- Bobby Sands
-
Pour les articles homonymes, voir Sands.
Robert Gerard Sands, communément appelé Bobby Sands (né le 9 mars 1954 et mort le 5 mai 1981), était un républicain irlandais, membre de l’IRA provisoire et député à la Chambre des Communes du Royaume Uni du 9 avril au 5 mai 1981, mort après une grève de la faim de 66 jours dans la prison de Maze en Irlande du Nord. Il est considéré comme un héros de la cause républicaine mais également de la défense de la liberté et de la dignité des prisonniers politiques
Sommaire
Biographie
Enfance
Bobby Sands est né à Abbots Cross, un quartier de Newtownabbey, dans le Comté d'Antrim, en Irlande du Nord. Issu d'une famille catholique, il vécu à Abbots Cross avec ses parents, John et Rosaleen, et ses deux sœurs, Marcella (née en avril 1955) et Bernadette (née en novembre 1958) jusqu'en 1960, date à laquelle la famille fut contrainte de déménager à Rathcoole, Newtownabbey. En 1962, naît le petit dernier de la famille, John. Bobby Sands abandonne rapidement l'école et entreprend un apprentissage de carrossier. Suite à des menaces de mort, il abandonne son apprentissage et rejoint les force de l'IRA.
L'enfance de Bobby a été très fortement marquée par les violents affrontements entre les communautés protestante et catholique. En 1972, alors qu'il est âgé de 18 ans, sa famille est la proie d'intimidations loyalistes qui la contraignent à abandonner le domicile familial. Tous s'établissent alors à Twinbrook, dans la maison d'été située dans la partie ouest de Belfast[1]. Cette année-là, Bobby épouse Geraldine Noade. Leur fils, Gerard, voit le jour le 8 mai 1973.
Activités avec l'IRA
Ne supportant plus les conditions de vie et les injustices qui régnaient à Belfast, Bobby Sands rejoint les forces de l’IRA en 1972. Avant la fin de l’année, en octobre, il est arrêté et emprisonné jusqu’en 1976 pour la possession de quatre armes à feu chez lui.
À sa libération, il retourne auprès de sa famille et vit à Twinbrook, à l’ouest de Belfast. Bobby devient rapidement un des principaux activistes de sa communauté. Il ne reste en liberté qu’une année. Il est arrêté avec trois de ses compagnons, Joe McDonnell, Seamus Finucane et Sean Lavery, dans une voiture, en possession d’un revolver, alors qu'ils tentaient de s'enfuir juste après l'attentat à la bombe du Balmoral Furniture Company, à Dunmurry, et une fusillade entre l'IRA et la RUC (Police royale de l'Ulster). Lors de son procès en septembre 1977, l'accusation de participation à l'attentat est rapidement abandonnée, faute de preuves. Il est néanmoins condamné pour la possession de l'arme, qui a servi, selon les procureurs, dans la fusillade, et envoyé en prison pour une durée de 14 années.
Il est emprisonné à la prison de Maze qui est surnommée Long Kesh par les républicains.
Long Kesh
Statut politique
A partir du 1er mars 1976, suite à un décret du gouvernement travailliste de James Callaghan, tous les membres de l'IRA et autres groupes républicains internés au Maze perdent leur statut de prisonniers politiques et sont considérés comme des criminels de droit commun. Cette décision provoque la colère des détenus qui prétendaient se battre pour la libération de leur peuple, et donnera naissance à de multiples protestations de la part des détenus.
Protestation : "Blanket protest"
Le premier prisonnier à réagir s'appelle Kieran Nugent : il refuse de porter l'uniforme de la prison car il ne se considère pas comme un criminel (avant le changement de règlement, les prisonniers politiques pouvaient porter leurs propres vêtements). Les autres détenus soutiennent son initiative et certains décident également d'être nus ou de ne porter qu'une couverture plutôt qu'un uniforme carcéral. Cette protestation, appelée "Blanket protest" (en français : protestation de la couverture), durera jusqu'en 1978. 300 prisonniers sont ainsi nommés "blanket men" car ils sont vêtus de couvertures.
Protestation : "Dirty protest"
Suite au peu d'impact médiatique de cette protestation et aux conditions de détention effroyables à Long Kesh (passages à tabac, mauvais traitements, tortures...), les détenus décident de passer au niveau supérieur et lancent la "Dirty protest" (ou "No-wash protest") en mars 1978 (en français : protestation par la saleté).
Le concept est simple : les prisonniers refusent de se laver et étalent leurs excréments sur les murs de leur cellule. Ils demandent aux autorités d'accéder à 5 demandes : 1.Le droit de ne pas porter l'uniforme de prisonnier; 2.Le droit à ne pas participer aux travaux de prisonnier; 3.Le droit de libre association avec d'autres prisonniers et celui d'organiser des activités éducatives ou récréatives; 4.Le droit à une visite, une lettre et un colis par semaine; 5.L'entière restauration de la remise de peine perdue lors de la protestation.
Les autorités n'entrent pas en jeu et les dirigeants de la prison tentent d'empêcher les actes des prisonniers et de maintenir un niveau de propreté acceptable en nettoyant de force les cellules et les prisonniers, mais le moral des détenus est inébranlable et ils persévèrent dans leur combat pendant 5 ans. Les gardiens sont très cruels avec les détenus et leur infligent en vain sévices après sévices pour qu'ils abandonnent la "Protest". Les conditions à Long Kesh sont alors inhumaines : cellules sales, humides et froides; les vitres des fenêtres sont cassées et il pleut ou neige sur les prisonniers; l'hiver, il fait tellement froid que les détenus ne peuvent pas dormir : ils étalent quelques mouchoirs sur le sol pour "atténuer" la température glacée du sol; la nourriture servie est avariée et insuffisante; les prisonniers se font régulièrement tabasser par leurs gardiens... Mais malgré tout cela, ils tiennent bon et continuent la protestation.
Première grève de la faim
A la fin de l'année 1980, les détenus en ont assez et décident d'un moyen plus radical pour attirer l'attention des autorités sur leur situation : le 27 octobre, 7 d'entre eux entament une grève de la faim, interrompue après 53 jours, suite à un accord ambigu : les prisonniers obtiennent le droit de porter des habits civils mais pas leurs propres habits.
Pendant ce temps-là, Bobby Sands est nommé Officier Commandant des prisonniers de l'IRA a Long Kesh, succédant ainsi à Brendan Hughes qui était un des sept en grève de la faim[2].
Seconde grève de la faim
L'accord est dénoncé le 4 février 1981 par les prisonniers. Bobby Sands refuse de s’alimenter le 1er mars 1981 et entame ainsi sa grève de la faim. L’organisation prévoit cette fois un début progressif des grèves de la faim afin de faire un maximum de publicité à leur mouvement avec un étalement de la détérioration physique voire de la mort des prisonniers sur plusieurs mois[3].
Élection
Peu de temps après le début de cette grève de la faim, un député républicain du Fermanagh et du sud Tyrone meurt et des élections anticipées sont provoquées. La vacance soudaine de ce siège obtenu avec une faible majorité catholique est l’opportunité pour les supporters de Sands et de son combat d'accroitre la pression contre le gouvernement. Ils proposent donc Sands comme candidat à l’élection législative anticipée. Après une campagne électorale fortement médiatisée, Sands remporte le siège le 9 avril 1981 par 30 492 votes contre 29 046 au candidat de l’Ulster Unionist Party, Harry West.
Le gouvernement conserve cependant une attitude de fermeté. Le premier ministre, Margaret Thatcher, déclare : « Nous ne sommes pas prêts à accorder un statut spécial catégoriel pour certains groupes de gens accomplissant des peines à raison de leurs crimes. Un crime est un crime et seulement un crime, ce n'est pas politique. »[4],[2].
Le gouvernement change la loi électorale en introduisant le Representation of the People Act pour prévenir l'élection d'autres prisonniers de l'IRA. Cette loi interdit aux prisonniers condamné à plus d'un an de prison de se présenter à des élections.
Mort de Bobby Sands
Le 5 mai 1981, Bobby Sands meurt à l’hôpital de la prison après 66 jours de grève de la faim. L’annonce de sa mort provoqua de nombreuses émeutes dans les quartiers nationalistes en Irlande du Nord. Deux personnes trouveront la mort à cette occasion (un laitier et son fils). Plus de 100 000 personnes suivirent le cortège lors de ses funérailles. En réponse à une question parlementaire relative à la mort de Bobby Sands, Margaret Thatcher déclara à la Chambre des communes: "Monsieur Sands était un criminel condamné. Il a fait le choix de s'ôter la vie. C'est un choix que l'organisation à laquelle il appartenait ne laisse pas à beaucoup de ses victimes" (Mr. Sands was a convicted criminal. He chose to take his own life. It was a choice that his organisation did not allow to many of its victims)
L’impact politique
En plus de Bobby Sands, six autres membres de l'IRA et trois de l'INLA moururent des suites de la grève de la faim. L'image de Bobby auprès de la plupart des républicains irlandais et des sympathisants du groupe terroriste est celle d'un martyr, étant resté ferme face à l'intransigeance du gouvernement londonien. Au-delà, la position du gouvernement britannique a également choqué nombre de nationalistes s’opposant à l'IRA.
Dans les mois qui ont suivi l'agonie puis la mort de Bobby Sands et de ses compagnons, de par sa couverture médiatique, l'IRA a vu les dons et le nombre de ses membres augmenter sensiblement, et une nouvelle vague de violence remarquable par le durcissement des positions tant des nationalistes que des unionistes.
Les 10 grévistes de la faim
- Bobby Sands (IRA), 27 ans, meurt le 5 mai 1981 après 66 jours de grève de la faim
- Francis Hughues (IRA), 25 ans, meurt le 12 mai 1981 après 59 jours de grève de la faim
- Raymond McCreesh (IRA), 24 ans, meurt le 21 mai 1981 après 61 jours de grève de la faim
- Patsy O'Hara (INLA), 23 ans, meurt le 21 mai 1981 après 61 jours de grève de la faim
- Joe McDonnell (IRA), 30 ans, meurt le 8 juillet 1981 après 61 jours de grève de la faim
- Martin Hurson (IRA), 29 ans, meurt le 12 juillet 1981 après 46 jours de grève de la faim
- Kevin Lynch (INLA), 25 ans, meurt le 1er août 1981 après 71 jours de grève de la faim
- Kieran Doherty (IRA), 25 ans, meurt le 2 août 1981 après 73 jours grève de la faim
- Thomas McElvee (IRA), 23 ans, meurt le 8 août 1981 après 62 jours grève de la faim
- Michael Devine (INLA), 27 ans, meurt le 20 août 1981 après 60 jours de grève de la faim
Publications
Durant toute la durée de son internement, Bobby écrivit des textes, des lettres, des poèmes... qui furent régulièrement publiés dans le journal républicain "An Phoblacht". Les livres le plus connus sont "One Day in my life" ("Un jour dans ma vie", il existe une parution traduite en français) : Bobby y décrit le déroulement d'une journée normale en prison, et "Writing from Prison" : un recueil de textes écrits secrètement en prison.
Citations
"Ils n'ont rien dans leur arsenal impérial tout entier qui puisse briser l'esprit d'un Irlandais si celui-ci ne veut pas être brisé." (They have nothing in their whole imperial arsenal that can break the spirit of one Irishman who doesn't want to be broken)
"Notre vengeance sera le rire de nos enfants." (Our revenge will be the laughter of our children.)
"J'étais seulement un enfant de la classe ouvrière d'un ghetto nationaliste, mais c'est la répression qui a créé l'esprit révolutionnaire de liberté. Je ne m'installerai pas jusqu'à la libération de mon pays, jusqu'à ce que l'Irlande devienne une république souveraine, indépendante et socialiste." (I was only a working-class boy from a Nationalist ghetto, but it is repression that creates the revolutionary spirit of freedom. I shall not settle until I achieve liberation of my country, until Ireland becomes a sovereign, independent socialist republic)
"Chacun, Républicain ou autre, a son propre rôle particulier à jouer." (Everyone, Republican or otherwise has their own particular role to play.")
Dans les arts
Cinéma
Le film irlandais Hunger (2008) met en scène les événements qui ont eu lieu dans la prison de Maze pendant les six semaines qui précédèrent la mort de Bobby Sands.
Musique
Le groupe de rock celtique Soldat Louis lui a rendu hommage à travers le titre Bobby Sands, présent sur leur 3e album Auprès de ma bande (1993).
Le chanteur français Léo Ferré lui dédia sa chanson "Thank You Satan".
Le groupe politico-culturel corse L'arcusgi a également dédié une chanson à Bobby Sands, Musica selta, dans son 7e album A voce Ribella" (2008)
Marc Robine lui a également rendu un hommage, Lament pour Bobby Sands, présent sur le 33T The Free Spirit (1982 - FolkFreak FF 4008).
La chanteuse bretonne Gwennyn lui rend hommage sur le titre Bugale Belfast, qui a remporté le prix du public du concours interceltique Nòs Ùr, en Écosse.
Le groupe de rock celtique Black 47 lui a consacré le titre Bobby Sands MP sur l'album On Fire (2004). Léo ferre lui a aussi rendu hommage au théâtre des Champs-Élysée
En 2010, le groupe Folk Punk Celtique Sons Of O'Flaherty lui rend hommage avec la chanson "Bobby Sands" sur leur premier 5 titres.
Notes et références
- O'Hearn, Nothing but an unfinished song: Bobby Sands, ch. 1
- What happened in the hunger strike?, BBC, 5 mai 2006
- Peter Taylor, Provos The IRA & Sinn Féin, Bloomsbury Publishing, 1997, pp. 195-196 ; 229-234 ; 251–252, isbn = 0-7475-3818-2
- En vo "We are not prepared to consider special category status for certain groups of people serving sentences for crime. Crime is crime is crime, it is not political, it is crime"
Annexes
Liens externes
- (en) Bobby Sands Trust (organisation qui possède les droits sur les textes de Bobby Sands - poèmes accessibles)
- (en) Hunger strikers (projet commémoratif sur les grévistes de la faim irlandais, dont faisait partie Bobby Sands : journaux et biographies)
- Archives de Radio-Canada (textes et reportage vidéo diffusé le 30 juin 1981 sur les troubles qui agitent l'Irlande du Nord quelque temps après la mort de Bobby Sands)
- (en) Chronologie de la seconde grève de la faim
- [vidéo] Bobby Sands sur le site de l'INA
Bibliographie
- Skylark Sing Your Lonely Song, 1989, Mercier Press, (ISBN 0-85342-726-7)
- Writings from Prison, 1998, Mercier Press - Recueil de textes écrits secrètement en prison par Bobby Sands sur du papier-toilette et du papier à cigarette. L'ouvrage est préfacé par Gerry Adams, président du Sinn Féin.
- One Day in My Life, 2001, Mercier Press, (ISBN 1-85635-349-4)
- Bobby Sands, jusqu'au bout, de Denis O'Hearn (biographie complète), 2011, éditions du CETIM (Genève) et éditions de l'Epervier (Paris), (ISBN 978-2-880530-74-4) http://www.cetim.ch/fr/publications_ouvrages/175/bobby-sands-jusqu-au-bout et http://www.collectif-des-editeurs-independants.fr/
Catégories :- Membre de la Provisional Irish Republican Army
- Naissance en 1954
- Décès en 1981
- Personne morte en prison
- Mort dans le conflit nord-irlandais
- Membre du Parlement du Royaume-Uni
Wikimedia Foundation. 2010.