- Guerre de Succession d'Autriche
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La guerre de Succession d'Autriche (1740–1748, traité d'Aix-la-Chapelle) est un conflit européen né de la Pragmatique Sanction, par laquelle l'empereur Charles VI du Saint-Empire lègue à sa fille Marie-Thérèse d'Autriche les États héréditaires de la Maison des Habsbourg.
Sommaire
Origines
Article détaillé : Pragmatique Sanction (Autriche).Le 20 octobre 1740, l'empereur romain germanique de la maison de Habsbourg, Charles VI meurt. Conformément à la Pragmatique Sanction de 1713 ratifiée par l'ensemble des états Européens, sa fille aînée, Marie-Thérèse d'Autriche, lui succède dans ses états patrimoniaux. Une femme ne pouvant régner sur l'Empire, Marie-Thérèse pense pouvoir faire élire son mari François de Lorraine à la tête de l'Empire.
Âgée de seulement 23 ans, et en tant que femme, elle est considérée comme un souverain politiquement faible. En effet, d'autres princes — qui lui sont apparentés — aspirent à la remplacer sur le trône autrichien ou du moins à s'emparer des possessions patrimoniales de la jeune princesse, tel Charles-Albert, électeur de Bavière ou Frédéric-Auguste II, Électeur de Saxe et Roi de Pologne.
L'entrée en guerre de la Prusse
Cependant, c'est un souverain monté tout récemment sur le trône, que Marie-Thérèse considère comme son allié le plus fidèle et dont personne ne soupçonne encore l'ambition et la duplicité, qui met le feu aux poudres : Frédéric II de Prusse, sans déclaration de guerre préalable, fait envahir la riche région minière de Silésie dès décembre 1740. Tout nouveau roi de Prusse — son père le « Roi-Sergent » est mort le 31 mai 1740 -, il a demandé en vain la Silésie, riche et peuplée d'un million d'habitants, pour prix de son vote à l'élection impériale. Marie-Thérèse compte alors sur George II de Grande-Bretagne pour intervenir, sans succès : Walpole refuse d'entraîner son pays dans le conflit. Très vite, le 16 décembre, Frédéric II remporte ses premières victoires avec une armée petite mais très bien entraînée et équipée de fusils modernes, permettant à l'infanterie de tirer cinq coups quand ses adversaires en tirent trois. Il prend les forteresses de Glogów, Brzeg et Neisse et hiverne, ayant envahi la Silésie, ce qui lui permet de doubler sa population avec une grande industrie.
L'entrée en guerre de la France
La France avait accepté à mi-mot la Pragmatique Sanction en 1738, pour autant qu'elle ne lésât pas les intérêts des tiers. En l'espèce, elle lésait ceux de Charles-Albert, du moins le prince Bavarois pouvait-il le prétendre. Dans l'opinion, après la mort de Charles VI, un fort courant se dessine pour affaiblir l'ennemi traditionnel, les Habsbourg. Le comte de Belle-Isle, petit-fils du surintendant Fouquet et gouverneur des Trois-Évêchés, région frontalière, se fait le champion de cette position, contre celle plus pacifiste du cardinal de Fleury.
Louis XV cède finalement au parti belliciste : la France soutiendra les prétentions de l'Électeur de Bavière, ne laissant à Marie-Thérèse que son domaine héréditaire. Le 11 décembre 1740, il envoie Belle-Isle, à qui il vient de remettre son bâton de maréchal, assister comme son ambassadeur à l'élection du Bavarois à Francfort.
Le 5 juin 1741, Frédéric II signe un traité d'alliance avec le maréchal de Belle-Isle. Par ce traité, la France s'engage à soutenir militairement l'Électeur de Bavière, et à reconnaître les conquêtes prussiennes en Silésie. En contrepartie, Frédéric ne consent que des promesses.
Autres belligérants
- Les autres alliés de la Prusse, hormis la France, sont l'Espagne et la Bavière ; d'autres alliés les ont joints plus ou moins constamment.
- La cause autrichienne est soutenue par la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies, traditionnels opposants à l'hégémonie de la France. De leurs alliés temporaires il faut retenir le royaume de Piémont-Sardaigne, et la Saxe.
Déroulement
Contre l'Autriche, deux fronts se dessinent, l'un prussien, rapidement gagné et entériné par un traité de paix, l'autre français, marqué par les victoires autrichiennes, sur son terrain, où donc personne ne perd.
En 1743 l'Autriche signe une alliance militaire, le Traité de Worms.
Le front Prusse-Autriche
Article détaillé : Guerres de Silésie.La Prusse, victorieuse, gagne des territoires sur l'Autriche. Prusse et Autriche signent alors une paix séparée : la Prusse cesse la guerre — au mépris des conventions passées avec ses alliés — conserve les territoires conquis et s'engage a respecter de la Pragmatique Sanction de l'empereur Charles VI du Saint-Empire, qui cède les trônes héréditaires des Habsbourg à sa fille Marie-Thérèse d'Autriche. Par cette paix, la Prusse laisse la France dans l'embarras d'une guerre, dont ce fut la Prusse elle-même qui la décida à s'engager dans le conflit.
Le front France-Autriche
Article connexe : Le passage du Rhin.À Dettingen 1743 le roi d’Angleterre se laissa prendre dans une nasse par les Français, mais l’armée anglaise réussit à s’enfuir durant la nuit en abandonnant ses blessés et une partie de son artillerie sur le champ de bataille, sachant que la bataille allait reprendre le lendemain. Ce fut la dernière fois qu'un roi britannique commanda sur un champ de bataille contre les Français. Toutefois, le roi Georges II réussit à présenter au peuple anglais l’échec français de le capturer comme une grande victoire personnelle. À sa demande fut publié un livre à Londres qui présentait Dettingen comme une victoire (British Glory Reviv’d. Being a compleat collection of all the accounts, papers, expresses and private letters, relating to the late glorious action at Dettingen, between the army of the allies of the Q. of Hungary, under the command of His Britannic Majesty, and the French army under the command of the Duke de Noailles, J. Roberts, Londres, 1743). De ce fait, beaucoup d’historiens anglais d’aujourd’hui présentent Dettingen comme une victoire anglaise alors qu’elle n’est qu’un simple décrochage (Dettingen; voir également la retraite de Dunkerque en 1940). Le 15 mars 1744, Louis XV déclare officiellement la guerre à l'Angleterre et à l'Autriche.
Les hostilités en mer, déjà latentes entre la France et l'Angleterre depuis 1740 (plusieurs petites escadres se sont canonnées dans les îles) s'ouvrent officiellement en 1744 avec la bataille navale du cap Sicié, devant Toulon. Une flotte espagnole qui s'y était réfugié en 1742 se retrouve dégagée et peut regagner ses ports alors que le blocus de Toulon est levé. La flotte française, qui combat en grande infériorité numérique (51 vaisseaux contre 120 en 1744) essaie malgré tout de monter deux débarquements en Angleterre, en 1744 et 1746. Ces opérations échouent complètement à cause de la météo et de la supériorité dans la Manche de la Royal Navy. L’Angleterre opère, en 1746, un débarquement contre Lorient (le port de la Compagnie des Indes), mais l'opération ne donne rien et les troupes rembarquent peu après. L'Espagne, en guerre depuis 1739, poursuit pour l'essentiel ses actions de son côté et ne coopère pas avec la marine française ce qui évite aux positions anglaises d'être menacées, surtout dans les Antilles (Barbade, Jamaïque).
Si les opération navales sont indécises en Europe, la flotte française est plus heureuse dans les colonies ou les résultats sont équilibrés. En 1745, une expédition montée depuis la Nouvelle Angleterre s'empare de Louisbourg, qui défend l'entrée du Canada français. La Marine échoue à reprendre la place en 1746, à cause des tempêtes et d'une terrible épidémie (expédition du duc d'Anville), mais la Canada réussit à se défendre seul jusqu'à la fin de la guerre. Aux Indes, la situation tourne carrément à l'avantage de la France avec la prise de Madras (le « Londres indien ») par la petite escadre de l'océan Indien conduite par La Bourdonnais (1746). De même, Pondichéry résiste en 1748 à une attaque massive d'une forte escadre anglaise grâce à l'action de Dupleix. Dans les Antilles, les positions restent globalement inchangées, malgré la prise de quelques petites îles françaises. Les épidémie tropicales, qui déciment les escadres, y gênent considérablement les opérations pour les deux pays.
La marine française réussit aussi, tant bien que mal, à protéger l'important commerce colonial français. Celui-ci, malgré la tentative de blocus anglais, se contracte, mais ne s'effondre pas. Pour cela, le ministre Maurepas oblige les armateurs à naviguer en convoi sous la protection de petites escadres, ce qui limite les pertes entre 1745 et 1747. Les chefs anglais, longtemps assez médiocres, ne parviennent pas à intercepter les convois, malgré le plus grand nombre de vaisseaux dont ils disposent. Il faut attendre 1747 pour que des nouveaux amiraux anglais (Anson, Hawke) réussissent à imposer un blocus hermétique sur les côtes atlantiques, ce qui provoque deux grandes batailles navales, au cap Ortégal (mai) et cap Finisterre (octobre). Ces deux défaites françaises mettent la marine de Louis XV au bord de l'effondrement, mais ne sont cependant pas dramatiques car les convois marchands sont pour l'essentiel sauvés et la signature de la paix, en 1748, stoppe à temps les opérations navales. Une guerre de course acharnée oppose aussi tous protagonistes, mais les résultats, c'est-à-dire les pertes, sont équilibrées. Le commerce colonial français, un moment menacé, repart de plus belle après la guerre. L'empire colonial espagnol résiste lui aussi, malgré la prise de Porto-Bello et du galion du Pacifique.
Article connexe : Histoire de la marine française de 1740 à 1748.Bilan
Article détaillé : Traité d'Aix-la-Chapelle (1748).À la sortie de la guerre, les alliances ont grandement évolué. La Prusse est la grande gagnante, territorialement. L'Autriche a perdu des territoires mineurs, mais réussit un accord de paix acceptable et confirme, par l'acceptation de la Pragmatique Sanction, Marie-Thérèse d'Autriche comme succédant à l'Empereur Charles VI : la volonté de la Cour autrichienne est accomplie.
La France, elle, n'a ni gagné, ni perdu (sur le plan militaire) mais ses aspirations ont été trahies. Trahies par la paix séparée prussienne, traîtrise qui laissera des marques et qui se situe à l'opposé d'un rapprochement d'alliance originellement visé, mais aussi trahies par ses propres faiblesses militaires. La France n'a rien gagné mais en sort au contraire affaiblie sur le plan économique. La France en sort diplomatiquement dos au mur, froissée avec la Prusse et l'Autriche, déjà sous tension avec la Grande-Bretagne. Cette situation laissant présager les mauvais augures des années suivantes tel le marasme de la guerre de Sept Ans (1756-1763). Le mot de Voltaire (notamment[2]) sur cette campagne stérile : « travailler pour le roi de Prusse » est devenu proverbial.
La France face à l'Europe, bilan
- Britannique : des rivalités coloniales importantes, notamment en Amérique du Nord (Nouvelle-France), qui vont aboutir à la désastreuse guerre de Sept Ans.
- Prusse : a impliqué la France dans une guerre dont la France ne voulait pas, et qu'elle n'a pas tenue, abandonnant la guerre par une paix séparée. Elle y accroît sa puissance sur le continent, froisse ses relations avec la France, l'ayant placée dans une position inconfortable (face à la Grande-Bretagne et l'Autriche).
- Autriche : la France a déclaré la guerre à l'Autriche, ce qui la met en situation délicate.
- Espagne : une alliance indispensable, la France, dos au mur, est obligée d'offrir beaucoup, pour avoir l'assurance de peu (Pacte de famille).
Autres relations en Europe
Notes et références de l'article
Bibliographie
- Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989.
- Lucien Bély :
- Guerre et paix dans l'Europe du XVIIe siècle (s. dir.), SEDES, coll. « Regard sur l'histoire », 1991
- Les relations internationales en Europe, XVIIe-XVIIIe siècles, PUF, 1992
- Voltaire, Histoire de la guerre de 1741 - éd. Garnier Frères, 1971, Paris
Articles connexes
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