Félix Ioussoupov

Félix Ioussoupov

Félix Youssoupoff

Félix Youssoupoff et sa femme Irina Alexandrovna (v. 1915)

Félix Felixovitch Youssoupoff ou Félix Ioussoupoff ou encore Félix Youssoupov (en russe Феликс Феликсович Юсупов), prince Youssoupoff et comte Soumakoroff-Elston(russe : Князь Юсупов и Граф Сумакоров-Эльстон), né en 1887 et mort en 1967, était un prince russe, au prédicat d'Altesse Sérénissime admis comme l'équivalent du russe сиятельство.

Il est particulièrement célèbre comme maître-d'œuvre de la conjuration qui conduisit à l'assassinat de Grigori Raspoutine, le favori du couple impérial, le 30 décembre 1916, peu de temps avant la révolution russe de février.

Sommaire

« Plus riche que le tsar »

Fils cadet de la princesse Zénaïde Youssoupoff et du comte Félix Soumarokoff-Elston, il reçoit en 1894, par oukase spéciale du Tsar Alexandre III le droit de prendre les « noms, titres et armes » de la prestigieuse famille Youssoupoff dont sa mère était la dernière descendante. La famille Youssoupoff, d'origine arabe et tartare descendait en ligne directe de ‘Ali et des Khans Nogai et fut russifiée au XVIIe siècle. Par son père, Félix Soumarokoff-Elston, Prince Youssoupoff, il est l'arrière-petit-fils du roi Fréderic-Guillaume IV de Prusse. La mort de son frère aîné, Nicolas, lors d'un duel en 1908 fait de lui l'héritier de la plus grosse fortune de Russie et l'homme le plus riche d'Europe.

Sa mère, la princesse Zénaïde, était en effet réputée être plus riche que le tsar lui-même. En 1917, sa fortune était estimée à 600 millions de dollars de l'époque (près de 100 milliards de dollars actuels !) et était composée de plusieurs millions d'hectares de terres – une des propriétés Youssoupoff, sur la Caspienne, s'étendait sur près de 250 kilomètres de long – de participations dans plus de 3000 sociétés, de quartiers entiers de Moscou et Saint-Pétersbourg et d'une superbe collection d'œuvres d'art. La famille résidait le plus souvent dans son palais du 94, quai de la Moïka à Saint-Pétersbourg mais également dans son domaine moscovite d'Arkhangelskoye, ou aux villas de Koreiz et de Kokoze en Crimée ainsi que dans l'immense domaine de Rakitnoïe, en Ukraine.

Cette fortune provenait des terres des Khans Nogai, conservées par leurs descendants mais également des dons reçus des Tsars en récompense des services rendus par les Youssoupoff. Le grand-père de Félix, le prince Nicolas Borisovitch Youssoupoff sera également, au milieu du XIXe siecle, un des premiers membres de la haute noblesse russe à investir une partie importante de sa fortune dans l'industrialisation de la Russie. Certaines propriétés Youssoupoff, comme Rakitnoïe, devinrent ainsi de véritables centres industriels, employant plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Une personnalité complexe

Après une jeunesse dorée, Félix Youssoupoff épousa la grande-duchesse Irina Alexandrovna, nièce de Nicolas II. De cette union naquit la princesse Irina Felixovna Youssoupova dite « Baby », morte en 1983, épouse du comte Nicolas Cheremeteff. Le couple Youssoupoff, a priori si dissemblable, résistera à toutes les épreuves.

Doté d'une grande intelligence et de goûts artistiques très sûrs, le prince Félix Youssoupoff causait scandale durant sa jeunesse par sa vie dissolue. Sa beauté et son aspect androgyne lui donnent la possibilité de se travestir en femme. Lors d'une soirée pétersbourgeoise, grimé en chanteuse légère, il sera reconnu grâce aux fastueux bijoux empruntés à l'écrin de sa mère… Il s'amusera également à errer dans Saint-Pétersbourg déguisé en mendiant.

Bisexuel assumé, il sera d'ailleurs lié avec le grand-duc Dimitri Pavlovitch, cousin germain de Nicolas II. Il multipliera également les liaisons féminines.

Ces comportements ne l'empêchent pas d'être un proche de la grande duchesse Elisabeth, sœur de la tsarine et veuve du grand duc Serge. Cette dernière, devenue religieuse après l'assassinat de son mari en 1905, sera la directrice spirituelle et la confidente du jeune Félix, passablement bouleversé par la mort de son frère.

En 1909, il part continuer ses études en Angleterre. Le prince Félix Youssoupoff est en 1913 diplômé d'Oxford où il fonda le cercle des étudiants russes.

Raspoutine et Félix Youssoupoff

De retour en Russie, l'ascendance qu'exerce Raspoutine sur la famille impériale le fait souffrir et le plonge dans une profonde tristesse. Le staretz envoûte la tsarine et met en péril le trône de Russie.

Une autre hypothèse, évoquée notamment par Vladimir Volkoff, expliquerait le résolution du jeune Félix par son appartenance aux services secrets anglais. Ceux-ci, effrayés par l'influence du très germanophile Raspoutine, poussèrent le prince Youssoupoff à le supprimer en s'appuyant sur ses relations et sa quasi immunité juridique.

En tuant Raspoutine, Félix Youssoupoff exercera sans doute une vengeance. Son père, le général Youssoupoff, gouverneur-général de Moscou, avait été spectaculairement limogé en 1915 pour avoir critiqué le régime impérial. Sa mère, la princesse Zenaïde, avait également été déclarée indésirable à la Cour après avoir demandé à la Tsarine de renvoyer Raspoutine.

L'organisation du complot

En 1916, il entendit une conversation concernant "Grichka" (diminutif de Gregori) Raspoutine. Cette conversation eut lieu entre des monarchistes russes parmi lesquels se trouvait Vladimir Pourichkevitch. Sa décision fut prise : il faut, par tous les moyens, empêcher le staretz de nuire à la sainte Russie. Pour cela, Félix commence, malgré sa répulsion pour Raspoutine, à se lier avec lui prétextant une quelconque maladie qui nécessite des séances d'hypnotisme. Puis il cherche des complices qui pourront lui venir en aide pour mener à bien son entreprise. Dans le même temps, il imagine un plan pour attirer Raspoutine chez lui au palais de la Moïka à Saint-Pétersbourg, afin de l'assassiner.

Félix Youssoupoff informe certaines personnes sur ses intentions à l'égard du staretz. Un groupe d'hommes excédés par la vie scandaleuse et le danger que fait courir "Grichka" au trône de Russie se rapproche du prince. Il s'agit du député de droite Vladimir Pourichkevitch, du grand-duc Dimitri Pavlovitch, du chevalier garde Soukhotine et du docteur de Lazovert qui fournira le cyanure.

L'assassinat accompli, le prince Youssoupoff et ses complices seront incapables de garder le silence. La Tsarine réclamera l'exécution immédiate de Youssoupoff et de Dimitri Pavlovitch. Mais les autorités pétersbourgeoises refusèrent d'arrêter les responsables d'un acte soutenu par la population. Félix sera finalement assigné à résidence dans son domaine de Rakitnoïe (oblast de Koursk) par Nicolas II de Russie après avoir été entendu par le président du Conseil.

"En exil"

En 1919, Il fut contraint de quitter la Russie à bord d'un dreadnough de la marine de guerre britannique envoyé à Yalta (Crimée) par le roi d'Angleterre pour sauver ses cousins russes, membres de la famille impériale. Sa présence d'esprit et son sens de la négociation lui permettront de sauver une partie de sa belle-famille.

Installé dans un premier temps à Londres, le prince Youssoupoff fut une des chevilles ouvrières de la Croix-Rouge russe. En 1920, il s'établit avec sa femme à Paris où il crée en 1924 la maison de couture Irfé, installée rue Duphot. Son épouse lui sert de mannequin pour présenter les différents modèles de ses collections. Ami de Kessel, Cocteau ou du comte Boniface de Castellane, il resta, jusqu'à sa mort et malgré son refus de tout engagement politique, une des grandes figures de l'émigration russe et de la société mondaine parisienne.

La fortune colossale des Youssoupoff avait été confisquée par les Soviets dès 1917. Les avoirs placés à l'étranger avaient été rapatriés dès 1914 pour des motifs patriotiques. Mais les Youssoupoff réussirent à sauver nombre d'objets précieux au premier rang desquels on trouve deux Rembrandt, vendus au début des années-20 et la perle Pelegrina), vendue en 1953. Leurs ventes leur assureront de solides moyens de subsistances. Le prince Youssoupoff intenta par ailleurs un procès au département du Finistère et entra, en 1956, en possession du château de Kériolet, ancienne propriété de son arrière grand-mère, la princesse Zénaïde Narichkine-Youssoupoff. La charité du prince Youssoupoff, bien que discrète était importante. Ainsi, il se rendait au chevet des malades dépourvus de famille et il aida financièrement le grand-duc Théodore Alexandrovitch qui vivait dans la pauvreté. Anti-communiste viscéral et résolument anti-nazi, il donna également d'importantes sommes d'argent à des mouvements de résistance.

Le prince Félix Youssoupoff est l'auteur de plusieurs ouvrages. En 1927, il publie un opuscule intitulé "J'ai tué Raspoutine" éclaircissant les circonstances du meurtre du gourou de la Tsarine. Cet ouvrage lui vaudra un procès de la part de Maria Raspoutine, fille de la victime. Dans les années 1950, le prince publiera ses mémoires, en deux volumes, sous les titres "Avant l'exil" (1887-1919) et "Après l'exil" (1919-). Ces différents ouvrages rencontrèrent un succès certain et sont encore régulièrement réédités.

L'assassinat de Raspoutine hantera le prince Youssoupoff jusqu'à sa mort ; il était en proie à des cauchemars tenaces et peignait des tableaux inquiétants représentants des monstres mi-homme, mi-animal. Ne pouvant plus supporter ces tableaux représentant des figures hideuses, sa fille les vendra à la mort de ses parents.

Le prince et la princesse Youssoupoff ont vécu en exil en France de 1920 à leurs morts en 1967 et 1970. Leurs adresses à Paris et en région parisienne étaient les suivantes:

  • - De 1920 à 1939: 27, rue Gutenberg, à Boulogne-sur-Seine.
  • - De 1939 à 1940: Ils louèrent une maison à Sarcelles, rue Victor Hugo.
  • - De 1940 à 1943: Ils habitèrent successivement rue Agar et rue La Fontaine (XVIe arrondissement).
  • - De 1943 à leurs morts: 38, rue Pierre Guérin (XVIe arrondissement), dans une maison achetée à Madame Bottin, propriétaire du dictionnaire du même nom.

Il fut inhumé au cimetière de Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) où il repose en compagnie de son épouse la princesse Irina Alexandrovna, de sa mère et du comte et de la comtesse Chérémétieff.

Le rapatriement des dépouilles des Youssoupoff au mausolée d'Arkhangelskoïe est régulièrement évoqué.

Les Youssoupoff aujourd'hui

En 2004, Xenia Sfiris, petite-fille et unique héritière de Félix Youssoupoff, a demandé à la Fédération de Russie de lui restituer une partie de la fortune familiale, arguant du fait que la propriété était maintenant un droit constitutionnel en Russie et que les bases juridiques des nationalisations de 1917 étaient inexistantes. Elle conclut sa lettre au président Poutine en faisant part de son incompréhension du fait que lors de ses visites à Saint-Pétersbourg, elle soit contrainte de descendre à l'hôtel au lieu de résider dans l'un des palais familiaux. Ces démarches n'ont naturellement abouti qu'à un refus des autorités russes.

Xenia Sfiris reste néanmoins très liée à la Russie. Un oukase spécial de Vladimir Poutine lui a rendu la citoyenneté russe en 2000. L'héritière des Youssoupoff préside par ailleurs l'association française des amis du théâtre Mariinsky.

Depuis la mort de Félix Félixovitch, personne n'a été autorisé à relever le titre de prince Youssoupoff même si sa petite-fille s’intitule souvent comme tel.

Filmographie

Sources

  • Nicolas II de Russie de Henri Troyat
  • "Mémoires" Prince Félix Youssoupoff -1953- ( V & O éditions 1990 )
  • "La fin de Raspoutine" par Félix Youssoupoff ( Plon )
  • "Les princes Youssoupoff, comtes Soumakoroff-Elston" par Jacques Ferrrand

Liens internes

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