Histoire de l'archipel des comores

Histoire de l'archipel des comores

Histoire de l'archipel des Comores

Peuplées depuis la seconde moitié du premier millénaire, les différentes îles des Comores ont suivi une histoire très voisine sans être pour autant commune. C'est la France, puissance coloniale qui unit administrativement les îles. L'histoire des îles se sépare à nouveau après 1976, après la formation de la République fédérale islamique des Comores et le maintien de Mayotte sous administration française.

Sommaire

Le peuplement originel

Les premières traces de peuplement datent du VIe siècle et il s'agit probablement de Bantous provenant de la côte africaine. Ces premiers habitants mettent en place une organisation politique et sociale proprement africaine. Entre le VIIe siècle et le XIIe siècle on suppose que les Austronésiens qui contribuent au peuplement de l’île de Madagascar, sont passés par les Comores, mais ne s’y sont pas établis. Initialement, les villages sont régis par les doyens que sont les chefs des familles les plus influentes ou les chefs de villages. Ils portent le titre de mafé, mfaume ou mafani à Anjouan ou Mohéli (Mfalume en kiunguja). Les mafés laissent la place assez rapidement à des Mabedja qui forment une chefferie dirigeante dans chaque village.

L’islamisation

L'islam y apparaît dès le IXe siècle comme en témoignent les sépultures de rite musulman découvertes à Mayotte dans la nécropole de Bagamoyo. Il s'agit vraisemblablement de marchands de passage originaires du Moyen Orient (arabo-persane de Chiraz[1]) constituant les premières communautés musulmanes de l'archipel. Ces lignées princières Chirazi, originaires de la côte swahili fondent en effet les premiers sultanats, unifiant sous leur autorité les communautés villageoises alors commandées par des Mafani (Anjouan, Mohéli et Mayotte) et Bedja (Grande Comores). C'est à leur contact que les élites comoriennes vont progressivement s'islamiser. On considère le XIIe siècle comme l'époque pendant laquelle l'aristocratie comorienne est totalement islamisée car à cette date, le géographe arabe Al Idrissi nous renseigne, que dans les îles d'Al Komor, la population est un mélange de races et que l'élément dominant est musulman[réf. nécessaire].

La plus ancienne mosquée de l'archipel se situe à Anjouan, sur le site du vieux Sima et daterait du XIIe siècle. L'islam pratiqué à cette date est fort influencé par le Chiisme dont on retrouve notamment l'écho dans la présence de sépultures dans l'axe du mihrab de nombreuses mosquées anciennes (culte du saint fondateur). L'islam sunnite chafiite ne s'impose dans le sud-ouest de l'Océan indien qu'à partir du XIVe siècle d'après le témoignage d'ibn Battuta de 1331[réf. nécessaire]. Sima devient la première capitale du sultanat Shirazi d'Anjouan. C'est de cette époque que date la mosquée Shirazi, ses ruines sont encore visibles aujourd'hui. Domoni abrite une autre mosquée Chirazi de la fin du XVe siècle. Une inscription présente dans la mosquée du Vendredi de Moroni date sa construction de 1427, tandis qu'à Mbeni, une inscription date la mosquée du Vendredi de 1470.

Installation du Chaféisme

Zone actuelle des langues swahilies

En 1506, une flotte d'arabo-Shirazi commandée par Mohamed ben Haïssa aborde l’archipel et en bouleverse la vie économique et sociale. Dès lors, des manuscrits en caractères arabes, notent l'arabe, le comorien ou le swahili, et permettent de reconstituer les généalogies des clans et des sultanats, au demeurant particulièrement complexes. Par la subjugation et par le jeu d'alliances, ils contribuent ainsi à l'établissement de nouveaux lignages matrimoniaux, surtout à la Grande Comore et à l’île d’Anjouan. L'installation des sultanats shirazi contribue à l'adoption puis à la généralisation de la doctrine chafiite aux Comores comme le témoigne la description de l'archipel par l'amiral turc Piri Reis en 1521[réf. nécessaire].

La mosquée shirazi de Tsingoni, longtemps interprétée comme la plus ancienne, date en réalité de 1538 comme en témoigne l'inscription conservée dans son mihrab.

Cependant, le caractère élitiste de l'islam aux Comores et l'existence d'une écrasante majorité d'esclaves dans la population expliquent la faible diffusion de l'islam dans les sociétés comoriennes jusqu'au XIXe siècle. On comprendra pourquoi les mosquées, notamment les mosquées royales shirazi, sont faites pour abriter un petit nombre de fidèles. L'abolition de l'esclavage et le succès des confréries à partir de la fin du XIXe siècle expliquent la large conversion des comoriens à l'islam à cette date.

Durant cette époque, le pouvoir est aux mains des nombreux sultans locaux dit batailleurs[2]. Finalement Anjouan, qu'on dit la plus arabe des îles, finit par prendre contrôle, peu ou prou, de Mohéli.

Structure sociale

Article détaillé : Culture des Comores.

Les systèmes issus de cette union superposent des coutumes africaines et arabo-musulmanes mais ne sont pas à même de fournir au détenteur du pouvoir les moyens de contrôler de grandes surfaces. Ainsi à la Grande Comore, cohabitent plusieurs sultanats dirigés par différents chefs (sultans) qui décident d'accorder une importance honorifique à l’un d’entre eux, le sultan Tibé. À Anjouan, trois lignages royaux implantés dans les trois principales villes (Mutsamudu, Ouani et Domoni) se partagent le pouvoir.

Un tel système doit tenir compte des avis d’un Grand Conseil (Mandjelissa) qui réunit les principaux grands notables. Le sultan est aussi secondé par des vizirs qui sont des relais du pouvoir dans certaines régions. On trouve aussi sur le plan local d’autres agents administratifs: naïbs (assimilables à des chefs de canton), chefs de la police, collecteurs d’impôts, chefs de village (nommés par le sultan) et chefs religieux. C’est de cette époque que datent les documents écrits et les manuscrits en langue arabe, en swahili ou en comorien, le tout présenté en alphabet arabe.

Les invasions Malgaches

À partir du XVIe siècle, les Malgaches Sakalavas effectuent des raids dans les îles et raflent des esclaves. Les Comoriens, à cette époque, sont eux-mêmes déjà esclavagistes, trafiquant pour le monde arabe et européen. Les Malgaches finissent par s'installer dans les îles et plus fermement à Mayotte. On parle encore malgache à Mayotte pour cette raison.

Durant cette période, au cours de l'exploration systématique de toute cette région, les Portugais abordent les îles de la Lune (K'm'r en arabe signifie lune) en 1505. En 1529, les Français, par l'intermédiaire d'un frère de Parmentier, visitent ces îles ainsi que la côte nord de Madagascar. L'archipel constitue pendant plusieurs siècles, pour les européens et les pirates (voir Combat d'Anjouan), une escale sur la côte est de l'Afrique. Les relations entre ces Européens et les souverains locaux reposent pour l'essentiel, sur le rapport des forces. Une tradition rapporte ainsi qu'un chef de la Grande Comore a dû se soustraire, par la fuite, à la tyrannie des Portugais en se réfugiant avec une partie des siens à Mayotte. Anjouan est soumise, elle, à un seul pouvoir durant ce siècle.

Au XVIIe siècle, l’archipel devient un point de relâche pour les navires européens, Hollandais, Anglais ou Français, en route pour le Golfe Persique, les Indes ou l’Extrême-Orient. Anjouan devient également populaire pour les pirates et corsaires qui pillent les navires occidentaux qui doivent passer le Cap de Bonne-Espérance. Le Combat d'Anjouan fait référence à ces événements.

À partir d'une date inconnue, Mohéli se trouve soumise au sultanat d'Anjouan jusqu'en 1830. En 1830, des migrants de Madagascar conduits par Ramanetaka, qui plus tard prend le nom de Abderemane, envahissent l'île et établissent le sultanat de Mohéli.

Ces raids, restés dans les récits populaires, sont courants jusqu'au XVIIIe siècle. Des sources estiment le nombre des envahisseurs à plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Ces raids sont facilités par l'absence de pouvoir central fort sur ces îles (sauf pour Anjouan). Domoni sur Anjouan est détruite en 1780.

La main mise coloniale

Drapeaux de la Grande Comore 1886 - 1891
Article connexe : Empire colonial français.

Le sultan d'Anjouan Abdallah Ier se rend, en 1816, sur l’île Bourbon pour solliciter la protection de Louis XVIII. Les divisions internes et la menace malgache permettent aux puissances coloniales (France, Portugal, Angleterre, l'Allemagne qui rivalisent pour imposer leur hégémonie dans cette zone stratégique contrôlant le commerce vers l'Orient) d'intervenir dans les affaires politiques des souverains locaux. Le 25 avril 1841, suite à la signature d'un traité, Mayotte devient protectorat français et le sultan Adrian Tsouli, qui avait conquis l'île 9 ans plut tôt, reçoit, alors qu'il était en train de perdre le pouvoir réel, en compensation une somme d'argent[3] et les paiements des frais de scolarité de ses enfants à la Réunion. La France, trouve avec cet accord, qui constitue une véritable vente forcée pourtant présentée comme un accord commercial, un port stratégiquement important. Le roi Louis-Philippe entérine cette acquisition en 1843. L’esclavage y est aboli dès 1846.

Timbre de Mayotte de 1892

En 1866, la France établit un protectorat sur Anjouan, et utilise même la marine pour s'imposer face au sultan Saidi Abdallah bin Salim réticent. Le 24 juin 1886, le Sultan de Grande Comore qui a réussi à unifier l'île, grâce aux français, accepte, sous la pression, de passer sous protectorat Français. Il est ensuite exilé pour ne plus revenir. Mohéli est également placée sous protectorat cette même année. Même si les îles gardent une certaine indépendance du fait de la rivalité des grandes puissances[4], elles sont bien soumises et les sultans locaux n'ont pas les moyens de s'y opposer. À partir de 1892, le pouvoir sur les îles des Comores est exercé par les Résidents subordonnés aux gouverneurs de Mayotte, qui peu à peu ont pris le pouvoir. Les exploitations coloniales constituent près de la moitié de la Grande Comore, 40% d'Anjouan, 20% de Mohéli. Les îles deviennent alors colonie de «Mayotte et dépendances». Alors que la main-d'œuvre devient de plus en plus chère à la Réunion, les Comores, oubliées par l'administration centrale, offrent aux colons et aux sociétés coloniales (comme la Bambao) des perspectives et une main-d'œuvre peu chère dans les plantations de plantes à parfums et de vanille. Durant cette période, les colons dépossèdent entièrement les paysans comoriens de leurs terres, et emploient ceux-ci dans les plantations coloniales à titre d'«engagés». La langue officielle devenu le français, l'enseignement passe de l'arabe au français. L'usage du swahili se poursuit cependant dans le milieu du commerce.

En 1904 le rattachement juridique officiel se fait entre les îles. Il est suivi, le 9 avril 1908, d’un second décret rattachant officieusement Mayotte et ses dépendances à Madagascar.

Le rattachement à Madagascar

Après plusieurs exactions et abus, mais désirant néanmoins poursuivre la colonisation, la France se résout à faire surveiller les résidents par les Administrateurs de Mayotte. Pour ce faire la colonie de «Mayotte et dépendances» est rattachée par la loi du 25 juillet 1912 à la colonie de Madagascar. Peu à peu, les terres sont rétrocédées aux Comoriens. Une révolte importante a lieu en 1915 en Grande Comore. La France envoie des gardes malgaches, puis un détachement de tirailleurs sénégalais, et dans le même temps demande à son administration de s'appuyer sur les notables locaux pour ramener la paix. Peu à peu, le mouvement s'effrite, et l'administration exile certains meneurs. En 1940 à Anjouan, éclate une grève lorsque l'administration fait savoir qu'elle va réquisitionner la main d'œuvre pour les exploitations coloniales. Des violences éclatent lorsque la grève échoue, les notables finissent par appeler au calme. Du 6 juin 1940 à 1942, l'administration coloniale est exercée par le régime de Vichy. Après 1942 celui-ci échoit, comme celui de Madagascar, au Royaume Uni jusqu'au 13 octobre 1946.

De 1946 à l'indépendance

Les Comores obtiennent en 1946 une autonomie administrative vis-à-vis de Madagascar et Dzaoudzi est choisie comme capitale du nouveau territoire. À partir de 1946, les Comores sont représentés directement au Parlement français pour la première fois en tant que tel et acquièrent une certaine autonomie administrative grâce notamment à l'action du député Said Mohamed Cheikh. Les Comores obtiennent également un Conseiller de la République (Jacques Grimaldi), et un Conseiller à l'Union française (Georges Boussenot, député de Madagascar en 1945-1946 [5]). Un Conseil général, assemblée locale, est mis en place dans l'archipel pour représenter la population et discuter des problèmes locaux, mais le véritable pouvoir est toujours détenu par l'administrateur supérieur de la République Française. Le 15 juin 1953, plusieurs politiques comoriens osent sans y croire faire une déclaration commune demandant l’indépendance. En 1958, l’Assemblée territoriale des Comores choisit le statut de Territoires d'outre-mer, et en application de la loi-cadre, on crée le Conseil de gouvernement, organe exécutif toujours présidé par l'administrateur supérieur, entouré par des ministres désignés par le Conseil régional. Le poste de vice-président du Conseil de gouvernement, confié à Mohamed Ahmed est symbolique. Certains politiciens reprochent à la France de ne pas traiter les Comores comme les autres TOM.

En 1961, les îles obtiennent une autonomie interne très importante. Saïd Mohammed Cheikh devient Président du Conseil de Gouvernement, premier personnage du Territoire, avant le haut-commissaire de la République. C'est un autochtone, premier élu sur une liste présentée à l'assemblée. L'éducation est très largement négligée depuis le début de la colonisation, on ouvre cependant le premier lycée en 1963 à Moroni; un second suit à Mutsamudu en 1970. Saïd Mohammed Cheikh s'efforce de faire élargir les compétences territoriales, surtout à partir de 1968. Cette période d'autonomie est marquée par un certain développement économique et social. Le réseau routier commence à être bitumé et les politiciens les plus autonomistes, après les événements de 1968 réclament l'indépendance ce qui aboutit aux "Accords de juin 1973". En 1966, Saïd Mohamed Cheick fait transférer la capitale des Comores de Dzaoudzi à Moroni, ce qui provoque la méfiance des élus de Mayotte envers les indépendantistes.

La déclaration d'indépendance

Après les indépendances prises par les pays africains des années 1960, un certain nombre d'intellectuels, grands Comoriens, pour la plupart, largement influencés par les idées zanzibarites, commencent à réclamer l'indépendance. D'un commun accord, dans un objectif d'indépendance concerté, la France propose un référendum en 1973. En décembre 1974, Mayotte ne s'exprime pas comme les trois autres îles (65% pour le maintien, 35% contre le maintien[6]). Plusieurs explications sont données pour expliquer ce choix :

  • La craintes des mahorais de se sentir marginalisés dans un système politique dominé par la Grande Comore,
  • La crainte de voir le droit matriarcal diminué, épisode des mamies chatouilleuses
  • Une partie de la population est d'origine malgache, utilisant le malgache comme langue première, et est relativement moins islamisée (pratique animiste sakalave).
  • Un certain nombre d'élus locaux d'origine comorienne (Anjouan, Mayotte) et les descendants des familles créoles, peu nombreux, mais marqués par une éducation républicaine, militent en faveur du statu quo.

La France quant à elle, estime stratégiquement important de garder pied sur une de ces îles pour contrôler le canal du Mozambique. Une unité de la légion étrangère continue à y être stationnée.

Devant la volonté de la France de traiter Mayotte d'une façon particulière, l'indépendance est déclarée unilatéralement par la République Fédérale Islamique des Comores, le 6 juillet 1975, par la voix de l'anjouanais Ahmed Abdallah. En 1976 un autre référendum confirme le vote de Mayotte. Les périodes historiques suivantes qui divergent d'une façon importante, sont relatées dans les article concernant l'histoire de l'état comorien et l'histoire de Mayotte

Notes

  1. La chronique de Kilwa, un sultanat formé en 975 et dirigé par un prine perse de Chiraz, fait remonter la venue des premiers Arabo-Chirazi au XIe siècle à Anjouan
  2. titre d’un ouvrage d'Urbain FAUREC publié en 1942
  3. 5000 Francs de l'époque
  4. en 1890, un accord de partage l’île de Zanzibar pour le Royaume-Uni et les Comores et Madagascar pour la France
  5. fiche de Georges Boussenot sur le site de l'Assemblée nationale
  6. Ministère de l'Outre Mer (Mayotte)

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Martin Ottenheimer et Harriet Ottenheimer, Historical dictionary of the Comoro islands, Scarecrow Press, Metuchen (N.J.), Londres, 1994, XVIII-137 p. (ISBN 0-8108-2819-7)
  • (fr) Claude Chanudet, Histoire et archéologie des Comores, Centre national de documentation et de recherche scientifique (Comores), Sépia, Saint-Maur, 1997, 55 p.
  • (fr) Jean Martin, Comores : quatre îles entre pirates et planteurs, L'Harmattan, Paris, 1983, 2 vol. : tome 1, Razzias malgaches et rivalités internationales, fin XVIIIe-1875, 611 p. (ISBN 2-85802-262-3) ; tome 2, Genèse, vie et mort du protectorat, 1875-1912, 477 p. (ISBN 2-85802-295-X)
  • Histoire de la révolution comorienne : Décolonisation, idéologie et séisme social de Emmanuel Nirina Vérin, L'Harmattan, 3 mai 2000 (ISBN 9782738477521)
  • Comores : quatre îles entre pirates et planteurs, Jean Martin, T.1/T.2 L’Harmattan, 1984-2000. (ISBN 9782858022953)
  • État français et colons aux Comores (1912-1946), Mahmoud Ibrahime, L'Harmattan, 1997 (ISBN 978-2738451385)
  • Mayotte, les Comores et la France, Jean Fasquel, L'Harmattan, 2000, (ISBN 9782738407764)
  • La Grande Comore. Des sultans aux mercenaires, Guebourg Jean-Louis, L'Harmattan, 1994, 272 p. (ISBN 2738422993)

Lien interne

Voir aussi

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