Algèbre de Clifford

Algèbre de Clifford
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En mathématiques, les algèbres de Clifford sont des algèbres associatives importantes au sein des théories des formes quadratiques, des groupes orthogonaux et en physique. Elles peuvent être vues comme l'une des généralisations possibles des nombres complexes et des quaternions. Elles ont été nommées en l'honneur du mathématicien anglais William Kingdon Clifford.

Une certaine familiarité avec les bases de l'algèbre multilinéaire sera très utile à la lecture de cet article.

Sommaire

Introduction et propriétés de base

Précisément, une algèbre de Clifford est une algèbre associative unitaire qui est engendrée par un espace vectoriel V muni d'une forme quadratique Q.

L'algèbre de Clifford \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est l'algèbre « la plus générale » engendrée par V soumise à la condition1

v^2 = Q(v)\ pour tout  v \in V,\,

où le produit v2 est pris à l'intérieur de l'algèbre et le réel Q(v) est identifié à Q(v)·1, 1 désignant l'unité de l'algèbre. Si la caractéristique du corps de base K n'est pas 2, alors on peut ré-écrire cette identité fondamentale sous la forme

uv + vu = 2 \lang u, v\rang pour tout u,v \in V

\lang u, v\rang = (Q(u+v) - Q(u) - Q(v))/2\, est la forme bilinéaire symétrique associée à Q.

Cette idée d'algèbre « la plus générale » soumise à cette identité peut être formellement exprimée à travers la notion de propriété universelle (voir ci-dessous).

Les algèbres de Clifford sont directement reliées aux algèbres extérieures. En fait, si Q = 0 alors l'algèbre de Clifford \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est simplement l'algèbre extérieure \Lambda(V)\,. Pour Q différent de zéro, il existe un isomorphisme canonique linéaire entre \Lambda(V)\, et \mathcal{C}\ell(V,Q)\, toutes les fois que le corps de base K n'est pas de caractéristique 2. C’est-à-dire qu'ils sont naturellement isomorphes comme espaces vectoriels mais avec des multiplications différentes. La multiplication de Clifford est plus riche que le produit extérieur puisqu'il fait usage d'une information supplémentaire fournie par Q.

Les formes quadratiques et les algèbres de Clifford de caractéristique 2 forment un cas exceptionnel. En particulier, si la caractéristique de K = 2, il n'est pas vrai qu'une forme quadratique est déterminée par sa forme bilinéaire symétrique, ou que chaque forme quadratique admet une base orthogonale. Beaucoup de résultats dans cet article incluent la condition que la caractéristique n'est pas 2, et sont faux si cette condition est enlevée.

Construction et propriété universelle

Soient V un espace vectoriel sur un corps commutatif K, et  Q : V \to k une forme quadratique sur V. Une algèbre de Clifford  \mathcal{C}\ell(Q) est une algèbre associative unitaire sur K munie d'une application linéaire  i : V \to \mathcal{C}\ell(Q) définie par la propriété universelle suivante :

Pour toute algèbre associative A sur K munie d'une application linéaire  j : V \to A vérifiant j(v)2 = Q(v)1 pour chaque vecteur v de V (où 1 désigne le neutre multiplicatif de A), il existe un unique homomorphisme d'algèbres  f : \mathcal{C}\ell(Q) \to A faisant commuter le diagramme suivant :

 \begin{matrix} V & \to & \mathcal{C}\ell(Q) \\ \downarrow & \swarrow &\\ A && \end{matrix}

c'est-à-dire que  f \circ i = j .

En travaillant avec la forme bilinéaire symétrique \lang\cdot,\cdot\rang associée à Q (de caractéristique différente de 2), la condition sur j est

j(v)j(w) + j(w)j(v) = \lang v, w \rang pour tout v wV.

Une algèbre de Clifford comme décrite ci-dessus existe toujours et peut être construite comme suit : Démarrer avec l'algèbre la plus générale qui contient V, concrètement l'algèbre tensorielle T(V), puis imposer l'identité fondamentale en prenant un quotient convenable. Dans notre cas, nous voulons prendre l'idéal bilatère I_ Q\, dans T(V)\, engendré par tous les éléments de la forme

v\otimes v - Q(v)1 pour tout v\in V

et définissons \mathcal{C}\ell(V,Q)\, comme le quotient

\mathcal{C}\ell(V,Q) = T(V)/I_Q\,.

Il est alors plus direct de montrer que \mathcal{C}\ell(V,Q)\, contient V et satisfait la propriété universelle ci-dessus, donc que \mathcal{C}\ell\, est unique à un isomorphisme près; ainsi on parle de l'algèbre de Clifford \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. Il suit aussi de cette construction que i est injective. Habituellement, on laisse tomber le i et on considère V comme un sous-espace vectoriel de \mathcal{C}\ell(V,Q)\,.

Une conséquence de la définition est que pour tous vecteurs u,v de V, l'identité  uv + vu = \lang u,v \rang 1 est vraie dans C(Q). Si le corps n'est pas de caractéristique 2, cette propriété peut être utilisée en tant que définition alternative.

La caractérisation universelle des algèbres de Clifford montre que la construction de \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est de nature fonctorielle. Concrètement, \mathcal{C}\ell\, peut être considéré comme un foncteur issu de la catégorie des espaces vectoriels avec formes quadratiques (dont les morphismes sont des applications linéaires préservant la forme quadratique) vers la catégorie des algèbres associatives. La propriété universelle garantit que les applications linéaires entre les espaces vectoriels (préservant la forme quadratique) s'étendent de façon unique vers les homomorphismes d'algèbre entre les algèbres de Clifford associées.

Base et dimension

Si la dimension de V est n et \{e_1,\ldots,e_n\} est une base de V, alors l'ensemble

\{e_{i_1}e_{i_2}\cdots e_{i_k} \mid 1\le i_1 < i_2 < \cdots < i_k \le n\mbox{ et } 0\le k\le n\}

est une base de \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. Le produit vide (k = 0) est défini comme l'élément neutre multiplicatif. Pour chaque valeur de k, il existe \binom{n}{k} éléments de la base, donc, la dimension totale de l'algèbre de Clifford est

\dim \mathcal{C}\ell(V,Q) = \sum_{k=0}^n\begin{pmatrix}n\\ k\end{pmatrix} = 2^n.

Si la caractéristique n'est pas 2, il existe un ensemble de bases privilégiées pour V : les bases orthogonales. Une base orthogonale est telle que

\langle e_i, e_j \rangle = 0 \qquad i\neq j. \,

où <·,·> est la forme bilinéaire symétrique associée à Q. L'identité de Clifford fondamentale implique que pour une base orthogonale

e_ie_j = -e_je_i \qquad i\neq j. \,

Ceci rend la manipulation des vecteurs de la base orthogonale tout à fait simple. Étant donné un produit e_{i_1}e_{i_2}\cdots e_{i_k} de vecteurs distincts de la base orthogonale, on peut les placer dans un ordre standard en incluant un signe correspondant au nombre de permutations nécessaires pour les ordonner correctement (i.e. la signature de la permutation ordonnée).

On peut aisément étendre la forme quadratique sur V vers une forme quadratique sur \mathcal{C}\ell(V,Q)\, en demandant que les éléments distincts e_{i_1}e_{i_2}\cdots e_{i_k} soient orthogonaux entre eux, et en posant :

Q(e_{i_1}e_{i_2}\cdots e_{i_k}) = Q(e_{i_1})Q(e_{i_2})\cdots Q(e_{i_k})

En particulier Q(1) = 1 et la forme quadratique sur un scalaire est simplement Q(\lambda) = \lambda^2\,. Ainsi, les bases orthogonales de V peuvent être étendues en une base orthogonale de \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. La forme quadratique définie de cette manière est en fait indépendante de la base orthogonale choisie (une formulation indépendante de la base sera donnée plus bas).

Exemples : les algèbres de Clifford réelles et complexes

Les algèbres de Clifford les plus importantes sont celles sur les espaces vectoriels réels et complexes muni de formes quadratiques non dégénérées.

Chaque forme quadratique non dégénérée sur un espace vectoriel réel de dimension finie est équivalente à la forme diagonale standard :

Q(v) = v_1^2 + \cdots + v_p^2 - v_{p+1}^2 - \cdots - v_{p+q}^2

n = p + q est la dimension de l'espace vectoriel. La paire d'entiers (p, q) est appelée la signature de la forme quadratique. L'espace vectoriel avec cette forme quadratique est souvent noté \mathbb{R}^{p,q}\,. L'algèbre de Clifford sur \mathbb{R}^{p,q}\, est notée \mathcal{C}\ell_{p,q}(\mathbb{R})\,. Le symbole \mathcal{C}\ell_{n}(\mathbb{R})\, signifie soit \mathcal{C}\ell_{n,0}(\mathbb{R})\, ou \mathcal{C}\ell_{0,n}(\mathbb{R})\, selon que les auteurs préfèrent des espaces définis positifs ou négatifs.

Une base orthonormale standard {ei} pour \mathbb{R}^{p,q}\, consiste en n = p + q vecteur mutuellement orthogonaux, p ont une norme +1 et q ont une norme -1. L'algèbre \mathcal{C}\ell_{p,q}(\mathbb{R})\, aura par conséquent p vecteurs dont le carré sera égal à +1 et q vecteurs dont le carré sera égal à -1.

  • \mathcal{C}\ell_{0,0}(\mathbb{R})\, est naturellement isomorphe à \mathbb{R}\, puisqu'il n'y a pas de vecteurs différents de zéro.
  • \mathcal{C}\ell_{0,1}(\mathbb{R})\, est une algèbre à deux dimensions engendrée par un vecteur unique e1 dont le carré est égal à -1, et par conséquent est isomorphe à \mathbb{C}\,, le corps des nombres complexes.
  • L'algèbre \mathcal{C}\ell_{0,2}(\mathbb{R})\, est une algèbre à quatre dimensions engendrée par {1, e1, e2, e1e2}. Les trois derniers éléments ont le carré égal à -1 et anticommutent tous, et donc, l'algèbre est isomorphe aux quaternions \mathbb{H}\,.

On peut aussi étudier les algèbres de Clifford sur les espaces vectoriels complexes. Chaque forme quadratique non dégénérée sur un espace vectoriel complexe est équivalent à la forme diagonale standard

Q(z) = z_1^2 + z_2^2 + \cdots + z_n^2

n = dim V, donc il existe essentiellement une seule algèbre de Clifford dans chaque dimension. Nous noterons l'algèbre de Clifford sur \mathbb{C}^n\, avec la forme quadratique standard par \mathcal{C}\ell_n(\mathbb{C})\,. On peut montrer que l'algèbre \mathcal{C}\ell_n(\mathbb{C})\, peut être obtenue par la complexification de l'algèbre \mathcal{C}\ell_{p,q}(\mathbb{R})\,n = p + q:

\mathcal{C}\ell_n(\mathbb{C}) \cong \mathcal{C}\ell_{p,q}(\mathbb{R})\otimes\mathbb{C} \cong \mathcal{C}\ell(\mathbb{C}^{p+q},Q\otimes\mathbb{C}).

Ici Q est la forme quadratique réelle de signature (p,q).

Note : la complexification ne dépend de la signature. Les premiers cas ne sont pas difficiles à calculer. On trouve que

\mathcal{C}\ell_{0}(\mathbb{C})=\mathbb{C}\,
\mathcal{C}\ell_{1}(\mathbb{C})=\mathbb{C} \oplus \mathbb{C}\,
\mathcal{C}\ell_{2}(\mathbb{C})=\mathbb{M}_2(\mathbb{C})\,

\mathbb{M}_2(\mathbb{C})\, représente l'algèbre de matrices 2 x 2 sur \mathbb{C}\,.

Il s'avère que chacune des algèbres \mathcal{C}\ell_{p,q}(\mathbb{R})\, et \mathcal{C}\ell_n(\mathbb{C})\, est isomorphe à l'algèbre de matrices sur \mathbb{R}\,, \mathbb{C}\, ou \mathbb{H}\, ou à la somme directe de deux algèbres de cette sorte. Pour une classification complète de ces algèbres :

Propriétés

Relation avec l'algèbre extérieure

Étant donné un espace vectoriel V, on peut construire l'algèbre extérieure \Lambda(V)\,, dont la définition est indépendante de toute forme quadratique sur V. Il s'avère que si F n'est pas de caractéristique 2 alors il existe un isomorphisme naturel entre \Lambda(V)\, et \mathcal{C}\ell(V,Q)\, considéré comme des espaces vectoriels. C'est un isomorphisme d'algèbre si et seulement si Q = 0. On peut ainsi considérer l'algèbre de Clifford \mathcal{C}\ell(V,Q)\, comme un enrichissement de l'algèbre extérieure sur V avec une multiplication qui dépend de Q.

La manière la plus facile d'établir l'isomorphisme est de choisir une base orthogonale {ei} pour V et de l'étendre en une base orthogonale pour \mathcal{C}\ell(V,Q)\, comme décrit ci-dessus. L'application \mathcal{C}\ell(V,Q) \to \Lambda(V)\, est déterminée par

e_{i_1}e_{i_2}\cdots e_{i_k} \mapsto e_{i_1}\wedge e_{i_2}\wedge \cdots \wedge e_{i_k}.

Note : Ceci fonctionne seulement si la base {ei} est orthogonale. On peut montrer que cette application est indépendante du choix de la base orthogonale et donc donne un isomorphisme naturel.

Si la caractéristique de K est 0, on peut aussi établir l'isomorphisme par antisymétrie. Définissons les fonctions f_k : V \times \ldots \times V \to \mathcal{C}\ell(V,Q)\, par

f_k(v_1, \cdots, v_k) = \frac{1}{k!}\sum_{\sigma\in S_k}{\rm sgn}(\sigma)\, v_{\sigma(1)}\cdots v_{\sigma(k)}

où la somme est prise sur le groupe symétrique sur k éléments, et où sgn(σ) est la signature de la permutation σ. fk est alternée, et induit une application linéaire unique \Lambda^k(V) \to \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. La somme directe de ces applications donne une application linéaire entre \Lambda(V)\, et \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. On peut montrer que cette application est un isomorphisme linéaire.

Une autre manière de voir la relation est la construction d'un filtre sur \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. Rappelons que l'algèbre tensorielle T(V) possède un filtre naturel : F^0 \subset F^1 \subset F^2 \subset \ldots\,Fk contient les sommes de tenseurs de rang ≤ k. Projeter ceci vers l'algèbre de Clifford donne un filtre sur \mathcal{C}\ell(V,Q)\,. L'algèbre graduée associée

\bigoplus_k F^k/F^{k-1}\,

est naturellement isomorphe à l'algèbre extérieure \Lambda(V)\,.

Une manière plus simple est de voir qu'en choisissant une base  e_1, e_2, \ldots de V, on peut toujours exprimer, grâce à la relation d'anticommutativité, un élément de l'algèbre de Clifford comme combinaison linéaire de monômes du type :

 e_{i_1} e_{i_2} \cdots e_{i_n}, \qquad i_1 < i_2 < \cdots < i_n ,

ce qui donne un isomorphisme explicite avec l'algèbre extérieure. Notons que ce n'est qu'un isomorphisme d'espaces vectoriels.

Si V est de dimension finie paire, que le corps est algébriquement clos et que la forme quadratique est non dégénérée, l'algèbre de Clifford est centrale simple. Ainsi, par le théorème d'Artin-Wedderburn, elle est (non canoniquement) isomorphe à une algèbre de matrices. Il s'ensuit que dans ce cas, C(q) possède une représentation irréductible de dimension 2dim V / 2, qui est unique à un isomorphisme (non unique) près. C'est la (sulfureusement) célèbre représentation spinorielle, dont les vecteurs sont appelés spineurs.

Graduation

L'application linéaire sur V définie par v \mapsto -v\, conserve la forme quadratique Q et donc, par la propriété universelle des algèbres de Clifford s'étend à un automorphisme d'algèbre

\alpha : \mathcal{C}\ell(V,Q) \to \mathcal{C}\ell(V,Q)\,.

Puisque \alpha\, est une involution (i.e. son carré est l'identité), on peut décomposer \mathcal{C}\ell(V,Q)\, en deux espaces propres positifs et négatifs

\mathcal{C}\ell(V,Q) = \mathcal{C}\ell^0(V,Q) \oplus \mathcal{C}\ell^1(V,Q)

\mathcal{C}\ell^i(V,Q) = \{x \in \mathcal{C}\ell(V,Q) | \alpha(x) = (-1)^ix\}\,. Puisque \alpha\, est un automorphisme, il vient

\mathcal{C}\ell^{\,i}(V,Q)\mathcal{C}\ell^{\,j}(V,Q) = \mathcal{C}\ell^{\,i+j}(V,Q)\,

où les indices supérieurs sont lus modulo 2. Ceci signifie que \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est une \mathbb{Z}_2\,-algèbre graduée (aussi connue comme une superalgèbre).

Note : \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, forme une sous-algèbre de \mathcal{C}\ell(V,Q)\,, appelée la sous-algèbre paire. La partie \mathcal{C}\ell^1(V,Q)\, est appelée la partie impaire de \mathcal{C}\ell(V,Q)\, (ce n'est pas une sous-algèbre). Cette \mathbb{Z}_2\,-graduation joue un rôle important dans l'analyse et l'application des algèbres de Clifford. L'automorphisme \alpha\, est appelé l'involution principale ou l'involution de grade.

Remarque. En caractéristique différente de 2, l'algèbre \mathcal{C}\ell(V,Q)\, hérite d'une \mathbb{Z}-graduation de l'isomorphisme canonique avec l'algèbre extérieure \Lambda(V)\,. Néanmoins, ceci est un espace vectoriel seulement gradué, c’est-à-dire que la multiplication de Clifford ne respecte pas la \mathbb{Z}\,-graduation, seulement la \mathbb{Z}_2\,-graduation. Heureusement, les graduations sont reliées d'une manière naturelle : \mathbb{Z}_2 = \mathbb{Z}/2\mathbb{Z}\,. Le degré d'un nombre de Clifford fait référence généralement au degré dans la \mathbb{Z}\,-graduation. Les éléments qui sont homogènes dans la \mathbb{Z}_2\,-graduation sont simplement dits pairs ou impairs.

Si la caractéristique de K n'est pas 2, alors la sous-algèbre paire \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, d'une algèbre de Clifford est elle-même une algèbre de Clifford. Si V est la somme directe orthogonale d'un vecteur a de norme Q(a) et un sous-espace U, alors \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, est isomorphe à \mathcal{C}\ell(U,~-Q(a)Q)\,, où -Q(a)Q est la forme Q restreinte à U et multipliée par -Q(a). En particulier sur les réels, ceci implique que

\mathcal{C}\ell_{p,q}^0(\mathbb{R}) \cong \mathcal{C}\ell_{p,q-1}(\mathbb{R}) pour q > 0 et
\mathcal{C}\ell_{p,q}^0(\mathbb{R}) \cong \mathcal{C}\ell_{q,p-1}(\mathbb{R}) pour p > 0.

Dans le cas défini négatif, cela donne une inclusion \mathcal{C}\ell_{0,n-1}(\mathbb{R}) \subset \mathcal{C}\ell_{0,n}(\mathbb{R})\, qui étend la suite

\mathbb{R} \subset \mathbb{C} \subset \mathbb{H} \subset \mathbb{H} \oplus \mathbb{H} \subset \ldots\,

De même, dans le cas complexe, on peut montrer que la sous-algèbre paire de \mathcal{C}\ell_{0,n}(\mathbb{C})\, est isomorphe à \mathcal{C}\ell_{0,n-1}(\mathbb{C})\,.

L'algèbre de Clifford \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est filtrée par les sous-espaces  K \subset K + V \subset K+V+V^2 \subset \cdots constitués d'éléments pouvant être écrits comme monômes en 0, 1, 2 ... vecteurs de V. L'algèbre graduée associée est canoniquement isomorphe à l'algèbre extérieure \Lambda(V)\, de l'espace vectoriel. Cela montre en particulier que  \dim \mathcal{C}\ell(V,Q) = 2^{\dim V} .

Anti-automorphismes

En plus de l'automorphisme \alpha\,, il existe deux anti-automorphismes qui jouent un rôle important dans l'analyse des algèbres de Clifford. Rappelons que l'algèbre tensorielle T(V) possède un anti-automorphisme qui renverse l'ordre de tous les produits :

v_1\otimes v_2\otimes \cdots \otimes v_k \mapsto v_k\otimes \cdots \otimes v_2\otimes v_1.

Puisque l'idéal I_Q\, est invariant sous ce renversement, cette opération descend vers un anti-automorphisme de \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, appelé l'opération de transposition ou de renversement, notée par x^t\,. La transposition est un anti-automorphisme : (xy)^t = y^t x^t\,. L'opération de transposition ne fait pas usage de la \mathbb{Z}_2-graduation donc nous définissons un deuxième anti-automorphisme par composition d'α et la transposition. Nous appelons cette opération la conjugaison de Clifford notée \bar x\,

\bar x = \alpha(x^t) = \alpha(x)^t\,.

De ces deux anti-automorphismes, la transposition est la plus fondamentale.3

Note : Toutes ces opérations sont des involutions. On peut montrer qu'ils agissent comme ±1 sur les éléments qui sont homogènes dans la \mathbb{Z}-graduation. En fait, toutes les trois opérations dépendent seulement sur le degré modulo 4. C’est-à-dire, si x est homogène avec un degré k, alors

\alpha(x) = \pm x \qquad x^t = \pm x \qquad \bar x = \pm x\, où les signes sont donnés par la table suivante :
k mod 4 0 1 2 3
\alpha(x)\, + - + - (-1)^k\,
x^t\, + + - - (-1)^{k(k-1)/2}\,
\bar x + - - + (-1)^{k(k+1)/2}\,

Le produit scalaire de Clifford

Lorsque la caractéristique n'est pas 2, la forme quadratique Q sur V peut être étendue à une forme quadratique sur toutes les \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, comme expliqué plus haut (et que nous avons aussi notée par Q). Une définition de base indépendante est

2Q(x) = \lang x^t x\rang

où <a> désigne la partie scalaire de a (la partie de graduation 0 dans la \mathbb{Z}-graduation). On peut montrer que

Q(v_1v_2\cdots v_k) = Q(v_1)Q(v_2)\cdots Q(v_k)

où les vi sont les éléments de V — cette identité n'est pas vraie pour des éléments arbitraires de \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\,.

La forme bilinéaire symétrique associée sur \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, est donnée par

\lang x, y\rang = \lang x^t y\rang.

On peut vérifier que ceci se réduit à la forme bilinéaire originale lorsqu'elle est restreinte à V. La forme bilinéaire de toutes les \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, est non dégénérée si et seulement si elle n'est pas dégénérée sur V.

Il n'est pas difficile de vérifier que la transposition est l'adjoint de la multiplication de Clifford gauche/droite avec le respect de ce produit intérieur. C’est-à-dire,

\lang ax, y\rang = \lang x, a^t y\rang, et
\lang xa, y\rang = \lang x, y a^t\rang.

Structure des algèbres de Clifford

Dans cette partie, nous supposons que l'espace vectoriel V est de dimension finie et que la forme bilinéaire de Q est non-dégénérée. Une algèbre centrale simple sur K est une algèbre de matrices sur une algèbre de division (de dimension finie) avec un centre K. Par exemple, les algèbres centrales simples sur les réels sont les algèbres de matrices sur soit les réels, soit les quaternions.

  • Si V possède une dimension paire, alors \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est une algèbre centrale simple sur K.
  • Si V possède une dimension paire, alors \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, est une algèbre centrale simple sur une extension quadratique de K ou sur une somme de deux algèbres centrales simples sur K isomorphes.
  • Si V possède une dimension impaire, alors \mathcal{C}\ell(V,Q)\, est une algèbre centrale simple sur une extension quadratique de K ou sur une somme de deux algèbres centrales simples sur K isomorphes.
  • Si V possède une dimension impaire, alors \mathcal{C}\ell^0(V,Q)\, est une algèbre centrale simple sur K.

La structure des algèbres de Clifford peut être établie explicitement en utilisant le résultat suivant. Supposons que U possède une dimension paire et une forme bilinéaire non-singulière avec un discriminant d, et supposons que V est un autre espace vectoriel avec une forme quadratique. L'algèbre de Clifford de U+V est isomorphe au produit tensoriel des algèbres de Clifford de U et (-1)^{dim(U)/2}dV\,, qui est l'espace V avec sa forme quadratique multiplié par (-1)^{dim(U)/2}d\,. Sur les réels, cela implique en particulier que

 Cl_{p+2,q}(\mathbb{R}) = M_2(\mathbb{R})\otimes Cl_{q,p}(\mathbb{R})\,
 Cl_{p+1,q+1}(\mathbb{R}) = M_2(\mathbb{R})\otimes Cl_{p,q}(\mathbb{R})\,
 Cl_{p,q+2}(\mathbb{R}) = \mathbb{H}\otimes Cl_{q,p}(\mathbb{R})\,

Ces formules peuvent être utilisées pour trouver la structure de toutes les algèbres de Clifford réelles;

Groupes lisé aux algèbres de Clifford

Article détaillé : Groupe de Clifford.
Article détaillé : Groupe spinoriel.

Dans cette partie, nous supposons que V est de dimension finie et que la forme bilinéaire de Q est non-singulière. Il y a, lié à Q, quatre sous-groupes du groupe des éléments inversible de l'algèbre de Clifford: le groupe de Clifford, le groupe de Clifford spécial, le groupe pinoriel ou des pineurs et groupe spinoriel ou des spineurs.

Applications

Géométrie différentielle

En géométrie différentielle, on utilise couramment les notions d'algébre extérieure pour définir par exemple le fibré vectoriel des formes différentielles sur une variété différentielle. Dans le cas d'une variété (pseudo-)riemannienne, les espaces tangents sont munis d'une forme quadratique naturelle induite par la métrique. Ainsi, on peut définir un "fibré vectoriel" de Clifford en analogie avec le fibré vectoriel extérieur. Cette construction offre d'intéressantes applications en géométrie riemannienne.

Physique

Les algèbres de Clifford ont de nombreuses applications importantes en physique. Les physiciens considèrent habituellement une algèbre de Clifford comme une algèbre engendrée par des matrices \gamma_1,\ldots,\gamma_n\, appelées matrices de Dirac qui ont la propriété :

\gamma_i\gamma_j + \gamma_j\gamma_i = 2\eta_{ij}\,

\eta\, est la matrice d'une forme quadratique de signature (p,q) — typiquement (1,3) lorsqu'on travaille dans un espace de Minkowski. Celles-ci sont exactement les relations définies pour l'algèbre de Clifford \mathcal{C}\ell_{1,3}(\mathbb{C})\, (à un facteur 2 sans importance près), qui par la classification des algèbres de Clifford est isomorphe à l'algèbre de matrices complexes 4 x 4. Les matrices γi ne sont que les matrices de la multiplication par le vecteur ei dans la représentation spinorielle, par rapport à une base arbitraire de spineurs.

Les matrices de Dirac furent découvertes en premier par Paul Dirac lorsqu'il essaya d'écrire une équation d'onde du premier ordre relativiste pour l'électron, et donna un isomorphisme explicite de l'algèbre de Clifford vers l'algèbre des matrices complexes. Le résultat fut utilisé pour définir l'équation de Dirac. L'algèbre de Clifford entière est utilisée dans la théorie des champs quantiques sous la forme des corps de Dirac bilinéaires.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Les mathématiciens qui travaillent avec les algèbres de Clifford réelles et préfèrent des formes quadratiques définies positives (précisément ceux travaillant dans la théorie de l'indice) utilisent quelquefois un choix de signe différent dans l'identité fondamentale de Clifford. C’est-à-dire qu'ils prennent v^2 = -Q(v)\,. On peut remplacer Q par - Q en allant d'une convention à l'autre.
  2. L'opposé est vrai lorsque la convention de signe alternative (-) pour les algèbres de Clifford est utilisée : c'est le conjugué qui est plus important. En général, les significations de la conjugaison et de la transposition sont interchangées lorsque l'on passe d'une convention de signe à une autre. Par exemple, dans la convention utilisée ici, l'inverse d'un vecteur est donné par v^{-1} =   v^t/Q(v)\, tandis que dans la convention (-), il est donné par v^{-1} = \bar{v}/Q(v).

Sources

  • Carnahan, S. Borcherds Seminar Notes, Uncut. Week 5, "Spinors and Clifford Algebras".
  • Lawson and Michelsohn, Spin Geometry, Princeton University Press. 1989. (ISBN 0-691-08542-0). An advanced textbook on Clifford algebras and their applications to differential geometry.
  • Lounesto, P., Clifford Algebras and Spinors, Cambridge University Press. 2001. (ISBN 0-521-00551-5).
  • Porteous, I., Clifford Algebras and the Classical Groups, Cambridge University Press. 1995. (ISBN 0-521-55177-3).

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Algèbre de Clifford de Wikipédia en français (auteurs)

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