Jean-louis bory

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Jean-Louis Bory

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Jean-Louis Bory dans les années 1970.

Jean-Louis Bory, né le 25 juin 1919 à Méréville (Essonne, à l'époque Seine-et-Oise) et mort pendant la nuit du 11 au 12 juin[1] 1979 dans le même bourg, est un écrivain, journaliste et critique cinématographique français.

Sommaire

Biographie

Fils d'un pharmacien et d'une institutrice, il est issu d’un milieu d’instituteurs. Avec un père athée et une mère non pratiquante, il est peu marqué par la religion. En revanche, il l’est par le Front populaire. Brillant élève au collège d’Étampes[2], il entre en khâgne à Henri-IV.

Collé au concours d’entrée de l'École normale supérieure en 1939, il est appelé sous les drapeaux. De retour au quartier Latin en octobre 1942, il obtient l'agrégation de lettres en juillet 1945. Deux mois plus tard, son premier roman (Mon village à l’heure allemande) est publié chez Flammarion et décroche le prix Goncourt avec le soutien de Colette. Tandis que lui-même est affecté à Haguenau dans le Bas-Rhin, son livre reçoit un accueil exceptionnel du public (500 000 exemplaires). L’argent récolté lui permet de racheter la propriété acquise en 1880, à Méréville, par ses grands-parents et qui avait ensuite appartenu à la comtesse Cally, sa tante : la « Villa des Iris », qu’il rebaptise « La Calife ». Le succès n'est hélas pas au rendez-vous de son deuxième livre (Chère Aglée, 1947). En 1948, il est muté en région parisienne et peut collaborer à La Gazette des Lettres avec Robert Kanters, Paul Guth et François Mauriac.

Politiquement, il appartient alors à cette génération désenchantée par le fait qu'il n’y ait pas eu de mouvement “de la Résistance à la Révolution”. Il est même sollicité par Aragon pour adhérer au PCF. Mais il préfère se limiter à l’adhésion à des associations cryptocommunistes comme le Mouvement de la Paix, le Conseil national des écrivains ou l’association France-URSS. Nommé au lycée Voltaire en 1950, il débute dans le journalisme à partir de 1952 par des tribunes dans Samedi Soir. Mais en 1955, il choisit de suivre son ami François Erval au service littéraire de L'Express, porte-voix d’un mendésisme[3] auquel il est de plus en plus sensible.

D'ailleurs, en 1956, il rompt avec les communistes au sujet de l'intervention soviétique à Budapest contre laquelle il signe une pétition avec Edgar Morin, Gilles Martinet, Jean-Marie Domenach et Georges Suffert (France Observateur, 8 novembre 1956). Il démissionne aussi du Comité d'honneur de l'association France-URSS. Cela ne l'empêche pas d’afficher ses positions tiers-mondistes et anticolonialistes. Ainsi, lorsqu’en 1960, son éditeur René Julliard lui propose de signer le Manifeste des 121, il n’hésite pas et se retrouve suspendu du poste de professeur qu’il occupe au lycée Henri-IV depuis 1957. Il est réintégré au bout de quelques mois, mais cet événement marque une rupture dans son rapport avec l’enseignement, métier pour lequel il avait le plus grand respect. Ses élèves le lui rendaient bien, et il n'était pas rare d'entendre le cri de joie « Maman-j'ai-Bory » ainsi que le rappelait Michel Cournot dans un article paru après sa mort dans le Nouvel Observateur.

C'est cette année-là qu'il intègre le comité de rédaction des Cahiers des saisons, revue où il publie de courts textes littéraires. Et en 1961, il remplace François Truffaut comme critique cinématographique à l'hebdomadaire Arts. L’année suivante, il abandonne l’enseignement et sa collaboration à La Gazette des Lettres pour se consacrer au journalisme et à la littérature. Il ne relance pourtant pas sa carrière littéraire avec L’Odeur de l’herbe (Julliard, 1962). Mais son entrée à l’émission Le Masque et la Plume, en 1964, lui assure une audience qui contribue à son succès de critique. Fin 1964, il doit pourtant cesser sa collaboration à L'Express par fidélité à François Erval.

Dès janvier 1965, Guy Dumur lui offre alors de poursuivre ses critiques littéraires au Nouvel Observateur. S’il s’y sent « politiquement en famille », il distingue ses amitiés politiques de ses affinités littéraires. Ainsi, il a réhabilité Céline avant de se lier d’amitié avec Paul Morand et Jacques Chardonne. Et le groupe (François Nourissier, Hervé Bazin, Jean d'Ormesson, Georges Suffert, Louis Pauwels) qu’il réunit à Méréville en 1964/1965 est marqué à droite. Son spectre d’amitiés est donc très large mais n’atténue en rien son engagement comme il le montre à partir de novembre 1966 au sein des chroniques cinématographiques qu’il assure à L’Obs à la place de Michel Cournot.

Mettant fin à sa collaboration à Arts, il s’impose comme le critique cinéma du journal même s’il y est peu présent. Célèbre pour les joutes qui l'opposent à Georges Charensol et Michel Aubriant (alias Pierre des Vallières) au Masque et la plume, il défend notamment le cinéma du tiers-monde, particulièrement africain et arabe. Il apparaît aussi comme le plus influent des critiques du circuit Art et Essai du quartier latin. Mais son ardeur est encore plus vive en mai 68 où il est un de leaders qui font arrêter le Festival de Cannes dont il avait été membre du jury l’année précédente. Cela ne l'empêchera pas d’être membre de sa commission de sélection de 1970 à 1973 ni d’être des plus assidus au festival de La Rochelle. Au Nouvel Observateur, il ne passe que pour déposer son article.

Il n’intervient pas dans les choix du journal qu’il trouve discutables politiquement. Mais il téléphone régulièrement à Jean Daniel pour lui donner son avis sur un éditorial. Il plaide ainsi pour la cause palestinienne qu’il ne trouve pas assez défendue. Il défend quant à lui des films d’aspect avant-gardiste ou scandaleux qui s’attachent à remettre en question la société, ses institutions et ses valeurs traditionnelles. À côté de films explicitement politiques qu’il soutient en dehors de toutes considérations artistiques, il défend un cinéma dont l’aspect contestataire tient moins au sujet qu’à la subversion du langage cinématographique traditionnel.

Godard, Robbe-Grillet, Resnais, Pasolini, Duras ou les frères Taviani sont des cinéastes qui lui tiennent à cœur. Défenseur d’une culture « alternative », il se montre souvent agressif à l'égard des films de boulevard, de distraction ou à grande distribution qui ne remettent en cause ni les tabous de la morale et de la vie sociale, ni les habitudes de voir et de penser. Son mépris pour le cinéma de Michel Audiard, Bourvil ou Louis de Funès, qu'il juge bourgeois et franchouillard, n’a d’égal que celui pour des films qui, comme ceux de Henri Verneuil – exaltant selon lui des valeurs bourgeoises, d’argent et d’ambition – ou de Claude Lelouch - mettant en scène des personnages socialement « arrivés » - véhiculent des représentations légitimant à ses yeux la droite.

Mais si cette liberté lui permet de consacrer sa « chronique à un film que ne sera vu que par l’auteur et par [lui] »[4], elle justifie à ses yeux un très chiche salaire qu’il considère comme le gage le plus sûr de cette dernière. Car la direction déplore de le voir ignorer systématiquement les films à gros budget et à grand public et exerce sur lui une douce pression en suscitant un concurrent moins militant. Mais il n’est pas réellement inquiété et refuse en 1972 de répondre à l’invitation chaleureuse de François Nourissier au Point. Au contraire, il fait entrer Michel Grisolia pour l’aider à rédiger les petites notices qu’on lui réclame sur les films.

Les années 1970 sont marquées par sa lutte pour les homosexuels. Celle-ci transparaît dans ses œuvres autobiographiques (La Peau des zèbres, 1969 ; Tous nés d’une femme, 1976) mais surtout dans Ma Moitié d’Orange (1973), succès (50 000 exemplaires) dans lequel il annonce publiquement son homosexualité. Il s’affiche alors dans l’association homosexuelle Arcadie, faisant à son premier colloque une intervention des plus retentissantes. Il milite ensuite dans sa scission gauchiste, le F.H.A.R., dont un des membres, Guy Hocquenghem, écrit avec lui Comment nous appelez-vous déjà ?. Il finit au Groupe de Libération Homosexuel, défendant toujours les interdits traditionnels pesants sur les plus prolétaires et les plus marginaux.

Parallèlement à ce combat, il publie plusieurs essais consacrés au roman populaire – tels que Eugène Sue, dandy et socialiste (1973) – et un essai historique (La révolution de Juillet ou les Trois Glorieuses, 1972). Mais c'est Le Pied (1976) qui est son principal succès (plus de 100 000 exemplaires) de la période. Dans ce roman fantaisiste, il malmène certaines figures de l’intelligentsia comme Simone de Beauvoir et Michel Foucault. Tombant dans une grave dépression en août 1977, il ne réémerge que lors d’une période de rémission (octobre 1978-février 1979) qui lui offre l’occasion de publier un amusant portrait de Cambacérès (1978). Il se suicide par arme à feu à Méréville durant la nuit du 11 au 12 juin 1979.

Œuvres

  • Mon village à l'heure allemande, Flammarion, 1945.
  • Fragile ou le panier d'œufs, Flammarion, 1950.
  • Pour Balzac et quelques autres, éditions Julliard, 1960.
  • Eugène Sue, dandy et socialiste, Hachette, 1962.
  • L'Odeur de l'herbe, Julliard, 1962.
  • La Peau des zèbres, Gallimard, 1969.
  • Cinéma I : Des yeux pour voir, 10/18, 1971.
  • La Révolution de juillet, Gallimard, 1972.
  • Cinéma II : La Nuit complice, 10/18, 1972.
  • Cinéma III : Ombre vive, 10/18, 1973.
  • Questions au cinéma (Editions Stock, 1973)
  • Ma moitié d'orange (première publication en 1973 dans la collection Idéee fixe chez Julliard) vient d'être republié avec une préface de Dominique Fernandez, collection « Classiques H&O poche », Béziers : H&O, 2005, 128 pages. (ISBN 2-84547-110-6)
  • Cinéma IV : L'Ecran fertile, 10/18, 1974.
  • Cinéma V : La Lumière écrit, 10/18, 1975.
  • Tous nés d'une femme, Gallimard, 1976.
  • Cinéma VI : L'Obstacle et la gerbe, 10/18, 1976.
  • Cinéma VII : Rectangle multiple, 10/18, 1977.
  • « Vivre à midi », dans Comment nous appelez-vous déjà ? ou ces garçons que l'on dit homosexuels, avec Guy Hocquenghem, Calmann-Lévy, 1977.
  • Le Pied, Belfond, 1977.
  • Un prix d'excellence, Gallimard, 1986.

Biographies

  • Daniel Garcia, Jean-Louis Bory, 1919-1979, Flammarion, 1991.
  • Marie-Claude Jardin, Jean-Louis Bory, Belfond, 1991.

Notes et références

  1. Jean-Louis Bory s'est suicidé dans la nuit du 11 au 12 juin, vraisemblablement vers 21h, le 11. Mais c'est au matin du 12, dès 7h, que les chaines de radio font état de son décès. In « Jean-Louis Bory », par Daniel Garcia.
  2. Frédéric Gatineau, article « Collège » in Étampes en lieux et places, édition À Travers Champs, 2003, en ligne (texte révisé) sur http://www.corpusetampois.com, p. 39.
  3. Attachement aux idées de Pierre Mendès France
  4. Entretien de Jean-Louis Bory avec Jérome Hesse en avril 1978, Gai Pied, n°36 – mars 1982.

Liens externes

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