Islam gallican

Islam gallican

Islam en France

L'islam est la seconde religion en France en termes de nombre de fidèles après le christianisme, avec 8% d'audience[1],[2].

Sommaire

Histoire en métropole

L'arrivée de population de confession musulmane sur le territoire de la métropole française s'est faite à deux périodes bien distinctes. L'une correspond au peuplement de régions du Sud de la France par des populations issus de l'Hispanie musulmane voisine. Ce peuplement a duré du VIIIe siècle au XVe siècle. La deuxième période commence au XXe siècle avec la Première Guerre mondiale et se poursuit jusqu'à maintenant. Elle consiste en l'arrivée d'immigrants provenant, dans un premier temps, d'Afrique du Nord, puis d'Afrique subsaharienne, de Turquie ou de l'ex-Yougoslavie.

Population issue de la conquête musulmane de l'Hispanie

La présence de musulmans sur le territoire de ce qui allait devenir la France remonte au VIIIe siècle. Les premiers musulmans arrivèrent en France à la suite de leur conquête de l'Hispanie débutée en 711 et s'installèrent dans les environs de Toulouse et jusqu'en Bourgogne. La Septimanie et sa capitale Narbonne furent sous souveraineté musulmane de 719 à 759. Au Xe siècle, ils s'établirent au Fraxinet pour environ un siècle. Beaucoup plus tard, des réfugiés musulmans, qui fuyaient la Reconquista espagnole, et plus tard, l'Inquisition, firent souche en Languedoc-Roussillon et dans le Pays basque français ainsi que dans le Béarn[3]. Environ 150 000 trouvent refuge en France. « Beaucoup repartent ensuite pour le Maghreb mais les autres restent et se fondent peu à peu dans la population locale »[4]. Plusieurs indices laissent entrevoir que des musulmans étaient établis à Montpellier au cours du XIIe siècle[5]. Une population significative d'esclaves musulmans fut également importée en Roussillon, Languedoc et Provence entre le XIIe et XVe siècles et une partie de cette population, une fois affranchie, s'est fondue dans la société[6],[7].

Population issue de l'immigration

Après la Première Guerre mondiale

Au cours de la Première Guerre mondiale, environ 132 000 immigrants issus d'Afrique du Nord sont venus travailler en France dont la plupart rentreront au pays en 1918[8]. Peu après la Première Guerre mondiale, durant laquelle ces populations ont combattu du côté de la Triple-Entente, la première grande période d'immigration d'Afrique du Nord se produit de 1920 à 1924, date à laquelle la France devient l'un des tout premiers pays d'immigration au monde[9].

L'estimation de la population musulmane dans les années 1920 doit se référer aux 120 000 Nord-Africains présents sur le sol métropolitain, dont 100 000 Algériens, 10 000 Marocains (le Maroc est sous le protectorat français depuis 1912) et 10 000 Tunisiens (la Tunisie est sous le protectorat français entre 1881 et 1956). La différence selon les nationalités s'explique par la différence de nature de la colonisation, beaucoup moins soucieuse de l'organisation traditionnelle en Algérie que dans les autres pays maghrébins. Ces 120 000 personnes représentaient alors 0,3% de la population française. En 1936, la colonie nord-africaine est d'environ 200 000 personnes.

Après la Seconde Guerre mondiale

L'autre grande période d'immigration débute dans les années 1950, avec les besoins en main-d'œuvre pour la reconstruction de la France ravagée par la guerre. Dans les années 1960, elle va s'accélérer avec la fin de la guerre d'Algérie. Cette immigration, en provenance d'Algérie et d'autres anciens protectorats ou colonies d'Afrique du Nord, est essentiellement masculine. Elle a été complétée par une immigration féminine liée aux lois existantes sur le regroupement familial.

À cette immigration économique s'ajoutent en 1961-1962 91 000 musulmans pro-français réfugiés d'Algérie. Il s'agit principalement de harkis, mais aussi d'autres musulmans d'Algérie qui ont choisi de rester français, notamment de militaires de carrière (l'ancien secrétaire d'État Hamlaoui Mékachéra et l'ancien maire-adjoint de Strasbourg Aziz Meliani par exemple) ou de fonctionnaires, dont certains ont poursuivi leur carrière en métropole, y compris dans le corps préfectoral (les préfets Chérif Mécheri, Roger Ben Mebarek et Madhi Hacène).

Démographie

En l'absence de chiffres officiels et fiables, des estimations très divergentes du nombre de musulmans ont été avancées. Les estimations les plus basses ont été publiées par Michèle Tribalat, démographe à l'Institut national d'études démographiques(INED), qui estime le nombre de musulmans vivant en France à 3,7 millions[10]. En 2003, le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy estimait ce nombre entre 5 et 6 millions[11]. Si le chiffre qui fait désormais consensus chez les représentants des communautés religieuses et parmi les responsables gouvernementaux est de 5 millions, des estimations plus hautes ont été mises en avant. Ainsi Jean-Paul Gourévitch[12] estime ce chiffre « officiel » de 5 millions trop bas et parle d'environ 7 millions. Le Front national évoque le chiffre de 8 millions[13]. Plus de 35 % des musulmans sont originaires d'Algérie, 25 % du Maroc, 10 % de Tunisie (1 anciennes colonie française et deux protectorats). Le nombre de Français convertis est estimé entre 30 000 et 70 000 selon les sources.

Toutes ces estimations concernent le nombre de musulmans potentiels, c'est-à-dire dont une partie des ascendants directs sont issus d'un pays à majorité musulmane. Parmi ces « musulmans potentiels » sont donc incluses des personnes qui ne se décriraient pas comme musulmanes et qui sont peut-être d'une autre religion, agnostiques ou athées[14]. En 2007 deux sondages ont déclaré mesurer 3% de personnes se déclarant de la religion musulmane[15]

La population maghrébine en France, majoritairement plus pauvre, a un taux de fécondité plus élevé que le reste de la population française, respectivement 3,3 et 2 enfants par femme[16]. Cependant, on observe que le taux de fécondité des femmes d'origine maghrébine se rapproche de celui des femmes françaises avec le temps[17]

Perception des musulmans de France

Dans la perception populaire française, « arabes » et « musulmans » sont souvent considérés comme synonymes, ce qui explique certaines confusions. Certains cas d'islamophobie observée en France peuvent être l'expression d'un racisme anti-arabe et qui s'étend à leur religion, tout comme des cas d'islamophobie peuvent s'exprimer contre des "arabes" (ou identifié comme tels) sans tenir compte de leur religion vraie ou supposée. Cependant, les « Arabes » (à prendre au sens d'Arabe du temps de la présence coloniale de la France en Algérie, donc incluant les Berbères) présents en France, s’ils sont le plus souvent musulmans, peuvent aussi, de manière marginale, être chrétiens, agnostiques, etc. Parallèlement, des musulmans français peuvent avoir des origines non arabes : convertis, Turcs (nationalité) (environ 360 000[18]), Berbères (environ 2 millions[19]), Iraniens, Kurdes, Maliens, Sénégalais, Bosniaques, Albanais etc.

L'État français ne reconnaît pas légalement les origines ethniques et religieuses (à l'exception du cas particulier des harkis) mais, devant la carence d'interlocuteurs privilégiés, dans les dernières années, les gouvernements successifs ont essayé d'organiser une représentation des musulmans français. Le ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, a créé en 2002 le Conseil français du culte musulman (CFCM). Cette association, bien que reconnue formellement par le gouvernement, est toutefois une association à but non lucratif sans statut légal particulier. En 2004, elle était conduite par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.[20]

La première génération de musulmans, aujourd'hui retraités, n'était pas perçue comme immigrante, ni par l'État, ni par les employeurs, ni par les musulmans eux-mêmes. Ces musulmans ont gardé de forts liens avec leurs pays, où leurs familles sont souvent restées vivre. Les chercheurs en sciences sociales considéraient alors l’islam comme un simple fait migratoire, de « transplantation »[21]. Cependant, en 1974, le gouvernement s'est prononcé en faveur du regroupement familial, et les enfants et les femmes ont pu venir vivre en France. Beaucoup d'entre eux ont demandé la nationalité française à cette époque.

La situation est différente pour les générations ultèrieures (3éme, 4éme, 5éme... ), constituées de musulmans nés en France, et donc citoyens français par le droit du sol. La majorité d'entre eux n'ont aujourd'hui qu'une connaissance toute relative de leurs culture et pays d'origine, avec lequel ils ont conservé peu d'attaches. Ce qui explique, qu'en plus de se savoir Français, ils se ressentent comme immigrants, alors même qu'ils ont une connaissance très vague du pays de leurs ancêtres.

Identités musulmanes en France

Olivier Roy indique que le fait d'être musulman n'est qu'un élément parmi d'autres de l'identité des immigrants de la première génération. Leur identification avec l'aire d'origine est beaucoup plus forte : ils sont tout d'abord Algériens, Marocains, Tunisiens d'autres s'identifient par leur culture ou leur langue Arabes, Berbères (Kabyles, Chleuhs, Rifains), etc. Ce n'est pas aussi vrai avec la seconde génération, qui bien souvent ne parle même pas la langue des parents. Cette observation, pourtant, n'est généralement pas valable dans le cas des certaines minorités comme les Turcs qui peuvent largement maintenir leurs liens culturels avec leur pays d'origine grâce au développement international des médias de leur pays.

Conversions

En France, à peu près 60 000 personnes (les estimations varient selon les sources) se seraient converties à l’islam[22]. Il y aurait environ 3600 conversions tous les ans.

Entre 150 et 200 musulmans se convertiraient au catholicisme par an, dont beaucoup d'enfants issus de mariages mixtes[23]. Le nombre de personnes quittant l'islam, sans adopter le catholicisme, n'est pas comptabilisé.

D’après Stefano Allievi, c’est là un domaine peu exploité en sociologie religieuse car ce sont les « conceptions statiques de la religion »[24] qui sont généralement étudiées. Néanmoins, la conversion musulmane est un sujet exploité par plusieurs chercheurs : Stefano Allievi, Sarah Daynes, Mercedes Garcia-Arenal, du milieu des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Le rôle des convertis semble pouvoir devenir un enjeu important dans la configuration de l’islam européen, et cela à plusieurs titres. D’une part, ils sont des intermédiaires sociaux fondamentaux, car ils produisent une culture islamique européenne. D’autre part, le converti se repositionne par rapport à son environnement social et il exprime son acte en termes de choix[25]. Dans les études sur les convertis musulmans, on trouve un certain nombre de points récurrents. Il existe deux types de conversion, la « conversion rationnelle » et la « conversion relationnelle »[26].

La conversion relationnelle est issue d’un ensemble de liens sociaux qui produisent ou même forcent un processus décisionnel de la pratique musulmane. Cette dernière se perçoit sous deux formes : la reconversion appelée aussi ré-islamisation[27] ou musulman « reborn »[28] et la conversion par mariage.[29]. Le reconverti est un individu d’origine non-musulmane, qui est devenu musulman à l’âge adulte. Beaucoup d’individus découvrent l’islam à l’adolescence par la lecture du Coran. Ils veulent pouvoir faire la part des choses entre les messages négatifs véhiculés sur l'islam dans les sociétés non musulmanes et l'islam tel qu’il est dans le texte[30]. La conversion par mariage concerne les hommes avant le mariage qui veulent épouser une musulmane et les femmes avant ou après le mariage avec un musulman. En effet, selon l'interprétation majoritaire actuelle du Coran, la femme musulmane ne peut s’unir qu’à un coreligionnaire, alors que l’homme musulman a pour interdiction d’épouser une femme n'appartenant pas aux gens du livre. La conversion rationnelle concerne les individus issus d’une autre tradition religieuse ; les ouvrages ne mentionnent pas le cas d’anciens agnostiques ou athées. Elle est une conversion individuelle qui naît d’une recherche explicite d’un système de signification et de sens, elle a une origine intellectuelle, et répond à une soif de spiritualité et de mysticisme.[31] D’après différents récits, les convertis viennent à l’islam par la lecture du Coran, ils en font l’examen critique, formulent le désir de prendre le nom arabe choisi au moment de leur conversion comme nom d’État civil et ressentent fortement « l’islamophobie »[32]. Toutefois le changement de nom n'est pas une obligation lors de la conversion à l'islam et très rares sont les cas de changement à l'état civil. La conversion à l'islam étant possible seul, sans témoins (même si la présence de deux témoins est recommandée), il est extrêmement difficile de définir précisément le nombre de convertis.

Parmi les convertis célèbres, on peut citer Eva de Vitray-Meyerovitch[33] (1909-1999), spécialiste du soufisme et de Jalâl ud Dîn Rûmî, René Guénon[34] (1886-1951), auteur de nombreux ouvrages sur la métaphysique et la Tradition, ou Michel Chodkiewicz[35], ancien directeur général des éditions du Seuil. Plus récemment, on dénombre beaucoup de conversions dans le milieu du rap (notamment le chanteur et écrivain Abd al Malik[36]) et dans le milieu du sport (les footballeurs Franck Ribéry[37], Nicolas Anelka[38] et Eric Abidal[39], les entraîneurs Philippe Troussier[40] et Bruno Metsu[41]).

Aujourd'hui de nombreux convertis ont des enfants qui eux sont simplement français musulmans sans être dans la catégorie « musulmans convertis » ni dans la catégorie « musulmans issus de l'immigration ».

Pratiques religieuses et organisations musulmanes

Les études montrent une évolution de la pratique religieuse : d'après un sondage CSA-La Vie réalisé en 2006, 49 % des musulmans sondés ne vont jamais à la mosquée, 88 % respectent le jeûne du ramadan ainsi que les prières ou la pratique de la charité, contre 60 % en 1989[42].

Trois larges organisations existent : la Grande Mosquée de Paris, la Fédération nationale des musulmans de France et l’Union des organisations islamiques de France.

Au moins 2100 mosquées sont dénombrées en France[43], la plupart du temps un simple garage ou un local. En 1985, il y en avait environ 900 et seulement 5 en 1965[44]. Seule une douzaine d’entre elles a été construite pour cet usage. Selon Le Monde, la construction de grandes mosquées s'accélère, avec des projets dans plusieurs grandes villes françaises[45]. La plus ancienne école musulmane française est située sur l’île de la Réunion. Deux collèges musulmans existent, l'un à Aubervilliers (École de la réussite) et l'autre à Décines dans la banlieue de Lyon (Collège-Lycée Al Kindi). Un lycée vient également d'ouvrir à Lille, le lycée Averroès.

La loi de séparation de 1905 fait que les écoles publiques ne peuvent pas être confessionnelles. Les parents souhaitant que leurs enfants étudient dans des écoles religieuses doivent donc les inscrire à des écoles privées.

Intégration sociale et économique

En France, la population musulmane est surtout concentrée dans certains quartiers souvent défavorisés, en particulier dans de grandes agglomérations comme Lyon, Marseille, Paris ou Strasbourg. On parle parfois de ghettos[Qui ?]. À titre d’exemple, le département de la Seine Saint-Denis dans la banlieue parisienne cumule une forte proportion de musulmans (un tiers de la population) et un fort taux de chômage (30 % dans la commune de La Courneuve).

Dans une conversation privée avec Alain Peyrefitte en 1959, Charles de Gaulle a aussi mis en avant les racines chrétiennes de la France (il s'agissait alors pour lui de démontrer l'impossibilité d'une fusion de la France et de l'Algérie voulue par les partisans de l'Algérie française), et évoquait les conséquences d'une augmentation de l'islam en France si l'Algérie était intégrée sans restrictions à la métropole : « si tous les Arabes et Berbères d'Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s'installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Eglises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! »[46]

Aujourd’hui, certains partis d’extrême droite basent une partie de leur programme sur ce thème. Leur argumentaire développe l’idée qu’un grand nombre d’immigrants d’une culture jugée très différente, en particulier non-chrétienne, risque de déstabiliser la culture française. Ils affirment aussi que les principes de l'islam favorisent des attitudes qu'ils jugent nuisibles, telles que le sexisme et l'intolérance religieuse. Faisant un lien entre immigration, insécurité et islam, ils affirment que les comportements dits « islamistes » des populations musulmanes françaises présentent un danger pour le pays. Lors des élections régionales de 2004, le Mouvement national républicain (MNR) a axé sa campagne sur le slogan « non à l'islamisation ! ».

Proportionnellement à la population du pays, les musulmans sont sous-représentés dans les milieux politiques (partis, haut-fonctionnaires…), télévisuels (animateurs TV, journalistes…), cinématographiques. En revanche, ils sont surreprésentés dans les prisons : la majorité des personnes incarcérées en France sont musulmanes (entre 60 % et 70 % selon les sources qui précisent que les causes sont économiques et pas religieuses)[47].

Intégration culturelle

L'intégration des populations musulmanes a connu plusieurs entraves du fait de traditions et modes de pensées liés au culte. En plus des problèmes de compatibilité entre le droit européen et la loi islamique, le port du voile islamique dans les établissements scolaires a été perçu comme entrant en contradiction avec le principe de laïcité.

Une enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po[48] fait apparaître que la proportion de musulmans pratiquants revendiquant des positions culturelles traditionalistes . Selon ce sondage, 39 % des musulmans pratiquants condamnent l'homosexualité (contre 21 % de l'ensemble des Français), 43 % approuvent des horaires séparés pour les femmes dans les piscines et 46 % manifestent des sentiments antisémites (contre 18 % de Français). On compare ici les réponses de l'ensemble de la population française avec la fraction musulmane pratiquante. En revanche, 80 % des pratiquants expriment une opinion positive sur la religion chrétienne. Selon ce même sondage, « Alors que seulement 3 % des Français de 18 à 35 ans donnent des réponses qui les classent comme « conservateurs », ils sont 40 % parmi ceux issus de cette immigration. »

Les musulmans semblent avoir des orientations politiques différentes du reste de la population. Par exemple, selon une enquête Ifop-La Croix de 2008, les musulmans soutiennent le Parti socialiste (PS) à 51,8 %, contre 26,8 % pour le reste de la population. Les musulmans se sentent même plus proches de l'extrême gauche que de l'Union pour un_mouvement populaire (UMP)[49].

Le prénom Mohamed est devenu le prénom le plus donné en Seine-Saint-Denis[50] et à Marseille[51].

Le soufisme

Le terme occidental « soufisme » apparaît, sous la forme latine de Sufismus, dans un ouvrage publié à Berlin en 1821. La première moitié du XIXe siècle voit se développer l’orientalisme académique, dans lequel la France occupe une place prépondérante. Le soufisme suscite dès lors un nombre croissant d’études et de traductions, centrées d’abord sur le monde persan[52].

Au XXe siècle, l’orientalisme français joue un rôle de plus en plus déterminant dans la connaissance ‘‘gustative’’ du soufisme en France, du fait sans doute que ses plus éminents spécialistes sont eux-mêmes engagés dans une quête spirituelle. Dans leur démarche respective de chrétiens, Louis Massignon[53] et Henry Corbin[54] se sont alimentés à la mystique musulmane et, à leur tour, ont alimenté un public se situant à la limite entre académisme et recherche intérieure. Certains chercheurs ont conjoint domaine d’étude et orientation spirituelle en pratiquant l’islam soufi, tel Eva de Vitray-Meyerovitch (1909-1999)[55] et Michel Chodkiewicz[56].

La première présence effective en France d’un soufi ou d’un groupe soufi remonte à l’émir Abd El-Kader, qui y a été retenu durant cinq années (1847-1852)[57]. Les Français qui l’ont alors approché ont été séduits par son charisme, et des documents inédits montrent que des sœurs chrétiennes désirant le suivre jusque dans son exil spirituel en Orient[58]. René Guénon est le principal artisan de la pénétration du soufisme en France au XXe siècle[59]. Sa pratique islamique et son appartenance soufie ont pourtant été marquées du sceau de la discrétion, mais son œuvre ainsi que la correspondance qu’il a entretenue avec beaucoup de ‘‘chercheurs de vérité’’, a déterminé l’entrée dans la Voie de nombreux Français[60].

Implantée en France depuis les années 1920, la tariqa ‘Alâwiyya, toutes branches confondues, est la voie qui a le plus marqué le soufisme français au XXe siècle. Initiée par un saint au charisme incontesté, le cheikh algérien Ahmad al-‘Alâwî (m. 1934)[61], elle a été orientée dès ses débuts vers une ouverture au monde chrétien d’Europe, et a compté rapidement dans ses rangs des disciples français. À partir des années 1970, on assiste à un développement très rapide de la présence du soufisme en Europe, et notamment en France. Plusieurs groupes soufis émanant des grandes voies - Shâdhiliyya, Naqshbandiyya, Qâdiriyya, Tijâniyya…- voient alors le jour[62]. Plus récemment, la tariqa Boutchîchiyya, qui se rattache à la voie-mère Qâdiriyya, est parvenue à faire connaitre l'enseignement du Cheikh Hamza al Qâdiri al Boutchichi, par le biais de représentants comme le conférencier Faouzi Skali[63] ou le chanteur Abd al Malik[64].

Toutes ces confréries se prévalent d’un soufisme orthodoxe, car les affiliés restent fidèles aux prescriptions de l’islam et sont même parfois versés dans les sciences islamiques[65]. A l’échelle individuelle ou collective, les soufis se disent apolitiques, et se montrent méfiants à l’égard des idéologies[66]. Au-delà d’un apport proprement initiatique, la culture soufie contribue à restaurer la primordialité spirituelle du message islamique, trop souvent étouffée par le juridisme, et à briser les facteurs d’instrumentalisation de la religion[67]. S’il offre une voie spirituelle à certains européens, le soufisme sert plus largement de médiateur entre l’islam et l’Occident[68].


L'islamisme

Une étude réalisée par des chercheurs belges, Évolution du terrorisme en 2005, établit que les musulmans sont les principales victimes du terrorisme. Ce terme manquant de précision, d'autres lui sont souvent préférés, comme « islamiste » (qui s'applique à une personne), « mouvement intégriste » ou « mouvement extrémiste » (qui s'applique à un groupe fondamentaliste), ou « mouvement terroriste » (qui s'applique à un groupe utilisant la violence pour parvenir à ses fins). Ces termes ne doivent pas être confondus avec « islamique », qui est synonyme de « musulman » (qualificatif, par exemple dans « foulard islamique »). Le terme « mouvement islamique », parfois utilisé dans les médias, prête à confusion quand il désigne un mouvement politique.

Dans les pays où l'islam est majoritaire, les mouvements islamistes sont surtout à l'œuvre sur le terrain politique. Olivier Roy appelle islamistes « ceux qui voient dans l'islam une idéologie politique, au sens moderne du terme, c'est-à-dire une théorie qui prétend s'appliquer à l'ensemble de la société ».

Notes et références

  1. [1] L'athéisme et l'agnosticisme, mouvements de pensée non assimilables à des religions, ne sont pas ici recensés.
  2. « Toutes ces statistiques doivent être considérées avec précaution, sachant que la loi Informatique et Liberté de 1978 interdit tout dénombrement dans les enquêtes officielles portant sur l’appartenance ethnique ou religieuse. Dans ces estimations, le terme musulman est donc pris dans son acception la plus large (religion, culture, référent identitaire). [DIOP M., (dir.) 2000, Le point sur l’islam en France, Paris, La documentation française, p. 19]. Les évaluations sont souvent faites en prenant en compte directement l'origine des populations immigrées.»
  3. Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, Intégrer l'Islam p.33, Odile Jacob, 2007, ISBN 9782738119001
  4. Bruno Etienne, « Nos ancêtres les Sarrasins » in : hors série no 54 du Nouvel Observateur, « Les nouveaux penseurs de l’islam », avril mai 2004, p. 22-23
  5. François Clément, « Des musulmans à Montpellier au XIIe siècle ? », dans Histoire de l'islam et des musulmans en France, Albin Michel, 2007, p.47
  6. François Clément, « Les esclaves musulmans en France méridionale aux XIIe et XVe siècles » dans Histoire de l'islam et des musulmans en France, Albin Michel, 2007, p.48-53
  7. Charles Verlinden, « Les esclaves musulmans du Midi de la France » dans Islam et Chrétiens du Midi, Cahiers de Fanjeaux, No 18, 1983, p.215-234
  8. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard, 2009, p.293
  9. Gérard Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France, Fayard, 2009, p.287 et 313
  10. 3,7 millions de musulmans en France -Les vrais chiffres, Entretien avec Michèle Tribalat
  11. Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, Intégrer l'Islam p.38, Odile Jacob, 2007, ISBN 9782738119001
  12. Jean-Paul Gourévitch,Les migrations en Europe p.362, Acropole, 2007, ISBN 9782735702671
  13. Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, Intégrer l'Islam p.35, Odile Jacob, 2007, ISBN 9782738119001
  14. Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, Intégrer l'Islam p.26, Odile Jacob, 2007, ISBN 9782738119001
  15. Ifop, Sofres, Croyants et athées, où habitent-ils en France?
  16. Jonathan Laurence et Justin Vaïsse, Intégrer l'Islam p.43, Odile Jacob, 2007, ISBN 9782738119001
  17. [pdf]Les Femmes maghrébines en France, page 18
  18. Bulletin, République de Turquie, ministère du Travail et de la Sécurité Sociale, Direction générale des Relations internationales et des Services pour les travailleurs à l’étranger, avril-juin 2004 (ces chiffres incluent tant les Turcs "ethniques" que les Kurdes de nationalité turque et les autres groupes du pays [ Tcherkesses, Arabes, Albanais, Bosniaques, Lazes... ] )
  19. « Le vote berbère en Île-de-France », Observatoire indépendant d'information et de réflexion sur le communautarisme, la laïcité, les discriminations et le racisme, 20 Mars 2004.
  20. Rappelons qu'un premier Conseil consultatif des musulmans de France (CCMF) a été créé en septembre 1993 et qu'une charte du culte musulman en France a été rendue publique le 10/12/1994, sous Charles Pasqua, au moment où était annoncée officiellement la constitution, par la Mosquée de Paris, du Conseil représentatif des musulmans de France, nouvelle appellation donnée au CCMF.
  21. Terme employé par F. DASSETTO, 1984. L’Islam transplanté. Bruxelles : E.P.O; B. ETIENNE, 1990. La France et l’islam. Paris : Hachette; F. KHOSROKHAVAR, 1997 L’islam des jeunes. Paris : Flammarion et S. ALLIEVI, 2000 Les conversions à l’islam. Redéfinition des frontières identitaires entre individu et communauté. In Dassetto F. (dir.). Paroles d’islam. Paris : Maisonneuve et Larose. p. 157-180
  22. [2]
  23. France : chaque année entre 150 et 200 musulmans deviennent catholiques, site web Zénit, Le monde vu de Rome
  24. expression empruntée à J. A. BECKFORD, 1989 Religion and advanced industrial society. Londres :Sage publication. page 64
  25. S. ALLIEVI, 2000. Les conversions à l’islam. Redéfinition des frontières identitaires entre individu et communauté. In Dassetto F. (dir.). Paroles d’islam. Paris : Maisonneuve et Larose. pages 157-180
  26. S. ALLIEVI, 1998. Les convertis à l’islam. Les nouveaux musulmans d’Europe. Paris : L’Harmattan. pages 94-95
  27. G. KEPEL, 1991. Les banlieues de l’islam. Paris : Points-Seuil; F. KHOSROKHAVAR, 1997 L’islam des jeunes. Paris : Flammarion et J. CESARI, 1997. Être musulman en France aujourd’hui. Série dirigée par Étienne, B. Paris : Hachette
  28. S. ALLIEVI, 2000 : 166
  29. S. ALLIEVI, 1998 : 101
  30. M. ABABOU, 1995. Changement et socialisation : Enquête sur les pratiques des étudiants maghrébins en France (le cas de l’Île-de-France). Thèse de doctorat : sociologie : Aix-en-Provence : Université Aix-Marseille I, p. 81-198
  31. G. KEPEL, 1991 et S. ALLIEVI, 2000
  32. Expression employée par Tariq ABDUL-WAHAD. (1999) que l'on retrouve chez Vincent Geisser, 2003. La nouvelle islamophobie. La découverte : Paris. et qui est en fait bien antérieure, puisqu'on retrouve l'expression en 1986 dans un dossier L'islam en France, in Cahiers de l'Orient, N°3.
  33. http://www.soufisme.org/site/article.php3?id_article=282
  34. http://www.moncelon.com/Guenon.htm
  35. http://www.memoireonline.com/12/05/63/m_naissance-intellectuel-musulman-medias-francais1.html
  36. http://www.saphirnews.com/Abd-Al-Malik-Ma-force-personnelle-me-vient-de-l-Islam-_a4052.html
  37. http://www.ribery-franck.org/ribery-et-lislam.html
  38. http://www.lexpress.fr/actualite/sport/les-stars_493946.html
  39. http://www.fcbarcelonaclan.com/news,eric-en-defense-de-l-islam,5708.html
  40. http://www.emarrakech.info/Philippe-Troussier-se-convertit-a-l-Islam_a7166.html
  41. http://www.linternaute.com/sport/dossier/football/07/entraineurs-francais-a-l-etranger/11.shtml
  42. Sophie de Ravinel, « Ramadan : la pratique augmente, les pressions aussi », dans Le Figaro du 12-09-2007, [lire en ligne]
  43. L'Annuaire musulman, édition 2008 Orientica
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  45. La création de mosquées se banalise en France
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  49. « Enquête "La Croix"-Ifop sur l'orientation politique des Français musulmans » sur le site La-croix.com, 31 août 2008.
  50. Top 20 des prénoms pour le département Seine-Saint-Denis (93)
  51. Edition France Soir du lundi 25 février 2008
  52. http://oumma.com/Le-soufisme-et-la-France-partie-1
  53. Louis Massignon, La Passion de Al-Hallâj, Paris, Gallimard, 1975, 4 vol.
  54. Henry Corbin, L'Imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn'Arabî, 2e éd.,Flammarion, 1977.
  55. Eva de Vitray-Meyerovitch, Islam, l'autre visage, Albin Michel, 1995.
  56. http://www.archipress.org/batin/chodkiewicz.htm
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  59. Pierre Assouline, Les nouveaux convertis, Gallimard, coll. Folio, 1992.
  60. http://www.soufisme.org/site/rubrique.php3?id_rubrique=31
  61. Martin Lings, Un saint soufi du XXe siècle : le cheikh Ahmad al-Alawi, Points Sagesses, 1990.
  62. http://oumma.com/Le-soufisme-et-la-France-partie-2
  63. Faouzi Skali, Le Face à face des cœurs, le soufisme aujourd'hui, Éditions du Relié, 2000, Presses Pocket, 2002.
  64. Abd al Malik, Qu'Allah bénisse la France, Albin Michel, 2007.
  65. http://www.soufisme.org/site/article.php3?id_article=36
  66. http://www.soufisme.org/site/article.php3?id_article=244
  67. http://www.soufisme.org/site/article.php3?id_article=16
  68. http://oumma.com/Le-soufisme-et-la-France-partie-2

Bibliographie sélective

  • Abdul-Wahad, T. 1999. Interview exclusive. Islam de France, N°6, p. 21-35.-Revue musulmane
  • Allievi, S. 1998. Les convertis à l’islam. Les nouveaux musulmans d’Europe. Paris : L’Harmattan.
  • Allievi, S. 1999. Pour une sociologie des conversions : lorsque des Européens deviennent musulmans. Social Compass N°46, p. 283-300.
  • Allievi, S. 2000. Les conversions à l’islam. Redéfinition des frontières identitaires entre individu et communauté. In Dassetto F. (dir.). Paroles d’islam. Paris : Maisonneuve et Larose. p. 157-180.
  • Chedepeau, M., Dr Benoist. 1999. Histoire convertis des années 50. Islam de France, N°6, p. 137-139.-Revue musulmane
  • Daynes, S. 1999. Processus de conversion et modes d’identification à l’islam : l’exemple de la France et des États-Unis. Social Compass, N°46, p. 313-323.
  • Gracia-Arenal, M. 1999. Les conversions d’Européens à l’islam dans l’histoire : esquisse générale. Social Compass N°46, p. 273-281.
  • Gracia-Arenal, M. 2002. Conversions islamiques. Paris : Maisonneuve et Larose.
  • Setta, E. 1999. Le suisse converti à l’islam : émergence d’un nouvel acteur social. Social Compass, N°46, p. 337-346.
  • Joachim Véliocas, L'islamisation de la France, Godefroy de Bouillon, 2006

Articles connexes

Liens externes

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