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La hisba ou Hisbah (arabe : حِسْبة [ḥisba], calcul ; vérification) est un précepte islamique de conformité intégrale avec les lois divines. La doctrine est basée sur le principe coranique Encouragez ce qui est bon, et interdisez ce qui est mauvais.

C’est également une institution de contrôle, destinée à vérifier la bonne application de la charia. Fondée au IXe siècle, sous le calife Omar, elle est actuellement une police des mœurs.

Sommaire

Histoire

À l’origine, la hisba est chargée de vérifier la conformité du déroulement des affaires économiques et commerciales, des poids et mesures, ainsi que la légalité des contrats, en référence à la charia. Sa fondation au IXe siècle, sous la gouvernance du calife Omar, s'appuie sur un verset qui donne une liste de bonne conduite (en définissant certains interdits majeurs) :

« Donnez le poids et la mesure exacte
– Nous n'imposons à chaque homme que ce qu'il peut porter –
Lorsque vous parlez, soyez équitables même s'il s'agit d'un parent proche. »
Le Coran (VI; 152)

Son premier responsable est une femme, Shifa, compagne de Mahomet.[réf. nécessaire]

Au début du règne du calife Al-Mahdî (775-785) apparut le premier muhtasib (arabe : مُحْتَسِب [muḥtasib], contrôleur des prix ; chargé de hisba) dont la mission consiste en outre à préserver la morale publique, la foi ainsi qu'à protéger les musulmans contre les charlatans, les escrocs. Il règlemente aussi les aspect des pratiques médicales, pharmaceutiques [1]. Les pouvoirs de la hisba se sont ensuite étendus, jusqu'à toucher tous les aspects de la vie sociale des musulmans. Il a par exemple servi à traquer les apostats et ceux considérés comme hérétiques.

Cette institution devient une sorte de milice servant les intérêts du calife. Par exemple, étaient déclarés apostats les opposants du calife comme le prouve l'impunité accordée par le calife Harun ar-Rachid (786-809) à Abu al-Atahiya tandis qu'il évinçait la puissante famille des Barmécides à l'aide de cette accusation. On peut donc considérer que dans ces cas, la hisba s'est révélée un instrument de répression politique sous couvert de crime contre Dieu ou contre le peuple[réf. nécessaire].

Hisba moderne

Les Frères musulmans en Égypte

Avec Hassan El-Banna, fondateur des Frères musulmans en Égypte, la hisba se transforme en une police des mœurs ; elle se dote d'une milice et favorise la délation. Elle enquête dans la vie privée des gens, contrôle les pratiques et les observances canoniques. Sous l'influence de Ahmed Rifaat, elle se met à punir les femmes qui ne s'habillent pas selon les critères islamiques en vigueur. Ahmed Rifaat est exclu des Frères Musulmans mais sa façon de penser s'est répandue par la publication de son programme en 50 points, parmi lesquels :

  • absence de toute mixité ;
  • contrôle des médias ;
  • interdiction de thèmes s'écartant de l'orthodoxie religieuse aux écrivains.

Cette dérive de la hisba a connu une notoriété certaine, en atteignant des intellectuels :

  • en 1993, Nasr Abu Zaid, théologien qualifié libéral, se voit refuser un avancement académique au motif flou de travaux contraires à l'islam. Il est déclaré apostat en 1995 et comme sentence, doit divorcer et partir en exil au Danemark. Le grand mufti de l'université Al Azhar ne se désolidarise pas des auteurs de l'acte de délation, qui étaient professeurs d’université :
  • en 2001, l'écrivaine Nawal el Saadawi, militante féministe, est accusée d'apostasie par le mufti du Caire. Nawal al Sadaawi a 70 ans au moment de l'affaire. Il se rétracte et le procureur de la République accepte de lever les charges qui pèsent contre elle tandis que l'avocat du mufti, continue de porter les mêmes accusations devant d'autres tribunaux.

L'acte de délation peut être dressé par n'importe quel délateur, s'érigeant ainsi en cheikh (érudit). Dans le cas de Nasr Abu Zeid, l'université cautionne les actes de violation de la liberté d'expression et de conscience en demandant la censure des œuvres de penseurs, d'intellectuels ou d'artistes.

Au Nigéria

Au Nigéria, dans les États fédéraux qui ont promulgué la loi islamique, existe des State Hisbah Commitee (comités hisbah de l’État). Ces hisbah appliquent violemment et mal la charia, enfonçant encore plus les pauvres dans la misère. Un rapport de l’ONU relève les applications violentes, parfois envers des non-musulmans, dans l’illégalité et en violation des droits de l’homme. Cette violence entraîne un armement des communautés non-musulmanes en vue de résister[2]. De plus, l’existence de ces hisbah donne une image exagérément rétrograde du Nigéria[3]. Cette application, les contraintes qu’elle impose (comme la non-mixité dans les transports qui empêche les femmes d’utiliser les taxis-motos conduits par des hommes[4]) et les peurs qu’elle suscite, poussent également au départ des personnels de santé et d’enseignement et des humanitaires chrétiens. D’autant que tout le Coran n’est pas appliqué : l’aumône obligatoire due par les riches n’est pas acquittée.

Les hisbas sont particulièrement actives dans la cité de Kano : Tanguy Berthemet les y assimile à une milice. Elles sont en partie responsables de la violence interreligieuse qui a fait 10 000 morts entre 1999 et 2004 au Nigéria[5], violence qui inquiète le président lui-même[6].

En Afghanistan

Lorsque les talibans eurent établi leur pouvoir sur la majeure partie de l'Afghanistan (1994/95-2001), ils instituèrent un département, bientôt élevé au rang de ministère "de l'ordonnance du bien et de l'interdiction du mal"[7] ; des muhtasib étaient chargés de faire respecter les prescriptions de la sunnah dans les zones contrôlées.

Voir aussi

Bibliographie

  • Malek Chebel, Manifeste pour un Islam des Lumières (Albin Michel)
  • Tareq Oubrou et Leïla Babes, Loi d'Allah, Loi des hommes (Albin Michel)
  • Nasr Abu Zeid, Critique du discours religieux, Actes Sud, 1995

Sources

  1. Médecine musulmane et hisba, par Martin Levey
  2. Rapport concernant la liberté de religion et de conviction, présenté au Conseil des droits de l’homme par Asma Jahangir à la session de septembre-octobre 2006. En ligne [1]
  3. Jean-Christophe Servant. Au Nigeria, la charia à l’épreuve des faits. Le Monde diplomatique, juin 2003, p 12-13. Disponible en ligne [2]
  4. Abu Dabi. Nigeria : tribunaux islamiques pour les taxis-motos transportant des femmes. Publié par Minorités.org le 19 décembre 2005. En ligne [3], consulté le 11 mai 2007
  5. Xavier Raufer (directeur), Alain Chouet, Anne-Line Didier, Richard Labévière & Leïla N., Atlas de l’Islam radical, Paris : CNRS éditions, 2007 (ISBN 978-2-271-06577-3), p 289
  6. Discours d'Olusegun Obasanjo de 2004
  7. Référence au titre et aux prérogatives essentielles du Calife, "Celui qui ordonne le bien et interdit le mal" (âmir bi l'marouf wa nâhin 'an al-mounkar): Bernard Dupaigne, Gilles Rossignol, Le carrefour afghan, Paris, Folio Gallimard/Le Monde actuel, 2002, pp. 251-254.
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