- Jeûne
-
Pour les articles homonymes, voir Jeûne (homonymie).
Le jeûne consiste en la privation partielle ou totale, forcée ou non, de toute alimentation pendant un certain temps. Les principales motivations qui poussent à suivre un jeûne sont des raisons de santé (prescription médicale ou souci d'hygiène personnelle), des recommandations ou des obligations religieuses ou spirituelles, ou la volonté d'appuyer une opinion ou une revendication. La notion de jeûne exclut l'abstention sous contrainte (torture, sanction) ou la sous-alimentation due à des raisons politiques, militaires ou socioéconomiques. Le jeûne peut être individuel ou collectif. Du point de vue médical, on considère que la période de jeûne commence 16 heures après le dernier repas.
Sommaire
Physiopathologie
Évolution
En cas de carence d'apports se met en place l'état de jeûne, qui évolue selon plusieurs étapes. Les sources d'énergie dans le jeûne sont, pour le métabolisme glucidique, l'utilisation du glycogène hépatique ainsi que la synthèse de glucose et, pour le métabolisme lipidique, l'utilisation des acides gras et la cétogenèse.
- Jeûne immédiat : adaptation à la prise discontinue de nourriture depuis moins de douze heures. La sécrétion d'insuline diminue, tandis que celle de glucagon augmente. Ce jeu hormonal entraîne une stimulation de la lipolyse et de l'oxydation des acides gras, puis une cétogenèse. Afin de maintenir la glycémie, la glycogénolyse est stimulée, de manière exclusive.
- Jeûne court : adaptation à l'absence de prise alimentaire sur une durée de douze heures à trois ou quatre jours. La sécrétion d'insuline diminue encore. L'épuisement des réserves de glycogène entraîne une baisse de la glycémie. La seule source de glucose de l'organisme devient la néoglucogenèse, qui fabrique du glucose à partir des acides aminés des protéines musculaires en produisant de l'urée comme déchet. L'excrétion de l'urée augmente donc. La cétogenèse se poursuit.
- Jeûne prolongé : après cinq jours environ jusqu'à plusieurs semaines. Les corps cétoniques plasmatiques augmentent, tandis que l'excrétion d'urée se stabilise à 50 mg/kg/j. Cette stabilisation est en rapport avec une stabilisation de la protéolyse à visée d'épargne protéique. De nouvelles modifications hormonales se produisent, avec une diminution de la production des hormones thyroïdiennes. Cette phase de jeûne prolongé aboutit à l'état de marasme.
- Phase terminale Lorsque les réserves lipidiques sont épuisées, les taux plasmatiques d'acides gras et de corps cétoniques s'abaissent, tandis que la glycémie remonte. En effet, on observe alors un surcroît de mobilisation des protéines des muscles squelettiques pour la néoglucogenèse. Cette dernière entraîne un accroissement de l'excrétion d'urée et d'azote et se solde par une forte morbi-mortalité.
- Durée maximale À terme, un jeûne provoque la mort du patient s'il dure au-delà de certaines limites. Elle varie selon les individus, et peut atteindre plus de 85 jours[1]
Une expérience de jeûne alterné (un petit repas toutes les 12H ou toutes les 36H, sur 8 hommes et 8 femmes non obèses, pendant 22 jours) a montré[2] :
- Une perte de poids de 4,1% et de masse graisseuse de 2,5%.
- La faim augmente le premier jour et reste forte.
- Le métabolisme de base RMR et le quotient respiratoire (QR = CO2 produit / O2 consommé) sont restés stables 21 jours et le QR a diminué le 22e jour avec augmentation de l'oxydation du glucose de ≥15 G.
- Le taux d'insuline a diminué de 57%.
- Le taux de ghréline n'a pas changé de manière significative.
- Conclusions : la faim persistante indiquerait « l'improbabilité de continuer ce régime pendant des périodes prolongées ». "Ajouter un petit repas un jour de jeûne peut rendre cette approche à la restriction diététique plus acceptable"[2].
Modèles animaux
Pendant le jeûne des rats, l’intestin grêle évolue en 4 phases[3] :
- En quelques heures, phase 1, la perte de masse est due aux selles et à l’utilisation des réserves glucidiques.
- Le début de jeûne ou le jeûne court, phase 2, atrophie l'épithélium et mobilise 75% des réserves lipidiques, ce qui épargnerait les protéines. Les cellules prolifèrent et migrent moins. La perte de masse est constante.
- Ensuite commence le jeûne prolongé, phase 3, les protéines fournissent une grande part de l'énergie et la synthèse protéique est réduite. Les cellules prolifèrent et migrent plus, et l’apoptose s'arrête (par baisse des cytokines et du facteur de transcription Cdx2). Le catabolisme protéique augmente. Les transporteurs actifs PepT1 et SGLT1 préparent la réalimentation. La perte de masse augmente brusquement.
- Après réalimentation, phase 4, l’épithélium se restaure en 3 jours que le jeûne soit court ou long. La réalimentation stimule les transporteurs GLUT5, GLUT2 et FATP4.
- L'épuisement critique des réserves énergétiques provoquerait l'optimisation de l’absorption des nutriments.
Jeûne et sensation de faim
Herbert M. Shelton a supervisé durant une période de plus de 50 ans des patients jeûnant à l’eau uniquement jusqu’à 90 jours ; selon lui, après une période approximative de trois jours de jeûne, la sensation de faim devient habituellement très peu fréquente ou disparaît complètement. Shelton déclara la faim ressentie durant les trois premiers jours de jeûne est due à une « irritation gastrique » et n'est pas une « véritable faim ». Une deuxième faim apparaît une fois que le corps a brûlé toutes ses ressources (en général au bout de 3 semaines), c’est à ce moment que le jeûne doit être stoppé, pour éviter tout dégât irréversible et permanent à l’organisme[réf. nécessaire].
Histoire
Le jeûne pour raisons médicales ou spirituelles est connu depuis l'Antiquité. Il en est fait mention dans le Mahâbhârata et les Upaniṣad. Il s'est particulièrement développé au Moyen-Orient et Asie du Sud-Est, avec l'islam, et en Occident avec la diffusion du christianisme.
Jeûne religieux
Tradition juive
La religion juive recommande les jeûnes (Taanit) suivants : Yom Kippour, Tisha Beav (les seuls jeûnes mentionnés dans la Torah), le 17 Tammouz, le jeûne de Guedaliah, le 10 Tevet, le jeûne des premiers-nés, le jeûne d'Esther, la plupart étant des jeûnes de deuil.
Christianisme
Église catholique et Église orthodoxe
Le jeûne est une pratique courante dans l'Église catholique et orthodoxe où il est considéré comme une pratique de pénitence qui permet de prendre conscience de ses manquements et de se rapprocher de Dieu (voir Matt IV 2 Lc I 1-3). Il consiste en une privation volontaire de nourriture : lors d'un jour jeûné le fidèle ne fait qu'un seul repas de la journée (traditionnellement à midi), qu'il peut compléter par de légères collations le matin et le soir comme du pain et de l'eau ou encore une soupe. Le jeûne est souvent associé à l'abstinence de viande, une autre pratique pénitentielle ; cependant ce sont deux pratiques différentes : certains jours sont consacrés au jeûne, d'autres à l'abstinence, et certains aux deux. Dans l'Église orthodoxe, comme dans l'Église catholique romaine, le jeûne est demandé aux personnes souhaitant recevoir la communion, cette pratique est appelée le jeûne eucharistique. Pour les catholiques, avant la réforme liturgique du concile Vatican II, le jeûne commençait la veille à partir de minuit jusqu'à la communion. Aujourd'hui, l'Église Catholique demande un jeûne d'une heure minimum avant de recevoir la communion. (Canon 919 du Nouveau Code de Droit canonique, 1983).
De même, pendant la période de Carême (les 40 jours qui précèdent Pâques) et de l'Avent (4 semaines précédant Noël dans l'Église catholique romaine et les 40 jours qui précèdent l'Avent dans l'Église Orthodoxe), à la suite du Christ le jeûne est fortement recommandé, même si les obligations sont moins formelles qu'autrefois. Aujourd'hui le jeûne est obligatoire le Mercredi des Cendres et le Vendredi Saint et l'abstinence tous les vendredis de l'année en mémoire de la Passion du Christ[4]. Cependant il est pratiqué tous les jours du Carême chez les moines et les moniales. Dans les Églises orientales, le jeûne quadragésimal est beaucoup plus sévère : les fidèles se privent de toute nourriture d'origine animale (viande, lait, œufs, fromage) et les restrictions alimentaires sont plus importantes. Sous le règne de Charlemagne (VIIIe – IXe siècles) le premier capitulaire saxon édicté vers 785 prévoit la peine de mort pour les Saxons ne respectant pas le précepte. Hors ces cas extrêmes, qu'il convient de replacer dans leur contexte, la violation du jeûne pouvait valoir de sévères pénitences.
Le vendredi est le jour consacré à l'abstinence et par extension au jeûne dans la semaine. Quelque peu tombée en désuétude, l'abstinence du vendredi a quasiment disparue[5]. ; néanmoins elle reste une obligation théorique, de même que le jeûne du Mercredi des Cendres et du Vendredi Saint. Chez les premiers chrétiens c'était un jour de jeûne total : les jeûnes du mercredi et du vendredi étaient obligatoires autrefois par une loi de l'église et appelés « Jeûnes de station » ou « jeûne de none, » [6] il y avait aussi le « demi-jeûne », le « Jeûne de Carême » (ou de la quadragésime) et le « Jeûne de superposition ».
Églises protestantes
Dans le protestantisme, le jeûne ne revêt pas la forme d'un rituel, mais d'une pratique individuelle. Le pasteur Christophe Deville, dans son ouvrage, définit le jeûne comme une signification à Dieu : «Seigneur, cette situation qui m’amène à genoux devant toi est plus importante que mes besoins normaux et quotidiens de nourriture». Dans le jeûne, le croyant unit sa pensée à celle de Dieu ; du Dieu Tout-Puissant, Eternel et Omniscient pour mettre de côté, pour un temps, sa routine. Il prie et intercède pour des besoins d’importance vitale.
Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours
Les saints des derniers jours jeûnent chaque premier dimanche du mois, (dimanche de témoignages à la réunion de Sainte-Cène), du samedi soir au dimanche soir (ou du samedi midi au dimanche midi, au choix), en se passant de nourriture et de boisson et offre le don de jeûne à l'Église, pour le bien-être des plus démunis, la valeur des repas non consommés, ou davantage si le donateur le souhaite. En avril et en octobre, pour cause de conférence générale de l'Église, le jour de jeûne est reporté au deuxième dimanche du mois. Pour les saints des derniers jours, le jeûne est un commandement qui permet d'avoir une meilleure santé, enseigne à devenir maître de soi-même (Pr 16:32), fortifie la spiritualité, permet de bénir les pauvres et les nécessiteux. Les saints des derniers jours peuvent aussi jeûner à titre personnel à d'autres moments, lorsqu'ils en ressentent le désir ou le besoin spirituel. À la pratique du jeûne, ils associent celle de la prière (Luc 4:1-4; Esaïe 58:6-8). Il n'est pas demandé aux personnes de santé délicate ou aux jeunes enfants de jeûner.
Islam
Dans l'islam, le jeûne, ou sawm (noté aussi parfois improprement "saoum") , a une signification relativement large. En effet on parle de jeûne comme d'un renoncement spirituel, ne se limitant donc pas seulement à l'arrêt de consommation de nourriture ou de boisson. Il est recommandé au croyant de respecter un jeûne, le saoum, pendant le mois de ramadan principalement, et à d'autres dates également, ainsi qu'en tout temps, afin de développer sa spiritualité. Le jeune est aussi une période d'amélioration de remise en question de soi pour le croyant. Pendant le mois de ramadan, le jeûne est obligatoire. Par contre, il est seulement souhaitable pour certaines occasions tel que Achoura, le dernier jour de pèlerinage, le mois de chaabane (avant ramadan), 6 jours du mois chawal (après ramadan), les 13e, 14e et 15e jours de chaque mois hégirien, les lundis et les jeudis. Il commence à l'aube (alfajr) et se termine au coucher du soleil (almaghrib). On doit s'abstenir, pendant ce laps de temps, de nourriture, de boisson, de tabac d'alcool et de drogue (à noter que cette interdiction tient tout le temps mais surtout pendant le jeune), de relations sexuelles ainsi que de musique et de toute chose illicite (haram). Sont exemptés les femmes enceintes, les malades sous traitements médicaux, les enfants prépubères, les voyageurs, et les femmes en période de menstruations.
Bahaïsme
Le jeûne (صَوم ṣawm) est l'un des rites majeurs de la foi bahá’íe, prescrit par Bahá’u’lláh dans le "Livre le Plus Saint" (Kitáb-i-Aqdas)[7]. Avec la prière "obligatoire" (ṣalát), ils constituent les deux lois indispensables à la vie de l'âme, comme l'air et l'eau sont indispensables à la vie du corps. Négliger ces obligations entrave le développement spirituel, car elles sont comme des ailes pour s'élever vers Dieu selon Bahá'u'lláh :
"En vérité, nous avons tout exposé dans notre Livre, en signe de grâce pour ceux qui croient en Dieu, le Tout-Puissant, le Protecteur, l'Absolu. Et nous avons ordonné la prière prescrite et le jeûne afin que tous puissent par ces moyens se rapprocher de Dieu, le Tout-Puissant, le Bien-Aimé. Nous avons mis ces deux lois par écrit et nous avons expliqué chaque décret irrévocable. Nous avons interdit aux hommes de suivre ce qui peut les faire dévier de la Vérité et nous leur avons commandé d'observer ce qui les rapprochera du Tout-Puissant, Celui qui aime. Dis : observez les commandements de Dieu par amour de sa beauté et ne soyez pas de ceux qui marchent sur les pas des misérables et des insensés. (...) Celui qui n'accomplit ni bonnes actions ni actes de dévotion est comme un arbre qui ne porte pas de fruits, comme une action qui ne laisse pas de trace. Mais celui qui expérimente l'extase sacrée de l'adoration refusera d'échanger cette dernière ou toute autre louange à Dieu contre tout ce qui existe sur terre. Le jeûne et la prière prescrite sont les ailes de la vie humaine. Heureux qui s'élève, grâce à eux, jusqu'au ciel de l'amour de Dieu, le Seigneur de tous les mondes. (...) Soyez fermement attachés à la prière prescrite et au jeûne. La religion de Dieu est comme le ciel ; le jeûne en est le soleil et la prière prescrite, la lune. En vérité, ce sont les piliers de la religion par lesquels le juste est distingué du transgresseur. Nous prions Dieu, exalté et glorifié soit-il, de permettre généreusement à tous d'observer ce qu'il révéla dans son livre ancien. (...) Ne négligez pas la prière prescrite et le jeûne. Celui qui ne les observe pas n'est pas et ne sera jamais digne d'être accepté aux yeux de Dieu. Suivez la sagesse en toute circonstance. Certes, il ordonne à tous d'observer ce qui leur est et leur sera profitable. Il est, en vérité, Celui qui suffit, le Très-Haut."[8]
Pour les baha'is, le jeûne est surtout une période de méditation et de prière, durant laquelle ils s'efforcent de réorganiser leur vie et de régénérer leur énergie spirituelle. Sa signification et son but sont avant tout spirituels et des entorses involontaires aux règles du jeûne ne l'annulent pas. ’Abdu’l-Bahá dit[9] :
"Le jeûne est un symbole. Jeûner signifie s'abstenir de tout désir. Le jeûne physique est le symbole de cette abstinence, c'est un rappel; tandis que l'on refrène l'appétit physique, il faut s'abstenir des convoitises personnelles et des désirs égoïstes. Mais se passer uniquement de nourriture n'a aucun effet sur l'esprit. C'est uniquement un symbole, un rappel. Autrement, cela n'a aucune importance. Jeûner pour atteindre le détachement ne signifie pas s'abstenir entièrement de nourriture. La règle d'or est: ni trop ni trop peu. La modération est nécessaire. Il existe une secte aux Indes dont les membres pratiquent l'abstinence à l'extrême, réduisant graduellement leur nourriture jusqu'à pouvoir s'en passer presque complètement. Mais leur intelligence en souffre. Un homme n'est pas capable de servir Dieu efficacement, tant matériellement que spirituellement, s'il est affaibli par le manque de nourriture. Il ne possède pas toute sa lucidité."
La période du jeûne dure tous les ans 19 jours et coïncide avec le dernier mois de l'année baha'ie nommé « élévation, sublimité » (علاء = 'Alá' ), du 2 au 20 mars inclus. Selon la prescription du Kitáb-i-Aqdas, elle est précédée par les jours de fête du Ayyám-i-Há' (ايام الهاء) et suivie par la fête du Nouvel An baha'i célébrant l'équinoxe de printemps (Naw-Rúz, en persan نوروز, le 21 mars). Durant ce jeûne, les baha'is s'abstiennent de manger, de boire et de fumer du lever au coucher du soleil, qu'il est permis de déterminer à l'aide d'horloges.
Ce jeûne ne concerne que les adultes en pleine santé. En sont exemptés :
- les personnes âgées de moins de 15 ans ou de plus de 70 ans.
- les malades.
- les femmes au cours des menstruations, de la grossesse ou de l'allaitement.
- les voyageurs.
- les travailleurs de force.
Aucun rattrapage ni compensation ne sont prévus pour ceux qui sont exemptés, mais il leur est précisé "qu'il est louable et convenable de manger frugalement et en privé".
Comme le mois "Elévation" s'achève à l'équinoxe de printemps, le jeûne a toujours lieu à la même saison (au printemps dans l'hémisphère nord et en automne dans l'hémisphère sud), sans excès de froid ni de chaleur préjudiciables, et lorsque la durée du jour et de la nuit sont à peu près équivalentes sur toute la terre.
Hindouisme
Le jeûne a un rôle important dans la religion hindoue. Les croyants observent différentes diètes selon leurs croyances personnelles et les coutumes locales.
Quelques exemples :
- Certains hindous jeûnent certains jours du mois comme Ekadasi (le 11e jour de chaque cycle lunaire) ou à Purnima (pleine lune).
- Certains jours de la semaine sont des jours de jeûne spécifiques aux croyances de chacun et à une divinité favorite.
- Le Jeudi est un jour de jeûne très répandu dans le Nord de l'Inde. Les fidèles portent des vêtements jaunes et des fleurs jaunes.
- Jeûner durant les fêtes religieuses est assez commun. Par exemple, lors de Shivaratri ou durant les 9 jours de Navratri (2 fois par an, en avril et en octobre) avant Divālī. Karwa Chauth est une forme de jeûne respecté au Nord de l'Inde par les femmes mariées en faveur de la santé, de la prospérité et pour la longévité de la vie de leurs époux. Le jeûne est rompu après que l'épouse a aperçu la lune au travers d'un voile après le coucher du soleil.
Les diètes de jeûne sont diverses. Si le jeûne est strictement respecté, la personne jeûnant n'absorbe aucune nourriture, ni solide, ni liquide, du coucher du soleil jusqu'à 48 minutes après le lever du soleil du jour suivant. Jeûner peut également signifier se priver de certaines nourritures ou de se contenter d'un seul repas dans la journée. Dans tous les cas, un/e Hindou/e, même non-végétarien, ne doit pas manger ou même toucher des produits issus d'animaux (œufs, viande, etc.) le jour du jeûne.
Philosophie athée ou animiste
Dans une logique matérialiste proche du monisme, le jeûne modéré (15 jours à 3 semaines ou le demi-jeûne) a pour vocation d'améliorer la conscience du corps. Combiné avec des techniques méditatives, le jeûne permet de mieux ressentir l'effet positif ou négatif des pensées, actions ou projets sur notre corps et notre bien-être[10].
Dans les rites d'initiation des peuples d'Amérique du Nord la recherche de la vision (en) est un étape importante de l'entrée dans l'âge adulte. La vision qui révèle en particulier l'animal tutélaire s'obtient entre autres par le jeûne.Jeûne politique
Le jeûne politique, appelé également jeûne de protestation ou grève de la faim, est un moyen de protestation non violent utilisé entre autres par Gandhi[11]. Depuis le début du XXe siècle, les "jeûneurs politiques sont légion. Dès 1905, les suffragettes anglaises, incarcérées pour avoir revendiqué le droit de vote pour les femmes, ont fait la grève de la faim dans les prisons. La police tenta de les obliger à manger, mais cela ne les arrêtait guère. Le gouvernement répondit sans succès avec la loi dite « Chat et Souris » (Cat and Mouse Act, officiellement The Prisoners (Temporary Discharge for Ill Health) Act 1913) : quand une gréviste était trop faible, elle était relâchée puis réincarcérée une fois sa vie hors de danger.
Il a ensuite été utilisé par plusieurs personnalités en Europe, dont Lanza del Vasto, notamment pendant la guerre d'Algérie, pendant le concile Vatican II et la lutte des paysans du Larzac. Louis Lecoin a souvent utilisé cette méthode, qui a abouti à la reconnaissance du statut d'objecteur de conscience. Un épisode très dur a également eu lieu dans la lutte opposant les prisonniers irlandais de l'IRA provisoire ou assimilés au Royaume-Uni sous le gouvernement de Madame Thatcher, aboutissant à la mort de dix personnes en 1981, le plus célèbre étant Bobby Sands.
Il est aujourd'hui souvent utilisé par des réfugiés ou des déboutés du droit d'asile (par ex. à l'église Saint-Joseph à Paris à l'été 1991[12]) pour forcer l'obtention d'un permis de séjour ; il est aussi pratiqué par des groupes désireux d'assurer une couverture médiatique à leurs idées ou de faire pression sur un gouvernement, un pouvoir. Il s'agit également d'une pratique dans le milieu carcéral, pour protester contre les conditions de détention.
En 1998, le Congrès de la jeunesse tibétaine organise une grève de la faim de 6 Tibétains à New Delhi du 10 mars au 15 mai qui avait pour objectif la réouverture par les Nations unies de la question tibétaine, la nomination d'un envoyé spécial et d'un rapporteur spécial de l'ONU pour le Tibet. Après 49 jours, le groupe composé de 6 personnes dont une femme âgée de 62 ans, fut évacué de force par la police indienne, le jour précédent la visite en Inde d’un chef de l'armée chinoise. C'est alors que Thubten Ngodup s'est immolé. Un deuxième groupe composé de cinq hommes devait prendre la suite le 28 avril. Mais au 18e jours, le TYC suspendait la grève de la faim après l'engagement de la Norvège, de la Pologne, de la Hongrie, du Costa Rica et de l'Union européenne d'intervenir auprès du gouvernement chinois et de l'ONU[13]. Cet évènement inspire Les Guerriers de l'esprit, un film de Pierre Anglade[14].
Du 7 mars au 14 avril 2006, Jean Lassalle, député français des Pyrénées-Atlantiques, a suivi un jeûne de plusieurs semaines pour protester contre le risque de départ d'une entreprise japonaise dans sa circonscription vers une circonscription voisine ; il a cessé son jeûne contre les garanties que l'entreprise reste dans les lieux.
Le jeûne est le plus souvent seulement alimentaire (l'hydratation par boissons étant conservé), permettant des grèves de la faim prolongée.
L'attitude médicale est délicate et diverse, variant du forçage alimentaire par sonde gastrique à l'accompagnement en respectant les volontés du protestataire[15].
Grévistes de la faim célèbres
Le jeûne en médecine
Anesthésiologie et chirurgie
Avant une anesthésie générale non urgente, le jeûne est nécessaire, en raison du risque de vomissements lors de la phase d'induction de l'anesthésie, pouvant entraîner un passage du contenu gastrique dans les bronches, ayant pour conséquence un syndrome de Mendelson (pneumopathie d'inhalation).
Après une intervention chirurgicale, le jeûne peut être indiqué, soit en raison :
- d'un ileus digestif (paralysie intestinale) pouvant avoir pour origine le geste chirurgical lui même ou l'utilisation de certains médicaments;
- de la nécessité de protéger les sutures digestives jusqu'à cicatrisation.
Contre-indication au jeûne
L'organisme humain, jeune et en bonne santé, peut supporter un jeûne total, mais n'excluant pas la prise de boisson, pendant une période assez longue, jusqu'à trois mois[16] si la personne est bien portante et bien nourrie au moment du début du jeûne. La physiologie s'adapte rapidement en mobilisant les réserves internes, mais, assez vite (en moyenne au bout de 3 à 4 semaines), la poursuite du jeûne comporte des risques importants, notamment sur le rythme cardiaque vers la fin. Un suivi médical est vital au moins à partir de la 4e semaine, plus ou moins régulier suivant l'état de santé, les conditions du jeûne et la nature des réserves au départ.
Le jeûne chez les animaux
Les animaux malades, blessés ou en hibernation réduisent leurs apports en nourriture. Le jeûne est indispensable à la survie en cas de pénurie ou de famine. Les morses jeûnent en période de reproduction alors qu'ils défendent leur territoire et leurs femelles. Les poussins jeûnent sans boire trois jours après éclosion. Les homards jeûnent quand ils muent. Les manchots mâles, qui protègent leur œuf du froid en le portant sur leurs pieds, jeûnent jusqu'à l'éclosion des petits et la prise en charge de ceux-ci par leur compagne. Les animaux qui pratiquent l'hibernation jeûnent de facto pendant cette période de faible activité.
Le jeûne et les dérives sectaires
"Il y a un phénomène d'épuisement physique et donc d'épuisement et de faiblesse mentale à certains moments. Il n'y a plus de capacité de jugement ou de résistance face à des discours qui vont déraper, qui vont passer du simple jeûne à un discours plus doctrinal, plus idéologique." [17]
Bibliographie
- Sources chrétiennes
- Le Croyant et le jeûne, Christophe Deville, Éd. Scriptura, 2002, 23 p. (ISBN 978-2-914877-01-5)
- La Grève de la faim, Johanna Siméant, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, ISBN 978-2-7246-1104-5.
- Les vies des saints, Adrien Baillet : histoire du Carême
- Mœurs des israélites et des chrétiens, Claude Fleury p. 82-86
- Sources médicales reliées à la santé
- Retour à la santé par le jeûne, Dr Ed. Bertholet, Édition Genillard, 1961, Lausanne.
- (en) Fasting, Dr Earl W. Conroy, Ed. Aio Wira Centre, 1984, Auckland.
- Comment revivre par le jeûne, Dr Lutzner, Édition Terre vivante, 1984, Paris.
- Régénération par le jeûne, Alain Saury, Éditions Dangles, 1978, Saint-Jean-de-Braye.
- Le Jeûne, Herbert Shelton, Édition Le courrier du livre, 1970, Paris.
- La Bouffe ou la vie, Dr Yves Vivini, Édition Le François, 1977, Paris.
- L'Assiette Vitalité, Jean-Claude Rodet, Édition Quebecor World, 2002, Montréal, (ISBN 2-980-65271-7).
- Le Jeûne, doctorat de Michèle Plas, 1977, Clermont[18].
Notes et références
- Mort d'un détenu politique en grève de la faim sur www.france24.com, 2010. Consulté le mercredi 24 février 2010
- http://www.ajcn.org/cgi/content/full/81/1/69?ck=nck Alternate-day fasting in nonobese subjects: effects on body weight, body composition, and energy metabolism, Leonie K Heilbronn, Steven R Smith, Corby K Martin, Stephen D Anton and Eric Ravussin, Pennington Biomedical Research Center, Baton Rouge, Louisiana, American Journal of Clinical Nutrition, vol. 81, n° 1, 69-73, janvier 2005,
- http://eprints-scd-ulp.u-strasbg.fr:8080/169/ Mécanismes cellulaires et moléculaires de l'absorption intestinale au cours du jeûne et après réalimentation, HABOLD Caroline, 2004, thèses de doctorat, université Louis-Pasteur,
- (fr) LES JOURS DE PÉNITENCE, chapitre II du Code de Droit Canonique sur le site du Saint-Siège
- Noël ? , La nouvelle République, jeudi 24 décembre 2009, page 7. Pourquoi pas une journée de jeûne pour
- cet ain (premier jeûne) et vendredi ain didin (ou dernier jeûne) étaient en Irlande les deux jours de jeûne obligatoire, le Samedi à Rome ; Georges Briche
- Kitáb-i-Aqdas, versets 10/16/17, questions 20/36/71/74/75/76/93, notes 13/14/17/20/25/26/27/30/31/32
- Citations de Bahá'u'lláh, tirées des paragraphes 1, 3, 4 et 6 de la compilation des écrits baha'is intitulée "Importance de la prière prescrite et du jeûne"
- Bahá'u'lláh et l'ère nouvelle 11/8, cité par Miss E.S. Stevens dans Fortnightly Review, juin 1911
- Ces athées qui font le ramadan
- Biographie de Mohandas Karamchand Gandhi
- INA, Droit d'asile St Joseph, Midi 2, 09/07/1991 - 02min32s
- Grève de la faim à New-Dehli (1998), Site de Tibet-Info
- Les Guerriers de l'esprit, Mat Films, 2000 Pierre Anglade,
- Clinical care of hunger strikers, Lancet, 2008;372:777
- Cork (Irlande) en 1920 dont le jeûne a duré 94 jours, il y eut aussi celui de Bobby Sands mort à Belfast le 5 mai 1981 après avoir engagé une grève de la faim sans retour le 1er mars. Comme en témoigne l'histoire de 9 détenus de la prison de
- Georges Fenech, Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, émission Globalmag du 12 mai 2011 sur Arte, dans le cadre d'un reportage sur les marcheurs-jeûneurs
- Thèse de médecine citée notamment par Daniel Kieffer
Voir aussi
Articles connexes
- Religion et alimentation
- Carême
- Jeûne fédéral
- Jeûne genevois
- Saoum (jeûne islamique)
- Yom Kippour
- Diète
Liens externes
- Sources chrétiennes sur le jeûne
- Tertullien Du Jeûne ou Contre les Psychiques : [1] Un des premiers textes chrétiens sur le jeûne
- Homélie de Saint Basile sur le Jeûne
- De l'utilité du jeûne de Saint Augustin
- (la) Lettre à Callixte in St. Gallen, Stiftsbibliothek, Cod. Sang. 899 CESG p. 93 et Sq. Texte latin contenu dans un manuscrit l'époque carolingienne sur les Jeûnes de la Quadragénismes et divers Jeûnes de l'eglise.
- Jeûne politique
- Bibliographie et documentation concernant « Jeûne alimentaire » dans le catalogue du Centre pour l'action non-violente
- Portail de l’alimentation et de la gastronomie
- Portail des religions et croyances
- Portail de la politique
- Portail de la médecine
Wikimedia Foundation. 2010.