Force de dissuasion française

Force de dissuasion française

Force de dissuasion nucléaire française

Force de dissuasion nucléaire française
Pays France
Date où le programme nucléaire a été lancé 1954
Premier test d'arme nucléaire 13 février 1960
Premier test de bombe H 24 août 1968
Dernier test d'arme nucléaire 27 janvier 1996
Charge nucléaire plus élévée 2,6 Mt (testée le 24 août 1968)
Nombre maximal d'armes nucléaires ~ 500 dans les années 1980
Nombre total de tests nucléaires 210 détonations
Arsenal courant En 2004, ~ 350
Portée maximale des missiles 8 000 kilomètres (sous-marin)
Signataire du TNP ? En 1968, l'un des cinq pays officiellement en possession de telles armes
Arme de destruction massive
carte des ADM
Par type

Armes biologiques
Armes chimiques
Armes nucléaires
Armes radiologiques

Par pays
Albanie
Algérie
Bulgarie
Argentine Australie
Brésil Canada
Chine France
Allemagne Inde
Iran Irak
Israël Japon
Pays-Bas Corée du Nord
Pakistan Pologne
Russie Afrique du Sud
Syrie Taïwan
Royaume-Uni États-Unis

L'histoire de la Force de dissuasion nucléaire française, aussi nommée Force de frappe, commence officiellement en 1958, pendant la Guerre froide, lorsque le général de Gaulle décide de doter la France d'une force de dissuasion nucléaire.

Sommaire

Objectifs

La base de la doctrine française est la volonté de conférer à l’arme nucléaire un rôle fondamentalement politique. Il s’agit « d’empêcher la guerre » : l’arme nucléaire ne saurait être un moyen de coercition ou une « arme d’emploi », c’est-à-dire une arme utilisable au même titre que les autres. Mais il s’agit également de pouvoir affirmer, sur la scène internationale, que la France ne dépend d’aucune autre puissance pour ce qui est de sa survie.

Une directive présidentielle du 16 décembre 1961 demandait que les forces nucléaires soient capables « d’infliger à l’Union soviétique une réduction notable, c’est-à-dire environ 50 %, de sa fonction économique ». L'attaque de la France ne saurait ainsi se montrer rentable. Une déclaration au commencement du projet de Charles de Gaulle explique cet objectif : « Dans dix ans, nous aurons de quoi tuer 80 millions de Russes. Eh bien je crois qu'on n'attaque pas volontiers des gens qui ont de quoi tuer 80 millions de Russes, même si on a soi-même de quoi tuer 800 millions de Français, à supposer qu'il y eût 800 millions de Français »[réf. nécessaire].

Dans ses mémoires, l'ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing mentionne un ordre de grandeur analogue, en précisant qu’il avait retenu « comme objectif pour notre frappe stratégique la destruction de 40 % des capacités économiques de l’Union soviétique situées en-deçà de l’Oural et la désorganisation de l’appareil de direction du pays »[réf. nécessaire].

Le 19 janvier 2006, le président de la République Jacques Chirac, en déplacement sur la base de sous-marins nucléaires de l'Île-Longue, confirme (suite à son discours de juin 2001) que l'utilisation de l'arme nucléaire contre « les dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous » et également « à ceux qui envisageraient d'utiliser des armes de destruction massive » pourrait être envisagée. Cependant, il insiste bien sur le fait que l'arme nucléaire n'est pas une arme conventionnelle. Et que la France, dans l'optique de limiter au maximum l'impact sur les civils, se dote de missiles ayant plus de souplesses, de flexibilités et de précisions, comme le missile M-51 (mer-sol) et l'ASMP (air-sol).

Dans ce discours, le président Chirac a notamment précisé que les intérêts vitaux de l'État, défendus par la force de frappe, comprennent notamment (les intérêts vitaux ne sont jamais définis ouvertement) les pays alliés de la France, ouvrant ainsi la voie à une véritable défense européenne.

Le 21 mars 2008, le président de la République Nicolas Sarkozy se fait le défenseur de la stabilité des conceptions françaises en matière de dissuasion nucléaire, qui demeure « objective » en ce sens qu'elle se positionne « tous azimuts », excluant les frappes préventives, puisqu'elle est « strictement défensive »[1].

Historique

Représentation de l'AN-11, la première bombe atomique opérationnelle française, elle fut portée par les Mirage IV et son premier test eu lieu en 1964
Le Pluton, missile préstratégique

C'est avec l'ordonnance 45-2563, du 18 octobre 1945 (presque trois mois après l'explosion des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki), signée par le général de Gaulle, qu'est créé le Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Cet établissement a pour mission d'effectuer des « recherches scientifiques et techniques en vue de l'utilisation de l'énergie atomique dans les divers domaines de la science, de l'industrie et de la défense nationale ».

Les forces françaises eurent l'occasion de s'exercer au maniement d'armes nucléaires avec des armes tactiques américaines dans le cadre de l'OTAN, notamment avec des bombardiers SO.4050 Vautour de l'armée de l'air française qui eurent des armes sous double clefs dans les années 1950.

Mais c'est le 26 octobre 1954 que Pierre Mendès France, signe un décret instituant une Commission supérieure des applications militaires de l'énergie atomique et, le 4 novembre, un arrêté créant au sein de celui-ci un Comité des explosifs nucléaires présidé par le général Jean Crépin avec comme secrétaire et rapporteur est le professeur Yves Rocard démarrant officiellement le programme nucléaire militaire français [2].

Mise en place des forces nucléaires

En 1959 est créée la Société pour l'étude et la réalisation d'engins balistiques (SEREB), le mandataire de l'État et maître d'œuvre des futurs systèmes d'armes de la Force nucléaire stratégique (FNS). Un an plus tard, la SEREB collabore avec les sociétés Nord-Aviation et Sud-Aviation et établit les programmes des « Études balistiques de base » (EBB), dits des « Pierres Précieuses ». Ils sont destinés à acquérir les technologies nécessaires à la réalisation de la FNS. C'est aussi en 1959 que le premier bombardier Mirage IV, construit par Dassault, est présenté en vol au général de Gaulle lors du salon du Bourget, à peine trois années après la signature du projet.

Et le 13 février 1960 a lieu le premier essai français d'une bombe A à Reggane, dans le Sahara algérien. Suivi en 1961 par l'essai en vol de la fusée AGATE, première de la série des « Pierres Précieuses ».

En 1963, le gouvernement français opte pour la réalisation de deux nouveaux systèmes d'armes, terrestre et naval, avec :

L'année 1964 marque le début de la permanence de la dissuasion nucléaire française. En effet, le 14 janvier, les Forces aériennes stratégiques sont créées. En février, le premier Mirage IV et le premier avion ravitailleur Boeing C-135 arrivent dans les forces. En octobre, la première prise d'alerte par un Mirage IV, armé de la bombe AN-11, et un avion ravitailleur C-135F a lieu sur base aérienne de Mont-de-Marsan (40). La triade arme nucléaire, avion vecteur et avion de projection est alors opérationnelle.

Le 24 août 1968 a lieu le premier essai d'une bombe H, sur l'atoll de Mururoa dans l'océan Pacifique.

Le Redoutable, le 1er sous-marin nucléaire français.

Les États-Unis partagent secrètement le dispositif de sécurité et d'armement avec la France dans les années 1970 [3].

Le 1er décembre 1971 entre en service le sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) Redoutable.

En 1973, 60 Mirage IV répartis sur 9 bases sont désormais en alerte[4]

En 1974, les missiles Pluton entrent en service dans l'armée de terre française.

En 1978, le porte-avions Clemenceau reçoit, suite à un IPER, la qualification nucléaire : un local spécial pour l'embarquement d'armes nucléaires pouvant être utilisé par les Super-Étendard de la Marine nationale y était aménagé[5]; entre 1980 et 1981, c'est le Foch qui est à son tour aménagé dans cette fonction[6].

Durant les années 1980, la Force de frappe atteint son maximum avec environ 500 ogives nucléaires :

Le 8 avril 1992, le président François Mitterrand annonce la mise en place d'un moratoire sur les essais nucléaires. Le 13 juin 1995, nouvellement élu, le président Jacques Chirac annonce que huit essais nucléaires auront lieu de septembre 1995 à janvier 1996. Ces essais ont pour but de récolter assez de données scientifiques pour simuler les futurs essais. Une vague de contestation internationale a lieu. Le 29 janvier 1996, dans un communiqué, la présidence annonce, après le sixième essai (qui a eu lieu le 27 janvier sur l'atoll de Fangataufa en Polynésie) sur les huit prévus à l'origine, que la France met fin aux essais nucléaires. Avec ce dernier tir, c'est 210 explosions qui ont été réalisées par la France depuis l'acquisition de l'arme atomique en 1960.

Suite à la fin de cette dernière campagne de tests, la France signe le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE) le 24 septembre et démantèle ses installations de tests dans le Pacifique. Le Parlement ratifie le TICE le 6 avril 1998, engageant ainsi la France à ne plus jamais réaliser d'essais nucléaires.

En 1996, les 18 silos de missiles sol-sol du plateau d'Albion dans le Vaucluse sont désactivés.

Description

Les sites

Les lieux de fabrication des têtes nucléaires, du commandement, ainsi que les bases des vecteurs nucléaires sont situés à différents endroits sur le territoire français :

Armes

Comparaison des systèmes d'armes : à gauche, SNLE équipé du missile M4. À droite, SNLE-NG équipé du missile M45 et le futur missile M51

Au 15 août 2004, l'Observatoire des armes nucléaires françaises estime[8] (car il n'existe aucune donnée rendue publique) l'état des forces nucléaires françaises à 348 têtes nucléaires, dont :

En règle générale, les trois SNLE se relaient pour des missions de patrouilles de 10 semaines environ. La puissance nucléaire totale par sous-marin est équivalente à 1 000 fois la puissance de Little Boy largué sur Hiroshima[9].

Le poste de commandement se trouve au palais de l'Élysée, au « PC Jupiter ». Le président de la République dispose d'un PC mobile lors de ses déplacements à l'étranger.

Seul le président de la République a connaissance des codes de lancement des armes. Ces codes sont remis de façon confidentielle à son successeur lors de la passation de pouvoir.

Principaux programmes en cours

Plusieurs programmes sont en cours en 2008 :

  • la poursuite de la construction des sous-marins nucléaires de nouvelle génération (SNLE-NG)
  • le développement du nouveau missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) dont la livraison débute en 2008
  • l'entrée en production du missile balistique M-51, prévu pour 2010
  • démantèlement depuis fin 1997 des deux sites de production de matières fissiles de qualité militaire (Marcoule pour le plutonium militaire et Pierrelatte pour l'uranium hautement enrichi).
  • les différents équipements du programme Simulation, gérés par le CEA. Ce programme doit permettre la mise au point des futures têtes nucléaires, dont la validation se passera d'essais en vraie grandeur, à l'aide du supercalculateur TERA-10, du Laser Mégajoule et de l'installation Airix.

Budget

Depuis la chute de l'Union soviétique et le changement dans la doctrine de la dissuasion nucléaire qui en a découlé, le budget du maintien de la Force de frappe a été réduit :

Évolution des crédits de la dissuasion nucléaire de 1990 à 2005[10]
Crédits de paiement Crédits de paiement
(en milliards d'euros constants de 2005)
Part dans le budget
(titres V[11] et VI[12])
1990 6,20 31,4%
1995 3,63 21,9%
2000 2,63 19,1%
2005 3,15 20,7%

Contestation

Des manifestations pacifistes ont régulièrement lieu à proximité du principal site de stockage de ces armes, comme à l'occasion des commémorations des 60 ans des bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.

Les contestations portent d'abord sur les essais nucléaires français. Elles ont été particulièrement vives lorsque le président Jacques Chirac a décidé de reprendre une dernière fois les essais nucléaires en 1995, pour pouvoir effectuer des simulations dans le but de la continuité du développement de la Force de frappe, alors que le 12 mai 1995, le Traité de Non-Prolifération nucléaire (TNP) avait été renouvelé pour une période indéfinie. Il convient tout de même d'admettre que le TNP ne contient aucune disposition visant à limiter les droits d'un État doté de l'arme nucléaire (5 États, dont la France, sont « dotés » au sens du traité) à procéder à un essai nucléaire. La France n'avait pas en 1995 signé le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE).

Les critiques portent également sur la doctrine de la dissuasion française. Avec la chute de l'Union soviétique et la fin de la Guerre froide, l'intérêt d'une force de frappe nucléaire est remis en question par certains de ces opposants : les intérêts vitaux de la France n'étant plus menacés directement par aucune puissance majeure (selon Jacques Chirac), ils jugent que la réponse nucléaire n'est plus pertinente[citation nécessaire]. La citation complète de Jacques Chirac met tout de même en évidence que les intérêts vitaux de la France peuvent toutefois être mis en danger par de nouveaux types d'ennemis, ce qui justifie la mise en place d'un nouveau type de dissuasion nucléaire.

Les critiques portent actuellement surtout sur la modernisation et l'adaptation des armes nucléaires françaises, qui constituent selon eux un encouragement à la prolifération nucléaire [citation nécessaire]. Par exemple, le nouveau missile M-51 contreviendrait aux dispositions de l'article VI du TNP qui commande à la France de procéder à long terme au désarmement de son arsenal nucléaire, et non pas de le développer[citation nécessaire].

Les critiques portent aussi sur la « dimension morale » de la dissuasion nucléaire, et s'appuient sur la déclaration de la Cour internationale de justice en 1996 qui déclare que « la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait généralement contraire aux règles du droit international applicable dans les conflits armés ». Néanmoins, dans ce même avis, la cour précise en conclusion que « au vu de l'état actuel du droit international, ainsi que des éléments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure de façon définitive que la menace ou l'emploi d'armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d'un État serait en cause » [13].

Enfin, les critiques portent sur la dimension économique et sociale de la force de dissuasion nucléaire, qui emploie plus de 10 milliards d'euros (3 milliards seulement pour le missile M51) dans le budget de défense[14].

Notes et références

  1. Discours du président de la République française du 21 mars 2008 [lire en ligne]
  2. (fr) Pierre Mendès France et la recherche scientifique et technique, Jean-Louis Rizzo, La Revue pour l’histoire du CNRS, N°6 - Mai 2002
  3. Cypel S., "Les États-Unis ont un programme secret de sécurisation de l'arsenal nucléaire pakistanais", Le Monde, édition du 19.11.07
  4. Henri de Wailly, Cette France qu'ils aiment haïr, L'Harmattan, 2004. ISBN 2747572773 , p. 31
  5. Guide d'accueil du porte-avions Clemenceau R98
  6. Georges Croulebois, Pont libre, Éditions des 7 vents, 1993, (ISBN 287716-052-1), p. 211
  7. (fr) Allocution prononcée par le Premier ministre, Pierre Mauroy, le 20 septembre 1983, lors de la séance d'ouverture de la 36e session de l'IHEDN
  8. (fr) État des forces nucléaires françaises au 15 août 2004
  9. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/02/19/01016-20090219ARTFIG00517-les-degats-du-triomphant-minimises-.php
  10. (fr) Rapport du Sénat sur le Projet de loi de finances pour 2005 : Défense - Nucléaire, espace et services communs
  11. Titre V : recherche et études ; développement, fabrication de matériels et munitions ; infrastructures
  12. Titre VI : subventions d'investissement
  13. (fr)-(en) Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, 8 juillet 1996, Cour internationale de justice, p. 44 (85 du PDF). Consulté le 12 novembre 2008
  14. (fr) Document de la campagne contre le missile M-51 (pdf de 1,5 Mo)
  • Bruno Tertrais, La France et la dissuasion nucléaire, La Documentation Française, 2007

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Jacques Villain, La Force de dissuasion française, Docavia - Volume 26, Éditions Larivière, 1987
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