Faisceaux italiens de combat

Faisceaux italiens de combat

Les Faisceaux italiens de combat (Fasci italiani di combattimento) est un mouvement politique créé, entre autres, par Benito Mussolini, à Milan le 23 mars 1919. Cette organisation forme le noyau du Parti national fasciste, créé en 1921 autour de Benito Mussolini.

Sommaire

Le contexte

Membre du Parti socialiste italien (PSI), Mussolini fait partie au début du camp anti-interventionniste, opposé à l'entrée en guerre et largement majoritaire dans l'opinion publique[1]. Il rejoint néanmoins rapidement la minorité interventionniste, ce qui lui vaut son exclusion du parti.

Celle-ci regroupe les nationalistes de Enrico Corradini et de L'Idea nazionale, soutenus par certains milieux industriels[1], quelques syndicalistes révolutionnaires (Alceste De Ambris, Filippo Corridoni), qui bénéficient d'une audience restreinte[1], ou encore des « renégats du socialisme comme Mussolini » (Milza-Berstein [1]).

Dès 1914, certains interventionnistes se regroupent autour du manifeste des Faisceaux d'action internationaliste, signé par Michele Bianchi, qui participera au quadriumvirat de la Marche sur Rome, Angelo Olivetti, ou encore Filippo Corridoni, qui rejoindra plus tard les Arditi del Popolo anti-fascistes.

Le 11 décembre 1914, les Faisceaux d'action internationaliste fusionnent avec les Fasci autonomi d'azione rivoluzionaria (Faisceaux autonomes d'action révolutionnaire), fondés par Mussolini, qui participe à la campagne interventionniste pour l'entrée en guerre de l'Italie. Mais le véritable coup d'envoi de la campagne interventionniste est lancé par le poète Gabriele D'Annunzio, lors de son discours du 5 mai 1915 au Quarto, près de Gênes[1].

Le 23 mai 1915, après avoir négocié le Pacte de Londres, l'Italie entre en guerre aux côtés de la Triple-Entente, décision prise par trois hommes, mais lourde de conséquences : le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, le président du Conseil, Antonio Salandra, et le ministre des Affaires étrangères, Sidney Sonnino[1].

Sur le plan syndical, l' Unione Italiana del Lavoro (UIL), fondée en juin 1918 par Edmondo Rossoni, regroupe les « interventionnistes de gauche » exclus de l'Unione Sindacale Italiana (USI), d'inspiration anarcho-syndicaliste.

À son retour, Mussolini reprend une activité politique nationaliste et regroupe autour de lui des interventionnistes et nationalistes de tous bords. Les nationalistes agitent le thème de la « victoire mutilée », réclamant les terres irredentes. Soutenu du bout des lèvres par Mussolini, qui voit en lui un concurrent, le poète D'Annunzio occupe Fiume en 1919, et proclame la Régence italienne du Carnaro. De nombreux nationalistes, anciens arditi et futuristes participent à l'aventure de Fiume, avec la complicité des milieux militaires.

Après la signature du Traité de Rapallo de novembre 1920, D'Annunzio est expulsé de Fiume. En Italie, la crise économique aidant, provoquée dès 1919 par le problème de la reconversion d'une économie de guerre, puis aggravée par la crise économique mondiale de 1920-1921, les mouvements sociaux se multiplient. Dès juillet 1919, les occupations de terre démarrent dans le Latium, pour s'étendre au Midi et à la vallée du Pô[2]. Celles-ci sont légalisées, au coup par coup et a posteriori, par le décret Visocchi du 2 septembre 1919[2]. Le mouvement s'atténue en 1920 et disparaît en 1921[2].

La naissance du mouvement

Le 7 janvier 1919, le futuriste Mario Carli, proche de l'ultra-nationalisme, crée à Rome la première association d' arditi, composée des troupes de choc de la Première guerre, dont de nombreux repris de justice[3]. Quelques jours plus tard, une deuxième association d' arditi est créée à Milan, à l'appel du poète futuriste Marinetti et du capitaine des sections d'assaut Ferruchio Vecchi[3]. Ces différentes associations d'anciens combattants, qui comprennent aussi le futuriste Giuseppe Bottai, se fédèrent au niveau national à la fin du mois de janvier 1919[3].

Dans le cadre de la constitution de ces associations nationalistes, Mussolini et son journal, le Popolo d'Italia, organisent une réunion à Milan, le 21 mars 1919, qui regroupe une soixantaine de personnes[3]. Le but est de créer, dans une optique antiparlementariste, un mouvement qui perpétuerait l'inspiration révolutionnaire de la guerre, fidèle à l'interventionnisme [3]. L'assemblée est hétéroclite, regroupant aussi bien les arditi de Ferruchio Vecchi que des anarcho-syndicalistes, attirés par la phraséologie révolutionnaire, et des interventionnistes de gauche, qui se reconnaissent en la personne de Mussolini[3]. La réunion accouche du Faisceau milanais de combat, dont le bureau inclut Mussolini, Vecchi, et Michele Bianchi, un dirigeant anarcho-syndicaliste de l' Unione Italiana del Lavoro (UIL) [3], expulsé de l' Unione Sindacale Italiana en raison de ses positions interventionnistes pendant la guerre.

Le terme Fascio (« Faisceau »), équivalent italien des ligues, évoque à la fois la nostalgie de la guerre et les aspirations révolutionnaires des faisceaux siciliens de 1893-1894. Il appartient encore au vocabulaire de l'extrême-gauche, bien que depuis 1917 et la défaite de Caporetto les nationalistes s'en soient emparés[3].

Deux jours plus tard, le mouvement prend une ampleur nationale. On convoque une assemblée générale, le 23 mars 1919, dans une salle de la piazza San Sepolcro à Milan, prêtée par le Cercle des intérêts industriels et commerciaux[3]. 119 personnes répondent à l'appel [3], dont les futuristes Mario Carli, Marinetti[3] et Giuseppe Bottai. Outre Mussolini, Italo Balbo, Cesare Maria De Vecchi, Emilio De Bono et Michele Bianchi, le futur quadrumvirat de la marche sur Rome, sont présents, ainsi que Roberto Farinacci, futur secrétaire du Parti national fasciste. Ils décident alors de créer les Faisceaux italiens de combat (Fasci italiani di combattimento) à la suite d'une réunion houleuse au bout de laquelle ils se mettent d'accord sur un programme[3].

Quelques mois plus tard, Mussolini rend public le programme, adouci et retouché par lui, qui mêle aspirations nationales et revendications sociales[3]. Le « programme de San Sepolcro » (du nom de la place où il est proclamé), qui lance les bases du fascisme, est publié en juin dans Il Popolo d'Italia [4].

Le programme de San Sepolcro

Le « Programme des faisceaux italiens de combat » (texte en italien ainsi qu'une affiche) présente un mélange de réformes politiques et sociales de type progressiste et de revendications nationalistes. Les propositions progressistes n'ont été que très peu réalisées pendant la période du régime fasciste, bien que reprises, essentiellement dans un but de propagande, par le Parti fasciste républicain de la République sociale italienne.

Extraits de l'incipit de la déclaration :

« I. Le rassemblement du 23 mars adresse son premier salut et ses révérencieuses pensées aux fils d'Italie qui sont tombés pour la grandeur de la Patrie et pour la liberté du Monde, aux mutilés et invalides, à tous les combattants, aux ex-prisonniers qui ont accompli leur devoir et il se déclare prêt à soutenir énergiquement leurs revendications d'ordre matériel et moral qui seront défendues avec force par les associations de combattants.

II. Le rassemblement du 23 mars déclare s'opposer à l'impérialisme des autres peuples au détriment de l'Italie et à l'éventuel impérialisme italien au détriment des autres peuples ; il accepte le postulat suprême de la Société des Nations et présuppose l'intégration de chacune d'entre elle, intégration en ce qui concerne l'Italie doit se réaliser sur les Alpes et sur l'Adriatique avec la revendication et l'annexion de Fiume et de la Dalmatie.

III.'Le rassemblement du 23 mars contraint les fascistes à saboter par tous les moyens les candidatures des neutralistes de tous les partis. »

Le programme tel qu'il est rapporté par Angelo Tasca, est le fruit d'un compromis entre des personnes que rien ne semble rapprocher, (anarcho-syndicalistes, Arditi, futuristes, interventionnistes de gauche, conservateurs ultras), lors d'un réunion qui se tient dans une salle prêtée par un cercle patronal[5] :

  • Pour le problème politique :
    • 1. Le suffrage universel à scrutin de listes régionales avec une représentation proportionnelle, le droit de vote.
    • 2. La suppression du Sénat
    • 3. La convocation d'une assemblée nationale pour la durée de trois ans dont la première tache sera celle d'établir la forme constitutionnelle de l'État.
    • 4. Création de Conseils nationaux techniques qui prolongeront et perfectionneront la démocratie politique, suivant les conceptions dont s'est inspiré, en Bavière, Kurt Eisner.


  • Pour le problème social :
    • 1. La promulgation d'une loi d'État qui donne à tous les travailleurs une journée légale de huit heures de travail.
    • 2. un minimum de salaire.
    • 3. La participation des représentants des travailleurs au fonctionnement technique des entreprises.
    • 4. Retraite pour les vieux travailleurs à 55 ans.


  • Pour le problème militaire :
    • 1. le Remplacement de l'armée permanente par une milice nationale avec de courtes périodes d'instruction et dans un but purement défensif
    • 2. nationalisation de toutes les fabriques d'armes et de munitions.
    • 3. politique extérieure nationale tendant à valoriser dans une émulation pacifique des peuples civilisés la Nation italienne dans le monde


  • Pour le problème financier :
    • 1. impôt extraordinaire sur le capital, fort et massif, ayant le caractère d'une vraie EXPROPRIATION PARTIELLE de toutes les richesses.
    • 2. La confiscation de tous les biens des congrégations religieuses et l'abolition de toutes les menses épiscopales qui constituent un énorme passif pour la Nation et un privilège pour peu de privilégiés. Révision de tous les marchés de guerre avec prélèvement de 85% sur les bénéfices[6].

Mais ce programme est dès le départ tenu par Mussolini comme un exercice rhétorique, destiné à n'être utilisé qu'en période électorale : "notre programme, c'est le fait"[7]

L'activité des Faisceaux

À ces débuts, le mouvement fasciste n'est pas un encore un parti : il se déclare même anti-parti, conçu avec le désir d'actions plus qu'un objectif de changement radical des institutions du pays. Les faisceaux réunissent au début nationalistes, se constituant autour des associations d'anciens combattants (les arditi), et syndicalistes révolutionnaires[4]. Des faisceaux se constituent à Naples, à Bologne autour de Dino Grandi, à Florence avec Italo Balbo et Amerigo Dumini (futur assassin de Giacomo Matteotti) [4].

Au printemps 1919, lors de mouvements sociaux « contre la vie chère », Il Popolo d'Italia appelle à s'en prendre aux personnes et pas seulement aux biens[8]. Il appuie alors les grèves, dont celle de la Fiat contre le changement d'heure (forme d'interventionnisme étatique), ainsi que les occupations d'usines de l'été 1920[8]. Mussolini promet de soutenir la FIOM de Bruno Buozzi[8].

Mais au même moment, tout en soutenant dans Il Popolo d'Italia les masses, les fascistes s'attaquent à leurs rivaux. Lors d'une grève générale lancée à Milan par le PSI et la CGL, en avril 1919, ils incendient le siège de l' Avanti!: c'est « la bataille de la via dei mercanti », « première grande date historique du fascisme » (Milza & Berstein) [8].

Malgré cette agitation révolutionnaire, au Congrès de Florence d'octobre 1919, il n'y a encore que 56 faisceaux, groupant 17 000 militants[4]. Le futuriste Marinetti réclame alors l'expulsion du pape et la « dévaticanisation » de l'Italie [4].

En novembre 1919, Mussolini présente une liste fasciste aux élections, à Milan, qui rassemble Marinetti, le chef d'orchestre Toscanini, ainsi que des anticléricaux et des arditi [4]. La liste fasciste n'obtient que 4 795 voix, contre 170 000 pour le PSI et 74 000 pour le Parti populaire (catholique) de Luigi Sturzo[4]. Tandis que les socialistes fêtent leur victoire, des arditi lancent deux bombes sur le cortège, le 17 novembre 1919, faisant neuf blessés[8]. Mussolini est arrêté suite à une perquisition au siège d' Il Popolo, mais libéré au bout de 48 heures sur l'intervention du sénateur Albertini, directeur du Corriere della Sera [8]. En décembre 1919, lors de l'ouverture de la session du Parlement, les fascistes s'affrontent encore dans la rue, à Rome, avec les socialistes[8].

Mais le fascisme demeure un groupe d'agitateurs armés, sans soutien populaire, jusqu'à la fin de l'été 1920[8]. En juillet 1920, il n'y a toujours que 108 faisceaux et 30 000 membres[4] : Mussolini échoue encore à attirer les masses, malgré un discours démagogique[4].

Devant ces échecs, Mussolini pense même à émigrer aux États-Unis [4]. Mais l'agitation nationaliste, autour de l'occupation de Fiume par Gabriele D'Annunzio, lui permet de surenchérir, encourageant les arditi de D'Annunzio à faire la « marche sur Rome », tout en dissuadant, en privé, son rival D'Annunzio de l'initier [4].

Il deviendra le Parti national fasciste le 7 novembre 1921 lors du troisième congrès des faisceaux de combat à Rome dont Michele Bianchi sera le premier secrétaire.

« Il sera créé l'anti-parti, naitront les Faisceaux de combat qui feront front à deux dangers; celui misonéiste de droite et celui destructif de gauche  »

— Il Popolo d'Italia du 9 mars 1919.

Leurs principales actions, surtout de natures violentes, sont destinées à empêcher la propagation des grèves communistes jugées insurrectionnelles et donc contraire à l'ordre souhaité. Les squadristi dévastent de nombreux sièges de journaux, de partis et des maisons populaires; ils interviennent au côté des propriétaires agricoles pendant le biennio rosso pour s'opposer aux désordres organisés par les journaliers agricoles.

Le symbolisme

Les locaux du premier siège à Milan sont mis à disposition par l'association lombarde des industriels; le lieu est caractérisé par les symboles qui deviendront les icônes du fascisme; le poignard, le fanion des arditi, la tête de mort. Le symbole de l'organisation est le fascio romain et comme ceci beaucoup de symboles font références à ceux de la Rome antique.

Les premiers adhérents aux faisceaux sont appelés les sansepolcristi, et ils sont reconnaissables à leur écharpe jaune et rouge des couleurs de Rome alors que les squadristi portent un bracelet rouge au poignet et la chemise noire.

Références

  1. a, b, c, d, e et f Pierre Milza et Serge Berstein, Le fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980, pp.33-34
  2. a, b et c Pierre Milza et Serge Berstein, op.cit., p.66-67
  3. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Pierre Milza et Serge Berstein, Le fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980, pp.86-90
  4. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j et k Milza et Berstein, op.cit., p.96
  5. A. TASCA, Naissance du fascisme, Paris 1938, Collection Tel Gallimard (Rééd.) p 60
  6. A. TASCA, Naissance du fascisme, Paris 1938, Collection Tel Gallimard (Rééd.) p 61)
  7. Tasca, op.cit., p.63.
  8. a, b, c, d, e, f, g et h Milza et Berstein, op.cit., p.97

Bibliographie

En français

  • (fr) Pierre Milza et Serge Berstein, Le fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980
  • (fr) M. Vaussard, De Pétrarque à Mussolini. Évolution du sentiment nationaliste italien Paris, Colin, 1961.
  • (fr) R. Paris, Histoire du fascisme en Italie. Des origines à la prise du pouvoir, Paris, Maspero, 1962, t.1.
  • Angelo Tasca, Naissance du Fascisme, Paris 1938, Gallimard (rééd.)

Autres

  • (it) Renzo De Felice, Mussolini il rivoluzionario, Einaudi, Torino, 1965, cap. 12;
  • (it) Eros Francescangeli, Arditi del popolo, Odradek, Roma, 2000
  • (it) Giorgio Rumi, ‘Mussolini e il “programma” di San Sepolcro’, Il movimento di liberazione in Italia, aprile-giugno 1963, pp. 3-26;
  • (en) Paul O'Brien, Mussolini in the First World War, Berg, Oxford e New York, 2005, cap. 1.
  • (it) Benito Mussolini, Opera Omnia, E. & D. Susmel (a cura di), Vol. XII, La Fenice, Firenze, 1953, pp. 321-323.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Sources


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