que, depuis la période védique, deux courants différents de pensée et de manière de vivre prévalent en Inde. Ce sont la culture brahmanique et la culture shramanique.
La culture shramanique est représentée principalement par les jaïns et les bouddhistes, mais ce sont les jaïns qui ont été les premiers à la propager.
Les caractéristiques de la littérature shramanique sont qu'elle désapprouve le système des castes et des ashrams (quatre « états de vie » de la formation du brahmane), que ses héros ne sont jamais des dieux ou des Rishi (prophètes, sages, devins des temps védiques), mais des rois ou des marchands ou même des Shûdra (membres de la 4e caste, la plus basse, celle des serviteurs). Dans cette littérature, les sujets de poésie ne sont pas des mythes ou des légendes brahmaniques, mais des contes populaires, des histoires féeriques, des fables et des paraboles. Elle aime à insister sur la misère et sur la souffrance du samsâra. Elle enseigne une morale de la compassion et de la non-violence, tout à fait différente de la morale brahmanique, avec ses idéaux de grands sacrificateurs, de généraux défenseurs des prêtres, et d'adhésion stricte au système des castes.
Les auteurs de la littérature shramanique ont énormément apporté à la littérature religieuse, morale, poétique et scientifique de l'Inde ancienne. Une étude approfondie de la vaste littérature religieuse jaïna a été faite dans l' « Histoire de la Littérature Indienne », par M. Winternitz. Dans son exposé magistral, celui-ci affirme que les jaïns ont été les premiers à cultiver différents genres de littérature narrative, comme les purana, les charitra, les kathâ, les prabandha (légendes, biographies, contes et romans), etc.
À côté d'un ensemble très vaste de narrations poétiques, la littérature non canonique jaïna est constituée d'un très grand nombre de commentaires et de traités sur le dogme, la morale et la discipline monastique.
Les jaïns ont également écrit des légendes de saints et des œuvres portant sur l'histoire de leur religion. Aimant beaucoup les contes historiques, ils en ont perfectionné eux-mêmes, et ils nous en ont conservé de nombreux autres qui, sans eux, auraient été perdus.
Les jaïns ont aussi écrit des compositions poétiques (kâvya et mahâkâvya) de grande valeur. La poésie didactique sont également bien représentés dans leurs œuvres. Exemple de poème, très ancien, « L'été », où les références « paysannes » prouvent la volonté du poète jaïna de se distinguer par rapport à la poésie brahmanique, plus « élitiste » :
Le buffle tourmenté par la chaleur lèche le serpent qu'il prend pour un rivelet de montagne; le reptile boit la bave du buffle qu'il prend pour un torrent de pierres noires.
Le laboureur se réjouit du champ de riz sali de fange, regorgeant d'eau et où l'on s'enfonce jusqu'aux genoux, comme [il se réjouit] de son fils [sale, tétant le lait et chevauchant sur son genou].
La lune nouvelle au ciel, environnée de la rougeur du crépuscule: telle la marque de l'ongle sur le sein de la jeune épouse, dissimulée sous la rouge mousseline.
Ô été, qui en séchant les fossés et garnissant de feuilles les bosquets, facilite les rendez-vous, ô pierre de touche pour l'or du plaisir amoureux, puisses-tu ne pas disparaître!
Outre cela, on peut noter l'apport très estimable des jaïns à la littérature scientifique et technique indienne sur divers sujets, tels que la logique, la philosophie, la poétique, la grammaire, la lexicographie, l'astronomie, l'astrologie, la géographie, les mathématiques et la médecine.
Les jaïns ont aussi porté une attention spéciale à la politique (arthashâtra), qui est considérée comme une « science du monde » par excellence. Bref, il est difficile de trouver une science qui n'ait pas été convenablement traitée par eux.
L'apport des jaïns est, également, très important en matière d'histoire des langues indiennes, car ils ont toujours veillé à ce que leurs écrits soient accessibles à la masse des gens. C'est la raison pour laquelle leurs textes canoniques et leurs commentaires sont en prâkrit et, à une période plus tardive, en sanskrit, ou en diverses langues indiennes modernes.
H.H. Wilson, indianiste renommé, n'exagère pas lorsqu'il dit que « chaque province de l'Hindoustan possède des textes littéraires jaïna en sanscrit ou dans ses idiomes vernaculaires »[1]. Il est certain que les jaïns ont mis en valeur les différentes langues régionales, spécialement le hindî, le gujarâtî, le kannara, le tamoul et le télugu.
Pour ce qui concerne l'apport jaïna à la littérature kannada, son grand maître, R. Narasimhâchârya, a donné un avis éclairé en ces termes: « les premiers à avoir cultivé la langue kannara ont été les Jaïns. Les œuvres les plus anciennes, de quelque étendue et de quelque valeur qui nous sont parvenues dans cette langue, sont toutes écrites par eux. La période de leur prédominance sur le plan littéraire, dans cette langue, peut être appelée, à juste titre: « L'âge d'Auguste de la littérature kannada ». Les auteurs jaïna, en kannada, sont beaucoup plus nombreux que ceux en tamoul. Pour en citer seulement quelques uns, nous avons: Pampa, Ponna, Ranna, Gunavarman, Nâgachandra, Nayasena, Nâgavarman, Aggala, Nemichandra, Janna, Andayya, Bandhuvarmâ et Medhura. Leurs œuvres sont admirées comme étant d'excellents spécimens de composition poétique.
C'est en kannada que nous possédons un Râmâyâna et un Bhârata, basée sur la tradition jaïna, en plus de ceux de traditions brahmanique. Outre les kâvya, écrits par des auteurs jaïna, nous avons de nombreuses œuvres d'eux, traitant de sujet comme: la grammaire, la rhétorique, la prosodie, les mathématiques, l'astrologie, la médecine, la science vétérinaire, la cuisine, etc. En tout, le nombres d'auteurs jaïna en kannada est proche de deux cents ».
Comme les jaïns ont écrit leur vaste littérature, depuis une époque très ancienne, dans ces langues diverses, ils ont incontestablement joué un rôle considérable dans leur développement.
Les livres sacrés et les prédications des Brahmanes sont toujours en langue sanscrite, ceux des bouddhistes sont en langue palie. Seuls, les jaïns ont employé les langues qui prévalaient dans les différents endroits du pays, pour la propagande religieuse et pour la conservation de leurs connaissances, que ce soit le sanskrit, le prâkrit ou l'apabhramshha. Leur place est donc importante, dans l'histoire de la littérature et de la civilisation de l'Inde.
Références/Sources/Bibliographie
- Dayanand Bhargave, Jaïna Ethics.
- Colette Caillat, Les Expiations dans le rituel ancien des religieux jaïna,De Boccard (1965)
- C. et Kumar Caillat, La Cosmologie jaïna, Chêne/Hachette (1981) 2 85108 290 6
- Bool Chand, Mahâvîra, le Grand Héros des Jaïns, Maisonneuve et Larose (1998) ISBN 2 7068 1326 1
- A. Chakravarti, The Religion of Ahimsâ.
- A. Guérinot, La Religion Djaïna, Paul Geuthner, (1926), ASIN : B0000DY141.
- P. Letty-Mourroux, Une nouvelle approche du Jaïnisme.
- P. Letty-Mourroux, Cosmologie Numérique Teerthankara.
- J.P. Reymond, L'Inde des Jaïns.
- N. Tiffen, Le Jaïnisme en Inde, Weber, Genève, (1990), ISBN : 7047440631.
- Vilas Adinath Sangave, Le Jaïnisme, Maisnie, Tredaniel, (1999), ISBN : 2844450784.
- N. Shanta, La Voie jaina, Œil, (1990), ISBN : 2868390269.
Références
- ↑ dans le Jaïnisme de V.A.Sangave
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